En réalité, cette analyse n'en est
pas une en tant que telle, on a plutôt cherché de donner une
description contextuelle en oubliant les règles d'une analyse complète
et plus spécifique.
Le paysage est réduit à l'essentiel: le "colle"
(coteau) où le poète, assis, contemple ce que la "siepe"
(haie)
lui empêche de regarder ("l'ultimo orizzonte") mais qui lui
sert de stimulus pour l'imagination. Espaces sans frontières, silences
immuables, immobilités absolues, sont ce que le poète crée
avec ses pensées en opposant, par la négative, à l'espace
fermé une étendue illimitée, aux sonorités
et rythmes de la vie un silence et une tranquillité jamais vues:
dimensions que l'homme ne connaît pas et qu'il peut seulement créer
(Leopardi utilise le verbe fendre pour donner une connotation de
fausseté à ces images qu'il a créées avec imagination)
mais tellement inconnues et semblables à la mort qui arrivent à
terrifier le coeur du poète ("ove per poco il cor non si spaura").
La voix du vent, la plus immatérielle et mystérieuse de la
nature, amène à nouveau à la sensation du moment vif
et présent, et encore par opposition évoque ce qui n'est
pas présent, le passé, et le temps dans toute son extension
éternelle.
Leopardi, dans son petit moment où il sent et entend, sort des
frontières de son être, partie infiniement petite du temps
et de l'espace, et se réjouit d'avoir plongé un moment dans
une dimension d'altérité, même si s'en était
que par opposition à tout ce qui borne l'être humain dans
son petit enclos, et limite sa connaissance aux objets finis.
On peut exclure que Leopardi faisait une quelconque allusion à
des puissances métaphysiques, transcendantales ou surnaturelles.
Plus tard dans le Zibaldone
Leopardi précisait son concept d'infini
en écrivant qu'en fait il aurait dû parler d'indefini:
"Pas seulement la faculté de connaître, ou la faculté
d'aimer, mais même pas l'imagination arrive à concevoir, connaître
infiniment mais seulement indéfiniment" (4 janvier 1821). Quelque
mois après, le désir d'infini devenait central dans sa théorie
du plaisir et la tristesse humaine se fondait sur l'impuissance des objets
à donner un plaisir réellement infini.
Sa réflexion évoluait après vers une dichotomie
opposant l'être au non-être, et le caractère fini de
l'être à l'absolue absence de limites du non-être. Finalement,
dans la poésie de Leopardi, le désir de l'infini devenait
progressivement désir du non-être, de la mort. Mais tout cela
est postérieur à L'infinito qui reste un moment de
plaisir, d'ébriété d'indéfini (selon la terminologie
leopardienne postérieure à cette poésie), si rare
dans l'oeuvre de Leopardi.
|