Les approches présentées en profondeur dans ce
travail sont toutes des approches partielles de la théorie
et l'analyse du récit (qui s'excluent
mutuellment parfois).
Toutefois elle nous ont permis de dégager les éléments et
principes majeurs du récit.
Dans cette section on ne reviendra pas sur des questions
théoriques plus générales qu'on vient de traiter dans la
section précédante, mais on va essayer de mener une
discussion plus pratique sur les constituants les plus
importants du récit.
Une narration consiste au moins un deux états S1 et S2, et en un évènement E qui conduit de S1 vers S2. Dans le cas du récit, l'événement E ne doit pas être "évident" ou automatique, c'est-à-dire la transition entre S1 et S2 doit être incertaine. Elle représente une situation de problème qui doit être résolue (ou non) par une certaine force, de préférence un acteur intentionel. Cette séquence S1-->E-->S2 peut se manifester dans des formes plus complexes (qui peuvent se contenir récursivement). Des séquences de grammaires génératrices comme "cadre - complication - résolution" ou encore "début - cause - développement" expriment bien ce fait. Les relations entre les éléments de base du raconté (et même du texte surface) doivent être causales ou (au moins) temporelles. Ces conditions de connectivité font déjà que le récit possède une cohérence et qu'il détient une certaine "informativité" par defaut. Un récit qui ne peut pas être représenté dans un réseau causal et temporel et qui ne possède pas des structures plus globales exprimant de transformations d'états n'est pas grammatical, c'est-à-dire au qu'il est normalement incompréhensible ou inintéressant.
Le récit minimal nécessite au moins un agent intentionel, c'est-à-dire, la situation de problème (mentioneé plus haut) doit être résolue par une force à qui ont peut attribuer certaines qualités quasi-humaines. Si cet acteur ne représente pas un stéréotype connu par le récepteur, il doit être introduit d'une facon minimale dans le récit. L'identification de l'acteur et de ses buts (comme celle des formes du récit) est une dérivée culturelle. Autrement dit, le savoir du récepteur sur le monde du récit lui permet d'identifier les buts implicites et explicites des acteurs du récit. Au delà, le savoir sur le monde du récit permet la constitution du monde du récit qui possède en règle générale une large validité intersubjective. Ce monde du récit est "initialise" dans le cas normal par le "setting", l'introduction au récit. Ainsi le récit, tel qu'il est percu par un récepteur (ou concu par un producteur) ne consiste pas seulement en un texte ou un résumé narratif qu'on y associe. Le récepteur s' imageine non seulement les acteurs et le monde du récit, mais également des évenements (et leurs conséquences) alternatifs qui peuvent se produire à des moments critiques du récit (comme les tournants). Cette capacité d'inférence du récepteur lui permet aussi de reconstituer des récits mal formés, voire même l'intégration dans une forme de récit de chaines d'évènements percus. En conséquence le récit possède des éléments qui n'apparaissent même pas implicitement dans le texte. Autrement dit: la constitution du sens d'un récit est un travail constructif.
Un récit ne doit pas seulement être
grammaticalement correct,
mais il faut qu'il soit intéressant.
Le public exige de certaines classes de récits plus qu'une
simple résolution de problème (qui définit la notion
d'intérêt minimal).
Souvent il
faut qu'il y ait des luttes et conflits, pertes et
victoires, des problème difficiles, des surprises, etc..
Certains récits intéressant le public remplissent des
fonctions spécifiques pour un texte supérieur, d'autres
contiennent seulement des éléments intéressants.
Ainsi l'intérêt du récit est à la fois défini par la
structure et la nature de son contenu, et d'autre part par
des facteurs externes.
Souvent son insertion dans une situation de
communication lui donne son intérêt, c'est-à-dire un
guide à son interprétation et une "utilité".
Sur le plan méthodologique cela veut dire que la seule
utilisation d'une grammaire de récit (même si elle est
tres` élaborée) ne détermine pas l'intérêt d'un récit.
L'analyste doit en effet posséder, dans beaucoup de cas, un
savoir sur la situation de communication.
Il doit au moins posséder de l'information sur le
"background" culturel général dans lequel le récit est
interprété.
Dans ce sens, l'étude du récit doit aussi dévenir l'étude
du "contage" comme mode d'interaction culturelle.
Dans certaines analyses on ne doit pas ignorer que le
producteur et le récepteur sont aussi des acteurs
interagissants qui ont des buts et des plans.
Maintenant on peut mieux définir le concept de
dramatisation,
qui a pour fonction de rendre l'intrigue intéressante, mais
aussi de la rendre cohérente et intelligible.
L'intérêt qui découle de l'intrigue, et celui du message
total du texte,
sont des aspects connectés qui se déterminent mutuellement.
L'intérêt du message tel qu'il est envisagé par le
producteur détermine les formes possibles que peut prendre
l'intrigue.
Par exemple tous les textes narratifs exigent que l'intrigue soit
"dramatique", mais certains récits ne l'exigent pas
ou exigent même le contraire.
Toutefois au moins dans la vie de tous les jours il est
possible d'affirmer qu'un récit intéressant "sans message"
est mieux accepté que le message présenté dans une forme
inintéressante.
Ces réflexions montrent encore une fois le
caractère limité de ce travail.
Discuter des modèles d'analyse du récit n'est que le début
d'une théorie plus générale de la production et de la
réception de récit.