
Section 2: Approche disciplinaire: mise en perspective des démarches
La Sociologie et l'économie de l'Education
Dans les années 60 et 70, l'apport principal de la sociologie de l'éducation tournait autour du rapport entre école et classes sociales. Depuis les vingt dernières années, son champ d'investigation s'est considérablement étendu: l'école et la salle de classe sont devenues des lieux d'investigation sociologique à part entière (Hutmacher, 1989). Le regroupement des élèves et leur encadrement, autrefois domaines réservés des pédagogues et des psychologues, sont devenus des objets d'études légitimes pour la sociologie de l'éducation. De plus, on voit aujourd'hui se développer une sociologie de la norme et de la déviance scolaire, une sociologie des établissements et des systèmes de formation analysés comme des organisations formelles. Ce mouvement de la sociologie en direction des systèmes de formation s'est accompagné d'un affinement de l'analyse des rapports entre ces systèmes et leur environnement. La sociologie de l'éducation s'intéresse ainsi aux rapports entre la formation initiale, la formation continue et le travail; aux liens entre famille et école et, enfin, aux rapports entre médias et écoles. C'est à ce titre que la sociologie de l'éducation a inclu dans son programme une analyse des effets des grandes transformations économiques sur les systèmes de formation (Felder, 1989).
* Felder D. (1989) - L'informythique, ou l'invention des idées reçues sur l'ordinateur à l'école. Cahiers du Service de la Recherche Sociologique, n䓝.
* Hutmacher, W. (1989) - Introduction au rapport d'activité du service de la recherche sociologique. Genève: Département de l'Instruction Publique.
La sociologie de l'éducation
Dans une perspective plus appliquée, les NTI ont donné naissance à plusieurs courants de recherche qui relèvent de la conception anglosaxonne des "technologies assessments". Les publications de la revue " Technologies de l'Information et Société " constituent de bons exemples de ces problématiques qui, par ailleurs, débordent largement le champ de l'éducation. On distinguera:
- · L'étude de l'appropriation des technologies par les usagers, la constitution de "niches écologiques" et la négociation des usages (Mallien et Toussaint, 1994, Perriault, 1989). Historiquement l'on sait que les objects techniques sont souvent détournés de leur usage intial, c'est-à-dire de l'usage défini par leurs inventeurs. Le téléphone par exemple était initialement destiné à assurer en direct la retransmission sonore d'événements culturels: concerts, opéras, etc. On rappellera le cas du Minitel qui constitue un exemple de détournement extraordinaire : de nombreuses études ont permis de saisir, quasiment en temps réel, la naissance et le développement d'usages sociaux suscités par l'introduction gratuite de cet objet dans les foyers français. A Velizy, par exemple, la maîtrise et l'appropriation du terminal ont fait l'objet d'une concurrence importante entre les membres des familles. Les pères et les fils ont été particulièrement sensibles au surinvestissement symbolique dont a été victime l'objet technique. Les auteurs (Marchand et Ancelin, 1984) ont avancé notamment l'hypothèse suivante: les pères de famille aurait tenté de reconstruire l'autorité paternelle à partir de la puissance magique assignée à l'objet technique par les discours promotionnels.
* Mallien, P. et Toussaint, Y. (1994) - L'intégration sociale des technologies d'information et de communication: une sociologie des usages. Technologies de l'information et société, Vol. 6, N° 4, 315-335.
* Marchand M., Ancelin C. (1984) - Télématique. Promenade dans les usages. Paris, La Documentation Française.
* Perriault J (1989) - La logique des usages. Paris, Flammarion.
- · Les cycles d'appropriation des innovations étudiées en milieu scolaire (Huberman, 1992) qui corroborent les résultats d'études identiques dans des milieux socio-professionnels différents (notamment Rogers, 1988 ou Carroll, 1989). Le premier de ces auteurs insiste sur la dynamique d'adoption de l'innovation: les usagers se répartissent selon des groupes différents et à des moments différents du processus. On distinguerait ainsi les innovateurs (2,5 %), les adaptateurs précoces (13,5 %), une majorité précoce (34 %), une majorité tardive (34 %) et enfin les retardataires (16 %). Le second propose le concept de "task-artifact cycle", proche de celui de niche écologique évoqué ci-dessus, pour expliquer comment le comportement de l'usager change pour adopter l'outil et comment ce dernier, en retour, change le comportement de l'usager. Enfin, les études comme celles de Punie et al. (1994) qui interrogent le concept même d'innovation pourraient être rattachées à ce domaine: l'innovation doit présenter pour l'usager un avantage relatif -tant économique que pratique sur les concepts et sur les situations existantes.
* Huberman M. (1992) - L'appropriation de l'informatique en classe. In Vieke, A. (Ed.), Intégration de l'informatique en classe. Genève, Service informatique de l'enseignement primaire.
* Punie Y., Veller A., Verhoest P., Burgelman J.C. (1994) - La diffusion des innovations télématiques selon le point de vue des utilisateurs: les cas des petits utilisateurs professionnels, Technologies de l'information et société, 6(3), 220-248.
* Rogers E.M. (1988), - Diffusion of innovations, New York, Free Press.
