Le traitement d'un texte et surtout sa
compréhension dépendent de
beaucoup de présuppositions et d'attentes.
Sans ces mécanismes la
communication, particulièrement entre les gens d'un même groupe social
serait difficile, si ce n'est impossible.
Le producteur d'un texte
doit anticiper certaines choses auxquelles le récepteur s'attend et vice
versa.
Les mécanismes cognitifs résponsables de la production et
la réception d'un texte suivent par exemple
des règles interactionnelles
et d'organisation thématique, et garantissent ainsi
la production et la reproduction d'entité culturelles importantes.
Les attentes peuvent être très générales (être valable pour toute
une culture dans beacoup de situations) ou bien très particulières (ne
concerner qu'un individu dans une situation très précise.
Il existe aussi un rapport étroit entre le type d'attentes d'un
récepteur et du type de texte qu'il rencontre.
Chaque texte-type
est "utilisé" par une certaine classe de buts et compris en conséquence
par rapport à ces buts standardisés.
Ainsi ce qui distingue
une histoire d'un rapport est par exemple
le fait que la première essaye de
montrer quelquechose en transmettant par exemple un message moral ou en
créant un divertissement.
Le rapport par contre essaye de relater
de ce qui s'est passé pendant une certaine période.
Toutefois
l'existence de buts stratégiques peut développer une rhétorique qui
effacera la distinction précédente entre rapport et histoire.
L'intérêt d'un texte est une notion clé de sa fonction de
communication.
L'intérêt lui-même peut être conceptualisé comme produit de
mécanismes cognitifs et sociaux complexes.
En effet, une partie de
l'intérêt qu'on porte par exemple
aux récits provient du fait
qu'ils "dramatisent", qu'ils ont une structure interne qui les rend
intéressants.
Un autre aspect touche la question de l'intérêt
personnel qu'a un texte pour le producteur et le récepteur.
Il peut
- comme on le vera - mettre en mouvement de multiples structures de
savoir.
Une autre problématique concerne les interactions entre
emetteur et récepteur sous l'angle stratégique.
Le conteur dispose
de plusieurs moyens pour diriger l'attention de l'écouteur dans les
directions voulues.
On peut d'ailleurs concevoir que la
construction de l'histoire elle-même suit des considérations
stratégiques.
Le producteur initial du récit et l'emetteur peuvent avoir des buts
rhétoriques très précis.
Souvent un texte-protocol d'un récit contient des
enoncés qui font des évaluations, qui forment une structure
évaluative superposée.
Ainsi le texte-récit est aussi une trace de
de l'aspect de l'action discursive du producteur
Le producteur ou reproducteur
de récit doit aussi résoudre de nombreux problèmes au niveau de
l'interaction.
Il court notamment le risque de perdre la face dans le cas
de récits racontés oralement.
Il doit redouter
la question "et alors...?", surtout lorsqu'il présente une histoire de
sa propre initiative.
En effet cela signifie qu'il ne s'est pas fait comprendere et qu'il n'a
pas réussi à transmettre (ou à saisir) le point de l'histoire
Toutefois l'existence de règles de politesse interdisent ou
limitent une évalutation ouverte du conteur par le recepteur.
Ceci n'est bien sûr pas le cas pour les récits écrits
ou les cas de communication unidirectionnelle.
Dans ces situations
le recepteur est libre de critiquer ou de ne pas écouter.
Ceci suggère
l'importance des mécanismes de régulation (ou grammaires) de
communication et d'interaction pour la constitution et la
compréhension des textes.
Dans les cas ou un emetteur risque de ne pas se faire comprendre,
de ne pas pouvoir transmettre le point du récit, etc., le
recepteur dispose des instruments cognitives pour sauver
l'histoire.
Il peut commencer par réfléchir au-delà de ce qui est
considéré comme normal.
Ou encore dans une communication de groupe il peut
poser des questions.
Ces questions de clarté de texte et de sa compréhension sont
directement liées à la bonne
utilisation de schémas de récit pour bien structurer un
texte et pour inclure les éléments nécessaires.
L'existence des
moyens linguistiques à la disposition de l'auteur pour commenter son
texte et la possibilité
de feed-back dans les situations conversationnelles
donnent une garantie supplémentaire à la transmission satisfaisante
d'une histoire.
Pour illustrer qu'il est difficile de traiter tous les récits de la même facon, nous allons examiner les trois types de textes suivants qui ont traits très distinctifs: 1) le récit qui fait partie d'un protocole de conversation, 2) les textes de communication unidirectionnelle comme les rapports télévisés et enfin 3) le récit écrit. Non seulement leurs structures diffèrent, mais encore leur production et leur compréhension suivent des lois distinctes. (1) Le texte raconté dans un groupe peut avoir une structure très "improvisée". Même dans une situation, où un participant raconte une histoire d'une manière plus formelle, on peut lui poser des questions et faire des commentaires. Toutefois ces derniers sont en général brefs comme des exclamations "ah, quels salauds..",etc., et souvent même extra-linguistiques. (2) Le récit dans la communication unidirectionelle doit être clair. Pour qu'il ait par exemple un bon potentiel de persuasion, il faut qu'il soit compris immédiatement sans toutefois apparaitre exagérement simpliste. (3) Enfin dans le cas du texte écrit l'absence de retro-action est compensé par le fait que le lecteur peut retourner en arrière, prendre des notes, faire des réflexions etc. Malgré ces différences il existe des principes de production et de traitement de textes valides pour toutes ces formes de communication. Le producteur doit toujours essayer d'anticiper dans une certaine mesure les réactions du public. Ce dernier doit toujours effecteur certains opérations mentales pour accéder au sens du texte. Cette briève discussion montre aussi qu'il est possible d'analyser le phénomène général du récit à plusieurs niveaux et sous plusieurs angles et qu'il est peut-être même nécessaire de faire ainsi. Il est toutefois clair qu'une analyse empirique du récit n'analyse pas toutes ces dimensions. Chaque discipline porte ses propres intérêts au phénomène du récit, qui est au carefour de principes linguistiques, psycho-analytiques, cognitifs, sociaux et culturels. L'intervention de ces principes, leur "choix" et leur interaction lors de la production ou l'interprétation du récit est déterminée par le contexte. Ainsi même la nature du matériel empirique lui-même (et ne pas seulement sa perception par des chercheurs venant de disciplines différantes) justifie des différentes approches. L'approche du sociologue p.ex se concentre sur la régularité qu'on trouve dans le texte ou encore sur celle du traitement de texte par un roupe social. Toutefois, quelque soit la perspective choisie, elle ne devrait jamais violer les éléments théoriques provenant de certaines autres recherches qui acceptent les mêmes prémisses épistémologiques. Plus positivement dit, il est même possible de faire des transferts de savoir et d'idées extrèmement intéressants. Ainsi le principe sémiotique d'intertextualité gagnera une signification élargie si on introduit dans l'analyse du récit la notion d'"inter"-savoir et d'"inter"-savoir-faire de la tradition de l'interactionisme symbolique. Une notion très statique de structure (le texte interprété dans l'isolement) sera complétée par la notion plus dynamique de structures à capacité procédurale.