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Table des matières :

Travail de maturité Collège Calvin Sept 02

Bernard Werber, la science... et les fourmis

Coralie Kleber Livia Lamon 403 .


I. Introduction

L'une des particularités la plus intéressante chez les fourmis est sans doute leur altruisme étonnant au premier abord. En effet, elles sacrifient leur existence entière à la colonie, à leur reine, à la survie de leur société, sans se demander une seule fois si ceci est légitime. Elles le font, c'est tout. Il n'y a pas d'autre alternative possible.

Alors qu'un humain ne cesse de se questionner sur le sens de sa vie, sur la nécessité de la moindre de ses actions, sur ses rapports de supériorité et d'infériorité vis-à-vis de ses semblables, la fourmi elle fait ce qu'elle était prédestinée à faire. Depuis sa naissance et ce jusqu'à sa mort, son existence est totalement sous contrôle, le principe même de rébellion lui est totalement inconnu. Pourquoi se rebeller contre soi-même ? Car c'est de cela dont il s'agit : la fourmi ne fait pas partie d'une société, elle est la société. Comme les gouttes d'eau forment l'océan, comme les cellules constituent notre organisme. A t'on déjà vu un cheveu refuser de pousser ? Tel est le lien avec une fourmi. Elle agit toujours dans l'intérêt de la communauté, jamais dans le sien, car le concept même d'égoïsme lui est inconnu. La survie de sa colonie est capitale, sa vie est guidée par ce principe.

En lisant " les Fourmis " de l'écrivain à succès Bernard Werber, il y a de cela quelques années, nous avions été étonnées par la complexité de la société myrmycéenne que nous ne connaissions que relativement alors. Ce monde si développé, ce peuple qui a tant à nous apprendre, se trouve sous nos pieds sans même que nous y fassions attention.

Lorsque nous est venue la nécessité de trouver un sujet de travail de maturité, celui des fourmis s'est imposé comme étant le plus intéressant et le plus original parmi tous ceux que nous avions évoqué entre nous. Il a été décidé que le roman de Bernard Werber serait notre base.

Si nous l'avons choisi, c'est pour que notre travail touche plusieurs domaines (littérature, philosophie...) et pas seulement la science. Nous voulions prendre certains éléments de l'histoire pour les rétablir ou les confirmer afin d'évoquer les caractéristiques les plus intéressantes de la société fourmi. Notre but n'était pas de dévaloriser le travail du romancier, mais de nous servir de son oeuvre pour comprendre les fourmis, ainsi que l'être humain...

(NB : pour connaître les ouvrages que nous avons consultés, veuillez vous référer à la bibliographie en fin de travail en suivant les numéros placés à côté du nom de l'auteur, dans le texte)


II. Affirmations discutables de Werber

Dans son roman " les Fourmis ", Werber a dû " humaniser " le comportement desdits insectes afin que les péripéties de son héroïne soient plus palpitantes, mais aussi plus compréhensibles pour ses lecteurs, humains de leur état. En effet, la logique myrmycéenne échappe à la majorité d'entre nous, leur façon de se comporter et de voir les choses étant totalement à l'opposé des nôtres, c'est-à-dire de notre individualisme, de notre égoïsme, de notre pensée propre.

En lisant ce roman, nous avons pu noter que certains des points évoqués par Werber au sujet de ces insectes pourraient être qualifiés de " discutables ". Nous avons donc essayé de faire une liste comprenant celles de ces affirmations qui pourraient après examen s'avérer étonnantes mais vraies, plus ou moins exagérées, ou alors carrément inventées :

Cette liste ne se veut évidemment pas exhaustive, mais souhaite soulever les points les plus intéressants et les plus sujets à discussion du roman de Bernard Werber.

Par ailleurs, plus nous avancions dans cette liste, plus nous nous rendions compte à tel point il y avait d'éléments intéressants à relever, et nous avons dû nous rendre à l'évidence que nous devrions en sélectionner certains pour en écarter d'autres. Si nous ne l'avions pas fait cela aurait rendu notre travail beaucoup moins cohérent, et moins précis.

Par cette restriction, nous avons ainsi recentré efficacement notre sujet.


III. Liste des points discutables choisis

Nous avons choisi ces points en particulier car ils se rapportent d'une manière ou d'une autre à l'individualisme. Ce sont des passages-clé dans lesquels les fourmis font vraiment preuve d'un individualisme quasi-humain, alors que les autres points (non sélectionnés) pourraient être discutables quant à leur véracité, mais ne se rapportent pas au sujet souhaité.

Le professeur Jean Wüst nous a aussi fait part de ses remarques concernant le roman, ce qu'il avait noté de suspect ou de certainement faux. Pour les consulter, voir la seconde interview dans les annexes.

Le premier groupe de nos points choisis se concentre sur l'humanisation des myrmycéennes, le second sur l'organisation même de la fourmilière.

1. Anthropomorphisme

1.a) Mensonge

Incrédulité, p.44

Après une mission de reconnaissance, une exploratrice revient à la fourmilière, annonce que les naines ont attaqué leur expédition et que la guerre est donc déclarée. Mais les autres fourmis ne la croient pas faute de preuves. L'humanisation est ici très marquée par le fait qu'elles doutent de la véracité de l'information transmise [alors que dans une communauté, la notion de doute ne peut pas exister car tout ce qui vient d'elle ou d'un de ses membres est forcément accepté.]

Mensonges, p.95

Afin d'empêcher les sexuées de sortir, les sentinelles leur disent que l'extérieur est peuplé de monstres gigantesques qui mangent les princesses voulant sortir avant le vol nuptial. On pense plus ici à un clin d'œil de Werber, mais il nous a semblé intéressant de savoir pour quelle raison les sexués ne sortent pas avant la période de reproduction scientifiquement parlant.

1.b) Agressivité

Poursuite, p.55

Après être entrée dans la fourmilière, l'exploratrice en question est poursuivie par une autre fourmi de la communauté. Celle-ci tente de la tuer à cause de l'information qu'elle transporte qui risque d'affoler ses congénères. On apprendra par la suite que cette fourmi fait partie d'une unité spéciale visant à réguler le stress au sein du nid. Est-il possible qu'une fourmi cherche à en tuer une autre pour le bien de la communauté ?

Meurtre, p.72

Etant donné que les fourmis de l'unité spéciale lui ont retiré ses odeurs-passeport (voir définition), l'exploratrice tente d'aller retrouver la reine qui est la seule à pouvoir les lui rendre. Pour ce faire, elle se voit dans l'obligation de tuer une fourmi concierge. L'idée de meurtre peut-elle s'appliquer également aux fourmis ?

Traîtrise, p.94

Une nourrice faisant secrètement partie de l'unité spéciale anti-stress essaie de tuer l'une des trois héroïnes.

Présence de peur, p.166

Au moment l'envol, une princesse est prise d'un sentiment de peur. A la vue de ses consœurs qui se font manger devant ses yeux par des prédateurs, elle craint pour sa vie. Ici l'individualisme est très fort, car la fourmi s'inquiète de sa propre survie, non pas de celle de sa communauté.

Retrouvailles, p.272

La princesse, devenue reine, reçoit comme messagère l'exploratrice qui l'avait recrutée au début du roman. Ce sont de vraies retrouvailles où chacune parle de ce qui s'est passé de son côté. Il y a donc reconnaissance, distinction d'une fourmi par rapport à une autre. Cela est-il possible ?


2. Organisation

Fédération fourmi, p.26

Une fédération est une association de fourmilières liées " politiquement ", chacune ayant sa propre reine. Elles ont un " nom " propre et parfois une spécialité particulière (la culture de champignons par exemple). Existent-elles vraiment ?

Drapeau chimique fédéral, p.32

Les exploratrices déposent un signal odorant afin de marquer leur territoire, et de l'attribuer à leur fédération. Ce point est-il correct ?

Trophallaxie, p.43

C'est un procédé d'échange de nourriture étonnant entre deux individus myrmycéens. Un tel partage est-il possible ?

Ponte de la Reine, p.49

Dans le roman de Werber, la reine pond ses œufs en fonction des besoins de la colonie. S'il n'y a pas assez d'ouvrières, elle ne pond que des ouvrières jusqu'à ce qu'il y en ait assez, etc… La reine peut-elle ainsi choisir le genre d'œufs qu'elle pondra ?

La Meute, p.50

La reine ne détiendrait aucun pouvoir politique, ce serait à de petits groupes indépendants, ou cellules de travail, axés chacun sur un projet librement choisi, de décider des agissements importants de la colonie. Qu'est-ce qui gouverne vraiment la fourmilière, et serait-il possible que ce soit de petits groupes indépendants ?

Pivert, p.65

Les fourmis rousses parviennent à tuer un pivert venu attaquer leur fourmilière en remontant par ses orifices nasaux et en le grignotant de l'intérieur. Les fourmis peuvent-elles vraiment tuer un animal aussi imposant qu'un oiseau ?

Salle d'entraînement, p.99

Les fourmis s'entraînent à se battre dans une cavité de la fourmilière. Les myrmycéennes pratiquent-elles réellement cette activité ?

Luciole, p.224

La fourmi communique avec une luciole. Le récit dit que la luciole ne peut pas répondre mais qu'elle comprend très bien le langage fourmi. Des insectes d'espèces différentes peuvent-ils " comprendre " les phéromones myrmycéennes ?

Fourmis esclavagistes, p.241

Fourmis qui s'accaparent d'une fourmilière étrangère et réduisent les fourmis la peuplant à une forme d'esclavage. Ces fourmis ne peuvent pas vivre par elles-mêmes. Existe-il une telle espèce et quel est son mode de fonctionnement ?

Multiplicité des reines naines, p.127

Pour compenser leur petite taille par rapport aux autres espèces de fourmis, les naines auraient plusieurs reines (quelques centaines !) permettant de pondre en plus grand nombre.


