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2. Les fondements psychologiques de l'opposition "Savoirs" et "Savoir-faire"

2.4. Représentations conceptuelles et représentations liées à l'action


Toujours dans ce cadre de référence et sur un autre plan, il y a trois modes de représentations des connaissances en mémoire: les représentations conceptuelles, les représentations imagées et les représentations liées à l'action (Richard, 1992).

Les représentations conceptuelles constituent le savoir que nous avons sur la réalité. On distingue classiquement comme appartenant à cette classe de représentations: 1) les concepts qui sont désignés par les mots du langage, 2) les relations entre ces concepts qui contribuent à ce que nous appelons leurs définitions (relations pièce/système; partie/tout; élément/collection etc..), et 3) plus largement, les réseaux complexes formés des interconnections entre concepts (réseaux sémantiques, schémas et scripts). Ces représentations sont solidaires du langage et leur fonction est essentiellement de communiquer et de transmettre une information sur le réel.

Les représentations imagées servent à exprimer les structures spatiales caractéristiques de la perception visuelle: forme, taille, orientation ou position des objets. Bien qu'elles forment une composante essentielle des connaissances que nous pouvons acquérir sur le réel, celles-ci ne concernent pas directement notre propos d'aujourd'hui.

Les représentations liées à l'action sont formées par les connaissances déclaratives que nous pouvons expliciter sur l'action [il ne faut pas les confondre avec l'action elle-même]. Richard propose de distinguer dans ces représentations deux composantes. La première est la composante sémantique, c'est un savoir qui ne se confond pas avec l'action mais permet d'évoquer simplement leur signification par des verbes ou des expressions verbales (comme sauter à la perche ou marcher). Cette première catégorie de connaissances sur l'action, comme les concepts, permet essentiellement de communiquer ou d'expliquer à quelqu'un ce qu'il est en train de faire (rarement comment le faire).

La seconde composante est plus intéressante pour notre propos puisqu'il s'agit des représentations implicites liées à l'exécution des actions. Pour Richard, ces repésentations permettent de contrôler le déroulement des actions sans que nous puissions vraiment en expliciter le contenu. Nous pouvons facilement vérifier les difficultés inhérentes à cette explicitation quand, par exemple, nous essayons de faire comprendre à un tiers comment il faut procéder pour réaliser une tâche aussi simple que faire un noeud à ses chaussures.

Richard soutient cependant que les représentations d'actions ont la même organisation que les représentations d'objets [c.a.d. les concepts]. Cependant, l'accès à cette connaissance est rendu difficile par le fait que, d'une part [comme nous l'avons déjà dit] elle est fortement solidaire de procédures très automatisées et, d'autre part, qu'elle est organisée hiérarchiquement sur plusieurs niveaux. En effet, ces représentations portent:

L'accès à ces trois niveaux d'information se fait, comme l'a proposé Piaget, de la périphérie au centre. Les connaissances sur le but sont plus faciles d'accès que les connaissances sur le déroulement qui elles-mêmes précèdent les représentations sur les prérequis. Si je demande à quelqu'un qui sort d'une pièce "qu'est ce que tu fais" sa réponse ne portera probablement pas sur la description de sa démarche [je me lève de mon siège, je mets un pied devant l'autre, j'ouvre la porte, ...], encore moins sur les conditions qui rendent cette action possible [il y a une porte, j'ai deux jambes, il n'y a pas d'obstacles infranchissables entre moi et la porte, ...] mais plus sûrement sur la signification de son geste [je rentre chez moi].

Nous sommes là au coeur des problèmes de conception entre savoir et savoir-faire d'un point de vue psychologique. Si nous avons spontanément tendance à considérer comme distincts savoirs et savoir-faire, c'est probablement parce que l'accès aux représentations sur l'action [le savoir sur le savoir-faire] est très difficile à expliciter. Il est en tout cas plus difficile de le faire que sur les objets. Cela nous conduit plus ou moins à penser qu'ils sont indépendants et que l'on peut facilement fonctionner efficacement sans savoir sur le savoir-faire (ou tout au moins sans conscience explicite de ce savoir). Mais c'est oublier qu'à l'autre bout de la chaîne l'expression du savoir suppose aussi un certain savoir-faire implicite [l'art du discours ou de la rédaction par exemple]. Celui-ci non plus n'est pas simple à acquérir et ce fait n'est peut-être pas étranger à ce que nous avons constaté pour les représentations sur l'action!

[Je reviendrai sur cette question dans notre partie conclusive].


Template Expertise - 01 FEB 95
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