Tous les appareils sensoriels comprennent
trois parties :
- les récepteurs
- les voies de transmission
- les centres d'intégration
Aucune ne peut fonctionner sans les deux
autres : ce n'est pas l'œil qui voit mais les
aires corticales de la vision, ce n'est pas l'oreille qui entend mais les
centres corticaux de l'audition, etc.
Les récepteurs sensoriels :
Des récepteurs ouverts sur l'extérieur
captent toutes sortes de stimuli mécaniques, thermiques, chimiques,
ondulatoires…, et les transmettent. D'autres récepteurs situés
à l'intérieur de notre organisme règlent la vie des
organes.
Les appareils sensoriels se diversifient,
se perfectionnent et deviennent de plus en plus complexes au cours de l'évolution.
Nous ne sommes pas les mieux pourvus. Au-delà de ce qui nous est
audible, qui va des ondes graves (16Hz) aux aiguës (20000Hz) sont
les infrasons et les ultrasons dont nous n'avons aucune conscience. Le
dauphin et la chauve-souris enregistrent les sons jusqu'à 130000
cycles/seconde (ultrasons), au-delà du visible qui va des ondes
électromagnétiques de 4000 à 7000 angström (nanomètres)
sont les ondes courtes : infrarouge… et les ondes longues : ultraviolets…
Les insectes voient l'ultraviolet. Notre sensibilité olfactive est
nettement dépassée par celle des insectes, des poissons et
de certains mammifères. Les chiens ont un odorat très supérieur
au nôtre (220 millions de cellules olfactives alors que nous en avons
environ 6 millions).
Les voies de transmission :
Les récepteurs sensoriels transforment
l'énergie naturelle mécanique, chimique, thermique, ondulatoire…,
en activité neuronique. Les messages d'abord transmis par des nerfs
pénètrent dans la névraxe où ils suivent des
voies dirigées vers des centres spécialisés après
avoir franchi plusieurs relais cellulaires…
Pour la sensibilité banale, ces
relais sont au nombre de trois : un protoneurone, le plus souvent extranévraxique,
un deutoneurone intranévraxique, un troisième neurone situé
dans les centres dits primaires (thalamus). La concentration est la règle
: un deutoneurone relaie plusieurs protoneurones; un pour 1000 en ce qui
concerne l'olfaction par exemple. Le croisement de la ligne médiane
par les deutoneurones est une autre règle, si ce n'est le croisement
partiel des voies visuelles et auditives et celui de l'olfaction pour laquelle
le message sensoriel est intégré en partie dans le bulbe
olfactif correspondant.
Les centres d'intégration sensorielle :
Captée par des récepteurs,
transmise par des voies directes et croisée, la stimulation arrive
à l'écorce cérébrale. L'écorce cérébrale
n'est pas homogène; elle est faite d'aires, de structures et de
fonctions différentes classées en primaires, secondaires
et supérieures. Les deux premières reliées à
l'extérieur par les appareils sensoriels sont absolument spécialisés
dans un type de sensibilité visuelle, auditive, tactile…
Les aires corticales supérieures
sont instruites par l'expérience, par le déjà-vu,
le déjà-entendu…
Les aires sensorielles primaires:
Les aires sensorielles primaires perçoivent les sensations élémentaires pour le goût : salé, sucré…; pour l'odorat : menthe, lavande…; pour la vision : forme, couleur, dimensions, relief, distance…; pour le toucher : lisse, rugueux, froid, chaud…; pour l'audition : sons graves, sons aigus… La sensibilité tactile aboutit à la circonvolution pariétale ascendante appelée somato-sensorielle, la sensibilité visuelle à la face interne du lobe occipital (aires visuo-sensorielles), la sensibilité auditive à la première circonvolution temporale (aire audito-sensorielle), les sensibilités olfactive et gustative à la cinquième circonvolution temporale (aire olfacto-sensitive).
Sur les aires primaires règne une
somatotopie précise: à tout point de la surface cutanée,
de la rétine ou de la cochlée…correspond un point de l'écorce
correspondante. L'étendue des aires est en rapport avec la qualité,
la précision des fonctions et non avec l'étendue des surfaces
cutanée, rétinienne, cochléaire correspondantes. L'homonculus
sensitif et l'homonculus moteur dessinés en tenant compte de l'importance
correspondante des aires corticales primaires sont difformes: leur face
est volumineuse et leur crâne petit; leurs mains et leurs doigts,
pouce et index surtout, sont énormes et leurs avant-bras et bras
petits; la représentation de la main est beaucoup plus étendue
que celle du pied, alors que, chez le singe anthropoïde quadrimane,
elle est à peine supérieure.
