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L'amour est un état dans lequel j'aimerais continuellement
être....
Pour moi, le mariage n'est pas simplement une histoire d'amour.
Il implique un renoncement : les deux membres du couple acceptent de se
ranger sous une loi qui est plus forte qu'eux. Ils sacrifient leur liberté
individuelle au nom de la famille, de la construction. C'est un
engagement rituel et sacré qui demande une force spirituelle
assez extraordinaire : il faut accepter de se couper d'une partie de soi-même
pour s'offrir au couple, faire don de sa personne. Sur le papier, c'est
très beau, mais dans la réalité ça ne fonctionne
pas comme ça, en tout cas, pas pour moi.
"il y a deux côtés aux sentiments amoureux.."
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Il me faut beaucoup de temps pour construire une amitié.
Une fois que j'ai instauré une relation de confiance, je n'éprouve
pas le besoin de rencontrer d'autres gens.
Je pense que la plupart des gens apprennent à faire face à
la vie, et à leurs relations. Ils deviennent de vrais adultes. L'artiste
n'y parvient
jamais. Il est incapable de prendre le temps nécessaire.
Du côté artistique, ma vie se porte bien. Mais il semble
que ma vie personnelle se maintient dans un état chaotique. Je n'arrive
pas à prendre le temps nécessaire pour trouver un certain
équilibre.
Pourtant, je fais le maximum pour être honnête, sincère,
généreux avec les gens que je fréquente. Etre un bon
ami, c'est avant tout se montrer tel qu'on est - pas forcément aller
au restaurant ensemble tous les soirs. Ça fait dix mois que je n'ai
plus menti à un ami, que je n'ai plus fait semblant… Maintenant,
si j'ai un problème avec quelqu'un, je lui dis. Et si je l'aime
profondément, je lui dis également. J'ai un profond respect
pour ceux de mes amis qui sont capables de se comporter de la même
manière avec moi.
Malheureusement, j'ai tendance aussi à me refermer très
vite sur moi. Je suis souvent confronté à des situations
où le repli total est la meilleure solution - ou bien la plus facile.
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Si je ne suis pas disposé à faire des efforts,
je me retrouve seul chez moi. Pas d'ami, pas de télé, pas
un bruit.
Comment devenir une meilleure personne, être plus agréable
pour les autres ? Chez moi, ça rentre en effet dans le cadre d'un
travail spirituel long et prenant, quelque chose qui me demande une concentration
quotidienne - même si, de temps en temps, je l'avoue, je peux
décrocher pendant un jour ou deux.
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J'ai été éduqué dans un pensionnat
pour garçons, et jusqu'à l'âge de dix-huit ans, je
n'ai jamais eu de réels contacts avec les femmes. Elles restent
très mystérieuses, étrangères pour moi. Pour
que je comprenne une femme, il faut que je la découvre peu à
peu, et j'ai beaucoup de mal à le faire.
Je suis, en fait, bien plus intéressé par les femmes que
par les hommes, car elles semblent avoir des personnalités plus
complexes, mais je ne sais toujours pas me comporter en leur présence.
Je deviens immédiatement timide et maladroit, presque incapable
de communiquer.
Je pense que j'ai encore besoin de mûrir, même si je ne
suis plus vraiment un gamin.
En vérité, j'ai même l'impression d'être
un cauchemar ambulant,
un type pas très agréable à vivre au quotidien.
Plus je vieillis, plus je me dis que je n'ai strictement rien à
foutre de l'idée que les gens se font de moi. J'ai désormais
des idées très arrêtées, très dogmatiques
sur les choses, ce qui me rend assez difficile, souvent acariâtre.
Je n'ai plus envie de discuter pendant des heures, de faire des compromis.
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Fatalement, ça ne fait pas de moi un partenaire amoureux très
plaisant et ouvert, mais au moins je ne suis plus un hypocrite. Alors,
si des gens ont pour projet de se mettre en ménage avec moi, il
faut vite les prévenir que c'est une mauvaise idée.