IV Déclarations scientifiques

  1. Organisation

    a) Fédération fourmis

    Ce que l'on appelle fédération fourmi est un ensemble de fourmilières réunies sous la même odeur, c'est-à-dire qui ne s'agressent jamais entre elles.

    Pour ce qui est de l'existence des fédérations de fourmis, Monsieur Wüst affirme que ce serait possible pour autant qu'il s'agisse de la même colonie. A partir d'une fourmilière " mère ", on aurait alentour d'autres dômes, comprenant des reines issues de sexuées de celle-ci. Etant donné qu'elles possèdent la même odeur de colonie que le nid de base, elles sont considérées comme en faisant partie. Par conséquent il n'y a pas d'agressions entre elles.

    Dans son livre, A.Raigner8 nous dit que par une expérience, il a pu constater que la création de nombreux nids secondaires pouvaient permettre aux fourmis des bois d'élargir leur terrain de chasse, tout comme l'organisation d'un immense réseau de route. La création de nids secondaires se fait progressivement : d'abord très aux abords du nid principal, puis petit à petit plus loin. Les nids peuvent recouvrir de très grands domaines, jusqu'à trente hectares. Ces " succursales " peuvent avoir de multiples fonctions : véritables colonies de couvain ou simples stations de travail (dans l'une on élèvera plutôt les pucerons, dans une autre ce sera un tout autre travail, etc…).

    Il confirme que chaque nid a sa propre odeur, et que toutes les fourmis qui lui appartiennent se reconnaîtront en tant que membre d'une même famille. Cela ne se produira pas si la fourmi a été éloignée trop longtemps de son nid (elle perd alors son odeur) ou si elle vient d'un autre nid ; là elle sera tuée sur le champ.

    Il y a une raison au fait de créer des nids secondaires : du fait que les fourmis des bois couvrent ainsi un plus grand terrain de chasse, beaucoup de reines reviennent au nid après la copulation. Elles sont ramenées au nid par des ouvrières d'où elles repartent par la suite avec quelques ouvrières afin de s'établir.

    Plus précisément, pour ce qui est des fourmis des bois, nous apprenons par Daniel Cherix6 que les super-colonies ont une particularité qui est l'échange entre plusieurs fourmilières de la même colonie. Il existe une espèce de " hiérarchisation " de ce système à plusieurs fourmilières : on trouve tout d'abord des fourmilières-mères faisant plus de 1,20m de hauteur et possédant six à huit pistes de liaisons, principalement avec les fourmilières-filles. Celles-ci, deuxième dans la hiérarchie, font de 80 à 120 cm de hauteur et ne possèdent que trois à cinq pistes avec les deux dernières sortes de fourmilières, se trouvant en bas de l'échelle : les fourmilières saisonnières et les fourmilières débutantes. Ces deux dernières sortes servent surtout à "  désengorger " les fourmilières-mères et filles de leur couvain trop nombreux.

    b)Le drapeau chimique fédéral

    Ce que l'on appelle drapeau chimique fédéral est l'odeur de la colonie, qui est portée par toutes les fourmis en faisant partie et qui leur permet de se reconnaître entre elles.

    Pour ce qui est de l'odeur de la colonie, ou " drapeau chimique fédéral ", le professeur Wüst nous dit que l'odeur de la colonie est absorbée par les individus, mais il est sceptique quant au fait que cette odeur puisse s'imprégner dans un terrain. Les odeurs de pistes ne sont probablement pas des odeurs spécifiques à la colonie.

    Albin Raigner8 précise : chaque nid a son odeur qui lui est propre. Cette odeur sur les fourmis peut subir des variations : par exemple, une fourmi restée trop longtemps hors du nid est considérée comme ennemie. Il faudrait une quarantaine de jours au minimum pour qu'un tel changement s'opère. Il faut préciser qu'il y a deux sortes d'odeurs : l'odeur familiale et l'odeur caractéristique de chaque nid. La première vient du fait que les fourmis descendent toutes de la même reine et gardent cette odeur toute leur vie. La seconde s'absorbe petit à petit, et se modifie en suivant les composants chimiques qui sont dans le milieu (même un régime alimentaire différent au sein d'un même nid peut scinder l'odeur !). L'odeur familiale l'emporte le plus souvent sur l'odeur du nid.

     

    c) La trophallaxie

    La trophallaxie est un échange de nourriture par régurgitation entre deux fourmis.

    Selon Luc Passera5 la trophallaxie, venant, selon le petit Larousse illustré 20027, du grec Trophê, nourriture, et allassein, échanger, est un " […] échange d'aliments liquide entre les membres de la société ". En effet, cette méthode s'effectue bouche à bouche  ; on l'appelle donc stromodéale. La trophallaxie est assez courante chez les animaux, le plus souvent entre parents et enfants, mais entre adultes, elle est plus exceptionnelle. On la retrouve surtout chez les insectes sociaux comme les termites, les guêpes et les abeilles. La trophallaxie entre adultes est même une des caractéristiques des plus importantes chez ces insectes. Chez les fourmis, elle se fait entre ouvrières, entre ouvrières et larves, ou alors entre ouvrières et reine.

    Durant la trophallaxie, il y a donc une donneuse et une receveuse. Mais pendant l'échange, la donneuse peut devenir receveuse et vice versa. Cette attitude, qui constitue environ un quart des échanges, arrive généralement lorsque des ouvrières sont agressives envers des ouvrières étrangères. L'échange trophallactique peut être pratiqué entre espèces différentes, mais aussi avec d'autres insectes, nommés insectes myrmécophiles, qui vivent avec les fourmis. Parmi ces insectes on trouve les Coléoptère Staphylin, le Coléoptère Brenthidae ou la fourmi Camponotus cruentatus.

    Pour la trophallaxie, les fourmis ont un estomac à plusieurs poches. La première de ces poches sert au stockage attendant d'être régurgitée ou absorbée. C'est ce qu'on appelle le jabot social. La technique de régurgitation s'effectue de la manière suivante : la nourriture atteint tout d'abord l'intestin moyen de la fourmi en passant par le jabot social et le gésier (ou pro-ventricule). Lors de la régurgitation, le pro-ventricule sert de pompe, permet le rejet de nourriture soit pour une autre fourmi, soit dans le jabot.

    Pour que la trophallaxie ait lieu, la plupart du temps, la fourmi s'adresse à une congénère dont le jabot social est plein. Elle peut donner des coups à la donneuse ou lui caresser la tête. Ces gestes sont fait avec les antennes ou avec les tarses des pattes antérieures. Il peut arriver que les fourmis aient des régurgitations tout à fait spontanées, sans être sollicitées. Elles " vomissent " alors la nourriture directement sur le sol.

    La trophallaxie a un rôle des plus important au sein de la société myrmycéenne. En effet, c'est essentiellement par la trophallaxie que la reine se nourrit, ou du moins EST nourrie. Car il est très rare que la reine se nourrisse d'elle-même. Selon les espèce, la reine sollicite la nourriture et parfois n'a même pas besoin de cette sollicitation. Cette alimentation de la reine oblige donc la colonie à récolter plus de nourriture, dont une grande partie sera donc réservée à la reine. De plus, l'échange de nourriture permet d'alimenter les larves, qui sont totalement dépendantes des autres fourmis, car elles sont dans l'incapacité de bouger, ou alors très légèrement la tête. Les plus jeunes larves ainsi que les larves destinées à devenir sexuées sont nourries uniquement par trophallaxies, et les autres par une nourriture mixte, puis totalement solide. Il faut noter qu'il arrive que les larves refusent de la nourriture, car n'ayant pas la possibilité comme les fourmis adultes de solliciter une régurgitation, l'ouvrière ne fait pas la différence entre une larve affamée ou une larve rassasiée. Un " vomissement " peut aussi se produire par la larve, spontané ou après sollicitation. Il s'agit alors d'un liquide clair qui est léché par les ouvrières.

    Janine Casevitz-Wentersse3 nous apprend qu'il faut noter que cette transmission perpétuelle d'aliments permet aussi la transmission de substances chimiques d'importance vitale. Ces substances chimiques peuvent aussi passer dans toute la colonie par le fait que les fourmis se " lèchent " très souvent entre elles et permettent l'absorption de secrétions.

    Selon Vincent Albay et Richard Roussel4, la présence de ce jabot social chez les fourmis est une réelle marque d'absence d'individualisme chez ces insectes. En effet, n'importe quel individu peut demander à une congénère de recevoir de la nourriture, qui ne peut refuser que rarement. Si la fourmi présentait une once d'individualisme, elle pourrait avoir l'idée de garder la nourriture pour elle et s'en servir lorsque elle-même sera affamée. Si elle avait ce comportement, elle se dirait que donner de la nourriture a une congénère pourrait atteindre à sa propre survie en cas de disette.

     

    d) La ponte de la reine

    La reine de la fourmilière peut elle choisir le sexe des oeufs qu'elle pond ?

    Concernant la ponte de la reine, M. Jean Wüst explique qu'elle n'a pas trois choix possibles (à savoir, mâle, femelle, ouvrière) mais deux : ouvrière femelle ou mâle. En fait c'est la façon dont l'ouvrière femelle est nourrie qui déterminera sa fonction future. Le seul "choix " qu'elle pourrait effectuer se déciderait donc entre mâle et femelle. Il faut rappeler que chez les hyménoptères, les oeufs femelles sont des oeufs fécondés et que par conséquent les oeufs mâles sont ceux qui ne le sont pas. Tout commence lors du vol nuptial : les sexuées femelles sont fécondées par plusieurs mâles. Chacune d'entre elle stockera tous les spermatozoïdes dans une poche fermée par un sphincter. Devenue reine, les oeufs que la sexuée pond passent devant la spermathèque, et si le sphincter s'ouvre, il libère des spermatozoïdes qui les féconderont. Donc on obtiendra des femelles.

