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chapitre 5 La modélisation d'une décision administrative par le génie cognitif

5-4.2 La modélisation d'un système de mise en oeuvre


L'interaction du droit et de la politique

Le bref historique sur la mise en oeuvre de la LAIE dans trois Cantons montre la grande influence de la politique, même lorsqu'il s'agit d'une loi relativement bien codifiée. Par "politique", nous entendons une large variété de facteurs idéologiques, économiques, politico-administratifs, etc. qui peuvent interagir avec une loi. Dans ce sens, la loi ne constitue qu'un élément dans un processus permanent de décision. Elle est l'instrument principal du décideur, mais c'est un instrument qui tombe sous la contrainte d'un environnement (type 1). Il est également possible d'examiner cette situation sous un angle différent. Pour certains décideurs politiques, tout cas d'acquisition d'immeubles est avant tout un problème politique. Un tel décideur perçoit un tel problème comme quelque chose qu'il faut résoudre sous la contrainte de la loi, mais également sous d'autres contraintes. L'importance de la loi est donc relativisée dans ce cas et on essaie d'adapter la loi le plus possible aux nécessités politiques (type 2). Ces deux situations sont reproduites

dans la figure 5-13
.

Parmi ces deux types idéaux, nous pensons que le premier est plus important dans la mise en oeuvre de la Lex Furgler. Les décideurs qui constituent la première instance de décision sont, en règle générale, des juristes qui perçoivent leurs cas avant tout comme des problèmes juridiques. Ils perçoivent bien les dimensions économiques et politiques mais ce sont des contraintes et non pas des recettes de décision. En d'autres termes, la plupart des éléments (sous-problèmes) d'un cas sont des problèmes légaux et seulement certaines questions d'appréciation sont traitées selon des critères politiques. Ceci n'est pas surprenant, car ces questions coïncident avec les clauses qui ont été volontairement ou invonlontairement laissées ouvertes par le législateur. Pour modéliser une décision, on peut donc d'abord simuler l'application de toutes les clauses d'une loi dominées par un raisonnement juridique pur. Ensuite, il faudra identifier les clauses ouvertes influencées par des paramètres politiques et tenter de trouver une logique générale capable de simuler une variété locale de la mise en oeuvre.

Dans ce type de modélisation, nous arrivons aussi à intégrer le politicien pour qui le droit n'est qu'une contrainte, parfois même ennuyeuse. Il est malgré tout tenu d'opérer par rapport à un cadre légal, même s'il donne l'ordre à ses fonctionnaires de le déformer selon les besoins. En règle générale, on peut dire que la loi est respectée, mais pas forcément dans l'esprit de la majorité des législateurs ou de celui de l'office fédéral de justice. Certaines clauses de la loi sont interprétées de façon particulière, mais l'ignorance pure et dure était plutôt rare.

La modélisation de la mise en oeuvre dans les cantons

Il existait plusieurs clauses "délicates" dans la Lex Furgler. L'une d'entre elles était la superficie que l'on pouvait acquérir pour la résidence principale de l'acquéreur. Une autre concernait les autorisations pour le motif de "relations étroites, dignes d'être protégées" avec le lieu. Nous allons tenter de modéliser la pratique de l'interprétation de ces deux clauses. Par contre, nous en laisserons d'autres de côté, telle que la domination financière étrangère (dans sa forme extrême, les achats par hommes de paille). Il s'agit ici d'une problématique complexe, notamment lorsque les acquéreurs sont des entreprises anonymes qui montrent une activité commerciale ou industrielle effective.

Les fonctionnaires de la première instance ont diverses perceptions du rôle de la politique dans leurs décisions. La plupart ont une idée très technique de leur travail. Il ne perçoivent pas leur fonction comme un travail de décideur politique. Toutefois, même dans ce cadre orienté autour de la loi, les intérêts de l'environnement politique doivent être considérés puisque le travail d'appréciation de certains paramètres de décision l'exige. Surtout dans la LAIE, certains conflits qui existaient pour le législateur et pour la population ont été traduits dans la loi elle-même. Il s'agissait surtout de ne pas trop brusquer certaines minorités qui avaient des intérêts très différents. Ensuite, le législateur n'a jamais trouvé un consensus très clair sur le point suivant: Est-ce que les ventes aux étrangers étaient un vrai problème, était-il "culturel" ou économique? S'agissait-t-il d'un problème de spéculation, de rareté du sol, de l'aliénation du patrimoine ou de tout cela en même temps? Cette confusion rend la loi adaptable aux conditions locales. Mais comme des différences de perception existaient également au niveau local et certainement entre l'office fédéral de Justice et les cantons libéraux en la matière, la première instance avait pou tâche de les résoudre. Elle a donc une fonction active pour la définition de la mise en oeuvre de la loi.

