UP PREVIOUS NEXT TOP

2.4 Structure des écrans

L'attention n'est pas uniquement influencée par les artifices de présentation cités dans la section précédente, mais aussi par des aspects plus structurels. En voici deux exemples observés auprès de pilotes d'avion (Wickens, 1987): Les études sur la mémoire à court terme soulignent l'intérêt de structurer l'information en unités de plus haut niveau. De nombreuses recherches ont établi que cette mémoire peut contenir entre 5 et 9 éléments d'information. Toute la question consiste à savoir ce qu'on identifie comme un élément d'information. Il semble cependant qu'on puisse dépasser cette capacité maximale en structurant les informations en objets de plus haut niveau, intégrant des informations élémentaires. L'interface peut guider l'utilisateur dans la construction d'objets complexes et structurés.

La mémoire à court terme conserve spontanément l'information pendant une coutre durée (200 ms). Toutefois, en mettant en oeuvre des mécanismes volontaires de maintien, la répétition par exemple, il est possible de maintenir en mémoire l'information pendant le temps nécessaire pour la réalisation d'une tâche. On parle alors plutôt de mémoire de travail. Nous reviendrons ultérieurement sur le rapport de l'information avec la tâche et l'activité du sujet.

L'organisation des écrans constitue une étape critique de la conception des interfaces. Cette structure résulte de l'identification de zones (cadres, couleur de fond,...), de groupes d'objets (alignements, proximité,...) et de relations entre items (de même couleur, de même graphisme, ...). L'importance de la structure est illustrée - de façon délibérément caricaturale - par les figures 2.3 a et b (inspirées de Tullis, 1988), qui présentent un panorama fictif des cinémas d'une ville . Dans la figure 2.3, l'information est listée comme un texte. Dans la figure 2.4, l'information est structurée en différentes zones, ce qui facilite la lecture de l'écran et les comparaisons.

Figure 2.3: Présentation de l'information en format texte

Figure 2.4 : Présentation structurée de l'information

L'étude de la structure de l'écran doit être rapproché des théories de la gestalt selon lesquelles le tout est plus que la somme des parties. Face à ensemble de stimuli, nous percevons certains 'patterns' de préférence à d'autres. Certains de ces biais semblent universels. Le plus connu d'entre eux est le principe de symétrie, qui réfère notre préférence vers la décomposition des images en éléments symétriques. Anderson (1980) cite d'autres principes:

Figure 2.5 : Effet de proximité (selon Anderson, 1980)

Figure 2.6 : Effet de similarité (selon Anderson, 1980)

Ces principes décrivent des biais universels de la perception. L'utilisateur est aussi sujet à des biais individuels. En particulier, notre perception est influencée par ce que nous nous attendons à voir. Ce biais est individuel car il dépend des connaissances préalables de l'utilisateur et du contexte dans lequel il utilise le logiciel. Il est particulièrement important dans la lecture: nous anticipons systématiquement les mots qui suivent ceux que nous lisons. Par conséquent, lorsqu'il existe un mode conventionnel de présentation des données (sur support papier), par exemple la structure des adresses, il est préférable d'utiliser ce mode (Tullis, 1988). Selon Anderson (1980), l'identification de patterns familiers demande moins d'attention. Lorsqu'il n'y a pas de pattern familier, les sujets doivent consacrer une partie de leur attention à assembler les éléments en un tout interprétable.

Le concepteur de logiciel interactifs peut exploiter ce biais perceptif en induisant lui-même les attentes de l'utilisateur. En créant des invariants dans la présentation des informations, l'auteur favorisera l'induction de patterns visuels qui accéléreront l'interprétation des écrans ultérieurs. Si l'auteur prend la précaution d'afficher systématiquement le même type d'informations au même endroit, l'utilisateur pourra construire des automatismes lui permettant de fixer directement le point de l'écran où se trouve l'information recherchée. C'est un principe général en psychologie: la création d'automatismes permet de réduire les ressources attentionnelles nécessaires.

L'efficacité de la structure d'écran dépend également de la tâche, notamment de l'ordre dans lequel le sujet doit traiter les informations présentées. Cet ordre détermine le trajet de l'oeil de l'utilisateur.

Ces principes peuvent sembler contradictoires. Imaginons par exemple que le plan d'une maison soit affiché à l'écran. L'utilisateur peut cliquer sur un objet (un mur, une porte,...) pour en connaître les dimensions. Afin de minimiser les écarts visuels, ces dimensions devraient être affichées le plus près possible de l'objet auquel elles réfèrent. Par contre, si le concepteur désire créer des invariants dans la présentation, il devrait au contraire afficher systématiquement les dimensions au même endroit, par exemple, en bas de la fenêtre. Cette contradiction peut être surmontée en définissant des invariants 'relatifs' de présentation, par exemple 'les dimensions sont toujours affichées immédiatement sous l'objet mesuré".