    Par contre, s'il ne s'ouvre pas, les oeufs non fécondés donneront des mâles. On pourrait alors envisager que la reine choisit la " nature " de l'œuf grâce à ce système. Cependant le " dosage " n'est sûrement pas assez précis pour féconder un nombre choisi d'œufs. Par exemple, elle ne peut pas décider de féconder trois oeufs seulement, car le nombre de spermatozoïdes libérés est approximatif.

    Il se pourrait alors que ce soit la température qui influe sur le genre de la future fourmi. En effet, le froid influence le sphincter qui reste bloqué. Donc les oeufs pondus tout de suite après le réveil de la colonie, au printemps, seront des mâles. Après quelque temps, la température se réchauffant, le sphincter se débloque et des oeufs peuvent alors être fécondés.

    Pour ce qui est de la température qui influe sur le sphincter, il semblerait selon D.Cherix6 que en dessous de 19°c, il reste bloqué. De même que des nids peu ensoleillés (et donc peu chauds) ne produiraient que des mâles et ceux bénéficiant d'un grand ensoleillement des femelles. Mais cette dernière théorie est peu vérifiable.

    e) Le pouvoir politique

    Existe-t-il un organe de décision au sein de la fourmilière ?

    Le pouvoir politique au sein de la fourmilière n'existe carrément pas selon M. Wüst. Le seul pouvoir qu'une fourmi pourrait exercer sur une autre serait celui de la reine. En effet, dans une fourmilière où elle est seule à pondre, elle dégage une substance qui, s'échangeant par trophallaxie, " stérilise " ses ouvrières. Celles-ci possèdent pourtant un appareil génital, incomplet, qui pourrait se développer normalement si on enlevait la reine.

    Pour en revenir aux décisions en soi, les fourmis fonctionnent plutôt par automatismes. Par exemple, si l'on donne un coup de pied dans une fourmilière, ce n'est pas la reine qui va ordonner aux ouvrières de réparer, celles-ci le feront automatiquement. On pourrait comparer ce mode de fonctionnement à celui du corps humain, les cellules agissent par elles-mêmes, ce n'est pas le cerveau qui les contrôle. C'est ce qu'on appelle un " super-organisme ".

    Il n'y a pas vraiment de hiérarchie chez les fourmis nous dit Luc Passera5.Il y a quelques cas connus, mais ils sont très rares. La hiérarchie est le propre des vertébrés. Ce qui caractérise plutôt les insectes sociaux, et plus particulièrement les fourmis, c'est le polymorphisme : la présence de castes au sein de la colonie.

    f) Le pivert

    Un pivert attaquant une fourmilière peut-il être assommé ou tué par des jets d'acide provenant des fourmis ?

    M.Wüst déclare, au sujet du pivert, que l'acide formique ne peut en aucun cas tuer un animal aussi gros qu'un pivert, ni l'assommer. Il peut l'irriter ou le déranger tout au plus, et il arrêtera alors d'attaquer la fourmilière. Si les fourmis s'attaquent à ce genre de proie, c'est qu'il est inanimé, dans le coma, ou mort. A ce moment-là elles s'infiltreront par tous les orifices et commenceront à le dépecer.

    Au sujet de l'acide formique, A.Raigner8 nous apprend que celui—ci est suffisamment concentré pour attaquer la peau humaine. Pour l'Homme, cet acide fait surtout suffoquer. Même s'il y a plusieurs centaines de fourmis, l'acide formique ne sera pas mortel.

    g) La salle d'entraînement

    Les fourmis pratiquent-elles un entraînement de combat pour leurs futurs affrontements avec des myrmycéennes ennemies ?

    La salle d'entraînement n'a tout simplement jamais existé selon J.Wüst. L'idée de se battre entre fourmis de même colonie ne leur effleurerait même pas l'esprit.

    Pourtant, A.Forel10 affirme qu'il a déjà observé des fourmis, faisant partie de la même colonie, se battre sans se faire mal. Il cite le scientifique Pierre Huber qui a semble-t-il observé une fourmilière dans laquelle les fourmis luttaient les unes contre les autres, dressées sur leurs pattes antérieures, se saisissant par une mandibule, par une patte ou par une antenne, et se relâcher aussitôt pour s'attaquer encore. Elles se renversaient puis se relevaient tour à tour, et prenaient leur revanche sans se faire de mal. Elles ne se lançaient pas d'acide formique, comme elles le font dans les affrontements sérieux.

    A.Forel dit avoir été longtemps suspicieux à ce propos lorsqu'il a eu l'occasion une fois d'assister de ses propres yeux à ce genre de combat " amical "... Il conclut en disant que dans les jours où les fourmis ne souffrent ni de faim, ni d'aucun autre souci, il arrive qu'elles s'amusent à des luttes simulées. Luttes qui s'arrêtent dès qu'on les effraie.

    h) La luciole

    Une luciole peut-elle communiquer avec une fourmi, ou tout du moins comprendre ce que celle-ci attend d'elle ?

    Concernant la communication entre une fourmi et une luciole, M. Wüst nous dit que normalement le système phéromones fonctionne à l'intérieur d'une même espèce, mais qu'une molécule émise peut être perçue par d'autres insectes. Elle sera seulement comprise différemment. Par exemple un attracteur sexuel d'une espèce signifie pour ses prédateurs la présence d'une proie dans les environs. La même molécule sera reconnue à l'intérieur de l'espèce comme attracteur sexuel et à l'extérieur de l'espèce comme une odeur de proie.

    En bref, une phéromone émise par une fourmi peut être perçue par d'autres espèces.

    Passera5 cite Wasmann qui, en 1903, pensait que des sécrétions étaient émises par des myrmécophiles afin de faciliter leur adoption par les fourmis. Se sont des " médiateurs chimiques " interspécifiques que l'on appelle allomones. Par exemple, les larves d'Atemeles sécrètent une substance chimique pour que les fourmis s'occupent d'elles. Cette substance passe par les pores de la larve et est léchée par les ouvrières.

    Il n'y a pas vraiment de langage selon Luc Passera, les myrmécophiles utilisent surtout des aspects mécaniques : les touchers d'antennes, le léchage de certaines glandes…

    i) Les fourmis esclavagistes

    Existe-t-il des fourmis qui volent le couvain d'autres pour les élever par la suite et en faire des " esclaves " ?

    Selon Jean Wüst, il y a deux sortes de fourmis esclavagistes. L'une tue la reine et la remplace. Ce sont ce qu'on appelle des fourmis parasites qui sont uniquement sexuées. C'est pour cette raison qu'elles ont besoin de parasiter une autre colonie afin de faire élever leurs oeufs et larves par des ouvrières. Une fois la reine tuée, celle qui la remplace acquiert rapidement l'odeur de la colonie et est reconnue comme faisant partie de celle-ci.

    L'autre, les " vraies " fourmis esclavagistes, sont des fourmis dont les ouvrières sont incapables de s'occuper des oeufs et des larves, organismes très fragiles. Cette incapacité est due soit au fait que leurs mandibules sont trop acérées, soit parce qu'elles sont trop nerveuses. Elles ont besoin d'ouvrières plus calmes, ou qui ont des mandibules moins coupantes pour s'occuper de leurs propres larves.

    Elles se voient donc contraintes d'aller " voler " dans d'autres fourmilières des cocons (renfermant des nymphes qui deviendront des ouvrières aux mandibules mieux adaptées), qui sont beaucoup moins fragiles et qu'elles ne risquent pas d'abîmer.

    A.Raigner8 confirme en tous points les dires de M.Wüst : une des raisons pour lesquelles certaines fourmis ont besoins d'esclaves est la forme de leurs mandibules. Chez certaines esclavagistes, elles sont "  étroites, pointues, recourbées en faucille ", tout le contraire de mandibules " normales ", et sont surtout des armes redoutables. Elles sont inutilisables pour les travaux délicats, (comme porter le couvain, se nourrir ou les soins ménagers) et doivent donc laisser ces tâches aux esclaves. Chez certaines espèces esclavagistes, les esclaves peuvent être majoritaires, jusqu'à 7/8 de la population.

    A.Forel10 parle plus précisément d'une espèce donnée, la sanguinea. La sanguinea est une fourmi esclavagiste qui sévit notamment en Suisse. Leurs expéditions esclavagistes se produisent de juin à août, deux ou trois fois par an et par fourmilière. Dans la situation qu'il donne, elles s'attaquent à un nid de glebaria (qui sont leur principale victime, avec les fusca) dont elles parviennent, après une lutte acharnée et quelques tentations de sauvetage de couvain de la part des glebaria, à entrer dans le nid et à en ressortir les nymphes désirées. Elles établissent une sorte de " douane " à la sortie de la fourmilière et laissent les glebaria non chargées sortir, mais empêchent strictement la sortie de toute nymphe, cocon ou larve ! Certaines des glebaria ayant réussi à s'échapper sont parties avec leurs sexuées pondeuses s'établir ailleurs, abandonnant leur nid aux sanguineas. Celles-ci ont alors commencé à transporter nymphes et larves jusqu'à leur propre nid, pendant deux jours, puis elles ont à leur tour délaissé celui des glebarias.

    Cet exemple plus que concret ne peut pas être mis en doute.

    A. Forel10 rajoute aussi que le terme " esclave " n'est pas tout à fait approprié. En effet, les fourmis ayant été capturées à l'état de nymphe (les nymphes n'ont aucune conscience de qui les a nourri et soigné auparavant), elles n'ont aucune notion de sa fourmilière d'origine. Elles n'ont par conséquent aucune conscience d'être esclaves et travaillent par instinct " hérité ".

    j) Les reines multiples

    Est-il possible qu'une espèce de fourmi telle que les naines puisse disposer de plusieurs reines au lieu d'une seule ?