Dans le cas le plus simple, le juriste responsable de la première instance a tenté de suivre le consensus local si la loi le permettait d'une manière ou d'une autre. Cette stratégie pouvait causer des problèmes, car elle pouvait provoquer une intervention de l'office fédéral de justice. Parfois, dans des cantons stricts, il existait un conflit entre les responsables de l'économie publique et d'autres éléments du gouvernement au sujet d'une acquisition d'une grande superficie pour le domicile d'un riche étranger. Des cas importants ont été décidés par consensus après négociations entre première instance, instance habilitée à recourir (ou leur chefs respectifs dans le gouvernement) et le gouvernement dans l'ensemble. Certaines situations dans les cantons étaient plus difficiles. Il existe des cas de dissonance où un juriste "légaliste" s'est opposé aux voeux d'un supérieur politique peu respectueux de certaines clauses de la loi ou surtout des arrêtés d'exécution. Parfois des compromis ont été trouvés, parfois cela a conduit à des appels ou encore à des mutations administratives.

Lorsqu'un demandeur soumet un cas pour une éventuelle autorisation, il est confronté à un systèmes d'acteurs. Les acteurs les plus importants sont la première instance, l'instance habilitée à recourir, la deuxième instance (et le gouvernement si les deux ne sont pas identiques) et l'office fédéral de justice. D'un point de vue formel, il s'agit d'instances séparées, mais souvent il existe (à l'exception du tribunal fédéral) un bon réseau de communication informel impliquant les autres acteurs dans les décisions de la première instance. La première instance, a assez vite délimité son espace de liberté pour éviter des recours. En plus, comme tout acteur social, la première instance doit anticiper la réaction des autres instances. Il existe donc un système d'harmonisation par anticipation et par négociation. Le réseau de communication et les mécanismes d'anticipation ont comme résultat de réduire le nombre de conflits ouverts et formels pour l'application de la LAIE. Ainsi on peut, dans une modélisation, traiter le système de décision comme une sorte d'acteur unifié dans la plupart des cas.

Nous pouvons même aller plus loin. La première instance agit comme agent coordinateur qui n'intègre pas seulement les opinions des autres acteurs du système mais également celles d'acteurs extérieurs, par exemple des groupes qui font pression sur la décision. La décision est à la fois le produit de contraintes externes et de paramètres du système. Une fois que l'on connaît le contexte politique et économique local, le contexte idéologique local face à la loi, la structure des institutions, ainsi que la politique de l'Office fédéralede justice on peut approximativement déterminer la politique de décision locale. Pour obtenir un modèle de la configuration locale, il faut encore tenir compte de la personnalité de la personne responsable de la première instance, et surtout de son attitude personnelle face à la LAIE dans le cas où elle diffèrerait de celle de son ministre.

Dans le schéma dans la figure 5-14 "La boîte de décision locale" [p. 204], nous montrons les trois principaux facteurs explicatifs de la décision: (1) le cas, (2) le support (pressions économiques et politiques) et (3) le système local du système de la décision. Nous discutons en premier lieu la modélisation de ce dernier

. Le système local de décision est un produit de plusieurs facteurs que l'on vient d'introduire:

  1. la perception locale de la loi: ce facteur résume comment le gouvernement local perçoit la LAIE et comment il veut l'utiliser pour réguler les acquisitions étrangères. Nous pouvons distinguer trois attitudes de base: (a) plus stricte que Berne, (b) en accord avec Berne et (c) moins stricte que Berne. A l'exception de la Lex Von Moos, le cas (a) n'est pas très probable, puisqu'un canton n'aurait pas pu se défendre contre un acquéreur déterminé.

  2. le légalisme: on essaie de savoir si la première instance est déterminée (de façon générale) à appliquer une loi selon l'esprit de la loi en tenant compte des textes légaux et de la jurisprudence, ou si elle est d'accord pour se plier aux voeux de son chef de département. Ici, nous distinguons deux attitudes de base: (a) interprétation correcte de la loi, (b) d'accord pour interpréter très largement certaines clauses.

  3. la dépendance de la première instance du gouvernement local, c'est-à-dire son insertion directe dans l'organisation d'un ministère cantonal ou pas. Nous distinguons deux situations: (a) dépendance et (b) indépendance.

