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chapitre 5 La modélisation d'une décision administrative par le génie cognitif

5-4.4 L'analyse structurelle de P-Lex


Les systèmes M-Lex et P-Lex peuvent être qualifiés d'études de faisabilité. Ils sont suffisamment complexes pour montrer l'intérêt de ce type de modélisation et pour donner une idée du travail à fournir pour obtenir des systèmes complets et totalement opérationnels. Ils reconstituent cependant des aspects importants: M-Lex modélise le "haut" de la structure globale d'une loi et P-Lex quelques types intéressants de décision.

Analyses structurelles et études de sensibilité

Rappelons de nouveau que le but d'une modélisation n'est pas seulement de fournir un modèle. Ce premier pas est déjà valable en soi, puisqu'il force le chercheur à pousser sa recherche empirique et à rendre explicite beaucoup de choses qui seraient oubliées, négligées parce que trop compliquées ou trop difficiles à faire. Dans un système expert, on peut voir très clairement les lacunes d'une investigation. En outre, un système expert est un langage de description qui apporte une qualité systémique et dynamique que l'on ne retrouve pas dans un texte de monographie.

Une fois le modèle testé, on peut passer à un niveau supérieur de l'analyse et'étudier sa structure et ses propriétés. Dansce but, nous avons rajouté quelques outils à SMYC. Tout d'abord, il est utile d'afficher quelques statistiques aidant à mieux cerner le système et de comparer par exemple la logique formelle de la législation à celle du système. Dans un deuxième temps, il est intéressant d'identifier les noeuds de décision dans un système qui ont un intérêt théorique ou pratique. Dans un troisième temps, on peut "jouer" avec le système en modifiant des paramètres, des valeurs ou des règles pour modéliser un environnement qui change, des modifications de la loi et leur impact, etc. Discutons quelques analyses possibles:

En comparant le nombre des règles nécessaires pour formaliser un article de loi avec la complexité de l'article, on peut obtenir un indice d'importance des décisions infra-légales. Pour modéliser grossièrement le motif de la résidence permanente dans le canton de Genève, il nous a fallu plus de 20 paramètres et plus de 20 règles. Dans la législation, il n'existe que 4 clauses dans l'art. 7 de l'ordonnance d'application, plus une clause sur la superficie dans un autre article. S'il fallait modéliser ce problème au moyen d'un vrai système expert, il nous aurait fallu utiliser plus de 100 règles. Il existe donc une grande différence entre le nombre de règles et le texte. Cela signifie que le décideur possède un plus grand "degré de liberté" et/ou qu'il existe des règles informelles non-codifiées qu'il faut tenter de cerner pour obtenir un modèle correct.

Examinons les statistiques générales

engendrées pour P-Lex qui sont affichées dans la figure 5-19
et voyons la proportion des paramètres "normal", "inferred" et "labtype"*1. Le fait que P-Lex possède relativement peu de paramètres "labtype" montre que le décideur a besoin de relativement peu de données pour les 2 motifs modélisés. Les paramètres "normaux" sont ceux que le système essaie d'inférer lui-même avant de demander une valeur à l'utilisateur. Un système bien fini devrait demander peu de valeurs. Cela montre en fait que le système n'est pas en mesure d'inférer toujours toutes les valeurs dont il a besoin (il les demandera à l'utilisateur). Le fait qu'il n'existe pas de paramètres "mainprop" montre que l'on ne demande pas systématiquement les mêmes questions lorsque l'utilisateur rentre dans le système. Dans l'ensemble, il ressort aussi qu'il existe un très grand nombre de cas possibles à résoudre, une complexité bien connue de la Lex Furgler.