    A propos des fourmis naines, Monsieur Wüst dit que la présence de plusieurs reines est tout à fait possible, même vérifiée. Par exemple, dans la colonie du Jura qui compte mille cinq cent dômes, certains (les plus grands) comptent plusieurs reines, qui pondent toutes. Donc pour une seule colonie on peut compter des milliers de reines ! Il a par ailleurs ajouté que les fourmis rousses ont elles aussi plusieurs reines, comme la plupart des autres espèces.

    En résumé, les naines ne sont pas les seules à bénéficier du fait d'avoir plusieurs reines dans le même nid.

    2 Anthropomorphisme

2.a) Le mensonge

Une fourmi connait-elle la notion de mensonge ?

Lorsque nous avons posé la question concernant la présence éventuelle de mensonge chez les fourmis à M. Wüst, il nous a répondu que dans l'état actuel des connaissances, cela n'existait pas.

La philosophie, elle, peut apporter une réponse. Elle dit que le mensonge est un concept très compliqué. Que faut-il pour mentir ?

Tout d'abord on ne peut le faire que si l'on est déjà capable de penser le vrai : se rendre compte qu'il y a une réalité et qu'elle peut être déformée.

Mais cela ne suffit pas : le caméléon qui utilise sa méthode de camouflage pour se protéger des prédateurs ou pour capturer ses proies est-il un menteur ?

Qu'est-ce qui l'en différencie alors ? L'intentionnalité. En effet, il faut vouloir faire passer une apparence pour la réalité pour hériter de cet adjectif.

Revenons alors au caméléon : il ne ment donc pas. Pour lui, se fondre dans le paysage c'est un automatisme. La fourmi aussi est un animal qui agit par automatismes, et non pas intentionnellement. Si l'on donne un coup de pied dans une fourmilière, les ouvrières vont tout de suite commencer à reconstruire sans temps de réflexion. On pourrait dire qu'elles ont été " programmées " à réagir à un certain nombre de situations d'une telle manière et pas d'une autre. Les humains aussi possèdent des automatismes. Certains s'apprennent par l'expérience (création de stimulus) alors que d'autres sont déjà acquis (les mouvements inconscients de la séduction que l'on transmet et reçoit sans s'en rendre compte —études comportementales).

b) L'aggressivité

Une fourmi peut-elle en agresser une autre de la même colonie lorsqu'il s'agit du bien de la communauté ?

Selon M.Wüst, une fourmi n'en agresserait une autre que si cette dernière ne faisait pas partie de la même colonie, ou fédération. Il n'y a aucun cas connu d'agressivité entre fourmis du même nid.

Pour ce qui est de la fourmi concierge, celle qui garde les entrées, il ajoute qu'étant plus puissante, une simple ouvrière ne pourrait certainement pas la tuer.

c) La peur

Une fourmi peut-elle éprouver le sentiment de peur ?

Pour la peur, M.Wüst affirme qu'il faut une mémoire développée pour la connaître. En effet, c'est parce qu'on se souvient avoir affronté une même situation et avoir été blessé ou avoir eu mal, qu'on a peur. Même si une fourmi meurt à côté d'une autre, la survivante ne la considérera plus comme une fourmi, ce ne sera plus qu'un " petit tas " sans vie. Mais elle n'aura pas peur. La fourmi a plus une réaction immédiate à la douleur, à un contact étranger ou à des odeurs, mais elle n'aura pas une réaction qui anticipe la chose. M.Wüst dit ne même pas savoir s'il est admis que les mammifères connaissent ce sentiment typiquement humain.

On ne peut donc pas parler de "peur ". Cependant, lors d'attaques au sein même de la fourmilière, les myrmycéennes possèdent une sorte de système d'alarme sous forme de phéromones qui enclenche un comportement spécifique à ce genre de situation. Dans certaines espèces, dès qu'il y a un danger (prenons l'exemple du pivert), les fourmis situées dans la région touchée sécrètent une phéromone d'alerte. Il y a alors comme une réaction en chaîne qui se propage de fourmi en fourmi. Les nourrices, par exemple, sont programmées à descendre le couvain dans les étages inférieurs du dôme pour le protéger. Les grandes ouvrières et les soldates qui se trouvaient à l'extérieur sont appelées par l'odeur et reviennent au nid, pour essayer de chasser l'agresseur. Une fois le danger écarté, les fourmis cessent de sécréter la phéromone et le calme revient petit à petit dans la fourmilière.

d) Les retrouvailles

Deux fourmis ayant partagé des péripéties ensemble peuvent-elles par la suite se distinguer des autres myrmycéennes de la colonie ? Des " retrouvailles " sont-elles possibles ?

Monsieur Wüst avoue qu'il serait difficile de vérifier l'hypothèse de distinction entre deux fourmis. Pour qu'un individu puisse en reconnaître un autre après un certain laps de temps, il faudrait qu'il y ait eu un échange particulier entre les deux. Mais en tenant compte qu'il y a des échanges entre tous les individus de la fourmilière, il paraît peu probable que deux fourmis se reconnaissent entre elles. De plus, qui dit reconnaissance dit mémoire, et comme vu précédemment, cette caractéristique ne fait pas partie de celles que possèdent les fourmis. Pour finir, il faut aussi une notion de l'identité, de soi et de l'autre, comme l'explique M. Schibler, professeur de philosophie.

Il y a diverses définitions de ce que l'on appelle l'identité. On peut déjà parler d'identité " idem " et d'identité " ipse ".

La première définirait l'identité comme une " permanence à soi ". Une personne est la même qu'il y a cinq ans, quels que soient les changements physiques qui se sont opérés sur elle. A ce moment-là c'est la mémoire qui est garante de cette continuité identique, c'est elle qui nous permet de nous donner à nous-même une identité.

La deuxième, l'" ipse ", c'est l'attribuer à soi-même ou à la réalité extérieure. L'exemple d'un livre qu'on identifie : on le voit, on le perçoit comme un objet, un ouvrage plus précisément. C'est-à-dire qu'on le distingue des autres éléments qui se trouvent autour, on le met à part pour l'isoler. On le " discrimine " en quelque sorte. Ce procédé nécessite la capacité de faire la différence : pour identifier quelque chose, on doit pouvoir la distinguer d'une autre. Dans cette optique, une fourmi peut-elle en reconnaître une en particulier parmi toutes celles avec laquelle elle a eu des échanges ?


V. Synthèse

Arrivées à ce point du travail, nous avons exposé les deux façons de voir les fourmis, c'est-à-dire les descriptions de Bernard Werber et celles de la science, certes un peu plus détaillées. A présent nous allons confronter ces deux points de vue, et voir ainsi ce qui concorde et ce qui diffère, point par point.

V 1. Organisation

L'explication concernant l'organisation des fédérations de M.Werber est semble-t-il assez rigoureuse. En effet après le vol nuptial, les futures reines s'installeront un peu plus loin que leur dôme d'origine et formeront une nouvelle fourmilière qui fera partie de la même colonie que celle-ci.

V 2. Anthropomorphisme

La philosophie a tout de suite répondu à la question du mensonge : les fourmis sont des êtres qui, à l'instar du caméléon, agissent par automatismes et sont incapables de mentir. De déformer la réalité, oui, mais en tout cas pas consciemment. Les myrmycéennes sont programmées à réagir de telle ou telle façon selon une situation donnée, et la science ne pense pas qu'elles perçoivent même ce qu'est la réalité et ce qui ne l'est pas.

 


VI. Conclusion

Plus notre travail avançait, plus nous nous sommes rendues compte que les fourmis décrites par Bernard Werber et celles décrites par la science étaient très différentes. Mis à part les erreurs plutôt grossières faites par l'écrivain, surtout au niveau de l'organisation, il décrit ses héroïnes comme des êtres dotés des plus complexes sentiments que l'humain puisse éprouver. Notamment, la peur, l'affection, le sentiment de traîtrise... Des sentiments que la philosophie décrit comme propre de l'homme, ou tout du moins des mammifères.

Tout ceci est engendré par un comportement que l'on nomme l'individualisme. Nous nous sommes donc penchées plus particulièrement sur ce concept, sous l'angle de la philosophie.

Qu'est-ce que l'individualisme ?
C'est le fait de faire prévaloir l'individu sur le groupe auquel il appartient : il est le plus important lui-même, pas ses appartenances.

A partir du XVIIIème siècle, l'homme se fait plus libéral, donc individualiste. Il apprécie sa propre valeur plutôt que de se comparer automatiquement aux autres. Les philosophes de l'époque se penchent donc plus sur cet aspect.

On se pose des questions à savoir dans quelles conditions le sacrifice de l'individu est plus important que le groupe auquel il appartient et dans quel cas le groupe est plus important que l'individu. Plus clairement, le fait de sauver dix personnes justifie-t-il le fait d'en torturer une seule ?

Alors l'individualisme serait le fait de privilégier l'individu au détriment de son groupe : chaque vie est trop précieuse pour la sacrifier, même si c'est pour en sauver d'autres...

Ici on parle d'un cas extrême, à savoir la valeur de la vie et de la mort, mais si l'on se penche vers des cas plus " classiques ", on se rend compte que cela fait partie inhérente de l'homme, en général. L'homme se bat pour son propre confort, ses propres intérêts beaucoup plus souvent que lorsqu'il le fait pour la communauté. L'homme est un égoïste de nature.

L'utopie de Mandeville, qui pensait qu'une société où les hommes vivraient selon le mode des abeilles serait meilleure, a échoué à cause de cette caractéristique typiquement humaine. Hommes et femmes étaient malheureux car ils ne pouvaient plus laisser leur personnalité propre ressortir, oublier leur identité pour servir la collectivité. L'être humain ne supporte pas d'être totalement noyé dans la masse.

Selon cette définition, la fourmi serait loin d'être individualiste, car elle vit dans une société qui en est le parfait antonyme...