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Les aires sensorielles secondaires :
La synthèse des sensations élémentaires réalise la construction de l'image mentale; ce n'est plus seulement un trait mais un triangle, ou un rectangle…; ce n'est plus un objet mais une tige, une boule, une tasse…; ce n'est plus seulement froid ou chaud, lourd ou léger, rond, carré, rectangulaire…; ce n'est plus un bruit mais un son mélodieux ou désagréable, aigu ou grave…Ces aires sont dites visuo-psychique, tacto-psychique, audito-psychique…
Spécialisées dès la
naissance, elles entourent les aires sensorielles primaires. Elles sont
pour la vision sur le cortex occipital, pour l'audition sur la première
circonvolution temporale, pour le toucher sur le lobe pariétal…
Sur les aires secondaires existe aussi une localisation précise
non plus anatomique mais fonctionnelle.
Aires sensorielles primaires et secondaires
ont une étendue proportionnelle à la surface cutanée
correspondante, de même que les aires motrices l'ont par rapport
à la masse musculaire; ce qui explique que les cerveaux de l'éléphant
et de la baleine soient deux fois et quatre fois plus lourds que celui
de l'homme.
Une question se pose: comment le cerveau
qui reçoit de multiples détails construit-il les images lorsque,
par exemple, nous regardons un paysage, un tableau…? On admet actuellement
que des zones de l'écorce visuelle différentes réagissent
à l'un des aspects du message visuel: forme, mouvement, couleur,
etc., et qu'ensuite un riche réseau de connexions unit les différentes
aires visuelles et aboutit à la construction d'une image visuelle
cohérente.
Les aires corticales spécialisées
ne transforment pas seulement l'influx nerveux en sensation; elles filtrent
et sélectionnent l'information; elles la complètent et la
corrigent souvent.
L'information sensorielle est sélectionnée :
Nos organes des sens sont comparables à des fentes; ils ne laissent passer qu'une étroite bande d'effluves olfactives, de radiations lumineuses, d'ondes sonores… De tous les messages perçus par nos sens, seule une partie est enregistrée et stockée par le cerveau, celle sur laquelle se concentre notre attention et dont nous prenons conscience. Les information sensitives parvenues à l'écorce cérébrale subissent un tri selon les nécessités. Nous ne sentons plus nos vêtements sur notre peau, sur nos épaules, les chaussures à nos pieds ou les gants à nos mains; nos récepteurs cutanés s'habituent aux stimulations continues. Nous voyons dans une salle de nombreux objets et plusieurs personnes, nous entendons des bruits divers, mais tout n'atteint pas, heureusement, notre conscience et notre réservoir de mémoire. Notre vue, notre oreille fixées sur un point peuvent ne voir dans une foule qu'une personne, n'entendre dans un brouhaha qu'une voix. Notre cerveau filtre, sélectionne de la masse des chose qui les entourent les données à stocker.
La sélectivité de la mémoire permet de ne retenir des souvenirs que ceux qui présentent un intérêt; l'utile est mis en réserve et l'inutile écarté.
Il existe une sorte de compétition
entre les différentes modalités sensorielles. On ne capte
plus aussi bien les messages auditifs dès lors qu'une information
arrive par la voie visuelle. Il semble qu'un contrôle ne laisse passer
que les messages momentanément signifiants. Les réponses
provoquées par des stimuli douloureux s'atténuent ou disparaissent
si l'attention est focalisée sur un point différent : calcul,
activité motrice complexe…
Par contre, les réponses évoquées
par la douleur sont fortement augmentées si l'on concentre son attention
sur elle. Lorsqu'on est distrait, les douleurs sont moins présentes,
moins vives, que lorsqu'on y est attentif, comme s'il n'y avait pas place
dans les sphères cérébrales pour deux processus sensitifs
simultanés. La nuit, dans le silence et l'obscurité, les
douleurs sont ressenties plus intensément et deviennent insupportables.
L'action, au contraire, les fait oublier; dans le combat, les coups, les
blessures sont moins perçus.
Notre cerveau emmagasine plus d'informations que nous ne le soupçonnons. Les rêves, les hallucinations, les intuitions même, sont l'irruption de souvenirs enregistrés dans l'inconscient. Les sensations de goût, d'odeur, de couleur, de température, de douleur…que nous percevons grâce à nos organes des sens à l'état d'éveil, existent sans leur intervention dans les rêves et dans les hallucinations.
Nous réagissons à certains bruits et non à d'autres, même en dormant. Une mère n'est pas réveillée par un camion qui passe ou par le tonnerre, mais s'éveille dès que son enfant pleure dans une autre chambre. Un stimulus sonore régulier devient un bruit de fond que l'on n'entend plus, mais sitôt qu'il s'arrête, notre système nerveux en est "surpris".
