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Workshop du professeur Munari avec comme
invité le Dr Salem.
Dates: 2 et 3 février 2000
Les
différentes dimensions du conflit
1.
la dimension factuelle:
2.
la dimension psychodynamique:
3.
la dimension stratégique (ou systémique):
4.
la dimension éthique:
La littérature, essentiellement américaine est basée sur la théorie des jeux. Elle n'est pas très riche. Il est naturel de se tourner sur la systémique.
Le mot gestion gêne notre intervenant qui préfère parler de régulation. Le mot gérer est trop connoté, le dictionnaire nous apprend qu'il peut avoir comme synonyme administrer, gouverner, régir. Le terme conflit n'est adéquat ni pour les protagonistes du conflit, ni pour l'intervenant.
Le mot de conflit a pour synonyme à la fois
lutte amicale, inamicale, combat, rencontre d'éléments, antagonisme,
discorde.
C'est un cas de figure des rapports humains, ce n'est pas forcément
le plus important, la coopération se mesure tous les jours et à tout moment, on
en bénéficie. Sans coopération, pas de survie pour l'espèce humaine.
L'Ethologie humaine a beaucoup apporté à la compréhension des interactions notamment en ce qui concerne les luttes de pouvoir.
1. la dimension factuelle:
Un déterminisme contextuel.
Les faits qu'on ne peut réfuter. Enjeu de survie ("fight for life")
2. la dimension
psychodynamique:
Motivations de l'individu, enjeux internes,
niveau intra-psychique, mono polaire.
ex: conflit entre les pulsions et les
désirs. Se rapproche de la théorie freudienne.
3. la dimension stratégique (ou
systémique):
A
trait aux enjeux de pouvoir interpersonnels.
ex: conflits de pouvoir au sein
du couple, dans les compétitions sportives, dans les rituels.
On peut
énumérer toute une liste de conflits:
- d'intérêts, de biens,
territoriaux
- règlements de compte "Oeil pour oeil, dent pour dent"
-
réajustement éthique, réparation
- mode de rébellion après soumission
-
conflits ritualisés (par exemple la lutte)
Il faut se demander à partir de quand un conflit est-il négatif ? Salem propose la définition de conflit pathogène quand le conflit est le seul mode de relation.
Il existe des conflits fermés où l'on fait semblant de ne pas être en conflit et les pseudo-conflits qui ont pour fonction d'attirer l'attention sur eux pour masquer autre chose de plus important.
Dans le comportement du couple, on peut distinguer les systèmes où l'interaction fonctionne sur le mode complémentaire (chacun des partenaires a une position antagoniste par rapport à l'autre; cf. Watzlawick) de ceux qui fonctionnent sur le mode symétrique (les deux protagonistes luttent pour une des deux positions, haute ou basse).
A l'intérieur de la catégorie complémentaire, on peut distinguer la souple, où l'inversion des rôle est possible, de la rigide, où ce n'est pas possible d'inverser.
Dans les systèmes symétriques, ont peut observer ce qu'on appelle des escalades symétriques. Ce phénomène est bien connu en politique, c'est également le cas dans les conflits familiaux. Cela peut amener au suicide collectif!
Le jeu de la soumission - domination peut
s'observer aussi dans une interaction.
Ex: expériences de Milgram sur les
chocs électriques.
Il est souvent intéressant de savoir qui
détient le leadership dans un système. On peut noter par exemple que dans les
familles dont l'un des éléments est anorexique, c'est souvent cette dernière qui
détient le pouvoir.
Ex: les anorexiques parlent souvent très bas pour forcer
les autres à les écouter.
Le triangle de Bowen
Si l'on considère 3
personnes dont deux ont une relation forte (A et B) qui se déroule bien, un
individu C désirant s'intégrer au groupe sera considéré comme un intrus et aura
la position la plus inconfortable.
Si maintenant on imagine le même cas de
figure mais avec une relation mauvaise entre A et B, à ce moment, c'est C qui a
la position la plus confortable.
La famille est un groupe naturel à relations
fortes, le lien familial est caractérisé par deux grands paramètres: l'alliance
et la filiation (cf.: Lévy-Strauss)
Les tentatives de vies communautaires des
années 70 ont montré leurs limites. La famille ne peut être assimilable à
d'autres groupes.
Certaines règlent régissent la famille:
- la hiérarchie
est définie par les générations, c'est indispensable à la survie de la
famille.
