next Contents

Introduction


La communication apparaît comme l'un des thèmes majeurs des recherches en sciences humaines. Il est en effet peu de manifestations sociales et culturelles qui ne s'interprètent aujourd'hui comme des faits de communication. Cette tendance s'est trouvée renforcée par le développement des technologies de l'information et de la communication, des machines à communiquer (Schaeffer 1971-72, Perriault, 1990) ouvrant la voie à une forme d'opulence communicationnelle ou encore à une écologie de la communication (Moles, 1988). La pratique pédagogique, la diffusion du savoir et la vulgarisation scientifique n'ont pas échappé à ce mouvement.

De l'étude des médias...

Le concept de communication pédagogique s'est développé avec les premières analyses communicationnelles des médias, principalement la télévision, la presse écrite et la publicité, mais aussi avec leur utilisation en milieu scolaire (notamment, Jacquinot, 1977; La Borderie, 1972; Porcher, 1973). Le domaine est donc lié aux développements de la sémiologie structurale dès la fin des années `60 et s'est construit dans le sillage de la linguistique post-saussurienne. On rappellera les deux courants dominants de l'époque:

  1. l'utilisation de l'audiovisuel et des "auxiliaires audiovisuels" dans le cadre de l'enseignement, tous niveaux et toutes filières confondus (notamment Decaigny, 1973; Dieuzeide, 1965; Lefranc, 1972; Porcher, 1975);
  2. l'éducation aux médias visant à "alphabétiser" les élèves afin de les rendre plus critiques face aux mass media et, simultanément, une initiation à la sémiologie des différents genres médiatiques (cinéma et télévision, photographie, publicité, etc.). L'apprentissage des "codes" et aux langage était en effet considéré comme la base de toute initiation aux médias (voir par exemple la collection, "Les cahiers de l'audiovisuel" et des auteurs comme Bergala, Berrard, Zimmer, Gauthier).

La conjonction de ces deux courants a contribué à l'émergence du concept de communication pédagogique médiatisée. En effet, la nécessité de communiquer les contenus d'enseignement à travers un média, à l'aide d'un dispositif technologique possédant ses propres opérations techniques et ses modes de représentation symbolique, a fait apparaître toute "l'épaisseur" du média: ses contraintes et la façon dont il détermine les contenus, les usages et finalement la sens même du message.

.... à la sémiopragmatique de la communication médiatisée

L'évolution de la sémiotique et de son cadre théorique ainsi que la diversification de ses objets ont fait évoluer le domaine.

  1. Premièrement, la sémiotique tente d'intégrer aujourd'hui les théories de l'énonciation et les perspectives pragmatiques qui considèrent la communication comme un processus intentionnel complexe auquel participent les sujets, émetteurs et destinataires, mais aussi leurs relations interindividuelles, le contexte, etc. (par exemple, Meunier et Peraya, 1993). Au-delà des approches pragmatiques classiques (Anscombre et Ducrot, 1983; Austin, 1962; Berrondenner, 1982; Ducrot, 1972; Grice, 1975; Searle, 1981; etc.), il faut inclure l'école encore d'Anderson (1988), théoricien des effets des médias, pour qui un média est essentiellement une activité humaine intentionelle et finalisée et celle d'Habermas (1968 et 1990) pour laquelle les critères d'évaluation de l'action apparaissent aussi comme des constructions discursives.
  2. Deuxièmement, il s'agit des théories cognitives qui depuis les premiers travaux notamment de Salomon (1968 et 1979), d'Olson et Brunner (1974) tentent à trtavers une longue évolution, d'articuler l'analyse des représentations matérielles, objet de la sémiotique, et celle des représentations mentales, objets de la psychologie cognitive (par exemple, Baillé et Maury, 1993; De Corte, 1993; Duval, 1993; Jacquinot, 1995; Darras, 1996; Vezin, 1980 et 1985; Vezin et Vezin, 1984 et 1988).
  3. Troisièmement, la diversification des technologies et concurremment l'évolution du concept de média qui intègre aujourd'hui les nouveaux médias (Internet et ses différentes fonctionnalités, le multimédia, les hypermédias) ce qu'atteste la littérature spécialisée.
  4. Enfin, l'immense développement de la formation à distance et de systèmes mixtes dont on sait qu'il est déterminé par la transformation des vecteurs et des moyens de communication: ces formes d'enseignement délocalisées dans le temps et dans l'espace utilisent nécessairement des médias et des formes de communication médiatisées pour diffuser l'information et créer des environnement d'apprentissage, des campus virtuels. Par ailleurs, la communication médiatisée par ordinateur (CMO) et les dispositifs de téléprésence (visio- et vidéoconférence) apparaissent comme les formes privilégiées de tutorat et de collaboration dans de tels systèmes de formation (Henry et Kaye, 1985; Inquai, 1992; Masson et Kaye, 1989; Peraya, 1995, 1996 et 1997).

L'intégration des "nouveaux médias"

La littérature spécialisée constitue un bon indicateur de cette évolution. Une revue comme EMI, Educational Media International, l'organe officiel de l'International Council for Media Education, publie aujourd'hui de nombreuses études sur les médias électroniques tandis que les revues consacrées aux technologies éducatives et aux innovations technologiques portent indifféremment sur les médias traditionnels et sur les médias électroniques (voir notamment, Innovations in Education and Training International, Educational Training Techology International). Il existe d'ailleurs de nombreuses problématiques transversales, communes aux deux types de médias comme aux approches sémiotique et cognitiviste: la visualisation de l'information, les mécanismes de lecture et de compréhension de l'information visuelle, l'utilisation didactique des graphiques et des représentations visuelles, l'analyse des formats de présentation, etc.

Le domaine de la communication pédagogique médiatisée, s'il est le reflet des ses différents ancrages institutionnels (départements de Sciences de l'éducation, de Communication ou d'Informatique), paraît bien organisé autour de problématiques stabilisées,ou en voie de l'être comme le montrent des revues telles que Communication Education, EMI, Médiascope, Recherches en communication. Dans la même perspective, nous citerons les programmes de recherche - notamment le Programme Rhône-Alpes pluriannuel en Sciences Humaines, Belisle, 1993 - et les groupes de recherches, par exemple le "Groupe de Recherches sur les Interactions Communicatives" COAST, CNRS, Université Lyon 2 ou encore le "Groupe de recherches sur le concept de dispositif en médiation des savoirs" (Département de communication, Université catholique de Louvain et Paris VIII).

L'évolution dont nous venons brièvement de repérer les déterminations et de retracer l'historique se trouve encore renforcée aujourd'hui par le poids de la demande institutionnelle: développement de projets d'innovation pédagogique conçus sur le potentiel des technologies de la communication; création de campus virtuels et développement de cursus de formation en mode mixte, mêlant une formation à distance et présentielle. Si pour pouvoir répondre à de telles demandes, il est indispensable de développer de nouveaux outils, il faut aussi que la recherche fondamentale produise les connaissances de ces outils et de ces systèmes.


next Contents