Mais alors, dans ce cas, pourquoi les fourmis de Werber sont-elles si humanisées ? Pourquoi cet écrivain a-t-il dû modifier la vérité scientifique ?

Nous nous sommes posées la question, et il nous est bien vite apparu qu'il s'agit du lecteur. En effet, le lecteur est par définition humain, et par conséquent il a besoin de se retrouver dans les romans qu'il lit. Un roman est fait pour s'évader, mais il faut toujours qu'il y ait un fond d'humanité. Par exemple, dans les livres de science-fiction, les extra-terrestres ont dans la majorité des cas un " air d'humain " ou tout du moins des mœurs terrestres, ou alors des sentiments identiques aux nôtres. On peut étendre cette constatation au 7ème Art, quoique le phénomène d'identification y est quelque peu moins important. Notre imagination est plus bridée que dans un livre, par la présence d'acteurs et de décors prédéfinis. On peut quand même s'identifier aux personnages d'une série ou d'un film, car leur caractère est souvent plus stéréotypé, et on retrouve forcément une facette de notre caractère dans l'un d'eux.

Tout cela rejoint l'idée d'identification. Le livre aurait-il aussi bien marché si les myrmycéennes avaient été décrites telles qu'elles le sont dans la réalité ? On peut affirmer qu'il aurait moins attiré le lecteur lambda, celui qui lit des livres pour se distraire.

Mais alors pourquoi le lecteur a-t-il tant besoin de s'identifier aux personnages dont il suit les aventures ? Nous pouvons même aller plus loin dans la réflexion : pourquoi lisons-nous ? Nous lisons avant tout pour nous instruire, parfaire notre connaissance du monde qui nous entoure, par des ouvrages scientifiques, philosophiques, historiques, etc... Mais nous lisons aussi des romans distrayants, car notre nature nécessite que nous sortions de notre cadre. L'homme est enfermé dans son train-train quotidien, c'est-à-dire dans ses habitudes, dans son métier, dans son entourage, sans moyen d'en sortir. Le roman devient alors une porte de sortie à cet univers monotone.

Cependant il doit y avoir un certain réalisme, des choses auxquelles le lecteur puisse se rattacher pour ne pas être totalement perdu. Certains éléments du roman ne sont ainsi pas assez décrits pour en avoir une vision précise, ceci afin de laisser libre cours à l'imagination. Le lecteur modèle ainsi inconsciemment ses personnages, ses lieux, etc... C'est pour cette raison que le livre captive le lecteur : parce qu'il peut incorporer ses propres idées et ainsi croire qu'il fait partie de l'histoire. C'est parce qu'il personnalise le roman qu'il peut s'y identifier.

Mais il y a une autre façon de considérer ce phénomène : un aspect que l'on peut qualifier de thérapeutique. Dans ce cas, le lecteur suit les péripéties d'un personnage qui commet des erreurs dans sa vie, ce qui l'amène à de constants échecs et parfois même à la mort. Il apprend donc de ses mésaventures, qu'il évitera à l'avenir de reproduire dans sa propre vie. L'écrivain tente par son ouvrage de donner une morale à ceux qui parcourront son livre, afin qu'ils en retirent quelque chose. On retrouve notamment cette façon d'écrire chez les auteurs classiques : les protagonistes de Balzac et de Flaubert par exemple sont dans la grande majorité des cas des personnages malheureux, qui se font petit à petit ronger par leurs problèmes tout au long du roman. Ils sont des exemples parfait de la conduite à ne pas suivre !

Pour revenir à Bernard Werber, les fourmis qu'il décrit seraient donc ici humanisées pour permettre l'identification indispensable à notre ego. Toutefois la possibilité de s'identifier aux héroïnes de l'aventure est réduite du fait que ce ne sont pas des humains. Werber leur a donné juste assez de conduites, d'émotions, de comportements humains pour que le lecteur puisse s'identifier un minimum à ces hyménoptères. Il se retrouve ainsi plongé dans un monde qu'il ne connaît pas, mais il peut quand même se raccrocher à des éléments usuels dans son propre univers.

Soit, Bernard Werber a commis des erreurs qu'il aurait pu éviter, et ses fourmis ne sont pas les mêmes que celles que l'on trouve dans notre jardin, mais malgré tous les reproches que l'on peut lui faire, son roman a le mérite d'avoir permis à des millions de personnes de découvrir le monde myrmycéen et toutes ses richesses, trop souvent méconnues. Il ne faut non plus pas oublier que les personnes qui ont lu son livre en sont toutes sorties avec un autre regard sur les fourmis. Ils les respectent plus, car il les comprennent mieux elles et leur mode de vie. Aussi ils ne traitent plus de fous ceux qui ont choisi ce sujet pour travail de maturité!


VII. Glossaire

Selon le petit Larousse illustré 2002 :

Cochenille : n.f. (esp. Cochinilla, cloporte). 1. insecte hémiptère se nourrissant de la sève des plantes et dont une espèce mexicaine fournit une teinture rouge, le carmin. (Long. 2mm  ; famille des coccidés).

Chrysomèle : n.f. Insecte coléoptère brillamment coloré, dont les nombreuses espèces vivent sur diverses plantes.

Formique : adj. (du lat. formica, fourmi). CHIM. ORG. Acide formique : acide (HCOOH) existant dans les orties, le corps des fourmis, etc.

Haploïde : adj. (et n.m.) BIOL. Qui ne possède que la moitié du nombre de chromosomes propre à l'espèce. Les gamètes sont haploïdes (elles possèdent n chromosomes) et leur union donne naissance à un zygote diploïde (à 2n chromosomes).

Hyménoptère : n.m. et adj. (gr. humên, membrane [et par extension : mariage — ndr], et pteron, aile). Insecte holométabole, possédant deux paires d'ailes solidaires pendant le vol et dont la larve ne peut subvenir seule à ses besoins, tel que l'abeille, la fourmi, la guêpe, l'ichneumon, le cynips. (les hyménoptères forment un ordre.)

 

Jabot : n.m. 2. Renflement volumineux placé entre l'œsophage et le gésier des insectes.

Miellat : n.m. Produit sucré élaboré par divers pucerons à partir de la sève des végétaux, et dont se nourrissent certaines abeilles et fourmis.

Myrmécophile : adj. et n. (du gr. Murmêx, fourmi). ZOOL. Se dit des espèces animales qui vivent en permanence dans les fourmilières ou au contact des fourmis.

Phéromone : n.f. ETHOL. Substance chimique qui, émise à dose infime par un animal dans le milieu extérieur, provoque chez ses congénères des comportements spécifiques.

Polymorphisme : n.m. 3. BIOL. Caractère des espèces dont les individus de même sexe présentent des formes diverses d'un individu à l'autre.

Sphincter : n.m. (gr. sphigtêr, de sphiggein, serrer). Muscle annulaire qui ferme ou resserre un orifice ou un canal naturel.

 

Tarse : n.m. (gr. tarsos). 3. Partie terminale de la patte des insectes, génèr. formée de deux à cinq petits articles.

Tractus : n.m. (mot lat. trainée). ANAT. Ensemble de fibres ou d'organes qui se font suite et forment une unité fonctionnelle. Tractus génital, gastro-intestinal.

Trophallaxie : n.f. (gr. Trophê, nourriture, et allassein, échanger). ZOOL. Echange de nourriture entre les membres d'une société d'insectes, renforçant la cohésion de celle-ci.

Définition approfondie : les phéromones.

La communication fourmi se fait principalement grâce aux phéromones. Les phéromones (de " phéro " et hormone, c'est à dire :hormone extérieure) sont, selon Bert Hölldolber et Edward O. Wilson1, une sécrétion olfactive et gustative.

Selon Luc Passera5, on a tout d'abord parlé d'éctohormones, puis d'écomones qui se divisent en deux groupes :les phéromones pour les signaux sur les individus de la même espèce, et les allomones pour les signaux émis pour les autres espèces.

On trouve dans les phéromones deux autres groupes : les phéromones de déclenchement et les phéromones d'amorçage. Les premières (en anglais "releaser pheromones") agissent sur les comportements de la fourmi qui perçoit, grâce au système nerveux, et les secondes agissent plutôt sur le point de vue physiologique et surtout sur la physiologie du système endocrinien et reproducteur. Casevitz-Wenterssese3 nous apprend que les phéromones sont captées grâce à des poils sensoriels repartis partout sur le corps de la fourmi, surtout sur les antennes. C'est pour cela que si l'insecte a ces antennes cassées ou abîmées, il est perdu et est assuré à une mort proche. Il en prend grand soin, et pour cela se les nettoient en permanence avec des brosses situées sur ces pattes antérieures.

Pour Albay et Roussel4, l'alerte est donnée chez certaines espèces par quatre substances émises par les glandes de la tête. La première odeur sert à la mise en alerte des fourmis alentours qui fouettent alors l'air de leurs antennes pour capter le message. La deuxième fait chercher la cause du dérangement, la troisième attire les fourmis vers celle qui a tout déclenché et augmente leur agressivité (elles mordent alors les objets se trouvant sur le chemin). Enfin la quatrième excite beaucoup les fourmis et les rend très agressives.

Les messages que lancent les myrmycéennes sont très simples. La plupart du temps ils se bornent à un "alerte", "venez m'aider", "c'est le nid", "nourriture pas loin" ou "ennemi pas loin".

Passera5, nous indique que, parmi les phéromones, l'une d'elles est à citer car elle serait le "déclencheur" du comportement sexuel soit pour un mâle, soit pour une femelle. Chez le mâle, la phéromone en question est émise par une glande mandibulaire qui excite seulement les reines vierges ou les ouvrières, mais il arrivent que les mâles réagissent aussi, alors beaucoup moins. L'attraction des mâles est l'œuvre de la glande à poison , située sous l'abdomen. Cette phéromone n'est pas unique, car des mâles cohabitant dans un même biotope sont aussi attirés par une femelle. Seulement les accouplements interspécifiques ne sont pas possibles, car la phéromone de contact provenant de la reine (odeur le la colonie) ne peut être perçue que par les mâles, et ils savent alors si la sexuée est bien de leur colonie ou non. Les phéromones des mâles attirent les reines pendant le vol nuptial et permettent aux futures reines d'écourter le vol. Elles échappent ainsi aux éventuels prédateurs (par exemple : les oiseaux).


