Dans l'antiquité déjà, on rapportait que dans la région de l'actuelle Andalousie, on trouvait chez les indigènes un don certain pour la danse et le chant.
   C'est dans cette zone marécageuse et sauvage, à la limite de l'empire des Wisigoths qui a succédé à l'Empire romain, que va naître le flamenco.

   En 711, les Arabes entrent en Andalousie. Ils y resteront 800 ans et les souvenirs de cette époque sont omniprésents dans la culture andalouse, dans l'architecture, dans la musique.
   A la cour du Calife Abd-el-Rahman à Cordoue, l'art, la poésie et l'esthétique ont une importance énorme, et la contribution de Zyriab, musicien talentueux et admiré venu de Mésopotamie, n'y est pas étrangère. Ce compositeur, chanteur, poète possède d'immenses connaissances, qu'il partage avec les grands musiciens juifs se trouvant à Cordoue. Ensemble, ils échangent des idées et se penchent avec intérêt sur les musiques du nord, et parmi elles les musiques religieuses chrétiennes. Jusqu'à sa mort en 875, Zyriab fait entrer en andalousie des milliers de chansons, et notamment des chansons orientales qui forment la base musicale du flamenco.

   Nous nous trouvons donc dans une Andalousie dont la danse, la musique et la poésie proviennent de mille horizons différents, et ce mélange va bientôt connaître une révolution :

L'ARRIVEE DES GITANS

   Au fil des siècles, les Gitans, peuple nomade pour qui "cultiver la terre porte malheur", ont traversé la Perse puis se sont séparés en deux branches, chacune longeant la Méditerranée, s'en éloignant beaucoup parfois, chacune conservant une partie de la tradition musicale des pays traversés.
   Ils se fixent dans les deltas, régions le plus souvent dépeuplées et isolées, et c'est en 1425 que les premiers Gitans arrivent dans le delta du Guadalquivir, où le roi les autorise à rester. Et ils s'y installent, puisque leur route semble être arrivée à la fin du monde. De plus, la cohabitation avec la population autochtone semble agréable et la musique des Gitans paraît être spécialement appréciée.
 


   Et le serpent se mord la queue : les Gitans du sud retrouvent ceux du nord, ils partagent leurs trouvailles, puisent dans les vestiges de la musique arabe, ajoutent à tout cela le caractère qui leur est propre, la liberté, la fougue, la spontanéité. 
   Et le flamenco explose ! Et il n'aurait pas explosé sans eux, qui savent transformer ce qu'ils trouvent en leur art propre.

   Tout ceci se passe en période de guerre; les Arabes et les Chrétiens s'arrachent l'Andalousie et quand ces derniers finissent par régner sur toute la région, l'avenir des Gitans devient noir. Avec les Juifs, ils font partie des minorités gênantes à éliminer, et on retrouvera d'ailleurs ce destin commun pendant la deuxième guerre mondiale.
   Ainsi, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, soit pendant 200 ans, ils se cachent. Beaucoup deviennent catholiques, à leur manière, bien sûr... Mais leur musique, particulière, sauvage, lascive ou hystérique, il faut la cacher. Et c'est ainsi que le flamenco ne dépasse plus le cercle familial, le groupe d'amis autour du feu.
   Ce n'est qu'en 1783 que Charles III, roi d'Espagne, donne aux Gitans un statut officiel. Et les revoilà, libres d'inquiétudes, qui se communiquent textes et mélodies, se mélangent aux Payos (non-Gitans), et le flamenco s'enracine pour de bon dans le peuple d'Andalousie. 
   La musique des Gitans, c'est leur trésor, et pour un peuple pauvre et le plus souvent illettré, un trésor comme celui-là, ça se respecte, ça s'entretient, ça se transmet aux plus jeunes. 
   Cependant, la mode du flamenco se répend et la demande va en grandissant. Au milieu du XIXe siècle, les "cafés-chantants" fleurissent dans les grandes villes Andalouses, surtout à Séville, et bien vite, on tire profit de l'attrait du flamenco en faisant payer l'entrée. Le professionnalisme est né, et les grands chanteurs et danseurs gitans deviennent très réputés. Les amateurs accourent et les spectacles sont  le plus souvent de bonne qualité. 
   Pourtant, cette mode tend à faire du flamenco un événement mondain dont l'authenticité se perd. On se soumet au public. C'est ce qu'on retrouve encore aujourd'hui dans bien des "tablaos" pour touristes aux quatre coins d'Espagne.

   En 1921, Manuel de Falla veut résusciter le "cante flamenco jondo", la création artistique populaire, et il fera sortir de leur campagne les artistes ignorés, mais tellement purs, que son assistant, Federico García Lorca, va chercher pour les amener au concours de Grenade. Les règles sont strictes et précises: cantaores classiques, pas de style théâtral. On lui reprochera tout de même d'avoir créer un événement snob...

   Les grands continuent, l'art évolue, les impostures aussi, la phonographie offre des horizons nouveaux, le flamenco passionne toujours autant, et ses monumentales figures récentes apparaissent : Terremoto de Jerez, Camarón de la Isla, Paco de Lucía, dans la plus pure tradition flamenca, mais en y mettant leur couleur, leur nouveauté. Percussion plus moderne, basse. Camarón et Paco forment en duo dont les succès et les merveilles ne se comptent plus. On chante les textes des grands poètes espagnols, mais on recherche aussi le retour aux sources dans la musique arabe.
   Le domaine instrumental évolue énormément, notamment la guitarre où Paco de Lucía, et plus tard Vicente Amigo innovent sans cesse.
   La danse aussi évolue, et la technique prend une importance croissante, tant et si bien que certains grands actuels la laisse étouffer la source qu'ils se devraient de chercher : l'énergie pure, l'art, qui a le don d'apparaître quand on ne l'attend plus...
 

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