1.
Internet : un outils de communication
On
peut préciser que l’un des objectifs de l’Education National est de
« mettre à la disposition
de tous les élèves et de tous les
enseignants les nouveaux outils et services offerts par les réseaux de
communication et en particulier Internet,…, favoriser le travail coopératif,
la communication entre les classes, l'accès aux ressources multimédias réparties
sur les grands réseaux de communication » (« Réseaux et Multimédias
dans l’Education » Alain Gérard). On peut ainsi se demander si les élèves
des écoles rencontrées ont une réelle expérience avec les outils de
communication ?
Certaines
écoles, c’est le cas pour l’école Buloz de Saint Julien en Genevois
expliquent clairement que l’usage de l’outil informatique comme outil de
communication n’est pas une priorité. Voici ce qu’affirme la directrice :
« Les enfants n’utilisent pas du tout ces outils. Je préfère que les enfants apprennent à chercher des documents dans
les livres, dictionnaires ou encyclopédies, il faut qu’ils sachent se servir
de ces outils là avant de savoir se servir de l’informatique. Après la mise
en réseau, notre projet est déjà d’utiliser Internet pour faire de la
documentation et non la communication. IL y a pas mal de chose que les enfants
doivent maîtriser avant Internet ».
Les
opinions diffèrent et dépendent vraiment des motivations de chacun, en effet
si on reprend l’expérience de l’école maternelle d’Anthy sur Léman, le
discours est complètement différent, d’autant plus qu’on a affaire ici à
des enfants beaucoup plus jeunes, Elisabeth Pouyou exploite Internet pour
effectuer de nombreux échanges avec sa classe, elle explique que « le
courrier électronique remplace la correspondance scolaire mais avec un champ
beaucoup plus large. Les enfants communiquent avec plusieurs personnes ou
groupes de personnes. Il n'y a plus une relation unique avec une seule classe
d'enfants du même âge mais une "pluri correspondance" ».
On est donc face à deux comportements sociaux différents : le premier
représenté par la directrice de l’école Buloz traduit une réticence face
à l’outil communication, le second l’intègre volontiers au sein de sa
classe comme le principal outil d’échange. On parle de comportements sociaux
car les autre paramètres comme l’âge des enfants ou l’équipement en matériels
ne sont pas vérifiés dans cet exemple précis.
En sociologie de l’innovation, il
y a le terme de « transfert
de l’innovation », dans la revue « Recherche et Formation »
(chapitre « Réseau et Innovation : une perspective dynamique du
processus de la diffusion des innovations dans les établissements scolaires,
p.11), les auteurs (Jean Fleury, Gérard Guingand et Robert Lhomme) affirment
que « ce n’est pas la qualité de l’innovation qui en fait le succès
ou l’échec, mais la qualité des systèmes de relation qui constituent ainsi
le fondement même du transfert des pratiques innovantes ».
Dans
le cas d’Elisabeth Pouyou, le projet « d’informatisation » de
sa classe maternelle a été construit autour d’ une
large toile de relations avec divers partenaires (des enseignants, les
responsables du réseau, des spécialistes en informatique dont Multimania, les
parents, …). De plus elle a développé un processus d’appropriation
de l’outil de communication en l’introduisant au sein de sa classe et non
pas dans une salle extérieur. Ces deux raisons ont facilité le transfert de
l’innovation que sont les TIC.
Par
contre « l’une des difficultés du transfert des innovations dans les établissements
scolaires provient souvent du fait que de telles instances de fonctionnement
interne reposent sur des initiatives purement locales. Le travail autour du
projet commun n’entre pas de manière nette dans la missions des enseignants
et révèle essentiellement de l’engagement personnel et du militantisme »
(p.21, « Réseau et innovation »). C’est le cas évoqué avec la
directrice de l’école Buloz, elle a pris une position personnelle en ce qui
concerne l’usage d’Internet en tant qu’outils de communication, à savoir
ne pas l’utiliser dans les futurs échanges mais rester sur le mode
correspondance scolaire écrite. Elle
nous explique les raisons évoquées à ce choix : « Les
enfants doivent apprendre à maîtriser cet outils mais enfin il ne faudrait pas
aller trop vite, on commence à apprendre ce qu’est un ordinateur et un
traitement de texte, un peu d’Internet comme outils de documentation mais ce
n’est pas une priorité, je pense qu’il y a le collège et le lycée pour
exploiter suffisamment Internet, …, Il
y a certaines réalités qui ne sont pas prises en compte, un gamin qui ne sait
pas aligner trois mots pour faire une phrase, communiquer avec un autre d’une
autre école, qu’est ce qu’il va lui dire ? »
Ces
raisons ne sont pas vérifiées dans le cas de l’école maternelle d’Anthy
sur Léman puisqu’il s’agit d’une classe où les enfants en principe ne
savent pas encore bien lire et écrire, néanmoins ils ont appris à « reconnaître
très bien les
lettres du clavier et leurs différentes écritures (en changeant de Polices d'écriture),
ils savent comment est construite une phrase avec une Majuscule, des mots séparés
par un espace, une ponctuation et un point pour la terminer. Ils inventent des
histoires afin de les envoyer soit dans les courriers électroniques soit de les
publier dans notre site ».
