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chapitre 9 Conclusion

9-1 La modélisation du décideur


Une méthodologie de la modélisation du décideur se dégage (a) d'une conceptualisation générale du décideur, (b) d'un cadre méthodologique général pour modéliser le décideur, (c) de nos études de cas méthodologiques et techniques, (d) et de la littérature sur des modélisations similaires. Nous allons ici brièvement revoir la notion du décideur.

Compte tenu de la richesse du phénomène du décideur et de la variété des types de décisions, on ne peut pas préconiser tel ou tel type précis de modélisation. Notre seul souhait est que le décideur soit modélisé avec un système à bases de connaissances.

La modélisation de la démarche du décideur doit se faire dans un cadre théorique bien articulé. En ce qui concerne le décideur individuel, nous le construisons à partir (a) des théories de l'acteur social, (b) des théories (psychologiques) du traitement de l'information, (c) des théories des processus de décision politique, et (d) des théories de la décision

. Au départ, nous avons postulé que l'acteur politique est volontariste, mais guidé par des normes sociales et bureaucratiques. Il est rationnel, mais de façon limitée. Il pense en utilisant des "logiques" de résolution de problèmes. Il est réflexif si la situation l'exige, mais ses capacités cognitives sont limitées en fonction de ses capacités de traitement de l'information, de ses connaissances (y compris ses croyances) et de ses états affectifs. Un acteur est un système de connaissances. Il interprète des situations et il réfléchit avant d'agir.

Notre proposition pour une nouvelle méthodologie de la modélisation du décideur se dégage (a) de cette conceptualisation générale du décideur, (b) de notre cadre méthodologique général de modélisation du décideur, (c) de nos études de cas méthodologiques et techniques, (d) et de la littérature sur des modélisations similaires. Avant de rentrer dans le vif du sujet de la modélisation, examinons les caractéristiques importantes du décideur selon ces axes de réflexion.

(1) Les théories de l'action sociale nous enseignent que le décideur est un phénomène multi-dimensionnel. Un individu agit selon plusieurs principes qui sont dominants, simplement présents ou absents dans différents types de situation de décision. Nous avons distingué plusieurs grandes orientations: (1) l'action "téléologique" poursuit des buts de façon rationnelle; (2) l'action "sociologique" suit les normes aveuglément, sans réflexion; (3) l'action "normative" suit des normes en les interprétant et en tenant compte des motivations de l'acteur; (4) l'action "bureaucratique" suit des recettes; (5) l'action "dramaturgique" suit les besoins de la "maintenance" de l'acteur; (6) l'action "interactive" possède la capacité de réfléchir sur les principes qui guident l'action, de les communiquer et de les négocier. Notre idéal-type de l'acteur politique est donc au croisement de ces idéal-types, mais il ne s'agit ni d'une intersection ni d'une union. Il va de de soi que ces catégories sont trop "pures" pour complètement dominer dans une situation. Dans la plupart des situations, l'acteur politique est quasi-rationnel, se sert d'automatismes institutionnels quand rien ne s'y oppose. Il est réflexif (réfléchit sur les moyens intellectuels mis en oeuvre) si la situation l'exige.

(2) Les théories psychologiques du traitement de l'information nous fournissent surtout des théories de résolution de problème (y compris leur perception) et des théories sur la capacité de la mémoire et les limites de la cognition. Selon eux, l'acteur humain et surtout le décideur politique est une sorte de "naive problem solver". Il fonctionne grâce à son savoir et son savoir-faire. En conjonction avec les travaux en intelligence artificielle, cette discipline nous a fourni un langage pour parler des processus subjectifs ayant lieu tout au long de la démarche du décideur.

(3) Notre but n'était pas de faire une revue exhaustive de la littérature sur les théories des processus de décision politique. Nous l'avons parcourrue avec deux objectifs principaux. Premièrement, nous voulions corroborer notre a-priori sur le fait que les théories générales de l'action sociale et de la cognition peuvent être appliquées de façon intéressante au domaine politique. Un grand nombre de travaux en sciences administratives, en politique publique et en relations internationales nous ont conforté dans ce sens. Deuxièment, il s'agissait de dégager les spécificités de la décision politique par rapport aux problèmes qui servent habituellement de cadre de référence aux travaux en psychologie, en anthropologie, en économie et en sociologie. Les plus grandes différences viennent de l'énorme quantité d'information que doit potentiellement gérer le décideur politique, du peu de précision qu'il possède sur le fonctionnement de son environnement et finalement de la longeur des processus de décision. Ces trois caractéristiques nécessitent d'adapter la méthodologie de modélisation du traitement de l'information utilisée dans les sciences cognitives dans un sens plus analytique.

(4) Les théories de la décision "pures" nous fournissent une analyse des propriétés formelles de certains types de décision et des recettes normatives pour prendre des décisions de façon rationnelle. Les théories de la décision quasi-rationnelle font une contribution similaire, mais davantage basée sur des travaux empiriques (expériences cliniques, analyses de protocoles de décision, observations de séances de décision, etc.).

Toute recherche couvrant la modélisation du décideur dans une perspective Weberienne sera nécessairement interdisciplinaire*1. Dans les intersections du graphe des ensembles dans la figure 9-1 nous avons inséré quelques-unes de ces disciplines, à titre d'exemple. Nous n'allons pas rentrer dans les détails ici, car cela été fait tout au long de ce travail. La seule remarque que nous désirons faire ici est que la plupart des modèles qui ont contribué à notre réflexion sont le fruit d'une coopération interdisciplinaire. Voici les plus importants:

En partie à cause des critiques adressées au cognitivisme, mais surtout à cause de la difficulté d'accès aux données, notre type idéal de modélisation n'est pas psychologique, mais il s'insère plutôt dans une tradition anthropologique de la cognition sociale pour qui les constructions symboliques sont le niveau juste de description pour analyser les actes de communication. Les règles qui attribuent du savoir-faire à un décideur ne sont pas des règles psychologiques, mais des règles analytiques décrivant comment, selon toute l'information que l'on possède, l'acteur effectue sa démarche. Il ne s'agit pas d'un nouveau behaviorisme, car nous postulant que l'acteur peut s'identifier à ses règles. Idéalement, nos modèles forment un terrain d'entente entre acteurs, co-acteurs et chercheurs, ils sont "socially grounded".

Les modélisations du décideur du futur seront, espérons-le, multi-facettes et elles inclueront simultanément les éléments suivants:

  1. La perception d'une situation en fonction des croyances et d'autres connaissances

  2. Les activités de résolution de problème y compris des problèmes de choix (cf. le chapitre 5 "La modélisation d'une décision administrative par le génie cognitif" [p. 165])

  3. L'interaction entre décideurs (cf . la section 6-3 "La modélisation d'objets et d'acteurs" [p. 243])

  4. La modélisation de l'environnement (cf. la section 6-2 "La modélisation de l'environnement" [p. 227])

Ce type de travail peut également avoir des résultats pratiques intéressants. Les modélisations à base de sens (all. "Sinn") sont proches de la réalité empirique et ont donc une bonne chance d'être acceptées par un apprenant (cf. section 8-2 "La formation des décideurs" [p. 322]) ou le décideur (cf. section 8-3 "Systèmes d'aide à la décision" [p. 336]).


THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94

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