THESE présentée par Daniel Schneider

chapitre 4
La modélisation des processus cognitifs


Le but de ce chapitre est de présenter un paradigme du décideur selon les principes de la psychologie de l'information et d'introduire les concepts de la modélisation en IA nécessaires à notre entreprise. Nous commencerons par discuter la notion du processus de décision dans une vision cognitiviste. Ensuite nous introduirons les notions d'heuristique et de système à bases de connaissances. Nous conclurons le chapitre en discutant quelques travaux intéressants en "relations internationales et intelligence artificielle".

Il est possible et utile d'utiliser des techniques IA pour construire des modèles du décideur politique. Les modélisations qui existent déjà, montrent qu'il faut choisir un niveau d'abstraction juste (la profondeur et la "granularité" de modélisation) et qu'il convient d'utiliser des techniques IA adaptées aux types de décisions étudiées et aux buts de recherche.

"Oui, encore une fois, tout est organisation"
(La Mettrie, L'homme machine)
*1

Introduction

Après avoir avoir discuté quelques paradigmes majeurs de la modélisation de l'acteur humain dans le chapitre 2 "Modèles de l'individu et de l'acteur social" [p. 13] et du décideur politique dans chapitre 3 "Modèles du décideur politique" [p. 47], il convient de clarifier les niveaux des modèles du décideur que nous utilisons. Un modèle doit toujours avoir une portée qui va au-delà de son utilité immédiate pour un problème donné. Cette portée peut être améliorée si l'on garde une référence à un modèle théorique d'une portée plus large, même s'il est moins précis. Une telle référence permet d'évaluer les effets des conditions ceteris paribus qui sont utilisées trop souvent sans justification aucune. Ainsi, dans ce texte, nous faisons références à plusieurs couches de modélisation qui vont de l'abstrait vers le concret et du général vers le particulier.

  1. La définition de l'acteur quasi-rationnel

  2. La définition générale du décideur politique

  3. Les modèles de processus de décision

  4. Les simulations par ordinateur de compétences et de processus

Au fur et à mesure que l'on descend dans cette hiérarchie, on gagne en précision, mais on perd en portée. La qualité d'un modèle peut se mesurer dans deux dimensions: celle de l'homomorphie avec un modèle d'une validité théorique large et celle de l'utilité et de la maniabilité pour répondre à une question de recherche concrète. En sciences sociales, l'écart entre le modèle utilisé dans une recherche empirique et le modèle général de l'acteur humain est souvent important. Il est à la fois trop difficile de trouver les données nécessaires à une telle entreprise et il semble presque impossible de trouver un langage de modélisation*2 qui permette la représentation et la maîtrise de la complexité de l'action humaine. Il est important de clairement identifier les éléments théoriques que l'on perd en descendant vers l'empirique. Seulement en adoptant cette stratégie d'ancrage global seront nous en mesure de faire progresser de façon incrémentale ce type de modélisation qui veut réunir à la fois l'image humaniste de l'homme et celle plus formelle de la théorie des systèmes et des modèles en intelligence artificielle.

En intelligence artificielle, nous rencontrons des problèmes qui se manifestent dans d'autres disciplines systémiques, notamment, le problème de la "reproduction" de processus complexes et de leur gestion dans un modèle accessible et manipulable. L'accès aux données (la pensée, la communication ainsi que son support externe) reste incomplet. Les catégories centrales de l'action humaine comme celle de la pensée sont difficilement accessibles par des moyens scientifiques. Nous ne serons donc jamais en mesure, de faire des modèles isomorphes. Toutefois, si l'on postule qu'un acteur réfléchit, il faut construire des modèles qui produisent des processus ayant un sens à ce niveau de description. On visera donc une homomorphie réduite, adaptée à la fois aux exigences de l'économie de la recherche et à la nécessité de modéliser un acteur et non pas un système de paramètres dénué de tout sens. Evidemment, le débat suivant tournera autour de la question de savoir ce qui peut encore compter comme modélisation de la connaissance et des processus de réflexion d'acteurs humains. La frontière entre un modèle qui représente vraiment quelque chose et un modèle qui a une pure valeur prédictive n'est pas facile à identifier. On peut même dire que c'est le "no man's land" entre ces deux extrêmes qui sera notre terrain de recherche. "Modéliser, c'est aussi instrumenter" (LeMoigne 84:22) et c'est avant tout la construction des instruments qui nous intéresse dans ce travail.

Introduction
4-1 - Modèles du décideur et du processus de la décision
4-1.1 - Le décideur: une première synthèse
4-1.2 - Les "étapes" de la décision
4-1.3 - Le décideur dans un environnement complexe
4-2 - Les heuristiques de résolution de problème
4-2.1 - Introduction: Opérateurs mentaux et heuristiques
4-2.2 - Les heuristiques de la gestion d'un environnement complexe
4-3 - Intelligence artificielle et résolution de problèmes
4-3.1 - Le General Problem Solver
4-3.2 - La représentation de connaissances intégrées
4-3.3 - Le raisonnement avec des cas
4-4 - Un modèle d' "information" du décideur
4-5 - La modélisation IA de la décision en science politique
4-5.1 - "Case-based, explanation et model-based reasoning"
4-5.2 - L'interprétation d'événements politiques
4-5.3 - Un modèle de planification: JESSE
4-5.4 - La modélisation de relations constitutives en politique
4-5.5 - La modélisation du décideur individuel et collectif

THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94

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