Le récit doit avoir une certaine pertinence pour le
récepteur.
Un premier type de pertinence découle du principe de
proximité.
Selon Polani (82:521) "Close to me is relevant
to me": Ce qui est près de moi me touche.
Cette notion de proximité à des multiples significations.
D'abord
l'adressé peut être directement concerné par le récit.
Il peut aussi
l'intéresser parcequ'il est récent (l'actualité), parcequ'il est près
spacialement (un suicide dans sa maison), ou parcequ'il touche d'autres
intérêts cognitives parfois plus complexes ou des émotions.
Dans certains cas, une histoire raconté est intéressante si
elle concerne l'emetteur et le récepteur
d'après le principe "What is close to you may be relevant
to me if you are close to me" (Polani 82:521), c'est-à-dire ce qui est
près de toi peut me toucher si tu est près de moi.
D'après ce
principe conversationnel on peut dire d'une facon plus
générale qu'une histoire peut
être intéressante si elle touche les intérêts de personnes jugées
importantes.
On distingera donc entre (a) une importance directe pour
le récepteur et (b) une importance indirecte (l'importance de
l'importance de quelqu'un d'autre, et (c) la non-importance.
Le principe qui découle de ces distinctions dit qu'un récit
précis (que peut rencontrer le chercheur) n'a pu
être raconté qu'à une classe précise de gens, car seulement
certaines personnes s'y intéresseraient.
A cela se rajoute
la règle de "la bonne chose au bon moment".
Ainsi
le récit devrait s'insérer d'une manière harmonieuse
dans le flux d'une conversation.
Un récit politique n'a souvent d'intérêt que pour
illustrer une question, une opinion.
Ainsi on a seulement le droit de l'insérer dans une discussion
politique pour illustrer quelquechose qu'on vient de dire ou qu'on va
dire.
Cet exemple illustre bien que ce qui est intéressant
n'est pas seulement défini par des catégories individuelles et
interactionnelles ("ce qui m'intéresse " et "les bonnes chose au bon
moment") mais aussi sociales et culturelles.
Il existe
des récits qui font appel à certains groupes seulement ou qui sont
compris par rapport à des intérêts de groupe.
Dans la suite on se concentrera sur les notions
d'intérêt cognitif, émotionel ou découlant de présuppositions
culturels.
Le psychologue/ linguiste de texte Kintsch (80:88) distingue
l'intérêt cognitif de l'intérêt emotionel.
Dans le premier cas, le récit peut
intéresser l'auditeur, parce qu'il relate bien des évenements,
qu'il contient des surprises, ou qu'il est bien raconté.
D'autre part il peut
être banal en ce qui concerne ces premiers facteurs, mais ses
éléments peuvent évoquer, éveiller des
émotions et sentiments.
Ainsi la violence, le sexe "activent notre
psychologie" (arousal), de même certains éléments du récit evoquent
nos expériences personnelles.
Kintsch (80:89) postule qu'il est possible de déterminer
l'intérêt cognitif global d'un récit en fonction de l'intérêt
cognitif de sous-unités.
Il y aurait trois facteurs qui déterminent l'intérêt cognitif d'une
unité: Toutes choses étant égales par ailleurs (clause ceteris
paribus), (1) l'intérêt d'une
unité est fonction non-monotonique du savoir préalable qu'à le
récepteur sur le sujet ou théme de l'unité.
L'intérêt est bas si rien (au sens large) n'est connu, car le
récepteur ne va pas si intéresser et ne va rien comprendre.
Il est plus élevé si plus de choses sur le domaine du récit sont connues,
mais il décline de nouveau
s'il ne contient pas d'information nouvelle (au sens de la théorie
d'information), c'est-à-dire s'il dit des choses qu'on connait déjà.
(2) Le montant de l'incertitude que crée
la perception de l'unité chez le lecteur a des effets similaires.
Ainsi si la continuation potentielle d'une unité de texte
génère de l'incertitute parfaite - si c'est un "no-sense"
texte - elle risque d'avoir peu d'intérêt.
Quelquepart entre les extrèmes de la certitude et de l'incertitude se
trouve la situation
où quelques attentes choisis éveillent l'intérêt maximal de
l'ecouteur.
(3) enfin la "post-dictabilité" de l'unité par rapport au texte entier
est un phénomène souvent négligé.
la partie doit être à sa place dans le tout.
des éléments ou unités qui n'ont pas de
fonction stratégique pour la compréhension de l'intrigue entirère -
- mis à part les éléments saisis par (1) et (2) - contribuent peu à
l'intérêt global du récit et sont donc d'intérêt mineur.
"savoir" (ce qu'on sait sur un thème), "surprise" (les les attentes apparues au cours de la réception du texte) et "postdiction" (l'organisation cohérente du texte) sont des concepts qui doivent être définis par rapport à des critères plus précis que contenu, texte ou unité. etant donné que le texte va être représenté dans des multiples structures de savoir cette tâche va être difficile. le fait qu'il peut avoir des fonctions multiples l'augmentent encore. ensuite ces principes se conditionnent mutuellement. si l'on ne sait rien sur un domaine, on ne peut pas générer des attentes. quelqu'un qui vient d'une culture sans cravates, ne sera pas surpris s'il entend seulement la phrase: "les délégués "verts" du parlement allemand se rendent aux sessions en pullover". finalement il faut de nouveau constater que l'intérêt généré par une unité textuelle du récit ne peut être que partiel. a ce point on n'a dégagé qu'un intérêt particulier. si on adhère au principe de morcellement de l'intérêt il faudra montrer à un moment donné comment assembler les morceaux pour reconstruire l'intérêt global d'un texte. en termes plus pratiques, cette discussion montre que le texte tel qu'il doit être analysé dans beaucoup de cas ne comprend pas seulment l'intention du producteur et le traitement pas le récepteur (acceptation, effets), mais aussi le contexte, qui, lui, peut être partagé en différents contextes (ceux de la production, de la reproduction, de réception directe, indirecte, etc). Il est clair que ce type d'analyse n'est pas toujours possible, ni nécessaire, mais qu'il constitue une sorte d'idéal par rapport a lequel il faut justifier sa propre approche.