Chapitre 7: Eléments d'écologie comportementale


 

LES STRATÉGIES ÉVOLUTIVEMENT STABLES

L'INVESTISSEMENT PARENTAL

LA SÉLECTION SEXUELLE

L'INFANTICIDE CHEZ L'ANIMAL


LES STRATÉGIES ÉVOLUTIVEMENT STABLES
La sélection de groupe peut-elle amener des individus à sacrifier leur propre intérêt pour le bien du groupe ? NON !! On ne verra jamais de combats à outrance pouvant aller jusqu’à la mort d’un des 2 rivaux. Les combats entre mâles sont pour la plupart ritualisés.
-Maynard Smith et son concept de stratégie évolutivement stable:
Maynard Smith a repris la théorie des jeux dans la théorie de l’évolution et définit ainsi la SES (stratégie évolutivement stable): 
· Une SES est une stratégie ayant la propriété que si elle a été adoptée par toute la population, alors aucune autre stratégie « mutante » ne peut plus venir la remplacer sous l’effet de la sélection naturelle.
Autrement dit :
· Une stratégie est évolutivement stable s’il n’y a aucune stratégie mutante qui donne une fitness darwinienne plus haute aux individus qui l’adoptent.
~C’est la meilleure stratégie en terme de coûts et bénéfices (en terme de fitness) pour toute une espèce.


-Exemples de SES:

a) La stratégie du « bourgeois » chez le Tircis
Ce papillon utilise une stratégie mixte consistant à se comporter en faucon (combattre à outrance) s’il est propriétaire de la ressource ou en colombe (combat ritualisé, s’enfuir avant d’être blessé) s’il est intrus. C’est pourquoi c’est toujours le Tircis résident qui gagne. Cette ritualisation est réalisée par tous les membres de la population et empêche que le combat dégénère.

b) Le chant du grillon
Les grillons mâles chantent le soir mais pas tous, car ça attire non seulement les femelles mais aussi les prédateurs et parasites. Pour y faire face, ils adoptent une stratégie double : 

· Les chanteurs se reproduisent plus mais vivent peu longtemps.
· Les non-chanteurs se mettent à proximité des chanteurs pour se reproduire peu mais vivent plus longtemps.
 Si un mâle chanteur disparaît, un mâle non-chanteur le remplace. Ainsi le bénéfice net est maximum.
c) Chez les vertébrés : syllogisme de Trivers et Willard
· Chez les vertébrés polygames, les mâles grands en santé s’accouplent plus que la moyenne. Les femelles trouvent toujours un partenaire.
· Les femelles en bonne santé produisent des enfants en bonne condition physique qui deviennent des adultes en bonne santé.
· Les femelles en forme devraient produire une plus grande proportion de mâles !!!
L’INVESTISSEMENT PARENTAL

-La reproduction sexuée : coûts et bénéfices:

La reproduction sexuée implique un grand investissement : cela prend du temps, de l’énergie et représente des risques ( investir dans un enfant diminue les chances d’avoir d’autres enfants dans le futur). Il faut donc un avantage massif pour compenser ce coup : grâce au brassage des gènes, la reproduction sexuée permet d’être différent afin de  lutter contre les parasites et de diminuer les rivalités en occupant des niches écologiques différentes. Ainsi les petits ont une meilleure chance de survie.
-Stratégies idéales de l’investissement parental:
Chaque sexe a sa stratégie idéale :
· Pour la femelle, c’est de pondre un maximum d’oeufs et que le mâle s’occupe et élève ses petits, ainsi elle peut se remettre en forme et se préparer à reproduire d’autres oeufs.
· Pour le mâle, c’est de féconder un maximum de femelles et de les laisser s’occuper des oeufs.
Mais en réalité, ce ne sont pas des stratégies réalisables simultanément, car la stratégie optimale pour un sexe dépend de la stratégie adoptée par l’autre. La stratégie de reproduction adoptée par une espèce doit être évolutivement stable pour les 2 sexes. 
De manière générale, l’investissment parental est essentiellement le fait des femelles. 3 hypothèses l’expliquent :
a)L’incertitude de paternité (surtout chez les espèces qui pondent des oeufs) : 
Seule la mère est sûre que les petits sont les siens ; le mâle doit être sûr d’être le père pour que son investissement lui soit bénéfique
b) L’abandonnabilité (« ordre des gamètes ») : 
Le parent qui peut partir en premier met l’autre devant l’obligation de choisir entre abandonner les oeufs (ce qui implique une moindre proportion de survivants) et rester pour les soigner (ce qui implique des coûts pour celui qui reste).Dans l’histoire de l’évolution c’est surtout le mâle qui a la possibilité de partir car la femelle est prisonnière de son histoire.
c) Coût en occasions d’accouplements perdus :
Comme le mâle peut potentiellement avoir de nombreux descendants, le coût de rester est grand, ce qui est moins le cas de la femelle qui a un plus petit potentiel reproducteur que le mâle.
~L’évolution va favoriser la désertion du mâle.


