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6.2 Le modèle SSOA

Il existe de nombreux modèles et théories pour la description des interfaces. Nous nous baserons sur le modèle de Schneiderman (1992) qui est à la fois simple et puissant. D'autres modèles sont décrits dans le module 8. Le modèle de Schneiderman caractérise un interface par rapport aux connaissances que l'utilisateur doit mettre en jeu pour l'utiliser efficacement. Le modèle s'appelle SSOA pour "syntactic-semantic object-action". Il distingue les aspects syntaxiques des aspects sémantiques et, parmi les aspects sémantiques, sépare les concepts propres à la tâche et les concepts spécifiques au traitement informatique. Nous illustrons ces connaissances pour le cas d'un logiciel de traitement de texte:

Aspects sémantiques

Concepts propres à la tâche: convaincre, résumer, paragraphe, orthographe, ...

Concepts propres à l'ordinateur fichier, blanc solide, style, paragraphe, glossaire, remplacement, ...

Aspects syntaxiques

Pour effacer caractère, taper DELETE ou CTRL-B

Pour justifier à droite, taper CTRL-J ou cliquer sur telle icône

Notons que le concept de paragraphe figure deux fois dans cette liste. Le concept tel qu'il existe dans la tâche de rédaction sur papier n'est pas le même que le concept de paragraphe utilisé par les traitements de texte. Pour ces derniers, le paragraphe est un objet doté d'un certain nombre de propriétés, notamment d'un style et d'un espacement par rapport aux autres paragraphes. Par contre, sur papier, un paragraphe n'est qu'un ensemble de lignes séparées du paragraphe suivant par une ligne vide. Les utilisateurs qui n'ont pas acquis le concept propre au traitement de texte et qui utilisent donc le concept 'paragraphe sur papier' se reconnaissent par le fait qu'ils tapent une ligne vide entre deux paragraphes au lieu de régler l'espace inter-paragraphes de façon générique. Parmi les connaissances sémantiques, ces utilisateurs ont donc acquis les concepts propres à la tâche mais ne maîtrisent pas encore les concepts propres au logiciel.

Les différents types de connaissances du modèle SSOA ont des propriétés spécifiques. Les connaissances sémantiques requièrent d'un apprentissage significatif. Celui-ci permet d'élaborer un réseau de concepts hiérarchisés. Ces connaissances sont stables en mémoire et généralement transférables d'un logiciel à un autre. Ainsi, l'utilisateur habitué à un traitement de texte a probablement maîtrisé le concept de "style de paragraphe". Si cet utilisateur passe ensuite à un autre système, il pourra transférer cette connaissance sémantique. Par contre, il devra apprendre de quelle manière (aspects syntaxiques) on définit un style dans le nouveau système.

En effet, les connaissances syntaxiques sont arbitraires. Elles sont le plus souvent spécifiques à un système et se retiennent essentiellement par coeur. Si elles ne sont pas régulièrement mobilisées, l'utilisateur les oublie rapidement. Bien entendu, l'utilisation d'une syntaxe cohérente et homogène à travers un logiciel renforce l'acquisition de ces connaissances. A fortiori, la standardisation de la syntaxe à travers différents logiciels facilite la mémorisation des règles syntaxiques. Ceci constitue une des raisons du succès des ordinateurs Apple Macintosh: dès l'apparition des premiers Macintosh, la société APPLE a imposé des normes d'interface très précises (et supportées directement par la machine). La plupart des logiciels pour cette plate-forme partagent aujourd'hui un certain nombre de menus et d'options, tels que les opérations de fichiers (ouvrir, sauvegarder, sauvegarder sous), d'édition (couper, copier, coller), etc.

Figure 6.2. Relation entre les types de connaissances mobilisées et les catégories d'utilisateur

Schneiderman distingue trois types d'utilisateur d'un logiciel informatique (voir figure 6.2):

Cette catégorisation des utilisateurs constitue un critère pertinent en vue d'une adaptation de l'interface à l'utilisateur (voir module 8)(Silverman, 1992). Ce modèle est surtout pertinent pour le présent module car il permet de comparer les styles d'interaction. La littérature comprend de nombreuses comparaisons empiriques des différents styles d'interaction. Les résultats de ces comparaisons sont complexes et contradictoires. Au lieu de déterminer une fois pour toutes si un style est meilleur qu'un autre, le modèle SSOA nous fournit des principes simples qui nous permettent de comparer différents styles d'interaction selon les types de connaissances qu'ils exigent.