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Je viens d'une ville de campagne, Wangarrata, au Nord-Est de
Melbourne.Mes parents ont toujours soutenu mon désir de travailler
dans le domaine artistique. Mon père était
un homme très créatif : il travaillait dans un théâtre
et enseignait la littérature. Ma mère était aussi
créative (libraire), et m'a toujours encouragé. Mes parents
auraient voulu que je sois peintre.
J'ai travaillé dur pour devenir peintre. J'ai même étudié
aux Beaux-Arts. Mon style a été critiqué en deuxième
année. Mes peintures étaient glauques selon une vieille matrone
qui enseignait dans cette école. Finalement, on m'a mis à
la porte.
Mon père est mort dans un accident de voiture en 1978, alors
que j'avais 19 ans. Ma mère vit encore.
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Même si j'ai perdu mon père il y a déjà
longtemps, j'ai l'impression d'avoir compris un certain nombre de choses
à son sujet depuis que Luke est né. Après sa mort,
je me suis renfermé sur moi et j'ai cessé de ressentir quelque
chose pour lui. Je comprends aujourd'hui mieux qui il était, je
l'aime davantage. Il y a une force qui lie nos générations,
une sorte de fluide qui passe par le sang et se régénère
avec chaque naissance. Je me vois aujourd'hui comme une extension de mon
père, son prolongement. Je lui ressemble beaucoup - ce qui me glace
d'ailleurs le sang -, mais parallèlement je suis capable de réaliser
des choses dont lui était incapable.
Je suis persuadé d'être une personne foncièrement
meilleure que mon père, et je crois que Luke sera meilleur que moi.
Il y a une évolution entre les générations, un refus
du surplace.
Mon père était passionné par la littérature
et passait des heures à me faire découvrir les livres qu'il
aimait avec un enthousiasme incroyable. "Lis ça, fiston. Tout est
dans ce livre ! Il n'y a rien d'autre à ajouter." Mais au bout du
compte, je restais près de lui sans vraiment m'impliquer, un peu
inerte. Je ne pouvais pas placer un mot, il ne m'en laissait pas le temps.
J'aimerais servir de guide à mon fils, mais je voudrais aussi
être capable de l'écouter.
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Mes parents étaient Anglicans. C'est une religion très
molle, sans réelle substance. A la base, c'est une religion pour
les dimanches. Les gens vont à la messe ce jour-là, et oublient
tous les préceptes religieux le reste de la semaine. Pendant cinq
ans, j'ai fait partie du chœur de l'église de ma petite ville, et
c'est ainsi que je me suis mis à lire les Evangiles.
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en construction
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DEPART D'AUSTRALIE POUR LONDRES
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Je suis parti parce que je ne pouvais plus vivre dans ce pays.
C'est toujours une raison négative qui me fait agir... rarement
une
raison positive. Nous ne sommes pas venus à Londres parce que
nous en avions le désir mais parce que l'Australie était
devenue
insupportable.
La seule chose qui me motivait, qui m'intéressait, était
d'être chanteur dans un groupe. C'est toujours le cas aujourd'hui.
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Viré de l'école, être chanteur me permettait
au moins d'aller dans les clubs et de m'y saouler gratuitement...
Nous avons été obligés de venir à
Londres parce que nous avions pas mal d'ennuis à Melbourne... Des
ennuis avec la police. Deux des membres du groupe étaient sans arrêt
convoqués par la police. Lorsque nous sommes arrivés en Angleterre,
nous avons tout de suite été choqués de voir quel
horrible pays c'était. Avant d'y venir, nous pensions que c'était
un pays à la pointe, qu'il y avait du swing, une excitation toutes
les nuits, que tout le monde était jeune et groovy, qu'il y avait
de bons groupes qui enregistraient un peu partout, ce qui n'était
évidemment pas le cas...
Quand je suis arrivé à Londres, je n'avais pas un sou.
Pendant trois ans, j'y ai vécu dans une pauvreté absolue.
Nous n'avions pas beaucoup de travail, j'avais l'impression qu'on ne nous
prenait pas au sérieux. Nous étions considérés
comme un groupe australien et personne n'arrivait à comprendre comment
un groupe australien pouvait faire quelque chose de valable.
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Cette ville a eu un réel impact sur ma vie. Les Berlinois
ont instantanément adopté Birthday Party, nous avons rapidement
été acceptés au sein la scène artistique. J'y
ai passé trois années merveilleuses, entouré de gens
différents mais rassemblés par une vision spécifique.
Berlin m'a en quelque sorte sauvé la vie. Nous y avons fait
quelques concerts, et j'ai découvert une ville où les gens
étaient libres d'être ce qu'ils voulaient, et où les
nouveaux arrivants étaient réellement bien accueillis. J'ai
eu l'impression d'y vivre une seconde jeunesse.
J'appréciais particulièrement le fait que tout reste
ouvert vingt quatre heures sur vingt quatre, alors qu'à Londres,
il faut s'arrêter de vivre à onze heures du soir.
C'est à Berlin que j'ai écrit mon roman : l'atmosphère
y est parfaite pour la création. En fait, mon Berlin était
très réduit : une petite chambre et quelques bars, mais c'était
une sorte de cocon pour moi.
J'y ai gagné confiance en moi. J'ai appris à foncer, à
faire ce dont j'avais envie sans me soucier de ce que les gens pensaient
de moi. C'est un aspect typique de la mentalité berlinoise.
