Dans un premier temps, j'avais accepté avec enthousiasme cette responsabilité car je pensais que c'était une bonne initiative. Nous entamerions cette aventure collective avec quelques définitions partagées et des exemples auxquels se référer dans les débats. Mais, après avoir travaillé quelque temps à cette présentation, j'ai tout de suite perçu la difficulté et l'ambiguïté de la tâche qui m'attendait (confidentiellement parlant, je me suis même maudit d'avoir accepté de croire qu'une telle entreprise était possible). Je dois en effet éviter de tomber dans deux pièges antinomiques qui caractérisent ce genre d'intervention: rester à un haut niveau de généralités pour être sûr de ne pas dire trop de bêtises ou asséner avec beaucoup d'aplomb des vérités qui risquent de ressembler à des conclusions prématurées. Malgré ces embûches, si je suis ici aujourd'hui devant vous, c'est que j'ai tout de même fini par me convaincre que je pourrais peut-être les éviter.
En fait, à lire les contributions de ce colloque, je me suis dit que ce thème du "transfert des connaissances" avait quelque chose à voir avec un problème de conviction, avec une sorte de quête, avec la recherche d'un absolu. J'imagine en effet facilement que tout enseignant aimerait bien pouvoir disposer de LA méthode miracle qui garantirait aux élèves qu'il forme: intelligence, capacité de généralisation, rapidité de décision, efficacité opératoire... tout cela, bien sûr, avec un minimum d'investissement en terme de travail et sans conditions préalables sur les pré-requis des apprenants. Cette quête de la méthode miracle, associée à ma culture latine qu'il faut bien que je rentabilise de temps à autre, m'ont fait penser au Grand Oeuvre des alchimistes. J'ai alors imaginé que le transfert de connaissances pourrait être la "pierre philosophale" de l'enseignant. Si tel était vraiment le cas, j'aimerais bien que cet exposé contribue à en démonter partiellement le mythe ou tout du moins à atténuer certains de ses effets pervers.
Aussi, pour refroidir un peu l'enthousiasme collectif qui nous étreint aujourd'hui en ce début d'après-midi, (enthousiasme probablement dû à l'attrait de l'or que chacun espère pouvoir apprendre à fabriquer), je vais commencer cet exposé par une visite guidée des grimoires que contient notre laboratoire. En effet, il y a trois choses qu'il faut bien distinguer quand on parle d'apprentissage par enseignement. Ou, pour parler comme un alchimiste, trois catégories d'ingrédients à mettre dans la cornue si l'on veut espérer pouvoir réaliser la transmutation du plomb en or. Il faut nécessairement:
1. une pincée de théorie de l'expertise qui nous permettra de décrire comment les connaissances expertes et les savoir-faire d'un sujet bien entraîné sont organisés en mémoire;
2. une dose de théorie des processus d'acquisition qui nous donnera les clés pour comprendre comment ce même sujet a pu passer du stade de novice à celui d'expert;
3. une mesure pleine de théorie de l'intervention qui nous apprendra comment on peut modifier le cours de ces processus pour les accélérer ou tout au moins en améliorer le fonctionnement.
Vous avez sûrement reconnu là nos bastions théoriques familiers: psychologie cognitive et psychologie du développement, sciences de l'éducation et didactique. Dans une première partie, nous allons décrire comment chacun de ces domaines de référence a abordé la question du "transfert des connaissances". Nous verrons ainsi que ce concept peut prendre des significations fort différentes suivant les disciplines et qu'il est en fait intimement lié aux présupposés théoriques véhiculés par chacun de ces modèles. Dans un deuxième temps, nous aborderons des questions plus pratiques et j'essaierai de dégager un tableau d'ensemble des résultats expérimentaux les plus stables du domaine. Je terminerai cet exposé en proposant ma propre version sur la vraie nature de la "pierre".
