SYNESTHESIE ET CERVEAU

 


La synesthésie idiopathique
 
 

Elle représente la plus grande proportion des synesthésies, ce qu'on appelle la "synesthésie réelle": c'est la perception normale d'une personne. Il existe actuellement plusieures théories qui ne sont pas mutuellement exclusives, car aucune d'entre elles n'est capable d'expliquer toute la variation du phénomène. Nous présentons ici deux approches explicatives:

L'état naturel désinhibé

Le point de vue de R. Cytowic: tout le monde est synesthète mais la plupart d'entre nous n'en a pas conscience.
Selon Cytowic, une stimulation sensorielle évoque une redistribution du flux sanguin cérébral qui rend des parties du cerveau électriquement disconnectées ce qui fait émerger à la conscience des associations intermodales dans le système limbique qui normalement ne sont pas conscientes.
En effet, nos organes sensorielles fournissent au cerveau plus d'information que celui-ci ne peut traiter consciemment. Le cerveau ne fait pas une photographie de l'environnement mais une interprétation personnelle, en comparant les données extérieures avec le savoir déjà acquis, tout en y intégrant la mémoire et les sentiments. Nous n'avons pas conscience de ce processus. On a mis en évidence que la conscience a ca. une demi seconde de retard sur les activités du cerveau: quand notre conscience croit prendre une décision, le cerveau a déjà fini d'analyser et de trier toutes les données extérieures en filtrant tout ce que la conscience ne devrait pas apprendre de ce processus. Cytowic croit que ce filtre est plus pénétrable chez les synesthètes.
Il y a actuellement peu d'évidence pour cette théorie.

L'hypothèse néonatale

Selon . Baron-Cohen, il y a une phase normale de synesthésie dans le développement: les bébés perçoivent la stimulation sensorielle de manière indifférenciée jusqu'à probablement 4 mois. Deux stimulations telles que la lumière claire ou un bruit fort provoquent une réponse corticale similaire chez les nouveau-nés. Plus tard il y a différenciation, il y a une phase normale de mort cellulaire sélective qui isole des "îles sensorielles" dans le cerveau pour rendre le traitement d'information plus rapide et plus efficace.
Dans le cerveau des synesthètes ces connexions cellulaires ne se seraient pas détruites ou auraient même augmentées. Une autre possibilité est que  ces connexions existent chez tous les sujets, mais elles sont soumises à un mécanisme d'inhibition qui chez les synesthètes serait dysfonctionnel.
 
 


La synesthésie non-idiopathique

Les synesthésies non-idiopathiques résultent d'une étiologie (cause) connue ou d'un mécanisme acquis.
 

Induite par une crise épileptique

Elle est vécue pendant la décharge électrique dans la région limbique du cerveau, dans moins que 7% des cas.
Des décharges dans l'hyppocampus produisent des sensations élémentaires comme un simple goût salé.
Des décharges dans le lobe temporal provoquent des sensations plus élaborées et spécifiques comme le goût d'un gâteau de chocolat.

Induite par une dégénération neuronale

La cause est la désaffération (la perte de certaines fibres nerveuses afférentes) ou la déprivation sensorielle. Par exemple un son peut évoquer des visions simples comme des jaillissements de lumière dans la portion du champ visuel où la personne est aveugle.
 

Induite par une lésion cérébrale

La lésion de parties antérieures du cerveau, souvent du nerf optique, peuvent provoquer des sensations synesthésiques.
27 à 31 % des neurones dans la partie ventrale du cortex prémoteur sont bimodales. Cela signifie qu'il y a chez tous les sujets une part de neurones qui répondent à la fois à la stimulation visuelle et tactile, et une lésion du tronc cérébral peut induire des sensations parallèles. Dans le cas d'une opération d'un tumeur elles vont disparaître.

Induite par une lésion de la moëlle épinière

Dans ca. 12% des cas de lésions de la moëlle épinière, un stimulus tactile au-dessus de la lésion cause une sensation locale et une sensation fantôme dans une partie du corps qui n'y est normalement pas liée.

Induite par une commotion

Dans 2% des cas de commotion, un bruit ou une lumière abrupte peuvent causer une sensation momentanée de douleur dans le tronc ou dans les extrémités.
 

Pseudosynesthésie

Consommation de drogues

Le haschisch et la mescaline peuvent produire des sensations "reliées": entendre ou sentir des couleurs, voir des sons et même des sentiments. Le plus fréquent sont des liaisons visuo-auditives.

Associations apprises

La théorie des associations apprises postule que durant les années, des paires fréquentes de sensations ou catégorisations mènent à une association automatique.
L'exemple le plus cité est celui des lettres colorées: en jouant avec des blocs colorés de lettres ou avec des livres où celles-ci sont en couleur, les enfants apprendraient à les associer.
Mais l'interprétation de ce phénomène est très controversée: l'enfant ne trouvera pas les mêmes paires couleur/lettre dans tous les outils d'apprentissage.