SYNAPSES ELECTRIQUES ET CHIMIQUES
Comment les neurones parviennent-ils à
communiquer l'information? Tout se joue dans la zone de contact fonctionnel
entre l'axone et les dendrites (ou, parfois, directement entre l'axone
et la membrane du corps cellulaire) que l'on nomme la synapse. Il s'agit
d'un point de rencontre de 2 à 100 microns où se font face
les boutons terminaux des axones et les épines des dendrites.
On distingue deux types de synapses selon
le mode de communication qu'elles utilisent : les synapses électriques
et les synapses chimiques.
Les synapses électriques permettent
de transférer l'information de manière bidirectionnelle (chaque
neurone reçoit et renvoie), rapide et fiable.
Mais la communication électrique
n'est guère flexible. Les synapses chimiques, qui sont les plus
répandues dans le cerveau des mammifères, utilisent des agent
nommées neuromédiateurs ou neurotransmetteurs pour transporter
l'information. Le neurone qui produit le neuromédiateur est appelé
présynaptique et celui qui le reçoit post-synaptique. Les
synapses chimiques sont unidirectionnelles et lentes, mais elles ont le
mérite d'être très flexibles : ce sont elles qui donnent
au cerveau sa plasticité.
Lorsqu'ils ne sont pas activés,
les neurones possèdent un état électrique que l'on
nomme potentiel de repos (PR) : il s'agit de la différence normale
entre la charge électrique à l'intérieur et à
l'extérieur de la membrane (l'intérieur étant plus
négatif que l'extérieur), différence due à
la concentration des ions potassium (K+), sodium (Na+) et chlorure (Cl-).
Sous l'effet d'une stimulation, la charge électrique du neurone
se modifie : la dépolarisation, par laquelle l'intérieur
de la membrane devient moins négatif, entraîne un potentiel
d'action (PA) au-delà d'un certain seuil. Ce PA obéit à
la règle du "tout ou rien" : soit le neurone est activé (dépolarisé)
et il transmet un signal électrique, soit il est inactivé
(ou hyperpolarisé) et il ne transmet rien.
Tous les neurones n'ont pas le même
seuil d'excitabilité et tous les PA n'ont pas la même intensité
ou la même durée. La durée-type d'un PA est de 1 à
2 millisecondes.
LA COMMUNICATION ENTRE NEURONES
Le
PA d'un neurone se dirige par l'axone vers les dendrites ou le corps cellulaire
d'un neurone voisin. Les neuromédiateurs fixés sur la membrane
post-synaptique de ces neurones récepteurs en modifient la perméabilité
à un ou deux types d'ions.
Il en résulte soit une dépolarisation
soit une hyperpolarisation ; dans le premier cas on parle de potentiel
post-synaptique (PPS) excitateur, dans le second de PPS inhibiteur. Les
transmetteurs varient selon la nature des synapses chimiques : les synapses
dites ionotropiques sont sensibles au glutamate et au GABA, par exemple,
alors que les synapses métabotropiques utilisent la dopamine, la
noradrénaline ou certains neuropeptides.
A la différence des PA qui obéissent
au tout ou rien (mode digital), les PPS ont une action diffuse et cumulative
(mode analogique) : un grand nombre de PPS excitateurs peut ainsi mettre
en branle un circuit neuronal important. Alors que le PS se diffuse de
manière constante, le PPS perd en revanche en amplitude à
mesure qu'il s'éloigne de sa source.
L'activité électrochimique
des neurones est calculée de manière algébrique :
le soma de chaque neurone mesure les charges positives et négatives
qu'il reçoit (en permanence) et, selon que le seuil d'excitabilité
est atteint, il déclenche ou non une charge électrique. Il
est évidemment indispensable de ne pas se tromper dans les calculs!
C'est ce qui intervient, par exemple, lors d'une crise épileptique
: soit les membranes endommagées de certains neurones acceptent
des quantités excessives d'ions calcium, potassium et sodium, soit
certains neuromédiateurs inhibiteurs, comme le GABA, se trouvent
hors-service. Il en résulte des PPS excitateurs immenses, comparables
à une sorte de raz-de-marée qui emporte avec lui quelques
millions de neurones et provoque ainsi une violent e décharge électrique
dans le cerveau. Chaque neurone est en moyenne connecté à
10'000 de ses voisins et il lui suffit de quelques millièmes de
seconde pour propager son potentiel d'action. Le nombre d'agencements possible
des 10 à 100 milliards de cellules nerveuses qui forment le cerveau
dépasse donc de loin le nombre total de particules atomiques contenues
dans l'univers! Cette extraordinaire capacité fait du cerveau humain
l'organe le plus complexe jamais produit par l'histoire du vivant.