VIII. Bibliographie

Communications personnelles

Illustrations

 


IX. Annexes

1. INTERVIEW DE M. WÜST du 23 août 2002

Interview de Monsieur Jean Wüst, scientifique travaillant au musée d'histoire naturelle de Genève, faite le vendredi 23 août 2002.

J-W : Le fait que les fourmis puissent parler ne m'a pas trop dérangé, parce que sans ça, le livre n'aurait pas pu se faire. Et de plus, il y a des choses dans le système nerveux qu'on ne saura jamais. Comment les insectes voient par exemple, en mosaïque ou comme nous, on ne le saura jamais. Même si on étudie tous les circuits, toutes les connexions, tous les neurones, on ne pourra pas le savoir.

(A propos de l'incrédulité p.44)Le concept de croire et de ne pas croire est-il possible chez les fourmis ?

Dans l'état actuel des connaissances, ça n'existe pas.

La fourmilière est un super-organisme …

Il y a surtout des informations olfactives qui circulent, des informations comportementales aussi, mais d'autres informations, à notre connaissance, non. Et puis croire ou ne pas croire, réaliser qu'on existe, réaliser qu'il y a un avenir et un passé, on considère que ce sont des caractères qui appartiennent nettement à l'homme. Même les autres mammifères n'ont pas la sensation d'exister, qu'ils vont mourir ou ce genre de choses.

D'autre part, il n'y a plus de notion d'appartenance à l'espèce, une fois que l'organisme est mort. Une fourmi morte est un petit tas de quelque chose, qu'on va mettre à la poubelle, et c'est tout. Il n'y a aucune pitié, n'y sentiment vis-à-vis d'un corps.

Il n'y a pas non plus de déclaration de guerre. Si les fourmis se rencontrent, même si elles appartiennent à la même espèce, mais pas à la même colonie, elles vont s'agresser automatiquement. Et c'est la méthode qu'on a pour savoir si c'est une colonie ou des colonies différentes. C'est avec des tests d'agressivité justement qu'on a pu mettre en évidence dans le Jura que une colonie comprenait 1500 dômes. Si on prenait une fourmi à une extrémité, et une autre 2 km plus loin, on les mettait ensemble, elles agitaient les antennes, elles avaient des contacts, mais ne s'agressaient pas du tout. Tandis qu'au-delà de la colonie, des fourmis distantes de 20 centimètres, mises ensemble, elles se coupent en morceaux.

Werber parle d'une " Fédération fourmi ", une sorte d'association de plusieurs fourmilière…

Alors c'est le contraire qui se passe, je ne pense pas qu'il y ait de fusions de colonies, puisqu'il y a des agressivités.

Mais là elles sont toutes de la même espèce…

C'est difficile, car l'appartenance, c'est l'appartenance à une colonie. Si on simplifie, un petit tas, c'est une colonie, le petit tas d'à coté c'est une autre colonie. Même s'il y a la même espèce, vous prenez une fourmi de chaque petit tas, face à face elles vont s'agresser.

Et la même colonie en plusieurs petits " tas ", ça ne serait pas possible ?

Alors là oui, mais le mécanisme qu'on connaît, c'est à partir d'un dôme, la création d'autres dômes. Donc la Fédération de dômes existants, avec des fourmis qui décident de ne plus s'agresser.

Werber parle d'une fourmilière-mère, dont tous les autres sont ces " filles ", se serait donc possible ?

Oui, tout à fait.

Pour revenir à cette cellule, une association secrète qui s'occupe de réguler le niveau de stress de la fourmilière. Est-ce possible qu'en plus de castes qu'on trouve chez les fourmis, il y ait d'autres " sous-castes " ?

Les études de comportement montrent que finalement, si vous prenez une fourmi, elle est très individualiste. Il se trouve étonnamment que le travail de tous ces organismes individualistes aboutisse à quelque chose qui se tienne. C'est un peu la même chose avec les abeilles, mais elles sont tout de même moins individualistes. Si vous regardez une route de fourmis, en principe elles sortent de la fourmilière sans rien porter et reviennent en portant quelque chose. Mais vous en trouverez toujours qui reviennent à la fourmilière à vide, ou toujours qui repartent de la fourmilière avec une proie. Ca ne veut pas dire que quand elles vont à la poubelle ou au cimetière, elles ne transportent pas quelque chose, mais ça c'est un autre endroit. Et si c'est trop lourd pour être transporté par une fourmi, elles se mettront à plusieurs mais ne tireront pas dans la même direction.

Peut-on les comparer à des cellules d'un corps humain ?

Il y a bien sur des relations entre fourmis, chimiques, olfactives ou de comportement, mais on pourrait les comparer à des amibes, qui sont indépendantes et qui à un moment de leur cycle reproducteur se mettent toutes ensemble (les amibes sont juste des cellules qui n'ont pas une forme très bien définie) pour que l'ensemble des cellules forme quelque chose qui ressemble à un champignon, qui à tout à fait une forme particulière. On pourrait faire une analogie avec des fourmis qui font un peu n'importe quoi mais ça aboutit à quelque chose de très structuré. Donc de loin, c'est très structuré (il y a d'ailleurs d'autres insectes sociaux chez qui c'est encore plus structuré), mais si on regarde dans le détail ça l'est déjà moins

Est-ce qu'à votre avis une fourmi peut en tuer une autre de sa propre colonie pour son bien, (à propos de la fourmi concierge...) ?

Certainement pas. Probablement que la fourmi qui garde l'entrée de la fourmilière est un individu plus puissant que celle qui chercherait à entrer. Et puis perdre ses odeurs de colonie… c'est imprégné dans toute la surface du corps, donc dur à enlever. Et puis avec les reines, il y a un problème, surtout dans les colonies où il y en a plusieurs. Après le vol nuptial, de reines qui viennent peut-être d'autres colonies s'envolent et peuvent revenir à leur colonie (dans ce cas pas de problème) ou dans une autre colonie, mais elles ne se font pas tuer. Il semble que les reines au moment de l'éclosion et cela d'une manière générale, n'ont pas d'odeur de colonie, donc pour les gardiennes c'est un organisme qui n'existe pas. A l'entrée il y a beaucoup de monde qui rentre (coléoptères, myriapodes), et à part si elle séjourne pendant 2,3 jours dans une autre colonie, elle ne peut être agressée par une gardienne. Par exemple, si un apiculteur perd une reine dans une ruche et qu'il veut en mettre une autre, il doit la mettre dans une petite cage pour qu'elle ne se fasse pas piquer et tuer par les autres ouvrières, et cela pendant 2-3 jours pour que l'odeur s'imprègne dans sont corps. Et ensuite il peut ouvrir la cage sans qu'il y ait d'agressivité. Mais c'est quand même relativement long, il faut 2-3 jours.

Il est donc possible, puisqu'on parle de multiplicité des reines que les fourmis naines puissent avoir jusqu'à plusieurs centaines de reines pour compenser leur petite taille ?

C'est tout à fait possible et même jusqu'à des milliers. Par exemple la grande colonie du Jura qui a 1500 dômes ; la plupart des dômes ont des sexuées, des reines, et dans certains grands dômes, il y a plusieurs reines. Et elles pondent toutes.

Il y a d'autres organisations de fourmilières. Il y en a où il n'y a pas d'ouvrières, il n'y a que des sexués avec l'un d'eux qui joue le rôle de reine. Et tous les autres jouent le rôle d'ouvrières. Quand la reine meurt, il y a comme une hiérarchie et c'est " l'ouvrière en chef " qui va devenir reine et ainsi de suite. Donc ici il n'y a pas de castes.

Il y a des espèces qui n'ont strictement qu'une reine, si une seconde arrive, elle est tuée, et il y des espèces qui en ont plusieurs. Et il y a d'autres espèces, les parasites, qui n'ont pas d'ouvrières, qui donc ne peuvent pas élever leur progéniture, qui s'introduisent dans une autre fourmilière, tuant la reine et prenant sa place, et font élever leurs œufs par les ouvrières de l'autre reine.

Est-ce que vous pensez qu'on peut savoir si une fourmi peut connaître la peur ?

Non. (Il réfléchit) Il faut avoir une mémoire pour connaître la peur. Parce que si on ne se rappelle pas avoir affronté une même situation et avoir été blessé par exemple, ou avoir eu mal, il n'y a aucune raison d'avoir peur. Même si celui d'a coté est tué, ce n'est plus une fourmi et voilà. Donc la peur, certainement pas. Elle aura une réaction immédiate : si vous touchez une fourmi elle va réagir, avoir une réponse à la douleur, à un contact étranger, à des odeurs. Mais une réponse qui anticipe la chose, non, elle ne l'aura pas. Je ne sais même pas si chez les mammifères on admet qu'il y a de la peur.

Quand il y a une attaque, un gros problème dams la fourmilière, elles dégagent une odeur particulièrement forte, de l'acide formique ou des choses comme ça, qui s'évapore rapidement si elles ne continuent pas à en décharger, qui va faire une réaction forte des soldats d'abord, des ouvrières, en réponse à cette agression qui est signalée. C'est donc une alerte. Dans certaines espèce il y a les grandes ouvrières chargées du travail extérieur, ramener les proies, et tout ce genre de choses, et des petites ouvrières qui s'occupent des larves, à l'intérieur de la fourmilière. Et la substance d'alarme va attirer les grandes ouvrières et les soldats pour essayer de chasser l'agresseur, et ce va faire fuir les petites ouvrières à l'intérieur du nid. Donc l'effet n'est pas le même sur les différentes castes.

