3. Quand "savoirs" et "savoir-faire"collaborent efficacement dans des situations qui leur donnent un sens
La première forme d'apprentissage est prise en charge par un système basé sur une architecture de réseaux de neurones, la seconde par un système à base de règles de production classique. Schématiquement parlant, le réseau de neurones artificiels apprend à reconnaître les exemples donnés par l'expert et à les associer à des conclusions. Ce système ne sait rien des règles qui pourraient éventuellement produire ce résultat de manière déductive (il sait faire mais ne "sait" pas expliquer). Le système à base de règles, quant à lui, est chargé de retrouver ces règles et de demander à l'expert si elles sont compatibles avec ce qu'il connaît du domaine. Il a donc en charge la cohérence du domaine. Dans le cas où il n'y arrive pas, il conserve quand même cette connaissance dans son répertoire. Par la suite, le système pourra l'activer mais ne pourra pas logiquement justifier sa réponse.
Si la performance de ces systèmes n'est pas encore optimale [il s'agit d'un secteur en plein développement], les utilisateurs-experts chargés d'alimenter le système en connaissances considèrent cette approche comme plus facile et plus fiable que les architectures classiques basées sur les seules systèmes à base de règles. De plus, elles ouvrent de bons modèles à la psychologie cognitive pour tester les différents modes d'interaction qui supportent l'apprentissage par l'exemple et l'apprentissage par règles.
Ces verbalisations sont-elles fiables ? Peut-on être certain qu'elles rendent compte de l'activité cognitive sous-jacente ? L'évaluation de ces techniques a fait l'objet de nombreux débats et de travaux expérimentaux [voir la synthèse de J.P. Caverni (1988)]. Les principales objections que l'on fait couramment aux méthodes de verbalisation appartiennent à deux catégories d'arguments: 1) la verbalisation modifie les processus observés [ce n'est donc pas une bonne méthode] et 2) les processus mentaux ne sont pas accessibles par la verbalisation. Pour des raisons de temps, nous limiterons notre propos d'aujourd'hui aux seules situations de résolution de problèmes et au premier de ces points.
De nombreuses recherches attestent que la verbalisation des actions affecte en effet la performance d'un sujet placé devant un problème à résoudre, mais ces résultats dépendent en grande partie du moment où a lieu cette verbalisation et de la nature des indicateurs utilisés. Schématiquement la verbalisation améliore la performance des sujets lorsque celle-ci est demandée pendant la phase de recherche et de mise en place des procédures de résolution. Par contre, elle gène la phase d'exécution de ces mêmes procédures et ce phénomène est d'autant plus sensible que les procédures invoquées sont, par nature, difficilement verbalisables.
[On pourrait aussi parler des métaconnaissances et de leur rôle de régulation de l'activité dans le fonctionnement cognitif]
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3.3.2 La verbalisation comme observable
Bien qu'elle se réfère essentiellement à l'évaluation d'une méthode de recherche, un autre exemple de ce même phénomène pourrait être l'étude de la verbalisation comme source d'observables dans l'étude du fonctionnement cognitif (Caverni, 1988). Il est bien connu que la psychologie scientifique a comme objectif de valider des modèles et, pour ce faire, elle a besoin d'indicateurs. Si les temps de traitement ou les mouvements occulaires peuvent dans certains cas bien précis être de bons candidats, les activités mentales finalisées ou intégrées nécessitent bien souvent que l'on utilise la verbalisation comme source unique d'informations sur les processus étudiés. 3.3.3. L'effet d'auto-explication
Ces résultats peuvent être aussi mis en relation avec l'effet d'auto-explication (Chi et al., 1989) [self-explanation effect] bien connu par ailleurs des psychologues de l'apprentissage. Les bons "résolveurs" de problèmes sont ceux qui "commentent" pour eux-mêmes les exemples qu'on leur donne à étudier et sont ceux qui cherchent à "comprendre" ce qu'ils lisent. A l'inverse, les mauvais "résolveurs" se bornent à paraphraser ce qu'ils lisent sans vraiment chercher à comprendre. Dans ce type d'activité, il semblerait donc que la verbalisation est un processus qui favorise la mise en place de nouvelles procédures, au moins pendant la phase d'apprentissage. Là encore, la raison profonde de ce phénomène est probablement à rechercher du côté de l'aide que procure l'explicitation d'une structure hiérarchique de sous-buts [comme dans l'exemple précédent sur les modes d'emploi]. Si elle est un obstacle à leur mise oeuvre lors de la phase d'exécution, c'est probablement en raison de la surcharge cognitive qu'elle implique alors que le soutien en terme de décomposition des actions n'est plus nécessaire.
Template Expertise - 01 FEB 95
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