La communication chimique et le langage anténnaire
Les abeilles pratiquent entre elles un échange de nourriture réalisé par le passage du miel de bouche à bouche : la trophallaxie. La demande se fait par tapotements codés de la quémandeuse sur les antennes de sa consœur sollicitée. Celle–ci rendra sa réponse affirmative ou négative, par le truchement du même code anténnaire. Si elle accepte, elle amène aussitôt au bord des mandibules une goutte sucrée que l’affamée aspire au moyen de sa langue dépliée. Or, en même temps que de la nourriture, les abeilles échangent de petites quantités de substances salivaires qui font passer dans la communauté de véritables informations chimiques influant le comportement de l’ensemble.
 
Les jeunes mâles et les reines sont aussi nourris par les ouvrières, mais la reine fait, en plus, l’objet de léchages que sa cour pratique sur son enveloppe corporelle et surtout sur sa tête, absorbant ainsi des substances chimiques complexes que les biologistes ont identifiées et appellent phéromones. De trophallaxie en trophallaxie, elles sont communiquées à l’ensemble des ouvrières sur qui elles exercent une très forte attraction. Elles ont des incidences sur le comportement bâtisseur des abeilles, les incitant à construire des cellules hexagonales. En revanche, elles empêchent la construction de cellules destinées à  recevoir des larves royales, larves que les ouvrières élèveraient très rapidement si les phéromones venaient à manquer.
L’absorption de ces substances royales inhibe également le développement des ovaires des ouvrières.
Ces liens, créés entre la souveraine et ses sujets par la quantité infinitésimale de substances chimiques, sont extrêmement forts, et la reine exerce un véritable pouvoir sur ses filles. Elle leur impose en effet de ne pas remettre son existence en cause : c’est important, car deux reines ne peuvent cohabiter sans chercher à se massacrer. Le remplacement d’une reine dans une ruche orpheline est toujours un passage délicat qui remet l’avenir de la société en question. Tout est mis en œuvre avec sagesse pour maintenir l’équilibre existant. Que celui-ci soit menacé par une reine vieillissante ou un nombre trop important d’abeilles dans la colonie, se déclenchent alors des comportements de mutations où les ouvrières reprennent l’initiative et c’est seulement dans ces circonstances que le pouvoir royal est remis en question.

Ainsi, toutes les informations essentielles à l'organisation de la ruche proviennent de sécrétions chimiques, les phéromones, émises par la reine mais aussi par les ouvrières. Les phéromones servent par exemple à identifier des lieux - "marquage" de la ruche, repérage des sources de nectar, des lieux d'essaimage, de la reine par les faux-bourdons lors du vol nuptial, à émettre des signaux d'alarme, à contrôler les réserves de nourriture, à équilibrer la population en régulant la ponte de la reine, à maintenir en permanence la température et l'humidité idéales au sein de la ruche...

Le battement de rappel
Les ouvrières émettent un parfum grâce à une glande – dite de Nasonov – située à l’extrémité de l’abdomen, sur le dos, entre l’avant-dernier et le dernier segment dans un repli cutané, habituellement tourné vers l’intérieur. Toutefois, l’abeille peut la faire saillir volontairement et il apparaît alors comme un bourrelet humide et luisant. Un parfum s’échappe alors librement de cette poche cutanée, où il est sécrété par des glandes microscopiques. On la voit distinctement lorsque les ouvrières s’adonnent au spectaculaire ¨battement de rappel¨. Celui-ci a lieu surtout lorsque de jeunes ouvrières inexpérimentées se trouvent accidentellement hors de la ruche, en particulier lors de manipulations apicoles. Celles qui ont retrouvé l’entrée et l’odeur du bercail se transforment alors en petits ventilateurs dont les pales sont leurs ailes. Elles les agitent à grande vitesse, s’agrippant fortement au sol de leurs six pattes pour ne pas s’envoler. Le souffle ainsi produit répand les effluves parfumées de la glande, et trace la route que chaque égarée emprunte pour se poser sur la planche d’envol et se mettre à battre le rappel à son tour. 
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