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chapitre 3 Modèles du décideur politique

3-6.1 Le processus de décision et le temps


Le chercheur qui s'intéresse à la décision possède des problèmes communs à ceux de l'historien. Les analyses se font en règle générale ex post facto. Les processus qui nous intéressent sont rationalisés par le biais d'une interprétation. Malheureusement, le temps dans l'histoire est avant tout chronologique, les événements ont l'air uniques. Ce constat est en contradiction avec le but des sciences sociales: trouver des généralisations, des lois, voire même un système. En ce qui concerne la décision, on désire connaître les propriétés du problème, du décideur et de son environnement et trouver une logique qui a conduit à une décision. Le temps dans un modèle de décision doit couler du stade de la possibilité vers le stade de l'accomplissement (cf. Roig 73:30-31), sinon l'observateur procède à une énumération inintéressante de faits. En d'autres mots, l'ordre intéressant des phases dans un processus de décision est plutôt logique que chronologique.

Des nombreuses études en politique publique (cf. par ex. Bardach 77) ont mis en valeur la relativité des étapes de la décision. Ainsi, il arrive très rarement qu'un problème de décision soit bien défini au "moment" de la décision. Au contraire, décider veut souvent dire "définir le problème". Chaque étape de la décision peut être redéfinie par l'étape "suivante". Dans l'autre sens, un décideur peut anticiper des étapes de la décision sans avoir résolu les étapes précédentes. La notion de la décision est diluée dans le temps. Le choix entre des solutions ne représente qu'une composante (répétitive) de la décision. D'autres étapes, comme celle de la mise en oeuvre d'une décision sont toutes aussi importantes.

Dans le domaine de l'analyse des politiques publiques, on distingue par exemple les étapes suivantes de la mise en oeuvre d'une loi: (1) perception du problème, (2) formulation des buts, (3) législation (4) mise en oeuvre et (5) impact sur la société. Ces cinq étapes interagissent fortement par anticipation et par rétroaction (cf. Delley 82:15). Dans ce type de recherche empirique, la décision n'est plus au centre de la création d'une politique. Une politique est quelque chose qui se cherche et qui se crée dans un long processus douloureux.

Finalement, la décision peut modifier le décideur lui-même et par là changer tout le processus de décision. Aussi, au lieu de parler des étapes ou des stades de décision, il faudrait voir la décision comme un processus qui met en place une sorte de système ayant une durée de vie limitée qui a comme but de comprendre et de définir un problème, de trouver ou de créer des ressources qui fournissent des solutions et qui le mettent en oeuvre.


THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94
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