- l'interdiction de l'inceste, qui n'est pas un principe culturel.
rem: l'argument des problèmes de consanguinité n’est valable qu'après
plusieurs générations (la diversité de la palette génétique) [ce n'est pas
l'avis de Freud]. L'exemple des animaux domestiques n'est pas bon non plus car
ils ne sont pas dans un élément naturel. L'inceste est évité par tous les
mammifères.
Au travers du temps, le réseau de règle est
amené à être adapté. Par exemple, lors de l'adolescence, les parents doivent
déléguer de nouveaux champs de compétences à l'enfant. Les compétences des
enfants vont progressivement s'aligner sur celles des parents. Les rites de
passages représentent des étapes nettes dans ce processus. On voit donc que les
conflits sont nécessaires.
Les parents "psychologues" qui tendent à
l'évitement des conflits peuvent poser problème. Cela peut nuire à l'affirmation
de soi, sinon cela peut causer une phobie sociale.
Les conflits sont donc sains dans certaines
situations (c'est le cas à l'adolescence mais aussi dans le couple...). C'est
leur répétition qui pose problème, lorsque le conflit devient le seul mode
d'interaction.
rem: l'anorexie mentale est un exemple de conflit exprimé vers
l'intérieur.
4. la dimension éthique: [up]
Certainement
la plus intéressante, la plus riche. Renvoi à des notions comme l'équité. Il ne
faut pas confondre l'éthique à la morale.
cf.: "Je et tu" (Buber) traite de
l'éthique dans les relations humaines; conclut que ce qui caractérise la
relation c'est la réciprocité.
La morale est une application de l'éthique. Il existe des variations culturelles de la morale, ce n'est que la mise en forme des principes éthiques.
L'éthique est une évidence des rapports de survie, la dimension inexorable de tous les rapports humains.
Buber dit que c'est la réciprocité qui caractérise la relation Je - tu (ce qui n'est pas le cas de la relation Je -ça où seul une partie de l'un compte pour l'autre. Notions d'objet partiel, d'instrumentalisation, ...).
Les relations familiales sont imprégnées
d'éthique. C'est sous le couvert de l'éthique que se jouent les grands
enjeux.
ex: la loyauté mutuelle; il ne faut pas confondre les sentiments
d'attachement et les impératifs de loyauté qui sont décodables en terme
d'éthique. Par exemple, un enfant peut être dans une posture impossible s'il ne
peut pas être loyal avec ses deux parents. Cela peut causer des problèmes comme
la toxicomanie. C 'est particulièrement le cas dans les familles
recomposées.
La dimension éthique peut s'exerces même en
l'absence de l'un des protagonistes.
ex: on peut conserver une loyauté même
s'il n'est plus.
Les dettes et les mérites viennent renforcer cette loyauté. Il faut comprendre la comptabilité des dettes et des mérites dans une famille. Cela amène à la distinction entre égoïste et sacrificiel. Souvent on peut acquitter sa dette par l'intermédiaire de ses enfants.
Le courant
psychanalytique: (Searles,
Fleck)
Tient compte de l'inconscient familial, propose le terme de
contre-transfert.
Le courant structural: (S. Minuchin, Andolfi)
Recherches sur des
familles d'anorexiques sous l'angle de la psychosomatique familiale.
Idée:
la famille est une structure avec des territoires. On peut la décomposer en
sous-systèmes (les parents, les enfants, les hommes, les femmes, les humains,
...)
Dans certaines familles, la frontière avec l'environnement est
complètement imperméable (métaphore de l'hydre). Cela pose des problèmes avec
les contraintes du macro système. Cela pousse à la marginalisation.
D'autres
familles n'ont pas de frontière avec l'extérieur mais ont des frontières
internes super rigides.
Les notions centrales sont l'alliance et la
coalition.
ex: les alliances fonctionnelles père-mère sont à ne pas confondre
avec une coalition où l'on se met contre quelqu'un. Les coalitions peuvent être
transgénérationnelles. On parle de triade perverse quand par exemple un des
grands-parents s'allie avec un parent contre un enfant.
Le courant
intergénérationnel: (Bowen)
Part
de l'idée que le self est différencié selon le modèle suivant: self solide
--> pseudo-self.
Le courant comportemental:
Le courant stratégique: (Milan)
Famille comme lieu de partage de
pouvoir. Le thérapeute doit être plus malin que la famille, il participe à une
partie d'échec. Il faut utiliser des stratégies de guerre, de ruse, même des
stratégies paradoxales.