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Pour qu'un couple fonctionne, il doit se construire sur des
différences, des oppositions. Or, ma femme ne les acceptait pas.
Elle était persuadée que nous pourrions toujours tomber d'accord
sur tout, qu'il y avait forcément des terrains d'entente. Croire
que ce genre de miracle pouvait se produire nous a conduits à l'échec.
Il y a là quelque chose qui me dépasse : je crois que
je ne serai jamais capable de "fusionner" avec quelqu'un. Il y a une sorte
de réflexe qui m'en empêche, comme un blindage, une protection
Lorsqu'on vit avec quelqu'un, il est très difficile de trouver
des moments de réflexion profonde. Il faut sans cesse faire des
compromis, se soucier de l'autre. Vivre seul m'a redonné toute ma
liberté.
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S'il reste un peu de cohésion dans ma vie - et dans les rapports
que Viviane, mon ex-femme, et moi devons maintenir -, c'est grâce
à Luke. Avec sa mère, que j'ai rencontré à
Sao Paulo, nous nous sommes promis de l'élever le plus normalement
du monde. Elle et moi parlons de son éducation pendant des heures
: il est devenu notre principal terrain d'entente, le trait d'union d'un
couple qui ne s'aime plus.
Mais quand il est chez moi, je suis seul maître. Je peux enfin
m'occuper de lui comme je le veux, en suivant mes propres règles,
mes propres instincts. Je ne suis plus obligé d'élever mon
fils selon les règles imposées par quelqu'un d'autre, ce
qui m'apporte une joie immense.
Lorsque Luke est chez sa mère, je travaille comme un fou. Je
n'ai jamais avancé aussi facilement qu'au cours des derniers mois.
Depuis l'été, je me sens fort, inspiré, les chansons
sortent sans effort.
J'ai toujours pensé que j'étais un bon songwriter
et un musicien très correct, mais aussi que j'étais minable
dans toutes les autres disciplines de la vie. J'ai toujours été
un mauvais fils, un mauvais mari,
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un mauvais ami, un mauvais compagnon de groupe pour les Bad
Seeds. Or, pour la première fois, je me sens bon dans un domaine
utile et vital : je ne suis plus seulement un artiste et un auteur accompli,
je suis aussi un excellent père !
Chaque matin, lorsque je me lève, cette idée me rend
plus fort,
plus gai.
Quand il n'est pas près de moi, je ressens un vide physique,
presque douloureux. Et quand il est chez moi, je ne fais rien d'autre,
je me consacre entièrement à lui. Pas de musique, pas d'écriture,
pas de sorties. Prendre soin de mon fils me motive et me responsabilise
énormément.
Or, à la différence des efforts demandés par la
vie en couple, je n'ai pas ressenti ces changements de rythme de vie comme
une
agression, comme des sacrifices. Tout ça s'est fait très
naturellement, en totale harmonie : je suis incroyablement heureux d'offrir
à ce gosse la moitié de mon temps. Pour la première
fois de ma vie, je peux être sincèrement généreux,
véritablement généreux. Il n'y a ni calcul ni effort,
simplement un besoin physique. C'est ce don de moi qui est nouveau.
Luke m'apprend à être patient, à vivre dans le présent.
Quand tu as un enfant, impossible de faire autrement, car il ne comprend
pas les
concepts de futur et de passé. Afin d'être vraiment avec
lui, je dois entrer dans sa perception. Il y a beaucoup à apprendre
à partir de ça. J'ai beaucoup changé grâce à
lui mais je crois que j'aurais, de toute façon, changé. J'ai
tout simplement grandi. Je veux qu'il soit capable de regarder à
l'intérieur de lui-même afin de savoir exactement ce qu'il
veut faire de sa vie et y consacrer toute son énergie. Mon fils
pourra faire ce qu'il désire.
Prendre soin de mon fils me motive et me responsabilise
énormèment.
Pour la première fois de ma vie, je peux être
sincèrement généreux, véritablement généreux...
top
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