La liste

dans la figure 5-20 "Analyse des paramètres de P-Lex" [p. 219] nous montre comment sont utilisés les paramètres du système. Lorsqu'un paramètre apparaît seulement dans des conclusions, cela signifie qu'il sert seulement à stocker de l'information et qu'il ne participe pas aux processus d'inférence. Les paramètres qui apparaissent seulement dans les prémisses sont soit des "labtype" (ce qui est normal), soit des "normal". Dans le dernier cas, cela implique que le modèle doit être complété en fournissant les règles qui permettent de déduire une valeur pour ces paramètres. Les paramètres qui "apparaissent" fréquemment sont soit critiques pour le déroulement de l'inférence (paramètres de pilotage) soit importants pour les prises de décision comme par exemple le "*local system*. Il existe quand même une exception à cette heuristique. Dans P-Lex, il y a des paramètres auxiliaires fréquents qui n'ont pas beaucoup d'importance, comme par exemple ceux qui ont trait au calcul de la superficie. Les paramètres qui apparaissent à la fois dans les prémisses et les conclusions sont importants pour les chaînes de raisonnement.

Ces statistiques fournissent une aide à l'analyse du système, mais elles contiennent peu d'information en elles-mêmes. Elles pointent vers là où il faut chercher. Le graphique dans la figure 5-12 "Diagramme de la structure "top" de M-Lex" [p. 191] montre de façon détaillée une partie de l'arbre de décision de M-Lex. Dessiner de tels graphiques avec les données fournies par le module d'analyse de SMYC permet également de mieux connaître son système. Le graphe le plus simple contient les liens entre paramètres et règles, et il met en évidence quelles règles déterminent quels paramètres et quels paramètres se trouvent dans quelles prémisses de règles. En regardant ce graphique, on peut apercevoir les noeuds importants par où doit passer toute décision. On peut identifier par exemple les paramètres sans lesquels aucune décision n'a lieu. S'il s'agit d'un paramètre qui ne correspond pas à un paramètre légal, le politologue aura raison de le regarder de plus près. Ce type d'outil peut s'avérer intéressant et il permet de voir la forêt dans l'ensemble des arbres. Il peut aider à regarder le travail effectué d'un oeil différent. L'exemple cité du calcul de la superficie est un de ces cas. Nous avons jugé ce travail inintéressant, mais en voyant après coup son importance au niveau du nombre de paramètres utilisés, il fallait bien se rappeler que la trivialité "superficie de terrain" était en fait un des points les plus brulants de cette législation. En effet, beaucoup de citoyens suisses étaient surtout dérangés par le fait que certains étrangers pouvaient acheter de grandes villas avec beaucoup de terrain. Le fait que la loi ne soit guère opérationnelle en ce qui concerne ce point n'a pas évacué ce problème. Les décideurs sur le terrain ont dû se créer des modèles de décision.

Dans le monde de la simulation numérique, les analyses de sensibilité jouent un rôle important et elles sont simples à réaliser puisqu'il s'agit de faire varier quelques valeurs numériques. Dans un système expert comme P-Lex on peut essentiellement jouer sur les prémisses des règles. Mais pour cela, il faut des questions précises concernant la modification de règles de décision observées sur le terrain. La comparaison des décisions de Lucerne avec celles de Genève a montré que le résultat d'un certain type de décisions peut être radicalement modifié en changeant quelques clauses dans quelques règles représentant des règles de décision infra-légales. Cette observation concorde avec les résultats dans les études "d'implementation research" en Europe et aux Etats-Unis. Le droit public se constitue en partie substantielle lors de sa mise en oeuvre, souvent en collaboration avec ceux à qui il s'adresse. Dans le système P-Lex, beaucoup de ces paramètres intéressants touchaient à une notion d'"importance": l'importance du demandeur, l'importance de la superficie, l'importance des relations dignes d'être protégées, etc. Il était en effet impressionnant de voir le nombre de règles qu'il fallait écrire pour modéliser des problèmes apparemment simples. Ces paramètres on déjà été mis en évidence par l'étude de Delley, toutefois notre modélisation a permis de fournir un modèle plus précis et plus opérationnel de ce phénomène.

Un système expert est normalement utilisé en mode "dialogue". On rentre un cas en répondant à des questions. Nous avons rajouté à SMYC un mode "batch" qui permet de simuler un grand nombre de cas à condition d'avoir rentré tous les paramètres nécessaires à une décision.

Analyses structurelles et études de sensibilité

THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94

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