Malgré l’absence de nourriture,
l’anorexique reste longtemps extraordinairement dynamique et active, ce
qui explique qu’elle puisse maigrir dans des proportions importantes avant
que son entourage ne s’en inquiète. Mais l’insuffisance nutritionnelle
finit par retentir sur l’organisme. La disparition des règles est
l’un des premiers symptômes, qui peut même précéder
la perte de poids. La minceur devient maigreur, puis état de dénutrition.
Si rien n’est fait, les yeux s’enfoncent dans les orbites, les joues se
creusent, les cheveux se dessèchent puis tombent, les ongles deviennent
striés et cassants, les dents se déchaussent.
L’évolution est variable. Parfois
spontanément, grâce à une rencontre heureuse, un réaménagement
des relations avec les parents, certaines anorexiques se remettent à
manger et reprennent un poids compatible avec une vie normale. Dans 70%
à 80% des cas traités, l’évolution se révèle
globalement favorable sur le plan du poids et du comportement alimentaire,
quoiqu’on puisse noter la persistance de troubles psychopathologiques tels
que des difficultés sexuelles et relationnelles, des troubles du
caractère, des phobies, des anomalies du comportement alimentaire,
qui nécessitent une prise en charge psychothérapique.
Mais il convient aussi de rappeler que l’anorexie
mentale peut se révéler une maladie mortelle. L’issue fatale
survient dans environ 5 % des cas, généralement dans un état
d’affaiblissement généralisé de tout l’organisme,
ou cachexie. C’est un déséquilibre
en eau et en sels minéraux, ou bien des troubles cardiaques ou rénaux,
ou encore une infection chez ce sujet fragilisé, voire une rupture
de l’estomac après une boulimie ou une réalimentation trop
brutale qui sont causes de la mort. Dans d’autres cas, l’anorexique ne
meurt pas mais se chronicise. Au bout de quelques années et après
l’échec de multiples traitements, on se trouve face à une
personne au corps sans âge, comme momifiée, à l’état
physique piteux. On parle alors de tableau de Kwashiorkor : la carence
en protéines entraîne oedèmes, gros foie, lésions
de la peau, perte des cheveux et des poils, caries et perte des dents,
lésions du cœur et des reins. Le dynamisme des débuts cède
la place à la langueur et
au repli sur soi. L’anorexique ne se considère pas pour autant comme
malade : il s’agit selon elle d’un choix personnel, philosophique ou religieux.
Mais, en pratique, elle se révèle coupée des autres
et essentiellement préoccupée par son comportement alimentaire,
développant souvent des idées étranges, magiques,
mystiques, mégalomaniaques. |
|