Consiste à établir une alliance, une relation forte avec la famille. Cette alliance va durer le temps nécessaire à l'amélioration du fonctionnement familial pour atteindre le changement souhaité.
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alliance |
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A Elucidation |
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Thérapeute |
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B Prescription |
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Famille |
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C Modeling |
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évaluation |
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A Elucidation
Interprétation, explication, recadrage,
reformulation, faire le génogramme. Expliquer permet de renforcer la motivation
au changement.
Notion de méta communication: communication sur la relation.
Cette notion peut aussi se concevoir comme faisant partie du Modeling car le but
est que la famille imite le thérapeute et fasse de manière autonome cette méta
communication
B Prescription
Faire faire quelque chose, expérience que l'on
demande à la famille. Une directive peut être soit ouverte (on demande 'a' pour
avoir 'a') soit fermée (on demande 'a' pour obtenir 'b'; sorte de prescription
paradoxale).
Certaines directives peuvent se donner pendant la
séance.
C Modeling
Les membres de la famille peuvent s'identifier au
thérapeute, à un des membres (non pervers) de la famille. On parle de stratégie
mimétique, d'accommodation, d'accordage affectif (Stern)
On peut envisager une thérapie systémique avec une seule personne si l'on prend en compte tout le système.
Le thérapeute doit avoir une attitude de partialité multidirectionnelle (à ne pas confondre avec la neutralité) qui consiste à faire des alliances successives et alternées.
Remarques:
L'intention est très
importante, elle nous guide consciemment et inconsciemment.
Il est important
de regarder les différentes postures (ouvertes, fermées) mais aussi d'observer
les fonctions phatiques du langage, les gestes d'acquiescement, la
verticalité.
Plus la distance entre
la porte et le bureau est élevée, plus le malaise est grand.
Tout cela est
important à la fois pour l'alliance et pour l'évaluation.
Importance du flux
communicationnel divisé en verbal, para verbal et non verbal sans même parler du
contexte, (cf. Hall, "Proxémie"), ou du regard.
Un système est un ensemble d'éléments en interactions.
Quels sont les différents paramètres d'un système ?
- Frontières
Peuvent être soit
imperméable (on parle de système clos) ou perméable (on parle de système
inconsistant).
Selon Köstler, un
système clos ne laisse pas rentrer de l'information, recadrage par le
système.
Wynne propose la notion de barrière de caoutchouc ("rubber fence"),
autre technique, la récupération (faire comme si), adéquation aux règles du
système.
- Eléments en interaction
Notion de
leadership (hiérarchie). On peut commencer par se demander si la voie
hiérarchique est suivie ? Il faut faire la différence entre les règles
apparentes d'un système et ses règles réelles.
- L'affectivité
Régit les relations et
pas seulement les relations de pouvoir.
- Les mécanismes cachés
Information que
la conscience ne perçoit pas (images subliminales, effets d'architecture)
ex:
Gofman, "Mise en scène de la vie quotidienne";"Les rites de survie"
- Croissance / décroissance d'un
système
Evolution dans le temps
- Relations avec les autres systèmes
Les
systèmes les plus puissant encadrent les systèmes les moins puissants.
rem:
le système encadrant doit évoluer moins vite que le système encadré.
La première question est de savoir si le
conflit peut être réglé par les protagonistes ou faut-il l'intervention d'un
tiers. Le but étant de restituer les compétences à résoudre les
conflits.
Ensuite, évaluation du type de relation (symétrique,
complémentaire, ...)
Il faut toujours considérer l'interaction comme un
phénomène circulaire (et pas linéaire).
L'attitude de l'intervenant est aussi
une composante du système et par la même, a une importance.
L'irréductibilité du conflit dans toutes
entreprise humaine.
L’institution a un conflit de base entre les forces
instituantes (ou progressistes) et les forces instituées (ou conservatrices). Ce
conflit n'est pas forcément à supprimer. Il faut se poser la question de quand
faut-il intervenir. Selon Salem, quand le conflit devient l'unique mode
d'interaction (pathogène).
Il faut aussi se demander si la résolution d'un
problème ne va pas faire ressurgir d'autres problèmes qui masquaient le premier
problème.
La position institutionnelle du consultant est importante, doit-il
être interne ou externe.
La dimension culturelle rappelle les aspects
culturels, identificatoires. Les notions de dettes et de mérites peuvent
s'appliquer à l'analyse d'une institution (idée d'une comptabilité
invisible).