  4. la collaboration avec Berne est un facteur qui dépend fortement des autres. Essentiellement, on retrouve des situations de (a) collaboration et de (b) non-collaboration. Collaboration signifie qu'il y a échange d'information entre Berne et la première instance. L'office fédéral de justice peut approuver ou désapprouver de façon informelle une décision, donner des conseils, etc.

  5. la perception personnelle de l'utilité de la loi peut influencer la décision dans certains cas. Nous distinguons entre les attitudes (a) d'accord et de (b) désaccord.

Cette grille est assez rudimentaire, mais même pour ce petit nombre de facteurs simples, il est assez difficile de modéliser la manière dont ils interagissent et la manière dont ils influencent une décision de la première instance. Car, outre la complexité de toutes les possibilités d'interaction à maîtriser, il est extrêmement difficile de procéder à des généralisations. Nous possédons peu d'observations (trois cantons). En règle générale, un système local a tendance à être assez stable, mais parfois sous la pression, il change de logique. Etant donné que ces cas sont rares, il est difficile de faire des hypothèses sur l'élasticité*1 d'un système. Par exemple, peut-on faire l'hypothèse que les décisions libérales de Lucerne, lorsque des intérêts économiques importants étaient en jeu, traduisent une logique générale de toute application d'une loi? Ou est-ce un hasard?

Voici un résumé de notre grille, avec les valeurs les plus probables que l'on peut observer à long terme:

paramètre: valeurs:

1.perception locale de la LAIE accord / désaccord
2.légalisme oui / non
3.dependance de la 1ère inst. oui / non
4.collaboration avec Berne oui /non
5.perception personnelle accord / désaccord

En combinant ces 5 facteurs binaires, nous obtenons 32 configurations possibles du système local. Toutefois, certaines combinaisons peuvent être exclues pour des raisons logiques et empiriques. Avant tout, il existe une certaine hiérarchie entre ces facteurs. Par exemple, un juriste en désaccord avec la LAIE et qui en plus montre une attitude peu légale ne garderait pas longtemps sa fonction dans un contexte où la LAIE est bien acceptée. Nous allons tenter de construire un arbre de décision qui tiendra compte de ce genre de raisonnement.

Afin de bien séparer le langage naturel des formes manipulées dans les modèles, nous utilisons des mots anglais dans le modèle, ainsi que dans la figure 5-15 "Une typologie des systèmes locaux" [p. 206]. La perception locale est le facteur le plus important dans notre arbre. En termes traditionnels, il explique l'essentiel de la variance que l'on peut observer. Nous imaginons difficilement toute application "faible" de la LAIE dans un canton "fort", puisque la deuxième instance ne va pas prendre de décisions qui vont à l'encontre de la loi telle qu'elle est interprétée par Berne. Pour des raisons de jurisprudence, une application trop restrictive de la loi serait également exclue. Les promoteurs s'adresseraient vite au tribunal fédéral pour défendre leur libertés. Ainsi nous pouvons définir un premier type de système local "étroit" (narrow). Ce cas correspond plus ou moins à celui de Lucerne.

Examinons l'ensemble des systèmes opposés à la LAIE. Dans un cas simple, on retrouve une première instance qui n'est pas légaliste. Ceci devrait conduire à une application très large de la loi et à notre deuxième type: "wide-1". Si la première instance est un juriste déterminé à faire respecter l'esprit de la loi (défini par la majorité du parlement et les autorités fédérales), différentes situations peuvent se produire. Si la personne en question est aussi en désaccord personnel avec la LAIE, elle va certainement produire des décisions qui seront sans doute solides d'un point de vue juridique, mais pas forcément en accord avec l'esprit de la loi. Ce cas de "medium-1" que l'on aurait aussi pu appeler "wide-3" correspond à la mise en application genevoise de loi jusqu'en 1980. Un juriste très compétent en accord avec son chef de département a su créer les bases juridiques solides pour une politique genevoise déviante.

Dans un canton hostile à la loi, lorsque la première instance est un supporteur de la LAIE et qu'elle dépend fortement d'un ministre, une situation délicate peut se produire. Le juriste en question peut être soumis à de fortes pressions par la hiérarchie. En cas de refus, la personne sera mutée. Ce cas "wide-2" a existé (pendant un certain temps) à Genève.

