A quelques
exceptions près, nous ne connaissons aucune espèce animale
qui pratique, régulièrement et dans des conditions naturelles,
des mariages consanguins.
Les singes
adoptent diverses structures sociales dans lesquelles il existe des mécanismes
de prohibition de l'inceste:
La polygynie,
ou formation en harem, s'observe chez les babouins hamadryas notamment:
il se produit un regroupement spontané des mâles juvéniles,
subadultes et des adultes non "mariés" en "cohortes de célibataires"
(le fait que les mâles quittent leur famille diminue la probabilité
d'apparition de l'inceste). Les mâles, tout en restant en contact
avec leurs compagnons, quittent ce regroupement lorsqu'ils se lient à
des femelles étrangères avec lesquelles ils conservent des
attachements conjugaux durables (formation en harem: un mâle pour
plusieurs femelles). Les femelles quant à elles sont enlevées
durant l'enfance par des mâles subadultes étrangers: cette
séparation précoce avec le milieu familial réduit
aussi considérablement le taux de consanguinité.
La monogamie
se retrouve chez les grands singes (chez le gibbon notamment): dans cette
structure sociale l'inceste est peu présent car les jeunes (adolescents)
quittent assez rapidement leur famille. En raison du comportement agressif
du parent du même sexe envers les adolescents, ces derniers revendiquent
une autonomie et donc s'émancipent en quittant le noyau familial.
La polygamie,
observée principalement chez les rhésus, les macaques et
les chimpanzés, correspond à des bandes, constituées
de plusieurs mâles et femelles adultes avec leur progéniture.
La prohibition de l'inceste y est assurée par trois mécanismes.
Premièrement, la majorité des jeunes mâles abandonnent
leur groupe d'origine avant leur maturité sexuelle (il y a là
aussi formation de "cohortes de célibataires" avant l'attachement
à une nouvelle bande mixte). Deuxièmement, les mâles
qui ne quittent pas leur groupe avant leur maturité réduisent
l'apparition de l'inceste mère-fils en conservant une attitude infantile
(infantilisation) vis-à-vis de leur mère: tout se passe comme
si les comportements sexuels et infantiles étaient incompatibles
et, de ce fait, l'infantilisation constitue un obstacle à l'inceste.
Troisièmement, les femelles ayant atteint leur maturité sexuelle
se montrent très peu sélectives à l'égard des
mâles étrangers, alors qu'elle poussent des cris perçants
lorsque leurs frères s'approchent de trop près: la femelle
semble donc éprouver un certain dégoût pour les contacts
avec les membres de sa famille qu'elle rejète.
Nous remarquons
donc que chez les primates (comme chez de nombreuses autres espèces)
l'inceste n'apparaît que peu fréquemment (il demeure possible
mais peu probable) en raison des mécanismes qui s'instaurent à
l'intérieur des différentes structures sociales. Mais notons
tout de même que ce genre de mécanismes, qui servent d'obstacles
à la consanguinité, ne peuvent s'instaurer dans une situation
où se produit une interférence dans les conditions de vie
naturelles d'une espèce: les animaux vivant en captivité
montrent une fréquence plus accrue du taux d'inceste que dans la
nature. En effet, en élevant certaines espèces en captivité,
leurs mécanismes instinctifs sont perturbés et deviennent
donc moins efficaces. |