KAZAN (Elia Kazanjoglous), né à Constantinople en 1909.  

   L’œuvre cinématograpique d’Elia Kazan et sa trajectoire personnelle sont particulièrement représentatives des engagements, en même temps que des doutes, qui ont marqué ce siècle américain. Ce fils d’émigrés arméniens, fuyant le génocide de son peuple en Turquie, est  
arrivé à l’âge de quatre ans aux Etats-Unis, et prend à son compte l’ambition libérale américaine, mais aussi les théories critiques de l’engagement communiste (il fut membre du parti pendant plusieurs années) : il témoignera constamment des paradoxes de cet écartèlement. "Le Mur invisible" (1947), "Viva Zapata" (1952), "Un homme dans la foule" (1957), ou " Le dernier Nabab" (1976) témoignent d’un regard lucide et caustique sur ce matérialisme satisfait souvent partagé par ses concitoyens. Ces films manifestent, dans des styles et avec des moyens très divers, une énergie constamment critique, et parfois radicalement opposée au système américain. Cependant, en 1952, Kazan dénonce un certain nombre de ses anciens camarades communistes, devant la Commission des activités anti-américaines. Cette attitude marque de façon douloureuse l’ambiguïté du cinéaste vis-à-vis de l’autorité que" Le Fleuve sauvage" (1960), un de ses films les plus magistraux et les plus troublants, révèle avec une force particulière.  

 De ces contradictions naît une œuvre riche, féconde, exemplaire des contradictions du libéralisme lui-même,comme le film "La fièvre dans le sang", empreinte d’un lyrisme rare. Kazan possède en propre une sensualité qui se manifeste en particulier dans ses adaptations de Tennessee Williams, "Un tramway nommé désir" (1951) et Baby Doll (1956). Une violence et une tendresse à fleur de peau y sont incarnées le plus souvent par des acteurs venus de l’Actor’s Studio : Marlon Brando, Caroll Baker, Karl Malden, etc.  Kazan participa de très près à la création de l’Actor’s Studio, en 1974, et à l’avènement d’une nouvelle génération d’acteurs formés au sein de ce laboratoire du théâtre new-yorkais. C’est à ajouter au crédit d’un créateur polymorphe, l’un des plus représentatifs de l’Amérique du XXème siècle, non seulement par ses ambiguïtés, mais aussi par sa constante volonté de recherche, de renouvellement et de décalage individuel. En témoigne également son roman "L’Arrangement" (1967) – qui deviendra un film en 1969 -, formidable d’énergie et de désillusion.