Dans
le numéro 35 de la revue « Pratiques de formation : Analyses »,
Hélène Papadoudi explique qu’il ne fait plus de doute que l’acquisition
des connaissances et de la formation sont de plus en plus envisagées comme des
activités impliquant des processus non seulement informationnels et
comportementaux, mais aussi existentiels. L’ordinateur et plus généralement
la médiation technique placent d’une nouvelle manière l’enseignant et
l’apprenant au milieu d’enjeux symboliques et de sens (p.14 « de l’alliance entre éducation et informatique »).
L’engagement personnel est un facteur nécessaire à l’apprentissage,
cela suppose aussi l’acceptation d’une autre forme d’acquisition des
connaissances qui ne passe plus seulement par l’enseignant, mais aussi par
Internet (documentation, sites d’écoles, sites éducatifs, …), « le
maître perd sa place d’unique détenteur des connaissances » (Luc
Bronner, « Le Monde de L’(Education » p.24, n°287, déc.2000).
Ainsi l’apprentissage n’est plus une affaire individuelle mais aussi
sociale. L’exemple de la classe de l’Ecole maternelle d’Anthy
sur Léman (comparé à l’école Buloz) est un bon exemple de la nécessité
du changement des comportements sociaux face aux technologies de l’information
et de la communication.
Nous avons observé qu’ un bon usage de l’informatique en tant
qu’outil de communication est facilité lorsque les ordinateurs font partie
intégrante de la salle de classe. Les TIC supposent donc une réorganisation
au sein de la classe, une autre façon de travailler, c’est le point
que nous allons aborder dans le prochain paragraphe.
La
plupart des classes sont composées en moyenne entre vingt et vingt cinq élèves
or très rares sont les écoles qui disposent d’une salle informatique avec
autant d’ordinateurs. Pour pouvoir travailler dans des conditions
confortables, il est nécessaire de constituer des groupes de travail. Comme
l’explique Serge Pouts-Lajus et Marielle Riché-Magnier ( « L’école
à l’heure d’Internet : les enjeux du multimédia dans l’éducation »
p.63), « les TIC remettent en cause l’organisation de la classe, des
disciplines, des rapports entre enseignants et élèves », nous
rajouterons à cela la création de nouveaux postes au sein des écoles avec la
venue des aides éducateurs.
En
effet, pour pouvoir travailler en groupe l’enseignant a besoin d’une autre
personne, c’est le rôle de l’aide éducateur. La plupart des écoles ont crée
ces postes en grande partie pour pouvoir mieux travailler avec les nouvelles
technologies. Florence Baudoin (école du Puy Saint Martin) affirme qu’ il
y a un emploi jeune délégué spécialement pour prendre les enfants en demi
groupe pour faire des travaux sur ordinateurs. De même Sébastien Gibert (école
de Gaillard Châtelet) précise que la
classe est séparé en deux , l’aide éducatrice joue un rôle important,
c’est elle qui les prend dans la salle informatique. La même organisation est
valable au sein des autres écoles, à l’exception cependant de l’école
maternelle d’Anthy sur Léman où l’enseignante s’est organisée de la manière
suivante (sans aide éducateur) : « La
mise en place des quatre ordinateurs a entraîné une réorganisation totale
tant matérielle que pédagogique de la classe. J'ai organisé la classe en
quatre ateliers, matérialisés par quatre espaces délimités par des étagères
et petits mobiliers : un espace ordinateur, un espace graphisme et écriture, un
espace logique et lecture et un espace langage et bibliothèque. Le
groupe-classe est également séparé en quatre groupes constitués de 6 enfants ».