L'arrivée des informations sensitives
banales aux centres nerveux ne se fait pas d'une manière simple
selon un schéma conduisant l'influx de la zone stimulée à
l'écorce cérébrale; des opérations de filtrage
et même de blocage s'opèrent à tous les niveaux des
voies sensitives.
L'information sensorielle est complétée et corrigée :
Non seulement les centres sensoriels du
cerveau assemblent les informations fournies par les capteurs sensoriels,
mais ils les complètent; à partir de quelques renseignements
fragmentaires, ils reconstituent le tout. Nous ne percevons pas le réel,
mais la composition, "l'intervention" que notre cerveau nous en propose.
L'appareil visuel est particulièrement
inventif. Notre rétine saisit quelques points, envoie des informations
incoordonnées et notre cerveau reconstitue le tout en une forme
précise, ce que ne fait pas la plaque sensible de l'appareil photographique.
Nous reconnaissons, nous "voyons" un cube alors qu'on reçoit la
sensation visuelle de trois faces et de neuf arrêtes au plus, et
non de six faces et douze arrêtes, qu'il est impossible de voir simultanément.
Notre rétine voit la succession des photos d'un film en discontinu;
le cerveau les interprètes en continu à condition qu'elles
se succèdent à une certaine vitesse, de dix-huit à
vingt-quatre images par seconde. Les stimuli visuels partiels sont organisés
suivant un certain ordre; si l'on voit trois points alignées, on
compose un ligne; s'ils sont séparés, on imagine un triangle;
les lignes qui joignent les trois points ne sont pas réelles. Un
tableau impressionniste qui subordonne le dessin à la couleur ou
un tableau pointilliste peint par touches juxtaposées de couleur
suggèrent; notre appareil visuel fait le reste. Dans l'audition,
se produit le même phénomène. Si, dans un morceau de
musique, des sons sont omis, le cerveau peut les percevoir. Le cerveau
a donc une propension à chercher une signification à travers
des renseignement incomplets. Les traits qui forment les lettres, puis
des mots, sont vus dans leur globalité s'ils sont d'une langue connue,
ou dans leurs composantes s'ils correspondent à une langue ignorée.
Les centres sensoriels corrigent. Ils redressent l'image renversée envoyée par la rétine telle qu'elle la reçoit après la traversée du cristallin, ils rétablissent l'échelle des grandeurs. Le système de perception compense les modifications apportées par la distance à l'image rétinienne. Si nous regardons nos deux mains, l'une placée à bout de bras tendus et l'autre près de nos yeux, notre rétine "voit" l'une trois fois plus grande que l'autre, mais notre cerveau les voit de la même dimension. Il corrige ce que ne fait pas l'appareil photographique. Si la personne avec qui nous parlons fait des gestes et met ses mains en avant, nous ne les voyons pas plus grandes lorsqu'elles se rapprochent alors que, lorsqu'un speaker de la télévision avance ses mains près de l'objectif, elles paraissent énormes par rapport à sa tête; la caméra ne corrige pas.
A l'inverse, notre cerveau peut être
trompé par les éléments de comparaison environnants;
le soleil et la lune paraissent plus gros à l'horizon que lorsqu'ils
sont en plein ciel; à l'horizon, ils sont au milieu des éléments
terrestres, arbres, collines, toits, et notre cerveau les voit plus grands
que notre rétine ne nous les montre; en plein ciel, nous n'avons
plus d'éléments de comparaison et nous les voyons comme notre
rétine les reçoit.
Notre rétine fournit une image
plate; le cerveau rétablit le relief et la perspective. Notre œil
contient un appareil d'adaptation visuelle à la distance constitué
par le cristallin et les muscles qui le font plus ou moins bomber. Au-delà
de 6 mètres et jusqu'à 20 mètres, intervient la vision
stéréoscopique par usage des deux yeux et, au-delà
encore intervient la perspective qui est une opération du cerveau.
Mais le cerveau peut être trompé par des illusions d'optique.
Notre appareil auditif compose lui aussi. L'interprétation auditive dépend plus des centres de l'audition que de l'oreille elle-même.
Certains perçoivent toute fausse
note alors que d'autres les ignorent; certain reconnaissent automatiquement
le son d'une voix et peuvent l'imiter aussitôt, d'autres en sont
incapables, et cela avant toute éducation musicale. Les centres
corticaux auditifs sont capables de déceler le retard d'arrivée
même léger d'un son à une oreille par rapport à
l'autre; ils perçoivent des différences de l'ordre de 1/10000e
de seconde, ce qui permet de localiser la source sonore, alors que les
sourds d'une oreille ont des difficultés pour le faire. La stéréophonie
est fondée sur le principe d'enregistrement de sons de qualités
légèrement différentes par chacune des oreilles, c'est-à-dire
avec deux microphones; le centre cortical auditif compose la perception
de relief sonore.
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