L'axe formateur-apprenants ou le processus Former

Introduction

A notre avis cet axe serait le plus à privilégier. Le lien entre l'apprenant et le formateur constitue toujours un lien important puisqu'il est du domaine de la relation humaine que l'on sait difficile, importante et surtout délicate. Dans ce chapitre, nous verrons en premier lieu le partage du savoir, c'est à dire lorsque le formateur est un ancien illettré. Puis nous verrons ce qui a trait au groupe. Pour finir, nous nous focaliserons sur l'individu.

Pour une réciprocité et un partage du savoir

" Le savoir est fondamentalement quelque chose qui se transmet et non un bien que l'on garde pour soi." (Fondet C., Vaincre l'illettrisme, Science et service quart-monde, Paris, 1990)
Cette phrase montre bien que le savoir ne représente pas un bien personnel, il faut le partager.

Il existe certains groupes qui préconisent cette dynamique d'entraide. Les gens sont mis en situation d'enseigner ce qu'ils savent. Pour eux c'est une tâche valorisante et excitante. De plus cela leur permet d'affermir leurs connaissances. Ces formateurs "improvisés" sont donc plus proche des apprenants, car ils ont également vécus l'illettrisme et savent sur le plan humain peut-être mieux comment fonctionner.

Le groupe

Equilibre et dynamisme:

Le formateur doit "tenir en main" son groupe. Nous savons tous qu'apprendre dans un lieu où l'on se sent bien favorise l'apprentissage. Il faut donc veiller à ce qu'il n'y aie pas de rivalité. Par exemple, à ce que les progrès de l'un ne fassent pas ombrage à l'autre. Le formateur devrait aller à la vitesse du plus lent, mais sans imposer au reste du groupe un ralentissement.

Il ne faut pas non plus risquer de détruire l'équilibre d'un ménage. En effet il arrive que dans un ménage l'un profite d'une certaine supériorité sur l'autre. La dépendance à l'égard du conjoint diminue au fur et à mesure que la capacité à communiquer augmente. Ceci peut être compensé par les avantages de l'instruction qui permet de mieux dominer à deux une situation conflictuelle.

En bref, dans les groupes d'alphabétisation, il s'agit de réussir à construire un équilibre, et également de savoir pratiquer de la pédagogie de groupe afin de prévenir les problèmes qui pourraient surgir, et de faire naître un certain dynamisme.

Au niveau de l'individu

En premier lieu, le formateur doit s'appuyer sur le dynamisme de chacun. Il doit donc découvrir pourquoi chaque apprenant désire se former, c'est à dire quelles sont ses motivations. La plupart du temps la volonté et l'envie d'apprendre représentent les principales raisons. Le mieux serait que le formateur demande directement les objectifs des apprenants.

Ensuite, le formateur doit être attentif aux diverses stratégies personnelles et différenciées utilisées par chacun afin de pouvoir les stimuler sans les imposer.

Enfin, si le formateur reste à l'écoute des motivations et des attentes de chacun, il entretiendra au mieux le dynamisme de la demande initiale.

A notre avis, le plus important, est que le formateur ne doit pas sous-estimer l'apprenant, ce n'est pas parce qu'il ne sait pas lire ou écrire qu'il ne possède pas d'autre savoir. N'oublions pas que nous avons tous un chemin de vie ! En fait, l'apprenant ne doit pas se sentir infériorisé, mais au contraire, se sentir valorisé et soutenu par le formateur.

Pour finir, il  semblerait que cette axe aille plutôt du formateur vers l'apprenant. Nous pensons qu'en effet, le formateur a une grande part de responsabilité. Nous notons aussi que l'apprenant doit montrer en retour de l'assiduité, et de l'application.

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L'axe apprenant-objet d'apprentissage ou le processus Apprendre

Introduction

Cet axe est délicat pour la simple raison que la plupart des illettrés ont un mauvais souvenir de l'école, donc un rapport à l'objet d'apprentissage pas très positif. De plus, pour les adultes illettrés apprendre à lire et écrire c'est comme apprendre une deuxième langue, en comparaison avec l'enfant qui est formé à associer le signifiant écrit d'un mot avec le signifiant oral de manière quasi-inconsciente lorsque sa mémoire est encore plastique.

Nous pensons que cet axe représente le lien entre l'apprenant et le contexte de formation. L'apprenant étant la personne illettrée, et l'objet d'apprentissage, la lecture, l'écriture et le calcul. Cet axe est caractérisé par le rapport au savoir. Nous verrons en premier le rapport à l'écrit chez l'illettré, puis nous verrons trois points importants du rapport au savoir.