Les psychologues ont ensuite substitué des enfants aux rats et se sont penchés avec leurs maîtres Piaget, Wallon, Vygotsky, Brunner sur le développement des opérations intellectuelles. Piaget nous a ainsi révélé qu'au-delà des apprentissages dits opérants (qui décrivent essentiellement la réussite en action), l'enfant pouvait aussi construire des représentations mentales et faire des calculs sur ces représentations avant d'agir. Il nous a aussi appris que ces représentations étaient organisées en structures stables; qu'elles assuraient à leur heureux propriétaire une équilibration "majorante" les rendant capables d'élargir leur champ d'action à toute situation analogue à ces structures de base (au sens logique du terme: groupe réversible, groupe INRC, etc.). Le concept de transfert était alors réduit à celui de "décalage" horizontal ou vertical dans l'application de ces structures. Il signifiait essentiellement que les objets résistent plus ou moins à la logique du sujet et que le développement des opérations permet de vaincre cette résistance. Le décalage vertical assurait ainsi la promotion et le transfert des opérations intellectuelles entre les stades et les décalages horizontaux entre les domaines d'application (espace, temps, classes, etc.). Malheureusement, et il n'y a pas lieu d'en discuter ici en détail, ce concept de décalage n'était que l'arbre qui cachait la forêt. Il a très vite montré ses insuffisances pour expliquer pourquoi les enfants, repérés comme ayant atteint un stade donné, s'avéraient incapables de résoudre certains problèmes de même niveau structural de difficulté.
Déçus par les logiciens, les psychologues se sont permis d'inviter d'autres alchimistes à venir travailler avec eux dans leurs laboratoires. Ils se sont mis à fréquenter les théoriciens des systèmes d'information et leurs acolytes les "informagiciens". C'est ainsi que pendant les années 70 à 80, on s'est intéressé de plus près, non aux moyens d'obtenir la transmutation du plomb en or, mais à la substance même de l'or. Les chercheurs ont ainsi espéré trouver, par l'étude de l'expertise et du fonctionnement des connaissances expertes, leur secret de fabrication. C'était l'époque du G.P.S. (General Problem Solver) de Newell & Simon (1972) et des travaux sur l'analyse des situations de résolution de problème. On apprend ainsi que l'expert transfert ses compétences d'une situation à l'autre en identifiant l'isomorphisme qui existe entre les structures profondes des problèmes présentés. Le novice quant à lui doit se contenter de tâtonner en se servant d'analogies entre les traits de surface. En effet, il jugera que deux problèmes sont analogues seulement si leurs contenus sont similaires (par exemple en arithmétique, s'ils portent sur des questions de débits de robinets). Symétriquement, l'expert aura tendance à juger deux problèmes arithmétiques semblables s'ils peuvent être décrits par le même schéma et cela indépendamment des contenus. Pour ces chercheurs, le problème du transfert se déplace ainsi de l'étude des processus (comme c'était le cas pour les recherches classiques) à l'étude des situations. Une conséquence importante de ce changement paradigmatique, c'est que l'on s'intéresse maintenant davantage à tout ce qui fonde le concept de distance entre tâches (ne parle-t-on pas d'ailleurs d'espace de problème, de transfert proche ou distant ?). Mais nous reviendrons sur ces notions dans la deuxième partie de cet exposé.
A côté des psychologues et à l'écart des laboratoires et de leurs cornues inquiétantes, les pédagogues ont, quant à eux, préféré mener leur quête en terrain découvert de manière plus pragmatique. Dans les classes et les écoles, sur les lieux de travail, ils ont cherché à mettre au point des méthodes pour améliorer les performances de leurs élèves. Ces recherches recouvrent ce que j'ai appelé plus haut les théories de l'intervention et ce n'est sûrement pas à moi de faire ici l'exégèse de ces modèles. Je me limiterai à évoquer que certains enseignants ont fort justement remarqué qu'il existe en fait de bons "transféreurs" et de mauvais "transféreurs" parmi leurs élèves. En pédagogues consciencieux, ils se sont demandé comment ils pourraient faire pour former n'importe quel élève à faire partie de la première catégorie. Et comme il est bien connu que les enseignants aiment les aventures collectives, ils ont formé des écoles de pensée et se sont mis à promouvoir leurs méthodes avec beaucoup de conviction (L'A.P.I., le P.E.C., le S.O.I. pour ne citer qu'elles). Malgré la pointe d'ironie qui peut éventuellement percer dans mon propos à l'évocation de ces sigles, nous verrons tout à l'heure que les systèmes qu'ils proposent ne sont pas inintéressants d'un point de vue pragmatique. Ils ont surtout permis de révéler au grand public la pertinence de quelques pistes fructueuses.
