LES CONFLITS |
L'importance des conflits
Il n'est apparemment pas facile de vivre une vie de couple satisfaisante pendant plusieurs années si l'on se fie au taux de divorce. La moitié des divorces se produisent dans les sept premières années de mariage. Pour les deuxièmes mariages, il est 10% plus élevé que pour les premiers. Y a-t-il des facteurs qui sont prédicteurs du succès ou de l'échec d'une relation ? Depuis quelques années, les recherches qui posent cette dernière question sont particulièrement révélatrices. |
Comment prédire la séparation ?
C'est ce qui ferait que les aspects positifs qui ont amené les partenaires à être ensemble et qui alimentaient leur satisfaction dans les premiers temps ne permettent pas de prédire le succès de leur relation. |
A. QUELLES
SONT LES REACTIONS NEFASTES AUX CONFLITS ?
1) Les débuts de discussion acerbe 2) La négativité 3) La submersion 4) L'échec des tentatives de réparation 5) Les souvenirs négatifs |
B. L'ECHEC DE LA RELATION |
C. SAUVER LA RELATION |
A. QUELLES SONT LES REACTIONS NEFASTES AUX CONFLITS?
a) LA CRITIQUE
Le mot
critique est utilisé ici dans le sens d'une critique
de la personne ou de caractéristiques de la personne,
comme le tempérament ou les traits de personnalité. Une critique
est différente d'une plainte ou d'un reproche concernant un (ou
des) comportement(s). La critique est très courante dans les relations
de couple et lorsqu'elle demeure occasionnelle, elle n'est pas le signe
qu'un couple est en sérieuse difficulté. Lorsqu'elle devient
fréquente et envahissante cependant, elle est réellement
dommageable et ouvre la voie à d'autres formes de négativité
qui sont plus destructrices pour la relation. Il y a une grande différence
entre l'expression d'une plainte par rapport à certains comportements
et une critique. Cette dernière est plus globale. Elle comporte
un jugement négatif sur la personne. Par exemple, " Tu n'as pas
mis l'essence dans l'auto. Tu ne penses jamais à rien. " Elle implique
un défaut. Elle vise le caractère
ou la personnalité du partenaire.
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b) LE MEPRIS
Le pas entre la critique et le mépris peut-être facilement franchi. Le sarcasme et le cynisme sont des formes de mépris. Evidemment les insultes, la moquerie, rouler des yeux, etc. sont aissi des formes de mépris. La belligérance (être belliqueux) qui implique une forme de colère agressive est aussi une forme de mépris. Inévitablement le mépris mène à une amplification des conflits. Il ne vise pas à résoudre les différences, mais à rabaisser la personne. Les conséquences sur les partenaires et la relation sont importantes. Lorsqu'il est occassionnel toutefois, le mépris ne suffit pas à détruire un couple. Le mépris est alimenté par des pensées négatives longuement entretenues au sujet du partenaire. Les pensées négatives sur l'autre sont plus probables lorsque les différences entre les conjoints ne sont pas comprises et acceptées. |
c) LA
DEFENSIVE
La critique
et le mépris conduisent à une position défensive qui
amène à se justifier, à nier ou à contre-attaquer.
Le message de l'autre n'est pas considéré. Même quand
elle ne consiste qu'à se justifier, la défensive ne donne
pas les résultats voulus. Elle n'amène pas le conjoint qui
attaque à se rétracter. Une justification amène une
contre-attaque et une expression supplémentaire de mépris,
ce qui rend encore plus sur la défensive. On assiste à une
escalade du conflit. Ceci parce que la position défensive exprime
un blâme : le problème ce n'est
pas moi, c'est toi.
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d) LE
MUTISME
Lorsque
les discussions persistent à être à ce point envenimées,
la négativité devient si accablante que l'un des deux peut
finir par se fermer complètement à
toute discussion sur les sujets de discorde.
Il peut ne donner aucun signe démontrant qu'il écoute. Lui
parler est comme parler à un mur. Dans 85% des cas, ce sont les
hommes qui adoptent ce comportement qui s'observe chez des couples qui
sont aux prises avec les formes de négativité précédentes
et sont dans un engrenage négatif depuis quelque temps.
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3) La submersion
La personne
qui oppose un mur de silence aux critiques de l'autre, le fait souvent
pour se protéger d'être submergée par les émotions
désagréables. La négativité, sous formes de
critiques, de mépris ou même d'attitudes défensives,
est si envahissante et, souvent, si soudaine qu'elle laisse abasourdi et
sans défense. La personne apprend à faire n'importe quoi
pour éviter que cela se reproduise. Plus il lui est arrivé
souvent de se sentir submergé par la négativité, plus
elle devient à l'affût des indices que l'autre va exploser
de nouveau. Tout ce qu'elle cherche à faire, c'est de se protéger.
Pour ce faire, elle se désengage émotionnellement, elle se
détache.