Finalement, dans un canton hostile, où la première instance est relativement indépendante au plan administratif, un compromis peut être trouvé qui sera plus strict que le cas "medium-1". Une bonne collaboration avec Berne renforcera sa position, il s'agit du cas "medium-2". Si le gouvernement ou une autre instance d'appel annule une de ses décisions, l'office fédéral de justice peut faire appel au tribunal fédéral. Ce dernier soutient, en règle générale, l'opinion de Berne. Ce cas a existé en quelque sorte dans le Valais sous la Lex Furgler. Nous n'avons pas connaissance d'un cas medium-3 (un juriste "légaliste", d'accord avec la LAIE et indépendant mais sans collaboration avec Berne). Toutefois, ce cas reste possible. Il s'agirait d'une instance qui garderait son indépendance de tous les côtés.

Après cette discussion, il faudrait quand même bien noter que cette typologie mesure des degrés de l'application et non pas des mondes complètement à part. La précision relative de la loi, les moyens juridiques de Berne ainsi que le tribunal fédéral garantissent quand même une certaine homogénéité et les acquisitions des étrangers à des fins spéculatives ont sans doute été massivement freinées. Ce sont surtout des questions de superficie occupée par des villas, ou encore l'appréciation de certains motifs d'autorisation comme les relations dignes d'êtres protégées ou encore le séjour personnel qui ont posé problème.

Les règles suivantes tirées du modèle P-Lex définissent formellement cette taxinomie enregistrée dans le paramètre "*local-system". Nous capturons la même information dans une échelle ordinale avec le paramètre "*local-sys". Nous donnons un résumé

de la façon dont on définit les six paramètres caractérisant les systèmes locaux de mise en oeuvre dans la figure 5-16.

;; Each canton can apply the law within certain limits. 
;; With the aid of the following parameters we define a local system: 
;; *pl-local-perception       the local perception of the LAIE 
;; *pl-legalism               a psy variable for the first instance 
;; *pl-perception             the perception of the LAIE by the first instance 
;; *pl-dependency             the administrative dependency of the first inst. 
;;                            of its minister 
;; *pl-collaboration          the degree of informal collaboration with Bern 
;; Alternatively for the "long-term-residence" cases we directely define 
;; the local system by asking the canton. 
;; In our system we shall both use nominal values for the local system 
;; (*local-system) and an ordinal scale (*local-sys) 
;---------------------- parameters ----------------------------------- 
;; the "local-system" parameter 
(defparm *local-system single (narrow medium-1 medium-2 medium-3 wide-1 
         wide-2) pol inferred) 
;; the "local-system" parameter as an ordinal scale 
(defparm *local-sys single (1 2 3 4 5 6) pol inferred) 

(defparm *pl-loc-perc single (agree disagree stricter) pol ;mainprop 
 "Does the local government agree with the general policy lines of the LAIE ? ") 

(defparm *pl-perception single (agree disagree stricter) pol ;mainprop 
 "Does the first instance agree with the general policy lines of the LAIE ? ") 

(defparm *pl-legalism yesno (yes no) pol ;mainprop 
  "Is the first instance legalist ? ")

(defparm *pl-dependency yesno (yes no) pol; mainprop 
  "Does the first instance strongly depend from the government ?")

(defparm *pl-collaboration yesno (yes no) pol ;mainprop 
  "Does the first instance informally collaborate with the OFJ ?") 

;------------------- rules --------------------------- 
(defrule $pl-1 
  <=> 
  (same *pl-loc-perc disagree) 
  (notsame *pl-legalism yes) 
  ==> 
  (*local-system wide-1 0.8) 
  (*local-sys 6 0.7) 
) 
(defrule $pl-2 
  <=> 
  (same *pl-loc-perc disagree) 
  (same *pl-legalism yes) 
  (same *pl-perception disagree) 
  ==> 
  (*local-system medium-1 0.8) 
  (*local-sys 4 0.7) 
) 
(defrule $pl-3 
  <=> 
  (same *pl-loc-perc disagree) 
  (same *pl-legalism yes) 
  (same *pl-perception agree) 
  (same *pl-dependency yes) 
  (same *pl-collaboration yes) 
  ==> 
  (*local-system medium-2 0.8) 
  (*local-sys 2 0.7) 
) 
(defrule $pl-4 
  <=> 
  (same *pl-loc-perc disagree) 
  (same *pl-legalism yes) 
  (same *pl-perception agree) 
  (same *pl-dependency yes) 
  (notsame *pl-collaboration yes) 
  ==> 
  (*local-system medium-3 0.8) 
  (*local-sys 3 0.7) 
) 
(defrule $pl-5 
  <=> 
  (same *pl-loc-perc disagree) 
  (same *pl-legalism yes) 
   (same *pl-perception agree) 
  (notsame *pl-dependency yes) 
  ==> 
  (*local-system wide-2 0.8) 
  (*local-sys 5 0.7) 
) 
 