Pour terminer ce petit tour d'horizon historique, je dois encore mentionner qu'après une longue période d'abandon, nos alchimistes ont retrouvé récemment un regain d'intérêt pour les problèmes de l'apprentissage. Ce retour s'est trouvé vraisemblablement facilité par l'échec relatif du tout "symbolique" en psychologie cognitive (redorant par là même les blasons des théories classiques). Mais ce retour à des problématiques plus réalistes est aussi dû à l'émergence du courant "contextualiste" (situated learning) inspiré par une psychologie, dirons-nous, plus écologique que structuraliste. Ce courant de pensée part de l'idée finalement très simple que les connaissances ne se trouvent ni dans la tête du sujet (ce que n'ont pas pu démontrer les cognitivistes), ni dans les situations (ce que n'ont pas réussi à montrer les didacticiens). Pour ces nouveaux alchimistes, les connaissances sont l'expression d'un processus d'interaction complexe. Elles mettent en scène un sujet, naturellement apte à saisir des régularités dans les scènes qu'il perçoit, et le réel fortement socialisé dans lequel il se meut et doit se faire comprendre. Le sujet apprend en participant à une "communauté de pratiques" et ses connaissances se trouvent ainsi automatiquement associées aux contextes qui leur donnent un sens. Le transfert entre domaines devient alors plutôt l'exception que la règle à l'inverse de ce qui est prévu par les théories structuralistes. D'ailleurs, au lieu de parler de transfert, les contextualistes parleront plutôt d"affordance". Ils désignent par ce terme mystérieux un mécanisme qui présuppose qu'un sujet, placé dans un certain contexte, apprend essentiellement à "réagir" par tous les moyens possibles pour se mettre en conformité avec la situation qu'on lui impose.
En résumé, nous pouvons déjà dire que ce concept de "transfert de connaissances" revêt plusieurs significations:
1. Pour les théories associationnistes, il désigne essentiellement une altération de la conduite issue de l'interférence positive ou négative entre deux comportements;
2. pour les développementalistes piagétiens, il représente la résistance qu'offre le réel aux capacités structurantes du sujet;
3. pour les fonctionnalistes, le transfert de connaissances est avant tout un problème de degré de ressemblance ou de similarité entre tâches;
4. pour les pédagogues, il s'agit essentiellement d'une qualité propre au sujet, c'est-à-dire une autre manière de parler d'intelligence;
5. enfin, pour les contextualistes, le problème du transfert de connaissances se résume au concept d'affordance qui désigne une sorte de participation emphatique entre le réel et le sujet.
Pour l'instant, une telle diversité de sens nous permet simplement de conclure que ce concept cache en fait un phénomène fort complexe. Cependant, et il faut être honnête, ce premier tour d'horizon ne nous a pas encore appris grand chose sur les propriétés mêmes du transfert. Il nous faudra pour cela continuer notre quête du Grand Oeuvre et aller faire un petit tour ...
Premier résultat stable, le transfert de connaissance, quand il est défini comme nous venons de le faire, n'est en tout cas pas un processus spontané. Contre toute attente, il est aussi difficile de le mettre en évidence explicitement (Butterfield & Nelson, 1989; Clark, 1992; Perkins & Salomon, 1989, Kotowsky, Hayes et Simon, 1985). Ce résultat semble, pour le moment, donner raison aux "contextualistes" pour qui tout apprentissage est avant tout "borné". Mais ce résultat est aussi contre-intuitif puisqu'il condamne par avance toute forme d'apprentissage non formel. Et, bien que nous soyons continuellement confrontés à de nouvelles expériences et de nouveaux problèmes, nous ressentons malgré tout une cohérence et une unité dans notre perception du monde.
Deuxième résultat stable, quand il y a transfert (toujours au sens où nous l'entendons), ce transfert est dû au fait qu'il est explicitement pris en compte par l'environnement d'apprentissage. Cette prise en compte peut porter, soit sur des variables liées aux sujets apprenants, soit sur des variables associées aux tâches, soit à l'environnement d'apprentissage. Autrement-dit, il semble possible de former des sujets à mieux transférer, comme il paraît possible de faciliter ce transfert en manipulant des variables de situations. Dans les deux cas, ce transfert aura cependant fait l'objet d'une prise en charge explicite et intentionnelle pendant la phase d'acquisition des connaissances.