La submersion est accompagnée de réactions physiques telles que l'accélération du rythme cardiaque (pouvant passer de 80 à 165 battements à la minute), des changements hormonaux comme la sécrétion d'adrénaline (qui prépare l'organisme à une réaction de lutte ou de fuite) et l'augmentation de la pression sanguine. Ce qui peut se manifester par différents symptômes d'anxiété, comme la respiration oppressée, la tension musculaire, la transpiration, etc.. Il s'agit de la réaction de l'organisme à ce qui est perçu comme une menace. Si l'un des partenaires ou les deux se retrouvent souvent dans cet état, la séparation est hautement prévisible. Premièrement parce que cela indique que la personne se trouve dans une détresse émotionnelle sévère. Deuxièmement, parce qu'il rend impossible toute discussion productive pour résoudre les problèmes. Dans cet état, on a davantage tendance à répondre par la lutte (critique, mépris et défensive) ou la fuite (le mutisme, le détachement) qu'à avoir une réponse intellectuellement sophistiquée. L'interaction entre la physiologie, les émotions et les pensées constitue un puissant engrenage. Plus la réponse physiologique est forte, plus les émotions sont fortes, plus on a tendance à avoir des pensées négatives qui, en retour, amplifient les réactions physiologiques et les émotions. Le système cardiovasculaire des hommes est plus réactif au stress que celui des femmes. Leur rythme cardiaque accélère plus vite et il prend plus de temps pour revenir à la normale. Leur pression sanguine s'élève davantage. Comme ils sont plus affectés à ce niveau que les femmes, il n'est pas surprenant qu'ils cherchent davantage à éviter les conflits et qu'ils sont plus portés au mutisme. |
REMARQUE : Les formes de négativité décrites plus haut (critiques, mépris, défensive, mutisme) et la submersion sont présents occasionnellement chez plusieurs couples dont la relation est stable (qui ne sont pas dans une escalade des conflits allant vers la rupture). Mais quand ces réactions sont fréquemment présentes, elles conduisent prequ'inévitablement à se distancer l'un de l'autre, à se déconnecter émotivement et à se sentir seul(e). |
4) L'échec des tentatives de réparation
Un signe
qu'une relation est en danger, est l'échec des tentatives de réparation
lors des conflits. Une tentative de réparation est un geste ou une
parole qui vise à diminuer la tension, à prendre un recul,
à briser l'engrenage émotif qui a pris place et qui contribue
ainsi prévenir la submersion. C'est
un geste ou une parole qui contribue à dédramatiser le fait
d'être en conflit et qui, plus ou moins directement, témoigne
de l'amitié qui est toujours là.
Ça peut être un geste affectueux (un toucher, un sourire,
une grimace, etc.), une blague qui fait prendre un recul, une invitation
à prendre une pause, rire, dire qu'on est désolé,
etc.. Plus la submersion est présente, plus il est difficile de
remarquer et de répondre aux gestes de réparation. Dans les
relations en difficulté, plusieurs tentatives de réparation
sont souvent offertes par l'un des partenaires mais ne sont pas saisies
par l'autre. C'est la qualité de l'amitié dans la relation,
la prédominance, dans l'ensemble, des sentiments positifs par rapport
aux négatifs, qui est le principal facteur déterminant si
les tentatives de réparation vont fonctionner ou non.
Selon les recherches de Gottman, la présence des quatre formes de négativité décrites plus haut permet de prédire avec une précision de 82% les séparations mais quand l'échec des tentatives de réparation est aussi présent, la précision atteint les 90%. Il en est ainsi parce que certains couples réussissent à compenser la présence de la négativité au moyen des gestes de réparation. Effectivement, 84% des jeunes couples qui présentent les quatre formes de négativité mais dont les gestes de réparation sont efficaces sont encore ensemble et satisfaits après 6 ans. |
5) Les souvenirs négatifs
Les couples qui vont bien se rappellent les moments heureux plus que les mauvais, comment ils se sentaient excités de se rencontrer, motivés par leurs projets, comment ils avaient de l'admiration pour l'autre, etc.. Quand ils parlent des difficultés de leur relation, ils sont plutôt fiers d'avoir passé à travers. Mais quand la relation va mal, l'histoire est revue négativement. Elle se rappelle maintenant qu'il est arrivé en retard au mariage, etc.. La négativité est telle dans le couple que même en regardant le passé, le focus se fait sur les points qui se prêtent à être interprétés dans le sens de la vision négative de l'autre et de la relation qui est entretenue. L'interprétation négative de leur passé indique à quel point les pensées et sentiments négatifs sont devenus omniprésents. Il peut être mauvais signe aussi qu'il reste très peu de souvenirs, qu'ils aient de la difficulté à se rappeler qu'est-ce qu'ils ont aimé de l'autre, qu'est-ce qu'ils aimaient faire ensemble, etc.. Cela peut être le signe d'un détachement bien installé. |
B. L'ECHEC DE LA RELATION
Selon
Gottman, il y a quatre étapes finales
qui indiquent l'échec d'une relation:
1- Les
gens considèrent que leurs problèmes sont sérieux.
Les partenaires sont déconnectés émotivement. C'est souvent à cette dernière étape qu'il peut arriver que l'un ou l'autre ait une (ou des) relation(s) extraconjugale(s). Ces dernières sont souvent le signe qu'une relation en est rendue à un stade avancé d'érosion plutôt que la cause de l'échec. À cette étape, les probabilités de séparation sont très grandes. |
C. SAUVER LA RELATION
Mais «ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini», selon Gottman qui croit (comme plusieurs spécialistes) que beaucoup plus de couples pourraient réussir à renverser la vapeur, même à ce stade de détérioration de leur relation, en apprenant comment mieux orienter leurs efforts. Il croit, entre autres, que plutôt que de mettre le principal focus sur l'apprentissage des bonnes façons de se comporter lors des conflits, il est plus profitable de se centrer sur le développement des attitudes positives envers l'autre et la relation, c'est-à-dire le développement de l'amitié et du respect (le respect des différences notamment) afin de se prémunir contre l'envahissement des perceptions et des sentiments négatifs. Si l'on est bien disposé envers l'autre, les comportements favorables en découleront assez naturellement et s'apprendront beaucoup plus facilement. |
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