chapitre 1 Introduction
Les décideurs humains sont des êtres ayant des intentions et des rationalités: ils perçoivent, traitent et produisent activement de l'information. Nous postulons que les théories de la décision et les modélisations du décideur devraient avoir un intérêt fondamental à respecter cette "donnée ontologique".
Le plus grand déficit auquel nous devons faire face aujourd'hui se trouve au niveau des modèles. Ce n'est qu'avec des modèles que nous arriverons à réduire l'écart énorme qui existe entre les prétentions des théories et la réalité de l'observation empirique. Le mécanisme de base de la compréhension de phénomènes complexes (en sciences et dans la vie quotidienne) fait usage de modèles. Nons pensons que les modèles les plus intéressants sont ceux qui sont en relation homomorphique avec les phénomènes qu'ils modélisent.
A partir de ces affirmations, nous dérivons les buts de notre "programme" qui se veut exploratoire et prospectif au niveau des méthodes et critique par rapport aux pratiques dominantes en science politique:
Le projet
Ce texte est un projet pour la modélisation de la démarche du décideur politique dans la perspective de l'intelligence artificielle.
Guide de lecture
Nous clarifions d'abord le concept d'acteur humain et social, dont le décideur politique constitue un cas particulier. "Notre" décideur sera défini comme "intentionnellement rationnel" (Angl. "intentely rational") et "quasi-rationnel" ou "rationnel à limites" (Angl. "bounded rational"). Ces réflexions théoriques à l'appui, nous procédons à une évaluation critique des approches du décideur en science politique. Partant de cette discussion et à l'aide de la méthodologie des sciences cognitives nous pouvons, par la suite, présenter un modèle du fonctionnement du décideur qui servira de cadre théorique et méthodologique pour les modélisations du décideur politique.
En nous appuyant sur un cadre théorique cognitiviste, nous pouvons procéder à quelques explorations méthodologiques qui démontrent à la fois (a) l'intérêt de la démarche de l'intelligence artificielle et des modélisations cognitivistes et (b) la faisabilité technique de ce genre d'entreprise.
L'utilité pratique d'une méthodologie se manifeste clairement par le gain de connaissances qu'elle permet d'obtenir dans les recherches empiriques, mais sa validité et ses limites épistémologiques doivent être cadrées par une réflexion épistémologique et méthodologique générale.
Notre proposition pour une nouvelle méthodologie de la modélisation du décideur se fonde sur (a) notre image de l'homme, (b) notre cadre général du décideur, (c) notre cadre méthodologique général de modélisation du décideur, (d) nos études de cas méthodologiques et techniques, et (e) la littérature sur des modélisations similaires.
Dans ce texte, nous nous faisons l'avocat de la modélisation inspirée par les travaux en "intelligence artificielle". Le but que nous visons n'est pas de fournir des études empiriques sur des décideurs politiques déterminés, mais d'ouvrir une voie pour la création d'outils opérationnels valables pour la recherche empirique et méthodologique. En effet, les grandes lacunes en science politique (et en sciences sociales) se situent moins aux niveaux théorique et/ou empirique qu'au niveau méthodologique. De nouvelles méthodes permettront de faire le pont entre les exigences des théories modernes et le monde empirique sans être contraint de choisir entre le réductionnisme excessif et la description monographique. Nous avons l'ambition de fournir à la communauté scientifique deux résultats:
Ce travail porte sur la modélisation du décideur individuel mais, nous pensons que l'analyse du décideur collectif peut s'effectuer selon une approche similaire*1. Lorsqu'on analyse le décideur collectif comme un décideur singulier, on opère une réduction de la réalité. Toutefois, même dans ce cas de figure, nous sommes convaincus de la nécessité d'une approche intentionnelle et quasi-rationaliste. Après tout, un collectif d'acteurs fonctionne selon des principes de base similaires à ceux de l'acteur individuel. Il perçoit et traite de l'information. Nous y revenons brièvement plus tard.
Si on choisit d'analyser la décision collective en tant que résultat de l'interaction entre décideurs individuels, les problèmes de modélisation seront plus difficiles. Il s'agit toujours d'acteurs intentionnels et quasi-rationnels, mais la modélisation des processus de communication, de coopération et de conflit entre acteurs individuels - notamment la question de coalitions - nécessite un travail supplémentaire que nous n'avons pas pu fournir ici*2.
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