- les "transféreurs" passent plus de temps à planifier, à analyser et à classifier les solutions qu'ils envisagent d'appliquer aux problèmes qu'on leur donne. Ils ont aussi tendance à mieux évaluer la valeur intrinsèque des résultats qu'ils obtiennent. Enfin, ils sont capables de mettre en oeuvre des procédures d'auto-correction plus efficaces que les "non-transféreurs".
- A l'opposé, les "non-transféreurs" produisent des solutions beaucoup plus rapidement mais dans un ordre aléatoire. Ils essayent visiblement de mobiliser tout leur répertoire pour voir ce qui pourrait éventuellement marcher. Ils apprennent peu de leurs erreurs et changent très rapidement de méthode quand ils se trouvent en échec. En résumé, les "transféreurs" sont caractérisés par une aptitude marquée à contrôler leurs actions. Les formes de ce contrôle rappellent celles classiquement associées à l'effet d'auto-explication (self-explanation effect de Van Lehn, 1992).
Ces résultats ne nous apprennent malheureusement pas grand-chose sur les liens de cause à effet entre les deux phénomènes observés. Les "transféreurs" contrôlent-ils mieux leurs actions parce qu'ils ont appris à bien transférer ? Ou est-ce leur aptitude à planifier qui détermine leurs bons résultats en situation de transfert ? Si on accepte la deuxième hypothèse (qui paraît intuitivement la plus vraisemblable), peut-on imaginer qu'il soit possible d'apprendre à planifier, en général, indépendamment d'un domaine bien délimité ? Cela supposerait que les aptitudes qui supportent la planification se transfèrent spontanément, qu'elles soient appliquées à un problème de programmation informatique ou de composition française. Ce phénomène n'a malheureusement jamais pu être prouvé et si ça l'avait été, nous ne serions pas vraiment plus avancés dans notre compréhension du phénomène.
On parle ainsi de transfert proche (near transfer) dans tous les cas où la situation d'apprentissage et le nouveau champ d'application appartiennent au même contexte thématique (par exemple les domaines de l'algèbre ou de la géographie). Dans ce cas, l'apprentissage du transfert se confond avec les activités plus classiques de décontextualisation progressive des connaissances.
On désigne généralement par transfert distant (far transfer) la possibilité d'utiliser les mêmes connaissances dans deux domaines considérés classiquement comme distincts (par exemple le transfert de connaissances du français à la philosophie). Un examen rapide des contributions à ce colloque montre que cette définition est celle qui est le plus souvent retenue. Il en est de même pour celle du transfert entre contextes d'apprentissage (par exemple dans l'école ou hors de l'école).
Mais ce phénomène, lui aussi relativement intuitif, peut parfois donner lieu à des résultats fort surprenants:
- par exemple, Bassok & Holyack (1989) ont montré qu'il existe une asymétrie marquée dans le transfert des compétences développées en algèbre et en physique. Les savoir-faire de l'algèbre se transfèrent relativement bien à la physique, mais pas l'inverse. Peut-on alors vraiment parler d'une métrique du transfert si la distance entre A et B n'est pas la même que celle de B à A ? Dans ce cas précis, on pourrait penser que ce phénomène est dû essentiellement au fait que la physique est une discipline plus imbriquée dans un contexte signifiant que l'algèbre. Cette dernière est généralement considérée comme une discipline plus abstraite et donc moins dépendante des significations liées à un domaine. Mais alors comment interpréter le fait que ce même auteur (Bassok, 1990) ait pu mettre en évidence un transfert significatif entre l'économie (domaine aussi riche en significations que la physique) et l'algèbre?
- Autre exemple, Lave (1977) a comparé les effets de différentes expériences éducatives formelles et informelles. Elle a trouvé un transfert symétrique très limité entre les mêmes compétences mathématiques utilisées par les tailleurs et celles acquises en milieu scolaire. Au sein du même contexte, la confection ou l'école, le transfert à d'autres contenus des mêmes compétences est par contre beaucoup plus important. Guberman & Greenfiel (1991) ont aussi montré que la pratique informelle des jeux vidéo développent des aptitudes visuo-spatiales transférables à certaines activités scolaires comme l'analyse des représentations graphiques. Ce résultat tend à prouver que le transfert de compétences n'est pas un phénomène purement lié à l'enseignement formel. Nous devons donc aussi nous interroger sur les liens organiques qui existent entre certaines activités et les aptitudes cognitives qu'elles impliquent.