Apparemment
le type de travail selon que les ordinateurs soient au sein de la classe ou
qu’ils soient dans une salle séparé (qui suppose la présence d’une aide éducatrice)
diffère. De quelles types d’activités s’agit-il ?
Lorsque
les élèves se retrouvent en salle informatique avec l’aide éducatrice,
c’est pour effectuer des exercices sur traitement de texte, utiliser
des logiciels de remédiation ou faire de la recherche documentaire via Internet.
« on
utilise l’outil informatique tout simplement pour des logiciels de lecture et
mathématique pour changer des opérations sur papier car il y a tout ce coté
ludique qui leur plait, …, ici on a une éducatrice, on profite de sa présence,
par exemple ce matin en fin de matinée, un groupe de CE2 est allé dans la
salle informatique avec elle et après lui avoir expliqué ce que je voulais
qu’elle fasse, elle a utilisé tel logiciel pour faire de la conjugaison.
Cette année je ne vais pas en salle informatique avec les enfants mais
j’explique à l’éducatrice ce qu’elle doit leur faire faire. La plupart
des activités concernant les logiciels et un peu de traitement de texte »
explique la directrice d’Allonzier la Caille , son collègue qui a la classe supérieur
travaille pratiquement de la même façon, avec cette différence cependant
qu’il possède deux ordinateurs dans sa classe mais les activités restent les
mêmes qu’en salle informatique puisque cette école a délibérément fait le
choix de ne pas utiliser l’informatique comme outil de communication.
« On a une éducatrice qui prend les élèves en informatique deux heures
par semaine. Au début de l’année on a travaillé sur des logiciels qui
existent déjà de type travail scolaire et maintenant on est en train de
travailler sur des logiciels de manipulation de traitement de texte »,
affirme-t-il.
Les enseignants qui ont fait le choix de mettre en place des activités d’échange et de correspondance, principalement par l’apprentissage de l’outil qu’est le courrier électronique, sont conscients d’une part de la nécessité d’avoir des postes connectés au sein de la classe et d’autre part de la mise en œuvre d’une nouvelle pédagogie axé sur l’autonomie de l’apprenant, une pédagogie active, avec une différence majeure comme l’explique Luc Bronner : les nouvelles technologies font leur entrée à l’école, soutenues par les parents et une très forte demande sociale, contrairement à l’ancienne pédagogie active, restée le fait de quelques militants ( « Le Monde de L’Education » p.25, n°287, déc.2000). Et plus précisément , on citera les auteurs de l’ouvrage « Le Guide de l’Internet à l’Ecole »(édition Nathan, 1999, Jean Luc Ballarin et Paul Benazet) qui observent que « le courrier électronique pourrait ne constituer qu’une forme moderne, rapide et économique de correspondance selon les principes établis par Celestin Freinet ».
Prenons l’exemple de l’école de Franclens, le directeur affirme que « Pour avoir un travail efficace, il faut des ordinateurs en postes individuels dans la classe et des ordinateurs en réseau dans la salle informatique, …, ça demande également une organisation spéciale, dans la classe les enfants ont un travail en autonomie avec des plans de travail, des objectifs individuels donc ils peuvent gérer leur temps de travail c'est-à-dire qu'ils ne seront pas tous sur l'ordinateur au même moment. ils y vont en fonction de leur besoin, ce sont des contraintes qui demandent de l'organisation, c'est ce qui peut faire peur dans les classes traditionnelles où ce fonctionnement n'est pas évident ». Justement , les enseignants restent souvent réticents au changement et c’est ce que déplore Florence Baudoin (école du Puy Saint Martin) dont les collègues ont opté unanimement à regrouper tous les ordinateurs dans une salle et à délégué cette partie du cours à l’aide éducateur, elle nous explique en effet que « Au départ toute les classes possédaient un ordinateur puis après regroupement des ordinateurs dans une salle car la plupart des enseignants avaient fait le choix de travailler l’informatique par demi groupe et avec l’emploi jeune. J’aimerais personnellement avoir 3 ou 4 postes au fond de ma classe pour pouvoir aller sur Internet, faire relever le courrier, faire du traitement de texte par les élèves tout au long de la journée, …, Les logiciels et le traitement de texte sont les aspects qui fonctionnent le mieux grâce à l’emploi jeune. Maintenant ce que j’aimerais bien c’est avoir des ordinateurs dans ma classe pour justement pouvoir développer surtout l’aspect communication pour pouvoir écrire et recevoir des messages de manière plus fluide ».