(defrule $pl-6 
  <=> 
  (same *pl-loc-perc agree) 
  ==> 
  (*local-system narrow 0.8) 
  (*local-sys 1 0.7) 
) 
Ces paramètres donnent une classification assez rigide, mais par rapport à notre ambition de tester une méthodologie, elle sera suffisamment fine. Le fait que de telles règles figent en quelque sorte le décideur par rapport à un type fixe est plus préoccupant. Il est très difficile de savoir dans quelle mesure un système local reste stable. Autrement dit, il est à craindre que n'importe quel système local puisse changer suite à certains changements ou certaines pressions politiques et économiques. Les résultats empiriques ont déjà montré que la loi était toujours interprétée assez largement même dans les cantons stricts, lorsque des intérêts économiques importants étaient en jeu. En effet, le texte citant "liens économiques (ou autres) extraordinaires", "sans que l'intérêt public s'y oppose" incite lui-même à cette très large interprétation. Cette interprétation pour ces cas spéciaux peut être modélisée. Par contre, il sera assez difficile de modéliser un revirement complet d'un système local sans faire un modèle politique et économique du canton.

L'intérêt public et le soutien de milieux "intéressés"

Outre la nature du système local de mise en oeuvre, une dimension importante dans la modélisation de la décision est représentée par les pressions externes et son alter ego, l'intérêt public. Rappelons qu'un cas soumis au décideur se définit en termes juridiques par (1) la nature de l'acquisition, (2) la nature de l'acquéreur, et (3) les motifs d'autorisation suggérés. Certains cas incluent de l'information sur la valeur d'une acquisition pour le canton, la commune ou la nation. Ensuite, certains cas jouissent d'un soutien politique et économique important. Souvent les deux vont de pair. L'interaction de ces 3 aspects (la définition juridique du cas, la valeur économique et politique de l'acquisition ou de la personne, le soutien externe) peut se révéler assez difficile à tracer avec précision. Mais essayons pour le moment de distinguer simplement les cas selon un axe "soutien et intérêt public". On peut en effet penser que le poids du soutien croit avec l'intérêt public, puisque le soutien le plus important ne peut venir que d'agents politiques et surtout du gouvernement.

La souplesse de chaque système local de mise en application est large si on tient compte de circonstances exceptionnelles. Toutefois l'étendue des écarts par rapport à la normale varie selon le type de mise en application locale. Mentionnons tout d'abord que la loi ne peut pas être appliquée de façon beaucoup plus restrictive que l'esprit de la loi ne le suggère, car les demandeurs feraient appel et ils gagneraient. L'étude de Delley et al (82). a par contre montré clairement que les premières instances ont accepté des interprétations très larges de la loi, une fois soumises à des pressions. Il s'agit le plus souvent de pressions politiques ou économiques mettant en jeu l'intérêt de la nation ou du canton. La loi prévoit ces cas. Il pouvait s'agir par exemple d'un potentat étranger venant d'un pays économiquement important pour la Suisse ou d'un étranger désirant acquérir une résidence principale et qui payera donc beaucoup d'impôts. Dans les deux cas, ces demandeurs avaient le soutien d'instances politiques suisses, cantonales ou communales importantes.

Maintenant, nous pouvons formuler une théorie concernant l'interaction entre la nature de la mise en application locale et le facteur "soutien".

Le résumé de nos hypothèses se trouve dans la figure 5-17
. Chaque système possède une certaine élasticité. Lorsqu'une demande n'est pas accompagnée de soutien particulier, le décideur de première instance réagit selon les paramètres habituels. Ensuite, il existe une limite "supérieure". Celle-ci est difficile à déterminer et elle semble être large pour toutes les variantes cantonales. Il existe peu de cas empiriques, mais il est en effet difficile de croire que n'importe quel système peut résister à des pressions politiques et économique fortes. On a également pu constater quelques décisions que l'on peut qualifier d'extrêmes et qui violent clairement l'esprit de la loi. Ce type est intervenu dans les cantons opposés à la LAIE et qui avaient une première instance de type "non-légaliste". Le cas "medium-3" (Genève en fait partie) est plus difficile à caractériser, car il était difficile d'obtenir des informations. A Genève, l'accès à ces dossiers était bloqué par exemple.

L'interaction du droit et de la politique
La modélisation de la mise en oeuvre dans les cantons
L'intérêt public et le soutien de milieux "intéressés"

THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94

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