- · Les modifications des rapports sociaux et des rapports de travail dans les milieux d'entreprise suite au développement du télétravail (notamment Kouloumdjian, 1994). Il s'agit là d'un paradigme de recherche assez nouveau dans la mesure où le télétravail commence à peine à se développer. Le colloque de L'Association de Psychologie du Travail en Langue Française en a fait un thème important lors de son colloque de septembre 1994, organisé à Neuchâtel. Les première études d'expériences en milieu professionnel semblent contredire le discours dominant qui présente le télétravail par ses avantages canoniques: horaire flexible, possiblités pour les femmes de travail au foyer, etc. En réalité, le télétravail semble augmenter le contrôle des conditions de travail tout en coupant les travailleurs de leur vie sociale et donc des instances de négociation et/ou de décision auxquelles elles auraient normalement accès sur le lieu du travail.
- L'utilisation de la communication médiatisée par ordinateur au sein des entreprises fait l'objet de nombreuses réticences du même ordre aujourd'hui. L'on a cru longtemps qu'elle serait un facteur de démocratie au sein des organisations en favorisant les communications horizontales et en assurant à chacun un accès égal à la communication. Certaines études récentes, comme celle de Monatavani (1994), semblent montrer qu'il n'en est pas toujours ainsi. Les rapports sociaux au sein du groupe prévalent et parfois même se trouvent renforcés.
* Kouloumdjian, M.F. (1994) - Mediasystème et interaction sociale: problèmes de société, question d'épistomologie. Communication au Congrès de l'APTLF "Technologies de la communication épistémologie interaction sociale médiatisée" (sept. 1994) ( à paraître).
* Montavani G. (1994) - "Is Computer-Mediated Communication Intrinsically Apt to Enhance Democracy in Organisations ?" In Human relations, 47(1), 1994.
- A ce thème sont liées les recherches qui tentent d'articuler technologie et politique, developpement technologique et développement social (Williams & Pavlick, 1994). Le concept de " techno-nature " proposé par Roquelpo (1994) rend compte de l'" artificialisation " de plus en plus complexe de notre environnement, donc de toute vie sociale. Or, une grande part de l'activité de notre société est consacrée au fonctionnement et à l'entretien de cette techno-nature qui devient donc un problème politique fondamental.
* Roquelpo P. (1983) - Le savoir décalé. In L. Sfez & G. Coutlée, Technologies et symboliques de la communication. Grenoble: PUG.
* Williams F. and Pavlick J.V. (1994) - The People's Right to Know: Media, Democracy, and the Information Highway. Hillsdale, New Jersey: Lawrence Erblaum Associates.
- · Enfin, Moles (1981) a développé une évaluation des NTI qui repose sur une conception de leurs différents coûts. L'originalité de cette approche réside dans la conception et la définition même des " coûts ": l'auteur envisage par exemple le coût symbolique, le coût d'apprentissage, le coût de renoncement, le coût économique, les coûts de transmission, la sécurité et la fiabilité de transmission, etc. On peut regretter que l'auteur ou des chercheurs n'aient jamais tenté de mettre ce modèle à l'épreuve d'analyses concrètes.
* Moles A. (1981) - L'image communication fonctionnelle. Tournai: Casterman.
L'économie de l'éducation
L'économie de l'éducation est une discipline jeune. C'est pendant les années soixante que la théorie du capital humain voit le jour et qu'elle aborde l'étude scientifique de la relation entre les dépenses en éducation et les gains qui en découlent. En Suisse, l'enthousiasme des années soixante n'a pas duré et l'économie de l'éducation est aujourd'hui une discipline relativement négligée par les économistes. Grin (1994) explique l'absence de publication par la relative jeunesse de ce champ de recherche et par les problèmes que pose l'approche interdisciplinaire qu'il implique.
L'enseignement " de " l'informatique et " avec " l'informatique est un cas particulier parce qu'il nécessite un équipement coûteux évoluant très rapidement. Hanhart (1983) considère le cas de l'informatique à l'école selon plusieurs angles: l'analyse des dépenses, la mesure des coûts, l'évaluation de l'efficacité et la question du financement. Les dépenses peuvent être classées selon le moment où elles ont lieu, selon leur nature et leur objet. Il s'avère que la mesure des coûts pose un problème: le coût varie en fonction du nombre d'utilisateurs et en fonction de la durée d'utilisation d'une station de travail. Il semble que l'unité de mesure adéquate soit le coût de l'heure-élève. L'analyse de l'efficacité, contrairement à l'analyse de l'efficience qui cherche à déterminer les coûts occasionnés par un projet, est une mesure de la réalisation d'un objectif. Le rapport coût-efficacité pourra dès lors être utilisé pour choisir entre deux alternatives technologiques.
* Hanhart S. (1983) - L'apport des économistes aux sciences de l'éducation. Education et Recherche, 5, pp. 37-46.
* Grin, F. (1994) - L'économie de l'éducation et l'évaluation des systèmes de formation. Bern Universität: PNR 33.
- La sociologie de l'éducation
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- L'économie de l'éducation
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La recherche en Suisse sur les NTI appliquees a la formation - 14 DEC 1995

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