Le rapport à l'écrit

Situons d'abord quelle place tient l'écriture dans notre culture. L'écriture n'est pas qu'un moyen pour pouvoir suivre d'autres enseignements. " L'écrit ne constitue pas pour nous un moyen de communication comme un autre parce qu'il a un long passé qui plonge ses racines à l'origine de notre culture. L'écrit représente par excellence la matérialisation de la pensée immatérielle." (Barrée de Miniac Christine et Lété Bernard, L'illettrisme, De la prévention chez l'enfant aux stratégies de formation chez l'adulte, De Boeck, Belgique, 1997). La tradition du livre a perdu de sa valeur aujourd'hui grâce à tout les moyens médiatiques qui nous sont proposés. Mais pour ceux qui se sentent profondément attachés à la culture, l'image symbolique du livre perdure. C'est pourquoi il n'est pas toujours aisé d'être considérer comme illettré dans notre société.

Lors d'une recherche, il est apparu que les illettrés mentionnaient en priorité, dans leur rapport à l'écrit les notions de code et de culture. Ils ont retenu les côtés de code plutôt abstrait et de norme. Peut être est-ce du à une mauvaise expérience scolaire. Il est donc impératif à mon avis de remédier à ces interprétations dès le début de l'alphabétisation. Il s'agira de créer un rapport qui leur semblent plus significatif, peut-être en se basant sur leur chemin de vie, et diminuer leurs représentations normatives de l'écrit.

Afin de rendre ce rapport meilleur, il convient de quitter l'approche de l'écrit de style purement scolaire, en prenant le temps de reconstruire ce qu'ils savent sur l'écrit, ses caractéristiques, ses fonctions, et son utilisation.

Le rapport à l'écrit est aussi une question d'identité. "Passer de l'oral à l'écrit c'est changer de monde, c'est une transformation de l'être qui perturbe tellement l'identité que l'angoisse devenant trop forte, seule la fuite est salvatrice."(Barrée de Miniac Christine et Lété Bernard, L'illettrisme, De la prévention chez l'enfant aux stratégies de formation chez l'adulte, De Boeck, Belgique, 1997). Nous trouvons cette citation très parlante. Elle montre bien la dimension identitaire du passage à l'écrit. Lorsque l'on sait écrire depuis des années l'on n'arrive pas à ce rendre compte de cette difficulté.

En ce qui concerne le rapport à la lettre, il doit être fonctionnel, sinon il n'y aura pas d'apprentissage, ceci chez les enfants, comme les adultes. Nous devons donner du sens à ce que nous faisons, et aux buts que nous nous fixons.

Nous avons donc un aperçu de la complexité de ce rapport. Il est rendu difficile d'une part par la société avec les valeurs culturelles que représentent les connaissances de bases. Et d'autre part par les bouleversements internes qu'elles impliquent.

Trois points importants du rapport au savoir:

a- La mémoire

Qu'est ce que la mémoire? " La mémoire est un ensemble de processus biologiques et psychologiques dont la fonction générale est de coder l'information, de la stocker et de la récupérer pour pouvoir la constituer." ( Houssaye Jean, La pédagogie: une encyclopédie pour aujourd'hui, ESF, Paris 1993)

Chez l'adulte apprenant illettré, l'attention peut être fortement perturbée, donc la mémorisation difficile. En effet, ces personnes ont bien souvent des préoccupations majeures, ce qui nuit à la mémorisation.

b- La motivation

Qu'est-ce que la motivation? " La motivation est définie comme l'action des forces, conscientes ou inconscientes, qui déterminent le comportement. A ce titre une des fonctions de l'enseignant est de provoquer, susciter, diriger, maintenir, et développer les motivations des élèves." ( Houssaye Jean, La pédagogie: une encyclopédie pour aujourd'hui, ESF, Paris 1993)

Selon cette définition, l'on pourrait dire que les illettrés viennent apprendre de leur plein gré, donc logiquement ils sont motivés de façon consciente, par plusieurs forces qui les ont amenés à vouloir se former. Mais de façon inconsciente, ce retour à l'école est peut-être beaucoup moins motivant, par les mauvais souvenirs qu'elle implique.

c- L'évaluation

De nos jours nous parlons beaucoup d'évaluation. Des chercheurs trouvent que l'évaluation sommative est trop restrictive dans le sens où elle renforce les inégalités, et donc les différences. Aujourd'hui ils tentent d'installer l'évaluation formative, qui serait plus utile et prendrait compte des différences. Dans le cadre de l'alphabétisation, l'évaluation est il me semble un point difficile à gérer. Imaginons nous le "stress" que les tests créent chez les enfants, alors chez les adultes qui ont peut-être besoin d'un acquis pour trouver un travail par exemple, ce doit être très difficile.