-Un exemple d’investissement paternel unilatéral : la punaise aquatique:

Il arrive que l’évolution a fait que les rôles soient inversés et que seul le mâle s’occupe des petits. C’est le cas chez les punaises aquatiques géantes. Comme ce sont de grands insectes, ils ont intérêt à naître d’oeufs grands pour arriver plus vite à leur taille d’adulte. Généralement les oeufs sont abandonnés sous l’eau ; mais comme ils sont grands, l’apport de l’eau en oxygène  n’est pas suffisant. Le mieux est donc de mettre les oeufs entre l’eau et l’air, ce qui demande de s’en occuper. Mais comme la femelle a plus besoin de se nourrir que le mâle, le coût de s’occuper des oeufs serait trop grand pour elle. Les rôles se sont donc inversés et c’est le mâle qui assure l’investissement parental. Cette évolution s’explique de nouveau en terme de coût et bénéfice.
-La certitude de paternité:
Le mâle doit être sûr d’être celui qui a fécondé la femelle, surtout lorsqu’il assure une partie des soins parentaux. Pour limiter le risque d’investir sur des petits qui ne sont pas les siens, des mécanismes servant à vérifier la paternité se sont mis en place au cours de l’évolution.
Chez les mammifères et oiseaux (espèces avec plusieurs accouplements), c’est la quantité de spermatozoïdes qui va déterminer qui est le père. Chez les grands singes, le poids des testicules (relativement au corps) est proportionnel au nombre de femelles que le mâle va féconder. On retrouve des mécanismes semblables chez l’homme.
Une autre solution consiste à empêcher la partenaire de s’accoupler avec d’autres mâles. Le guépier à front blanc (le mâle participe aux soins) va surveiller la femelle pendant la période de fertilité, pour éviter que d’autres mâles viennent la féconder. La forme humaine de cette surveillance est la jalousie sexuelle mais elle ne touche pas de la même manière les 2 sexes. Les hommes sont surtout troublés par l’infidélité sexuelle, alors que les femmes sont plus touchées par l’infidélité émotionnelle.
Chez l’homme, certains couples investissent dans des enfants qui ne sont pas génétiquement les leurs : ce sont des parents de substitution. Comme ce ne sont pas leurs enfants, leur investissement parental devraient être moins grand. Et on a effectivement constaté un plus grand nombre d’infanticide et de maltraitance par des parents non biologiques. Mais il faut aussi tenir compte des conditions socio-économiques.
LA SÉLECTION SEXUELLE

-Illustration : l’oiseau satin et le paon:

Les oiseaux à berceau (l’oiseau satin par exemple) construisent des arènes (berceaux) servant à attirer les femelles mais ne servant nullement comme nid (l’accouplement se fait ailleurs) ; ce n’est que purement esthétique.
La grande queue du paon est un désavantage du point de vue de la sélection naturelle (danger pour la survie) mais un avantage pour la sélection sexuelle (pour séduire le femelles).
-Composantes de la sélection sexuelle:
Darwin avait déjà repéré les 2 éléments-clés de la sélection sexuelle (volet particulier de la sélection naturelle) :
· Les mâles sont en compétition pour avoir le plus de femelles qui sont une ressource rare (le temps où elle est en gestation et allaite ses petits est long).
· Les femelles doivent choisir les mâles qui leur donneront la meilleure portée (le plus de descendants survivant jusqu’à l’âge de reproduction)
~Ces différents rôles s’expliquent par l’investissement parental asymétrique (c’est la plupart du temps la femelle qui s’occupent de ses petits).


-Le choix des femelles quand des bénéfices sont en jeu:

Chez les mouches dansantes, le mâle apporte un cadeau nuptial (insecte à manger) dont la grosseur est proportionnel à la longueur de l’accouplement. Chez le diamant mandarin, une expérience a été réalisée en mettant 2 bagues à chaque patte et en modifiant leur couleur. On a constaté que les femelles étaient plus attirées par les bagues où les couleurs sont symétriques entre les 2 pattes (signe de bonne santé).
-Le choix des femelles quand il n’y a pas de bénéfice visible:
 Il est plus difficile à faire. 2 hypothèses sont avancées :
· Fisher parle d’emballement évolutif. Chez le paon, la sélection a accidentellement corrélé une queue plus longue à une meilleure survie. Ce caractère s’est trouvé génétiquement inscrit et cet emballement ne s’arrête que quand le coût pour le mâle devient supérieur au choix de la femelle. La sélection sexuelle peut être amenée à maintenir un caractère inadaptatif.
· Zahari et Hamilton avancent l’hypothèse de signaux corrélés à la qualité génétique du mâle ( l’hypothèse des bons gènes). La qualité du plumage (intensité des couleurs), de la parade, du berceau (ex. : l’oiseau satin) sert de signal honnête de la qualité génétique du mâle (et surtout de sa résistance aux parasites).
-La sélection sexuelle chez l’être humain:
De nombreuses études ont montré des mécanismes similaires à la sélection sexuelle chez les hommes au cours de l’évolution. Les résultats de l’étude de Buss montrent que les femmes donnent plus d’importance aux perspectives financières de l’homme (homme riche), à son  statut social (statut élevé) et préfèrent des hommes plus âgés qu’elles. Ainsi, ils peuvent mieux contribuer à l’investissement parental et au succès de la descendance.
Les hommes préfèrent des femmes plus jeunes qu’eux ( l’âge est indicateur de fertilité), donnent plus d’importance à la beauté physique (indicateur de santé) et à la forme du corps (le rapport taille-hanches doit être inférieur à 0.7, indicateur de fertilité).
L'INFANTICIDE CHEZ L'ANIMAL
La source de l’infanticide se trouve dans la sélection naturelle et plus précisément dans la compétition entre mâles. L’intérêt de tuer les petits de mâles rivaux est de rendre la femelle de nouveau sexuellement réceptive.
-Le langur gris:
C’est à travers cette espèce de singe que Sarah Hardy a exploré l’hypothèse de l’infanticide comme évolution dans le but d’une sélection sexuelle (comportement adaptatif). Les langurs gris se déplacent toujours en bande avec un mâle reproducteur et des femelles. Il arrive souvent que des groupes de mâles solitaires les attaquent et chasse le mâle. Les petits alors tendent à disparaître (infanticide commis par les nouveaux arrivants).
-Le lion:
Ils vivent en groupe (« pride »), dont le noyau est constitué des femelles adultes (soeurs ou cousines). L’élevage des petits se fait en crèche ( les femelles nourrissent parfois d’autres petits). Les mâles sont vus comme des parasites partiels et les jeunes mâles quittent la « pride » pour aller chasser les mâles d’autres « pride ». Il arrive alors que les petits du mâle chassé soient tués. Ils le font car la durée moyenne de résidence d’un mâle dans une « pride » est de 2 ans et que les femelles ne font des petits que tous les 2 ans. En tuant les petits, la femelle recommence ainsi à ovuler plus vite. Les mâles cherchent avant tout à tuer les petits de moins de 9 mois. 
-Infanticide, style de vie et histoire de vie:
-Style de vie : endroit où se trouvent les petits, présence de cachettes, possibilités de prévoir ou non où se trouvent les femelles
-Histoire de vie : degré de précocité des petits, vitesse de reproduction des femelles (capacité à être à la fois portantes et en lactation)
~Tous ces éléments vont influencer le comportement d’infanticide.
Il y a un lien entre la lactation, la gestation et l’infanticide. Les bénéfices de l’infanticide ne sont importants que quand la durée de lactation est égale ou supérieur à celle de gestation.


-L’infanticide comme pression de sélection:

Les femelles, à travers l’histoire, ont essayé de trouver des parades à l’infanticide. L’infanticide agit sur la structure d’appariement dans certaines espèces, comme chez les babouins chacma, où la femelle développe des liens d’amitié avec un mâle qui est probablement le père de ses petits. Ainsi, le mâle accorde une certaine attention à la femelle et la protège des autres mâles.
La femelle a plusieurs moyens de protéger ses petits : elle peut les cacher, se disperser, éviter les mâles autres que le père, assurer une défense en commun ou agir sur la certitude de paternité. Il y a 2 cas de figure:
· Si le risque principal vient de l’arrivée de mâles étrangers au groupe, l’intérêt principal de la femelle est de trouver un protecteur en lui assurant qu’il est bien le père (signes de paternité) et ainsi il sera motivé à défendre ses petits.
· Si le risque principal vient d’autres mâles du groupe (mâles non dominants), l’intérêt principal de la femelle est de privilégier l’accouplement avec le mâle dominant, tout en laissant croire autres mâles qu’ils sont peut-être aussi le père. Certains signes morphologiques (le pelage des petits ne ressemble jamais à celui de l’adulte et donc ne permet pas de déterminer avec certitude le vrai père) ou physiologiques ( imprévisibilité du cycle ovarien) vont permettre de diminuer les risques d’infanticide.