LES JOYAUX DE LA
CHAUSSURE
Les chaussures de femme ont rarement atteint
l'extravagance décorative qui caractérise celles du début
du XVIII siècle,à l'exception des créations de Roger
Vivier. Ce dernier s'est ingénié avec constance et splendeur
à créer des modéles qui possédent tout le raffinement
des chaussures d'antan, avec un surcroît d'inventation. Ses souliers
ne sont pas, cependant, de simples copies ou pastiches des originaux d'époque,
comme peuvent l'être parfois ceux de stylistes de moindre envergure.
Les soulier de Vivier
sont uniques parce que, en dépit de leur extravagance, ils
sont résolument modernes. Ils ne peuvent appartenir qu'à
notre siècle, notamment à cause de la façon dont ils
exploitent les principles de l'ingénierie et de l'aérodynamisme.
D'autres, notamment Andrea Pfister, l'ont imité.
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LES HAUTES
TALONS
Déjà, à l'époque
où les robes longues dissimulaient les souliers aux regards, les
bottiers se livraient à des fantaisies décoratives sur les
talons. Au XX siècle, à mesure que les pieds et les chevilles
se sont progressivement découverts, les créateurs ont été
obsédés par l'idée de pousser la ligne du talon jusqu'aux
limites du pratique. Les grands bottiers de notre temps notamment Pérugia
et Ferragamo,
ont toujours aimé essayer de nouvelles matières, formes,
textures et, ce faisant, mettaient souvent au point des formes de talon
d'une originalité surprenante. Ce n'était pas forcément
beau, mais toujours intéressant. Malheureusement,
ces innovations s'adaptent mal à la production en série.
Elles restent l'apanage du modèle "exclusif", pour lequel le coût
n'entre pas en considération.
Les bottiers modernes ont cherché
par tous les moyens à alléger le talon. L'arrivée
de nouvelles matières leur a permis de les faire plus hauts et plus
effilés que jamais, et, en s'inspirant des recherches des ingénieurs,
on a même créé des chaussures à talons
hauts sans talon. Dans les années 50, on avait obtenu cette légèreté
et cette transparence de façon mois onéreuse en adaptant
au prêt-à-porter des talons en verre incassables dans lesquels
étaient parfois enfermées des pierres semi-précieuses
ou des décorations, sans oublier ceux, mémorables, que l'on
avait remplis d'eau où nageaient de minuscules poissons rouges.
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LES
SEMELLES COMPENSEES
Le passage du temps n'est pas tendre
pour les semelles compensées. Elles paraissent presque toujours
laides et ridicules, comme elles l'étaient d'ailleurs à leur
époque. Au cours de notre siècle, on ne les a ressuscitées
que trois fois. Dans les années 30, elles étaient souvent
en liège et réservées surtout aux sandales de plage.
Dans les années 40, elles furent de bois et offraient une solution
pratique aux problèmes liés à la pénurie de
cuir. Ce fut dans les aberrantes années 70 qu'elles devinrent une
véritable mode, faisant appel à presque tous les matériaux
connus. Mais finalement elles sont retournées dans les années
90.
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LE
DERBY
Le derby est désormais bien loin
du modèle irlandais original, le brogue, dont les Britanniques ont
conservé le nom. En effet, ce fut d'abord la plus simple et la plus
pratique des modes paysannes, dont le seul objet était de protéger
le pied avec un maximum d'efficacité. D'ou les trous dans le cuir,
moyen le plus simple et le plus rapide de laisser s'écouler l'eau
qui s'infiltrait dans la chaussure durant la traversée des marécages
irlandais. Le modèle arriva en Angleterre où il fut adopté
par les garde-chasses, puis par les ghillies écossais, qui avaient
besoin d'un soulier tout temps et tout terrain. Sa popularité le
signala alors à l'attention des nantis qui y virent la chaussure
idéale pour les battutes et la chasse. Ainsi arrivé au sommet
de l'échelle sociale, le derby se fit raffiné; sans rien
perdre de sa solidité, il devint de plus en plus élégant,
et on le vit même aux pieds des dames se livrant à des activités
compagnardes. Il connut son apothéose dans les années 30,
lorsque l'arbitre de la mode mondiale qu'était le prince de Galles
le porta pour jouer au golf et en fit, sous une forme allégée
en daim, l'accessoire indispensable du costume gris "décontracté"
qu'il arborait en ville. Avec de pareils antécédents,
on ne s'étonnera plus de voir le derby rester un des inébranlables
favoris des élégantes et des élégants.

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LE
SABOT
Le sabot est l'un des modèles
les plus réussis de la civilisation. En tant que moyen simple et
résistant de protéger les pieds des pauvres et des travailleurs,
de force comme de façon et peu coûteuse, il confine
à la perfection. C'est pourquoi son style et sa fabrication sont
inchangés depuis des siècles. Il y a deux modèles
de base. Le plus ancien est tout simplement un bloc de bois évidé
pour y longer le pied, et façonné selon ses contours. La
variante est le sabot fait d'une semelle de bois adaptée à
la forme du pied, à laquelle est fixée une tige dont la matière
est entièrement au goût du savetier. Il s'agit le plus souvent
de cuir, mais on trouve aussi du raphia tressé. Les sabots utilisés
dans l'industrie lourde ont parfois des tiges en caoutchouc, en matière
plastique calorifuge, voir en métal.
Quoique essentiellement
conçus pour le travail, les sabots ont été portés
au fil des siècles par tous les campagnards soucieux de parcourir
les sentiers bourbeux les pieds au chaud et au sec. Au cours de la Seconde
Guerre mondiale, les gouvernements encouragèrent le port des sabots,
pour résoudre le problème posé par la pénurie
de matières premières. Dans un élan de patriotisme,
les revues de mode photographièrent des sabots portés
par d'élégants mannequins, dans l'espoir de tordre le cou
à l'image péjorative du "soulier de pauvre". Rien n'y fit
cependant, et la bougeoisie ne l'adopta que contrainte et forcée.
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