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Aujourd'hui, si je voulais me soûler ou prendre des drogues,
je le ferais en calculant bien mon coup, pour ne plus devenir une épave,
pour garder une vie à côté - alors qu'avant, lorsque
je me camais, le reste ne comptais plus…
De temps en temps, je cède aux tentations, mais sans culpabilité.
Je me retrouve dans des situations semblables à celles que je connaissais
il y a sept ou huit ans. Je vois certaines personnes avec qui je bois…
Et je prends des drogues… Mais ça ne m'empêche pas de voir
mon gosse le lendemain, d'être un père parfaitement normal,
sobre et attentionné.
Je ne suis plus disposé à sacrifier ma vie entière
pour les drogues… Il n'y a plus de culpabilité, mais une grande
tristesse. Et ce n'est pas une tristesse égocentrique, plutôt
un sentiment ample, collectif, quelque chose que je ressens lorsque je
pense à ceux de mes amis qui ont déconné avec la came
mais qui n'ont pas eu ma chance. Tracy Pew - de Birthday Party -, par exemple.
Lorsque je pense à lui, j'ai envier de chialer. Voilà un
type qui aurait pu être mon frère, nous avions tellement de
choses en commun. Simplement lui est mort, et pas moi.
Saloperie de destin… Et des gens comme lui, j'en ai rencontré
un paquet : ils sont nombreux à s'être embarqués dans
la grande
aventure du rock pour s'éclater et vivre à fond. La plupart
sont restés sur le carreau.
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Quant à moi, j'avais pourtant toutes les raisons d'y
passer. Je me suis quand même tapé seize overdoses dans ma
vie. Le grand jeu : la perte de conscience, l'asphyxie, l'hôpital,
tout le bazar.
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Je ne sais pas pourquoi j'ai survécu. D'ailleurs, je
ne sais pas non plus pourquoi j'arrive à en parler aujourd'hui,
après quinze années d'une vie junkie…
A l'époque (1988), je n'ai pas été en clinique
de désintoxication par choix ou par nécessité vitale.
Bien sûr, j'étais consentant, mais j'ai accepté les
traitements surtout à cause des pressions qu'on me faisait subir.
Pressions légales - c'était ça ou la prison - et pressions
professionnelles. Pour que je travaille mieux et plus vite, il fallait
régler le problème de dope de toute urgence. Mais je ne me
suis jamais senti menacé pour ma vie… Je me suis toujours senti
plus fort que les drogues. Et je ne me suis jamais laissé aller.
Même lorsque j'étais aussi accro que possible, j'ai toujours
continué à travailler, je me suis toujours levé le
matin. Le travail est resté la chose principale dans ma vie, alors
que la majorité des junkies n'a pas cette planche à laquelle
se raccrocher. L'écriture m'a sauvé la vie : je n'étais
pas seulement un junkie, j'étais un junkie qui écrivait.
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Mon expérience au Brésil a été déterminante
pour moi. Elle a changé ma vie, même si je ne le savais pas
à l'époque.
Au Brésil, j'ai recontré Vivian et j'ai eu un fils, Luke.
Ma vie a été complètement transformée. Je ne
sais pas si ma façon de penser a changé. Ce qui a changé...
C'est ma façon de voir le monde. Je vois le monde différemment.
J'ai l'impression de faire davantage partie de ce monde.
En fait, j'ai essayé d'échapper un moment à
l'Europe pour aller vivre à Sao Paulo. J'étais fatigué
de la vanité européenne, de l'architecture et de l'atmosphère.
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Je me suis senti beaucoup mieux au Brésil. Pourtant,
je savais que je serais toujours, aux yeux des habitants, un "gringo",
mais les Brésiliens traitent bien les étrangers. Ce sont
des gens très amicaux et ouverts. J'ai trouvé un pays où
la relation à la vie est plus simple et directement reliée
à des actes de base tels que manger,boire, faire l'amour.
Peu d'endroits m'ont fait cet effet-là. Je me sens vraiment
vivant quand je suis là-bas. Cette ville est si immense, que je
pourrais m'y perdre : j'y suis insaisissable.
Sao Paulo est pourtant un cauchemar urbain, totalement incontrôlé.
C'est une ville où la violence est partout, mais c'est une forme
de violence que j'accepte bien mieux que celle qui a court aux Etats-Unis.
Vivre à São Paulo m'était devenu de plus en plus
difficile car, afin d'y survivre, il était nécessaire d'adopter
le mode de vie des Brésiliens, de devenir comme eux. C'est-à-dire
être continuellement heureux, boire et aimer le football. Trouver
que la vie est amusante, sans laisser aucune place pour la mélancolie,
bref quelque chose qu je n'arrive pas à faire... Vivant à
Londres aujourd'hui, je peux être la personne que je désire.
Je ferme ma porte et je travaille. J'aime ça.
top
Je crois que ces derniers temps, je me suis vraiment comporté
comme un type bien. Avant ça, j'étais capable d'être
très doux pendant plusieurs semaines puis de replonger dans l'autodestruction
sans raison, comme ça, d'un seul coup. Pendant des années,
j'étais fasciné par le mal que je pouvais me faire et je
prenais un vrai plaisir à saloper ma vie. J'étais incapable
de voir le bien en moi, j'étais comme
aveuglé. Alors qu'aujourd'hui il m'arrive encore de me foutre
en l'air, de me faire du mal, mais c'est toujours en gardant à l'esprit
les aspects positifs de mon caractère. Je ne plonge jamais complètement.
top
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