Le but d'une formation est en principe d'obtenir un papier qui prouve l'acquisition de savoirs. Donc il est logique qu'à la fin d'une formation en alphabétisation, il y ait un test. Si nous étions formatrices, nous pratiquerions l'évaluation formative , afin de cerner les lacunes ou les acquis pour avoir un enseignement bien ciblé. Ceci en spécifiant bien le but de l'exercice, pour qu'il n'y aie pas de panique.

Conclusion

Cet axe est plutôt difficile à traiter. Nous avons pu voir la complexité de ce lien entre l'adulte apprenant et l'objet d'apprentissage. Notons qu'il est différent chez chaque individu, puisque chacun a sa propre histoire de vie. Le formateur peut avoir une influence sur cet axe, afin de créer le meilleur lien possible, et donc apprendre dans de bonnes conditions.

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L'axe formateur – objet d'apprentissage ou le processus Enseigner

Introduction

Définition du processus enseigner:" il recouvre la relation enseignant-savoir, la manière dont l'enseignant transmet ses informations, son propre savoir afin que ceux-ci se transforment à leur tour en savoir chez l'élève. Ce sont les actions, les pratiques qu'il met en œuvre en classe dans la transmission du savoir." ( Houssaye Jean, La pédagogie: une encyclopédie pour aujourd'hui, ESF, Paris, 1993 )

Les styles d'enseignement

Ce concept est l'aboutissement de recherches américaines. Des chercheurs classifièrent des pratiques enseignantes et aboutirent à ce classement. Cette recherche avait deux buts, tout d'abord d'identifier les pratiques des enseignants dans la classe, et ensuite de s'en servir pour former les enseignants. Le style représente les manières d'être de l'enseignant, c'est-à-dire les manières personnelles, d'entrer en relation, et de faire.

-Le style personnel

C'est la dimension liée à la personne, à la personnalité.

- Le style relationnel

C'est la manière de communiquer. Plus particulièrement, la manière d'entrer en interaction avec l'apprenant et le groupe, de gérer les interactions. Il s'agit également de créer un climat de communication.

- Le style didactique

Caractérisé par les modalités didactiques, stratégies, et méthodes choisies par le formateur.

Chaque formateur ou enseignant utilise les trois styles, mais en privilégie un. Les apprenants peuvent mieux progresser selon si le style privilégié du formateur lui convient ou non. Ces styles se créent chez le formateur en fonction de son rapport au savoir.

Conclusion

Pour conclure, il nous semble important de préciser le lien entre l'enseignant et les conditions d'apprentissage. Car il est clair qu'appliquer une bonne pédagogie ne suffit pas. Il est donc du devoir du formateur (ou de l'enseignant ) d'organiser des conditions et des situations d'apprentissage les plus favorables pour les apprenants. Il doit donc faire attention aux:
- Contenus
- Objectifs
- Et surtout à la dynamique de l'apprentissage. Le formateur peut intervenir ici par des sanctions, positives ou négatives. Il doit proposer des situations attractives. Pour finir, il doit prendre en compte la dynamique même du sujet.

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Conclusion

Dans l'ensemble, analyser ce triangle pédagogique nous a fait comprendre qu'il n'y a pas de réponse précise sur l'axe à favoriser. D'une part car ils se recoupent passablement et sont étroitement liés. D'ailleurs j'ai eu de la peine à bien les délimiter. Par exemple, le cas de la motivation que nous avons  classé dans la processus apprendre, est aussi dans le processus former, puisque le formateur peut motiver les apprenants par diverses méthodes. D'autre part favoriser qu'un seul axe pourrait provoquer un déséquilibre, voire un manque puisque chacun a une grande importance.

Si nous devions vraiment faire un choix,  nous opterons pour le processus former, comme nous l'avons dit ci-dessus. Les relations humaines sont difficiles à gérer et elles ont un grand impact sur l'individu ainsi que son apprentissage. Ce n'est pas pour rien que plusieurs cours sur la gestion de groupe ont lieu dans divers cadres. Gérer un groupe est quelque chose qui peut s'apprendre dans des livres, mais surtout sur le terrain. Et l'importance d'une bonne gestion de groupe est considérable.

Nous pensons  à présent que quelque soit l'axe du triangle favorisé, il doit permettre à l'apprenant illettré de se développer.
 


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