Il est vrai que la coopération entre les membres de l’équipe
pédagogique est très importante pour une bonne intégration des technologies
de l’information et de la communication, Luc Bronner en citant Guy Pouzard
souligne qu’ « il faut s’attendre à une évolution majeure. Ce
n’est plus la classe qui sera dominante comme lieu d’enseignement. C’est
l’établissement scolaire » (« Le Monde de L’(Education » p.25, n°287, déc.2000).
Sébastien Gibert (école de Gaillard Châtelet) précise lui aussi
que « l’utilisation
de ces outils par les enfants dépend de la motivation de l’équipe pédagogique ».
Ainsi certains enseignants par conviction tentent de faire de l’informatique un outil de communication qu’il est primordial d’enseigner, c’est le cas de Florence Baudoin (école du Puy Saint Martin ), d’Elisabeth Pouyou (école d’Anthy sur Léman), de Sébastien Gibert (école de Gaillard Châtelet) et de Michel Marinoff (école de Franclens ), ce dernier affirme à propos d’Internet : « pour moi c'est plus un outil de communication, aller sur Internet ce n'est pas seulement prendre mais aussi donner. Le coté messagerie est important, on participe à une activité nommé défi Internet mis en place par l'académie de Grenoble, …, , je pense que c'est aussi important que les maths et le français, il faut faire l'effort à intégrer cet outil , un peu comme l'euro. Ils doivent apprendre assez vite à s'en servir et à bien s'en servir car c'est vrai s'ils ne sont pas guidés et bien Internet c'est l'aiguille dans la botte de foin, il faut quand même avoir deux /trois bases, même si après ils n’utilisent pas les mêmes outils mais les bases resteront, le tout est de comprendre comment s'en servir, à quoi ça sert ».
D’autres enseignants représentés par l’école Buloz de Saint Julien en Genevois et l’école d’Allonzier la Caille ont volontairement choisi de ne pas enseigner l’informatique comme outil de communication parce leur mode d’enseignement qui reste traditionnel s’en trouverait modifié. Ceci malgré au fond une prise de conscience que dans l’avenir l’un de leur objectif sera d’intégrer réellement cet outil, d’ailleurs leur présence sur le réseau des écoles n’est pas fortuite.
Notre
seconde hypothèse se trouve confirmé vu l’observation et l’analyse de
toutes ces expériences, nous pouvons donc affirmer que les
écoles intègrent de plus en plus Internet en tant que nouveau moyen de
communication au sein des classes, cette intégration ne se fait pas sans problème
car le rôle et la place même de cet outil est d’un point de vue pédagogique
difficilement définissable. Elle
est difficilement définissable parce que comme nous l’avons souligné dans
les paragraphes précédents on assiste :
Ø
à un changement du rôle de l’enseignant, il n’est plus la référence
au savoir ou le seul à posséder la connaissance
Ø
à une collaboration plus
forte du travail en équipe
Ø
à une réorganisation de la classe : l’ordinateur fait partie
intégrante de la classe et le travail de groupe s’impose
Ø
à l’interdisciplinarité, l’enseignement de toutes les disciplines
peuvent s’appuyer sur les technologies de l’information et de la
communication.
Ces
différents points ont été soulevés aussi par Serge Pouts-Lajus et Marielle
Riché-Magnier ( « L’école à l’heure d’Internet : les enjeux
du multimédia dans l’éducation » p.9), ces derniers précisent que
d’un point de vue pédagogique les technologies de l’information et de la
communication posent des questions
théoriques sur le modèle d’apprentissage, des questions d’ingénierie
éducative,
des questions sur la place des disciplines et des questions sur la fonction
enseignante.
Même
si ces questionnements n’ont pas encore totalement trouver réponse, le développement
des réseaux d’écoles et par là d’intégration des TIC dans les écoles
continuent à se faire.
Intéressons nous plus précisément à la fonctionnalité de ce réseau .