NEUROTRANSMETTEURS : LE LABORATOIRE CHIMIQUE
A ce jour, plus d'une cinquantaine de neurotransmetteurs ont été identifiés et il en existe très probablement des dizaines d'autres. Ils se répartissent en trois grandes familles : les amines (acétylcholine, noradrénaline, dopamine, mélatonine, etc.), les acides aminés (inhibiteurs comme le GABA – acide gamma-aminobutyrique – et la glycine, ou excitateurs comme le glutamate et l'aspartate) et les neuropeptides (endorphines, enkélaphines, hormones hypothalamiques et hypophysaires, vasopressine, etc.).
Le rôle de certains de ces neurotransmetteurs est bien connu du fait
des maladies, affections ou comportements qui sont liés à
leur production excessive ou insuffisante. Ainsi, la dopamine est impliquée
dans le contrôle volontaire des mouvements physiques : son défaut,
dans la maladie de Parkinson par exemple, entraîne des difficultés
de coordination. La mélatonine est libérée dans le
corps en fonction de l'influence de la lumière : elle contribue
à régler les horloges biologiques internes, fixant notamment
les cycles de veille et de sommeil. Voilà pourquoi cette substance
est vendu dans certains pays pour corriger les décalages horaires
ou les insomnies. La sérotonine joue un rôle régulateur
dans l'humeur des individus, mais elle influe aussi sur la douleur, la
faim et la pression artérielle. Le Prozac, "pilule du bien être",
augmente la concentration de sérotonine. Le glutamate et l'acétylcholine
sont impliqués dans les processus d'attention, de concentration,
d'apprentissage et de mémorisation à court ou à long
terme. Les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer montrent par exemple
un faible taux d'acétylcholine (normalement présente dans
5 à 10% des synapses centrales). Les endorphines et les enképhalines
sont des drogues naturellement sécrétées par le cerveau,
fonctionnant selon le même principe que les opioïdes : elles
atténuent la douleur et la tension nerveuse, provoquant le "nirvana".
DROGUES, SOMNIFERES, ANTIDEPRESSEURS…
Le rôle des neuromédiateurs permet de comprendre l'influence exercée sur l'homme depuis la nuit des temps par les drogues. Ces substances d'origine végétale (ou, plus récemment, synthétisée par la chimie) agissent sur le cerveau en créant un double phénomène d'accoutumance (le cerveau les métabolise et réclame des doses de plus en plus élevée pour produire un effet identique) et de dépendance (le cerveau réagit mal lorsqu'il est privé de sa dose habituelle). Les drogues imitent, inhibent ou excitent les neuromédiateurs chimiques naturellement sécrétés par le cerveau.
La cocaïne, par exemple, exerce une triple action sur les neurones : elle favorise à la fois la production de noradrénaline, de dopamine et de sérotonine. Il en résulte des sensation d'euphorie (effet dopaminergique), de confiance en soi (effet sérotoninergique) et d'énergie (effet noradranergique). Les amphétamines se contentent du dernier effet (augmentation de noradrénaline). La dépendance à la nicotine contenue dans la fumée teint à ce qu'elle stimule les effets de la dopamine, tout en augmentant la production d'acétylcholine, neurotransmetteur lié à l'attention et à la mémoire. Voilà pourquoi il est difficile de se concentrer sur une tâche lorsque l'on entame un sevrage tabagique. Les drogues hallucinogènes comme le LSD et la mescaline (peyotl) sont en général des agonistes de la sérotonine ou de la noradrénaline sur certains récepteurs. Elles provoquent du plaisir, mais aussi des visions hallucinatoires dues à la mise en activité anarchique de réseaux neuronaux situés dans le lobe temporal. Lorsque le LSD atteint les amygdales, au fin fond du système limbique, il libère en revanche des visions angoissantes provoquant un stress violent : c'est le "mauvais trip".
Les drogues ne sont pas les seules substances
utilisées par l'homme pour modifier son humeur ou ses états
de conscience. Depuis une cinquantaine d'années, la médecine
utilise des composées de synthèse qui agissent sur les neuromédiateurs
: ce sont les somnifères, anxiolytiques et antidépresseurs.
Ces substances ont des effets calmants (psycholeptiques) ou stimulants
(psychoanaleptiques). Les sédatifs, par exemple, utilisent la voie
réserpinique pour vider les synapses des leurs monoamines oxydases.
Les tranquillisants à base de benzodiazépine (dont le célèbre
Vallium) se fixent sur les récepteurs GABAaminergiques et ont un
effet synaptique potentialisateur. Les antidépresseurs de la classe
IMAO (inhibitrice des monoamines oxydases) préviennent la dégradation
enzymatique des amines et prolongent leur effet stimulant.
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