UP : 2. La présentation des informations visuelles
PREVIOUS : 2.4 Structure des écrans
NEXT : 2.6 Charge de travail mental
TOP : Table des matiéres

2.5 Activité de l'utilisateur

Parmi les défauts fréquents dans la conception de logiciels, en particulier des logiciels éducatifs, on trouve l'illusion qu'une information présentée à l'écran sera intégrée par l'utilisateur. Or, lorsqu'une information est présentée, au moins quatre étapes restent à franchir avant d'aboutir à son intégration.

1) Le sujet peut ne pas avoir le temps de percevoir l'information. Cet accident arrive fréquemment dans les logiciels qui offrent à l'utilisateur un temps limité pour lire une information. Même si ce temps est prévu avec une grande marge de sécurité, il n'est pas impossible que le sujet soit à ce moment précis distrait par un événement externe, désire penser au problème ou vérifier une information. Le logiciel n'est qu'un des éléments de l'environnement de l'utilisateur. La seule façon de s'assurer que le sujet ait le temps de lire l'information est de lui demander de signaler qu'il a fini de lire (bouton).

2) Si le sujet presse le bouton 'continue', cela n'implique pas nécessairement qu'il ait lu l'information. Nous pressons régulièrement ce bouton sans lire le contenu de l'écran, par exemple lorsqu'un logiciel nous force à passer à travers un série d'écrans que nous connaissons déjà. Certains novices font la même chose par inadvertance, par exemple, ils ont poussent deux fois 'continue' parce que le système n'a pas répondu assez rapidement au premier signal. La seule façon de s'assurer que le sujet ait lu l'information (texte, graphique, image,...) est de le soumettre à une activité telle qu'il ne puisse répondre qu'au moyen de l'information présentée.

3) Admettons que le sujet lise l'information, cela n'implique pas qu'il l'ait comprise. Il peut la comprendre superficiellement, c'est-à-dire en comprendre chaque mot, sans en comprendre la pertinence par rapport à la tâche. La seule façon de s'assurer que le sujet comprenne l'information, c'est de lui proposer une activité qu'il ne peut réussir qu'en utilisant correctement l'information présentée.

4) Enfin une information, même comprise, n'est pas nécessairement intégrée dans les structures cognitives du sujet. D'une parte, l'intégration repose sur l'activité du sujet, plus précisément sur la manière dont le sujet va traiter cette information. C'est au cours de cet traitement que le sujet doit créer les liens entre la nouvelle information et d'autres informations déjà en mémoire D'autre part, la mémoire à long terme étant organisée sémantiquement, les informations importantes doivent permettre un traitement sémantique (Thomson, 1984). On choisira par exemple des icônes dont le graphisme évoque la fonction associée plutôt que des icônes abstraites, arbitrairement associées à une fonction. Notons que les systèmes d'hypertextes que nous étudierons dans le module 10 reposent sur les théories relatives à l'organisation de notre mémoire à long terme (réseaux sémantiques).

Nous n'affirmons pas que toute information présentée dans l'interaction doive faire l'objet de ces quatre étapes. Nous attirons simplement l'attention du concepteur sur le fait qu'il ne peut supposer a priori que l'information présentée au sujet traversera avec succès les étapes qui conduisent à son intégration. Ce n'est pas impossible, mais ce n'est en aucune manière garanti. Si le concepteur considère qu'une information particulière est importante et doit être assimilée par l'utilisateur, il faut que celle-ci fasse l'objet d'une activité plus complexe que de presser simplement le bouton "continue". L'activité permettant de traiter l'information constitue à la fois le processus qui permet à l'utilisateur d'intégrer l'information et le procédé qui permet au système de vérifier si l'information a été correctement assimilée. Cette remarque est très importante car il n'est pas rare de trouver des logiciels éducatifs qui se réduisent à une séquence d'écrans de présentation d'informations. L'activité du sujet se limite à tourner les pages. Aujourd'hui encore, certains logiciels peuvent être caractérisés de simples 'tourne-page', même si le choix de la page est un peu plus complexe. Dans la plupart des hypertextes, l'activité du sujet se limite à lire les textes, l'activité de 'tourner la page' prenant dans une structure non-linéaire le nom plus élégant de 'navigation'. De même, dans de nombreux logiciels multimédia, l'activité du sujet se limite à sélectionner la séquence qu'il désire visionner, il ne fait que 'zapper'.

L'idée de livre électronique n'est pas a rejeter pour autant, mais à adapter aux avantages et inconvénients de l'informatique. Il faut se souvenir qu'il est plus facile de lire un texte imprimé qu'un texte présenté à l'écran. En outre, le lecteur d'un livre dispose de certaines options qui ne sont pas toujours offertes par les logiciels électroniques: souligner un passage important, revenir en arrière, estimer où il se trouve dans le récit (en regardant l'épaisseur du livre), sauter au Nième chapitre,... L'intérêt des livres électroniques réside surtout dans l'intégration des activités de lecture à d'autres activités: par exemple, accéder à un traité de langue française en rédigeant un document, en entrant directement à un niveau pertinent par rapport au problème de grammaire rencontré.