L'axe
apprenant-objet d'apprentissage ou le processus Apprendre
Introduction
Cet axe est délicat
pour la simple raison que la plupart des illettrés ont un mauvais
souvenir de l'école, donc un rapport à l'objet d'apprentissage
pas très positif. De plus, pour les adultes illettrés apprendre
à lire et écrire c'est comme apprendre une deuxième
langue, en comparaison avec l'enfant qui est formé à associer
le signifiant écrit d'un mot avec le signifiant oral de manière
quasi-inconsciente lorsque sa mémoire est encore plastique.
Nous pensons que cet axe représente
le lien entre l'apprenant et le contexte de formation. L'apprenant étant
la personne illettrée, et l'objet d'apprentissage, la lecture, l'écriture
et le calcul. Cet axe est caractérisé par le rapport au savoir.
Nous verrons en premier le rapport à l'écrit chez l'illettré,
puis nous verrons trois points importants du rapport au savoir.
Le rapport à l'écrit
Situons d'abord quelle place
tient l'écriture dans notre culture. L'écriture n'est pas
qu'un moyen pour pouvoir suivre d'autres enseignements. " L'écrit
ne constitue pas pour nous un moyen de communication comme un autre parce
qu'il a un long passé qui plonge ses racines à l'origine
de notre culture. L'écrit représente par excellence la matérialisation
de la pensée immatérielle." (Barrée de Miniac Christine
et Lété Bernard, L'illettrisme, De la prévention chez
l'enfant aux stratégies de formation chez l'adulte, De Boeck, Belgique,
1997). La tradition du livre a perdu de sa valeur aujourd'hui grâce
à tout les moyens médiatiques qui nous sont proposés.
Mais pour ceux qui se sentent profondément attachés à
la culture, l'image symbolique du livre perdure. C'est pourquoi il n'est
pas toujours aisé d'être considérer comme illettré
dans notre société.
Lors d'une recherche, il est
apparu que les illettrés mentionnaient en priorité, dans
leur rapport à l'écrit les notions de code et de culture.
Ils ont retenu les côtés de code plutôt abstrait et
de norme. Peut être est-ce du à une mauvaise expérience
scolaire. Il est donc impératif à mon avis de remédier
à ces interprétations dès le début de l'alphabétisation.
Il s'agira de créer un rapport qui leur semblent plus significatif,
peut-être en se basant sur leur chemin de vie, et diminuer leurs
représentations normatives de l'écrit.
Afin de rendre ce rapport meilleur,
il convient de quitter l'approche de l'écrit de style purement scolaire,
en prenant le temps de reconstruire ce qu'ils savent sur l'écrit,
ses caractéristiques, ses fonctions, et son utilisation.
Le rapport à l'écrit
est aussi une question d'identité. "Passer de l'oral à l'écrit
c'est changer de monde, c'est une transformation de l'être qui perturbe
tellement l'identité que l'angoisse devenant trop forte, seule la
fuite est salvatrice."(Barrée de Miniac Christine et Lété
Bernard, L'illettrisme, De la prévention chez l'enfant aux stratégies
de formation chez l'adulte, De Boeck, Belgique, 1997). Nous trouvons cette
citation très parlante. Elle montre bien la dimension identitaire
du passage à l'écrit. Lorsque l'on sait écrire depuis
des années l'on n'arrive pas à ce rendre compte de cette
difficulté.
En ce qui concerne le rapport
à la lettre, il doit être fonctionnel, sinon il n'y aura pas
d'apprentissage, ceci chez les enfants, comme les adultes. Nous devons
donner du sens à ce que nous faisons, et aux buts que nous nous
fixons.
Nous avons donc un aperçu
de la complexité de ce rapport. Il est rendu difficile d'une part
par la société avec les valeurs culturelles que représentent
les connaissances de bases. Et d'autre part par les bouleversements internes
qu'elles impliquent.
Trois points importants du rapport au savoir:
a- La mémoire
Qu'est ce que la mémoire?
" La mémoire est un ensemble de processus biologiques et psychologiques
dont la fonction générale est de coder l'information, de
la stocker et de la récupérer pour pouvoir la constituer."
( Houssaye Jean, La pédagogie: une encyclopédie pour aujourd'hui,
ESF, Paris 1993)
Chez l'adulte apprenant illettré,
l'attention peut être fortement perturbée, donc la mémorisation
difficile. En effet, ces personnes ont bien souvent des préoccupations
majeures, ce qui nuit à la mémorisation.
b- La motivation
Qu'est-ce que la motivation?
" La motivation est définie comme l'action des forces, conscientes
ou inconscientes, qui déterminent le comportement. A ce titre une
des fonctions de l'enseignant est de provoquer, susciter, diriger, maintenir,
et développer les motivations des élèves." ( Houssaye
Jean, La pédagogie: une encyclopédie pour aujourd'hui, ESF,
Paris 1993)
Selon cette définition,
l'on pourrait dire que les illettrés viennent apprendre de leur
plein gré, donc logiquement ils sont motivés de façon
consciente, par plusieurs forces qui les ont amenés à vouloir
se former. Mais de façon inconsciente, ce retour à l'école
est peut-être beaucoup moins motivant, par les mauvais souvenirs
qu'elle implique.
c- L'évaluation
De nos jours nous parlons beaucoup
d'évaluation. Des chercheurs trouvent que l'évaluation sommative
est trop restrictive dans le sens où elle renforce les inégalités,
et donc les différences. Aujourd'hui ils tentent d'installer l'évaluation
formative, qui serait plus utile et prendrait compte des différences.
Dans le cadre de l'alphabétisation, l'évaluation est il me
semble un point difficile à gérer. Imaginons nous le "stress"
que les tests créent chez les enfants, alors chez les adultes qui
ont peut-être besoin d'un acquis pour trouver un travail par exemple,
ce doit être très difficile.
Le but d'une formation est
en principe d'obtenir un papier qui prouve l'acquisition de savoirs. Donc
il est logique qu'à la fin d'une formation en alphabétisation,
il y ait un test. Si nous étions formatrices, nous pratiquerions
l'évaluation formative , afin de cerner les lacunes ou les acquis
pour avoir un enseignement bien ciblé. Ceci en spécifiant
bien le but de l'exercice, pour qu'il n'y aie pas de panique.
Conclusion
Cet axe est plutôt difficile
à traiter. Nous avons pu voir la complexité de ce lien entre
l'adulte apprenant et l'objet d'apprentissage. Notons qu'il est différent
chez chaque individu, puisque chacun a sa propre histoire de vie. Le formateur
peut avoir une influence sur cet axe, afin de créer le meilleur
lien possible, et donc apprendre dans de bonnes conditions.
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