Une fourmi peut-elle reconnaître une fourmi si elle a partagé quelque chose avec elle, est- ce qu'elle peut la distinguer parmi les autres ?

Je ne sais pas si on a fait des études aussi détaillées que ça. Je ne sais pas comment on pourrait mettre en œuvre une expérimentation pour voir si un individu peut reconnaître un autre individu après un certain temps. Il faudrait qu'il y ait un échange particulier entre les 2 individus, mais comme il y a des échanges avec tous les individus, ça serait difficile de faire la différence.

A propos du pouvoir politique, y a t'il des décisions qui sont prises…..

Il n'y a pas de décisions qui se prennent, disons qu'il y a un " pouvoir " qui est plus important dans les fourmilières où il n'y a qu'une reine. La reine dégage des substances, qui ne passent pas par l'olfaction, mais qui s'échangent par trophallaxie et se répandent dans toute le nid, qui empêche que les ouvrières puissent se reproduire. Car les ouvrières sont des femelles chez les hyménoptères et ont un tractus génital femelle mais incomplet. Mais si on enlève la reine, le tractus génital va se développer. Donc la substance de la reine empêche le développement du système génital chez les ouvrières. Et de ce point de vue-là, c'est cela le pouvoir de la reine, et c'est tout. Si vous donnez un coup de pied dans une fourmilière, ça n'est pas la reine qui va dire qu'il faut réparer, c'est automatiquement que le super-organisme fonctionne. C'est comme si on se blesse, c'est pas le cerveau qui va dire qu'il faudrait que les globules blancs et les globules rouges, etc., réparent ça. Ca se fait tout seul à cet endroit là. Ce sont des automatismes.

Concernant la ponte de la reine, est-ce qu'elle peut choisir ce qu'elle veut pondre (sexués mâles, femelles ou ouvrières) ?

On ne sait pas ce qui détermine vraiment la différence entre ouvrières et sexués. Il semble qu'il y ait des espèces où se soit génétique, donc où il y a un facteur dans les chromosomes qui détermine si ça sera une ouvrière ou une reine, chez d'autres il semble que ce soit simplement la nourriture. Le choix qu'elle peut faire c'est entre mâle et femelle. Parce que chez les hyménoptères les œufs mâles sont des œufs non fécondés (développement par tri génétique) et les ouvrières ou les femelles sont des œufs fécondés.

Et la fécondation s'opère quand ?

Donc pendant le vol nuptial, les mâles s'accouplent avec les reines et transmettent des spermatozoïdes, qui sont stockés dans une poche avec un sphincter, qui est une " méthode " pour libérer les spermatozoïdes. Puis lorsque les œufs sont pondus, ils passent devant la sortie du canal de la spermathèque, et là, ou des spermatozoïdes sont fécondés, ça donnera un organisme femelle, ou bien il n'y a pas de spermatozoïdes fécondés et ça donnera un organisme mâle. On peut envisager que la reine décide de fermer le sphincter et de pondre des œufs mâles. C'est un peu simpliste car si elle ouvre le sphincter, il ne va pas y avoir un spermatozoïde qui va descendre, mais disons une goutte de sperme avec beaucoup de spermatozoïdes. Donc quand elle ferme, il y aura encore du sperme et des spermatozoïdes la où passent les œufs. Donc ça n‘est pas aussi précis que ça. Une des possibilités serait qu'au début, au moment du réveil de la colonie après l'hiver, quand il fait encore froid, ça serait à ce moment là que la reine pond des œufs mâles. Et cela voudrait dire alors que comme il fait froid, le sphincter reste bloqué. Donc les premiers œufs pondus seront des mâles, puis ça se relâche et ça peut donner des œufs fécondés.

Ce type de production mâle-femelle est particulier aux hyménoptères.

Est-ce possible que les fourmis fassent de l'élevage de champignons ?

Dans les tropiques, on a des termites et des fourmis qui font ça. Et c'est très complexe parce que les fourmis dégagent des substances qui d'une part empêchent la fructification du champignon, et d'autres substances qui empêchent la prolifération d'autres espèces de moisissures. Et elles vérifient aussi qu'il n'y a pas d'envahissement par d'autres organismes.

C'est aussi compliqué car les fourmis comme les termites vont couper des feuilles (les fourmis coupeuses de feuilles), ces grandes ouvrières les ramènent à la fourmilière, et là-bas ce sont les petites ouvrières qui mâchonnent les feuilles, les installent en meule ou en semence éventuellement avec les champignons. Puis les champignons forment des sortes de tête qui ne sont pas des organes de fructification, que les fourmis mangent, et c'est la même chose chez les termites.

Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'en Amérique du sud et en Amérique centrale, les fourmis champignonnistes existes, mais pas les termites champignonnistes, et en Afrique et en Australie, les termites champignonnistes existent, mais pas les fourmis champignonnistes. Elles se sont reparties le monde.

Et l'élevage de pucerons ?

Ce n'est pas un élevage de puceron. Si on regarde globalement, ce que les fourmis rapportent à la fourmilière comme proies, c'est principalement des pucerons, des cochenilles, beaucoup d'insectes. Donc elles mangent les pucerons. On a constaté que si une fourmi accoste un puceron, elle va le faire par l'arrière où le puceron a ses cornicules, qui peut-être pourraient ressembler à une tête de fourmi (ça c'est ce qu'on voit avec nos yeux d'homme, la fourmi ne doit sûrement pas confondre) et va stimuler le puceron avec ses antennes. Si le puceron est d'accord, il va secréter une gouttelette de miellat liquide que les fourmis adorent sucré et éventuellement un peu alcoolisé. La fourmi va récolter et absorber ce miellat et va ailleurs. Mais si le puceron n'est pas d'accord, s'il est en train de se déplacer, s'il bouge, à ce moment là la fourmi le considère comme une proie, le prend entre ses mandibules et le ramène à la fourmilière comme proie. Donc il y a, si on prend comme image les vaches, soit la consommation de lait, soit la consommation de bifteck.

Et si on regarde la santé d'un arbre, s'il y a des fourmis qui y grimpent, l'arbre est en meilleure santé que s'il n'y a pas de fourmis. Les fourmis produisent des substances anti-fongiques, des substances anti-bactéries qui vont pouvoir protéger partiellement l'arbre d'attaques de champignons ou de bactéries.

Sait-on s'il y a une raison au fait que les sexués ne sortent pas du tout avant le vol nuptial ?

Il faut probablement des conditions atmosphériques spéciales pour le vol nuptial. S'il pleut, ça ne va pas être très favorable, et effectivement, les fourmis ailées restent dans la fourmilières et attendent les bonnes conditions. Elles peuvent donc savoir seules lorsque c'est favorable et quand ça ne l'est pas. Ca peut être des questions de températures, d'humidité…. C'est une préférence.

On l'a vu une fourmi ne peut tuer pour elle-même, mais pour le bien de la communauté, cela serait-il possible ?

Je ne vois pas quand ça pourrait se passer. Le bien de la communauté, est-ce que les fourmis en ont conscience ?

Ou du moins pour la survie de la communauté…..(à propos de la cellule anti-stress)

Pour alarmer la communauté, elles n'ont cas sécréter leur substance qui va alarmer les fourmis voisines qui vont aussi sécréter du liquide, et ainsi de suite. Donc c'est une réaction de proche en proche, mais s'il y a une cellule de crise quelque part qui se dit que c'est une alarme pour rien et qu'il faut calmer le tout, l'acide formique ou le produit sera déjà évaporer lorsqu'ils arriveront sur place.

Au sujet des guerres… les guerres fourmis rousses contre fourmis naines par exemple, ça existe ?

Chez les fourmis esclavagistes, peut-être. Mais là ça n'est pas vraiment une guerre, mais un raid, dans la fourmilière où elles ont l'habitude de prendre les esclaves, elles y pénètrent de force(vu qu'elles n'ont pas les odeurs de la colonie)et elles ramassent le maximum de cocons pour les faire éclore chez elles et les adultes auront leur propre odeur de colonie et élever les larves.

Et pour des questions de territoires ?

Je ne sais pas si on a étudié ça. Une route de fourmi, est-ce que d'autres espèce de fourmi peuvent traverser ?Chaque fois qu'une fourmi passe sur une route avec son dard et ses glandes associées, elle va marquer la route. Donc à chaque fois qu'une fourmi passe ça rajoute un peu d'odeur et ça reste jusqu'au matin. Mais alors est-ce que d'autres fourmis peuvent traverser, on ne sait pas.

Qu'est ce qui vous a vraiment choqué lorsque vous avez lu le livre de Bernard Werber, " les Fourmis " ?

Une question d'hormones…et de métamorphose. Mais je l'ai lu il y a longtemps, je ne m'en souvient pas exactement.

On parle surtout d'automatisme chez les fourmis. Par exemple si vous mettez une goutte de phéromones d'une reine sur la table et que des mâles volent dans la pièce, ils vont tous essayer de s'accoupler avec la goutte de phéromone. Donc le sentiment, non. On considérait que chez les insectes et les invertébrés (exception faite des poulpe, pieuvre et autres) de manière générale, tout les comportement étaient innés, inscrits quelque part qu'une façon ou d'une autre dans les chromosomes, et s'exprimaient automatiquement face à un déclencheur qui peut être une odeur, une forme…… maintenant on voit qu'il y a des possibilités d'apprentissage, mais il nécessite un contact entre générations. Or chez les insectes il y a rarement de contact entre les générations. Habituellement la femelle pond ses œufs et meurt. L'œuf éclot après qu'elle soit morte donc il n'y a aucun contact, et pas de possibilité de transmettre une connaissance, une façon de faire……

Donc pour vous, une fourmi est individualiste.