Ces exemples nous amènent à conclure que la probabilité d'observer un transfert entre tâches ne peut pas être réduite au seul problème de la plus ou moins grande similarité entre contextes. Il existe aussi d'autres variables associées aux tâches et à leurs méthodes qui interagissent avec la similarité (par exemple le degré d'abstraction ou certains effets de contexte). Ces variables influencent de manière non triviale l'interaction "complexité de la tâche X - facilitation du transfert". Sur ce même sujet, on peut aussi étudier avec profit les expériences de Kotowski, Hayes et Simon (1985) sur le transfert d'apprentissage entre les différentes versions d'un même problème basé sur le classique dilemme des "Tours de Hanoï".
C'est peut-être sur le thème de l'enseignement de la programmation informatique (et en particulier à propos des effets de LOGO) que les travaux sur l'apprentissage intentionnel du transfert ont été les plus démonstratifs (Littlefield, Delclos, Lever, Clayton, Brandsford & Francks, 1988; De Corte, Vershaffel & Schrotten, 1990; Mayer, 1990). Un environnement d'apprentissage intentionnellement orienté vers le transfert désigne toute forme d'intervention qui considère positivement les deux séries de variables déjà évoquées: développement des aptitudes de contrôle de l'action et entraînement efficace des connaissances à transférer par décontextualisation progressive de leur domaine d'application (Cormier & Hagman, 1987; Lee et Magill, 1985; Fisk & Gallini, 1989; Van Merriënboer, Jelsma & Paas 1992). Ces techniques peuvent se résumer par les principes suivants :
1. la variation systématique (et aléatoire) des différents contextes d'application des procédures ou concepts à enseigner;
2. le recadrage permanent de ces mêmes connaissances, c.a.d. la mise en place d'une stratégie qui consiste à re-situer l'ensemble des opérations ou des concepts que l'on souhaite voir transférer dans un cadre plus large de méthodes ou de réseaux sémantiques;
3. le pontage des connaissances entre elles, c.a.d. le fait de relier les procédures pertinentes à la résolution d'un problème dans un contexte donné à celles, similaires, utilisées dans d'autres contextes.
Il faut finalement se résigner au fait que le principal problème n'est pas d'apprendre et de transférer. D'ailleurs pouvons nous vraiment nous en empêcher ? Notons que les alchimistes aussi s'étaient résignés à ne pas pouvoir transmuter de la matière vile en matière noble. Ils avaient remarqué de plus que l'or est un métal tout à fait inapproprié pour construire un marteau (tout juste bon à me permettre d'en acheter un). La vraie question du transfert pourrait être celle de l'adéquation entre, d'une part la qualité et le contenu des connaissances enseignées et, d'autre part, les contraintes des différents domaines où elles sont susceptibles de s'appliquer? Il est bien utile que certaines procédures très automatisées restent fortement liées aux contextes dans lesquelles elles ont prouvé leur efficacité. Elles s'appliquent ainsi avec économie, mais elles en payeront le prix et seront difficilement transférables (par exemple, l'apprentissage d'un clavier QWERTY). Il est aussi très avantageux que d'autres méthodes, comme le dénombrement d'objets, forment des ensembles de micro-expertises très souples, très économiques et donc facilement transférables.
Du coup, la problématique du "transfert de connaissances" se réduit à celle, bien plus triviale mais tout aussi difficile, de l'adéquation des connaissances enseignées avec les situations dans lesquelles on est amené à les utiliser. Si le problème du transfert se pose à nous de manière plus évidente en cette fin de siècle, c'est probablement parce que l'école ne sait plus vraiment bien à quoi elle prépare. Elle n'a plus la possibilité, comme c'était le cas autrefois pour l'apprentissage des métiers, de stabiliser suffisamment les connaissances qu'elle dispense. Ce fait la contraint à ne plus être un lieu où l'on apprend naturellement et effectivement à réagir en "affordance" avec les situations d'enseignement. Mais cette question pourrait nous entraîner sur un autre débat qui n'est pas vraiment celui qui vous a été préparé par les organisateurs de ce colloque. Je pense donc qu'il est bien temps pour moi de clore ce grimoire.