Les membres du cercle sémitotique de Paris
forment a mon avis le courant le plus représentatif du
structuralisme francais moderne.
Le but de ce groupe de personnes est l'étude
des "systèmes de signification"
par opposition à la sémiologie
plus traditionelle qui étudie seulement les systèmes de signes.
Ainsi un sémiologue distingue en règle générale diverses couches
de signification dans un objet d'analyse, chacune étant
constituée par un système sémiotique.
La sémiotique a le double but de trouver des "economies générales
du signe", et de fournir ensuite des instruments d'analyse du texte
"généré" par cette économie.
Figure: Les dimensions sémiotiques du récit
Selon Chatman (78:22ff.) la double distinction de la
sémiologie saussurienne entre forme et substance, et entre
expréssion et contenu est utile pour la sémiotique
moderne. Elle lui permet de classifier les différents systèmes et
dimensions sémiotiques qu'on peut trouver dans un récit.
Comme la fig.2 ("Les dimensions sémiotique du récit") (Chatman 78:26) le
montre, le récit est un multi-phénomène, il "contient" plusieurs
systèmes sémiotiques.
En son coeur on trouve la dichotomie du raconté (le
contenu) et du racontant (l'expression).
Les sémioticiens auxquels nous faisons référence dans ce travail
s'intéressent surtout
à ce que Chatman appelle la forme du contenu: aux faits et personnages,
aux actions et événements.
Puisque le récit est un phénomène où l'action intentionnelle et
téléologique domine, il est légitime de se concentrer sur la
catégorie de l'action ou du rôle dans le sens "celui qui agit d'une
certaine facon".
Toutefois certains chercheurs de l'école structuraliste comme Barthes
ou encore comme
Foucault (qui ne font pas d'analyse du récit) soulignent aussi
l'importance de l'analyse de l'expression, pour ce qu'un signe revèle
de phénomènes prophondes.
Une des faiblesses de la sémiotique réside dans son analyse de
l'articulation raconté/racontant (contenu/expression), voire dans la
définition même de ces dimensions.
Je reviendrai sur ce problème.
En outre, il faut aussi mentionner que la fig.2, tirée de Chatman (78)
n'est nullement complète.
D'une part la littérature fait d'avantage de distinctions, et notamment
pour les niveaux de profondeur de sens.
D'autre part la figure ne contient pas la distinction entre le sens plus isolé
d'un élément et entre son apport (ou fonction) vers un ensemble
plus grand comme la structure narrative ou le système sémiotique du
sens.
Dans la suite on discutera plus en détail certains de ces aspects.
Selon Grosse (73:157) il y a un ensemble d'hypothèses communes
à la plupart des recherches structuralistes
sur le récit: (1) La distinction montrée dans la fig.2
entre le texte narratif (le niveau apparent) et le raconté
(le niveau immanent et prélinguistique)
(2) L'importance des concepts d'actant et de fonction pour l'analyse du
raconté, et (3) la définition de séquences et de liens
syntagmatiques entre elles.
Ces hypothèses découlent d'une vision du récit très particulière
qui se reflète dans les deux citations suivantes:
Le récit est un système
"réglémentant la conservation et la transformation du sens au sein
d'un énoncé orienté" (Hamon 74:23).
"Le récit, unité discursive,
doit être considéré comme un algorithme, c'est à dire une
successsion d'enoncés dont les fonctions prédicats simulent
linguistiquement un ensemble de comportements orientés vers un but"
(Greimas 70:187).
Ainsi il apparait que le raconté et ses éléments ont leur propre
signification en dehors de la forme, leur propre système sémiotique,
non pas constitué de mots,
mais d'événements, situations et comportements signifiés
par les mots.
D'autre part, puisque le récit est analysé en tant que structure,
chaque élément n'a pas de
signification autonome par rapport au cadre du récit raconté
Son sens est d'abord déterminé par
une structure de signification (le système sémiotique en question),
mais également par sa place dans une structure de récit.
Les expressions linguistiques en particulier gagnent leur sens dans un
contexte.