Oui. Ce n'est pas parce que vous êtes sur la place du Molard et qu'il y a 100'000 personnes que vous êtes forcément social. Vous pouvez être tout à fait individualiste dans une foule. Mais avec des réactions plus ou moins automatisées avec des phéromones qui indiquent la présence de nourriture…… mais fondamentalement, qu'est ce qu'on entend par individualisme.

On considère maintenant que les castes sont altruistes, parce que finalement pourquoi condamner la grande majorité des descendants à ne pas se reproduire. Il y a un paradoxe. On fabrique une grand nombre d'individus qui ne vont pas se reproduire. Il y a diverses explications qui sont plus ou moins valables, et c'est un gros problème.

2. INTERVIEW DE M. WÜST II

Deuxième interview réalisée cette fois le 11 septembre 2002. Le professeur Wüst avait alors parcouru le livre de Werber de lui-même pour nous faire part de ses remarques à la fin de l'interview.

M. Wüst, existe-t-il vraiment une " odeur " par fédération, que Werber appelle d'ailleurs" Drapeau chimique fédéral " ?

Jean Wüst : Comme je vous l'ai dit ce n'est pas une fédération, c'est-à-dire ce ne sont pas des nids qui se sont mis ensemble, mais c'est un nid qui " bourgeonne " en d'autres nids. Ici c'est déjà à l'envers dans le livre...

L'odeur de la colonie est une odeur qui est absorbée par les individus, mais pas sur le terrain. Je ne peux pas vous dire si les odeurs de piste sont des odeurs spécifiques à la colonie, cela m'étonnerait.

Donc les fourmis ne mettent jamais d'odeur devant une fourmilière pour dire " c'est la notre " ?

J.W. : il n'y a pas comme chez les abeilles de surveillante à l'entrée, en tous cas dans ces fourmis-là. Il y a des fourmis, dans d'autres espèces, qui ont une tête carrée, à la forme de l'entrée de la fourmilière et qui gardent la porte. Elles ferment l'entrée et si une fourmi ayant la bonne odeur veut entrer elles lui ouvrent le passage.

Dans un passage du livre, les fourmis réussissent à tuer un pivert qui attaquait leur nid en entrant par ses narines et le " rongent " de l'intérieur...

J.W. : tout d'abord, je voudrais préciser que l'acide formique n'a jamais tué personne (en effet, dans le roman, les fourmis réussissent à renverser le pic vert en le bombardant d'acide formique -ndr) ! C'est très irritant bien sûr, mais même s'il y a un grand nombre de fourmis autour du pivert cela ne va pas le mettre KO ou le tuer.

Mais pour le tuer elles remontent par les orifices nasaux...

J.W. : si vous avez un animal qui est en mauvais état, choqué par une voiture par exemple et qui est dans le coma, il est clair que les fourmis vont entrer par toutes les ouvertures. Elles vont commencer à le manger, même s'il est vivant, c'est évident. Mais on ne tue pas avec des jets d'acide formique.

Au fait ça ne leur viendrait pas à l'idée de tuer un animal si gros ?

J.W : S'il est tout près, elles vont bien sûr gicler de l'acide formique dessus, mais cela ne va pas le tuer. Cela va être désagréable, va irriter, mais il va s'en aller, c'est tout.

A propos de la salle d'entraînement... C'est de la fiction n'est-ce pas ?

J.W : bien sûr. Il est évident que deux individus de la même colonie ne vont pas s'amuser à se battre comme dans une salle d'escrime !

Mais y a-t-il alors des salles spécifiques pour chaque chose ?

J.W. : il y a à ce propos un gros mélange entre les espèces de fourmis. La fourmi des bois ne cultive pas de champignons par exemple. Mais il est clair qu'il y a des endroits spéciaux. C'est plus précis chez les termites — d'autre part il n'y a pas de termites dans notre région. Il faut descendre un peu plus dans le sud, pas en Suisse. En France il y en a sur le littoral (de la Méditerranée et de l'Atlantique) et il y en a qui s'installent par le bois de charpente, etc... Je crois qu'il y en a à Paris, il y a passablement de départements qui sont touchés.

Pour en revenir à la répartition des salles, elle est un peu moins précise chez les fourmis, par rapport à une architecture termite. Celle de la fourmi des bois est plutôt anarchique.

Quand il fait froid, elles descendent au fond. Quand le soleil revient au printemps, elles ont tendance à monter toutes en surface. Que les ouvrières jouent le rôle d'accumulateur de chaleur, éventuellement. Mais pas les sexués qui ne sont là que pour s'envoler, s'accoupler et mourir. Ils ne vont pas faire le travail. Et donc elles transportent les œufs, les larves, les cocons en fonction de la température, en fonction des dangers aussi. Quand le pivert éventre la fourmilière, elles vont transporter ailleurs tout ce qui est mis à nu par son attaque.

Un autre point intéressant : une fourmi qui communique avec une luciole. Il est dit qu'elle ne peut pas répondre mais qu'elle comprend le langage fourmi. Donc est-ce que des insectes d'espèces différentes peuvent comprendre les phéromones fourmis ?

J.W. : à ce point de l'évolution, c'est un système qui est là pour fonctionner à l'intérieur d'une même espèce. Mais il y a des messages qui sont compris à l'extérieur mais qui n'en ont pas la même signification. C'est-à-dire que par exemple, un attracteur sexuel d'un coléoptère ne va pas seulement attirer les femelles de l'espèce mais aussi des prédateurs qui se nourrissent de ces coléoptères. La même molécule sera reconnue à l'intérieur de l'espèce comme attracteur sexuel et à l'extérieur de l'espèce comme odeur de proie.

Mais ils ne se comprennent pas vraiment alors...

J.W. : ils perçoivent la molécule qui pour eux aura une signification totalement différente.

Cependant il y aurait quand même quelques cas connus comme celui d'un papillon qui émet un attracteur sexuel qui est reconnu comme tel par une autre espèce totalement différente. Mais comme l'un est beaucoup plus gros que l'autre, il n'y a aucun risque que cela entraîne des accouplements et des hybrides.

Autre point : dans le livre, Werber décrit les fourmis esclavagistes comme des fourmis qui ne peuvent pas vivre par elles-mêmes. Elles rentrent dans une fourmilière et se servent des autres. Mais vous nous aviez expliqué la semaine passée qu'elles tuaient la reine pour la remplacer par la leur...

J.W. : il y a deux cas. Celles-là sont des fourmis parasites, qui tuent la reine et prennent sa place, et dans ce cas il n'y a pas de castes. Il n'y a que des sexuées : la fourmi entre dans la fourmilière, tue la reine, prend sa place, pond des œufs et acquiert assez rapidement l'odeur de la colonie. Donc les fourmis de la colonie dans laquelle elle s'est introduite vont la considérer comme leur reine et s'occuper des œufs, des larves, etc...

Les fourmis esclavagistes, elles, sont des fourmis qui ont des mandibules trop aiguisées ou qui sont trop nerveuses bref, qui ne savent pas s'y prendre pour manipuler les œufs ou saisir les larves sans les transpercer. Donc elles ont besoin d'autres ouvrières plus calmes, ou qui ont des mandibules moins coupantes pour s'occuper de leurs propres larves.

Alors en effet, comme il est très bien décrit dans le roman, elles viennent, en masse, dans une colonie et elles rentrent violemment dedans, elles emportent les cocons —des nymphes qui vont bientôt éclore en ouvrières adultes— et les ramènent dans leur fourmilière. Le cocon ne risque pas grand chose vu que c'est une enveloppe externe. S'il est un petit peu déchiré, ce n'est pas dangereux pour la nymphe.

A ce que l'on peut voir, vous avez parcouru le livre depuis notre dernier entretien, y avez- vous vu autre chose qui pourrait se révéler faux ou contestable ?

J.W. : oui, il y a plusieurs points que j'ai relevés.

Voilà pour ce que j'ai noté, il y a des choses importantes et d'autres qui le sont moins, mais le dard du mâle, la danse des abeilles à l'extérieur, les antennes des acariens... C'est le problème avec ce livre : c'est romancé, d'accord, mais cela comprend un certain nombre d'erreurs qui auraient pu être évitées sans ôter l'intérêt du livre. Elles s'imprègnent dans le cerveau des gens inutilement, ce qui est très dommage. C'est pour cela que je ne l'ai pas aimé, car il y a des énormités qui n'ont rien à voir avec l'intérêt du livre, je ne sais pas pourquoi il les a mises. Il y a un certain nombre d'erreurs qui, si on s'intéresse un tant soit peu aux insectes, ne peuvent pas passer. J'espère qu'il y a des gens qui se seront intéressés de plus près aux fourmis et ne se sont pas arrêtés au roman.


Remerciements

Nous remercions M. Jean Wüst, qui a eu la gentillesse de nous consacrer du temps et qui nous a énormément aidé pour le côté scientifique de notre travail.

Merci à M. Schibler, notre professeur de philosophie, pour ses éclairages philosophiques qui nous ont permis d'approcher notre travail sous un angle nouveau.

Remerciements à M. Lombard pour son aide dans nos choix, et son apport d'idées nouvelles qui nous a bien souvent permis d'avancer.

Merci à nous deux de nous être supportées mutuellement dans les phases critiques de notre rédaction, et à la parfaite coordination de nos deux cerveaux !

Merci aux gens qui ont cru que c'était stupide de travailler sur les fourmis, et qui nous ont encore plus donné envie de persévérer dans cette voie...

Nous voulons surtout remercier Bernard Werber sans qui rien de tout cela n'aurait pu être possible.

Et enfin, last but not least, nos chères petites myrmycéennes, que l'homme considère trop souvent comme insignifiantes et inutiles, mais qui, nous en sommes sûres à présent, méritent beaucoup plus d'attention que cela !

Coralie Kléber , Livia Lamon

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