A partir
de 1980, il jon-
gle avec ses origines
haï-
tiennes et portoricaines.
Il peint all-over. Son geste est compulsif, il travaille vite. Le
trait est tendu, noué pour une ima-
ge qu'il démonte
et re-
monte, décompose
et recompose quand ailleurs il déforme les corps
et les figures,
pour se sauver par l'expression de la cruauté.
Basquiat fascine et
pro-
voque un engouement
qui n'est pas démenti. Il
s'inspire de l'Expression-
nisme abstrait
et du Pop Art. On y trouve aussi des influences de l'art des Caraïbes,
à l'art afri-
cain
et de nombreuses autres sources iconogra-
phiques utilisées
telles les peintures rupestres du Tassili, l'art des Abori-
gènes
d'Australie ou l'influence des cultures spirituelles du vaudou et du chamanisme.
Son oeuvre parle d'un
temps qui est le nôtre, de nos peurs et de nos
abandons. Les oeuvres
de Basquiat ne peuvent se résumer à un seul thème.
Elles sont le plus souvent constituées à partir de signes
et de références multiples qui s'organisent en une synthèse
étonnante qui associe le général au particulier, la
culture po-
pulaire des sujets
et des mots à l'expressionnisme du geste. Parfois la toile est un
vaste rébus, un
hiéroglyphe.
On trouve
beaucoup de références
littéraires et culturelles.
Il a composé
avec ce qu'il avait littéralement sous la main : silhouettes
de per-
sonnage, tête
de mort, mas-que, schémas anato-
miques, listes
de mots,
références
historiques diverses (la Grèce et la Rome antique, Charle-
magne ...), héros
de bandes dessinées (Batman et Ro-
bin, Superman),
des réfé-
rences directes
à l'oeuvre d'artistes qu'il admirecomme Dubuffet, Twom-
bly, Kline, Rauschenberg
et Warhol, symbole
architectural,
signes tels flèche, couronne, sceau de notaire, le copyright (Ce
que l'on retrouve à tra-
vers toute son
oeuvre, ce qui est sa marque, son urgence propre). Tous ces éléments
sont bien le re-
flet de l'information
fragmentée, véhiculée par la société
et l'environne-
ment urbains où
l'atten-
tion et/ou le regard
sont constamment assaillis par des signaux isolés et simultanés. |
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Les oeuvres
(surtout de 1982 et 1983) sont complexes aux composi-
tions foisonnantes
d'in-
formations visuelles.
La frénésie de la ville de New York et surtout celle des
rues est le point de départ topo-
graphique et psycholo-
gique de la démarche
de Basquiat. Ce contexte est aussi porteur d'un rythme particulier. L'omniprésence
du mon-
de de la musique dans
l'univers de l'artiste -en particulier du jazz et du rap- se signale par
une forme de tempo rapide et saccadé qui parcourt sans cesse son
expression pictural et graphique. L'organisation spatiale des oeuvres de
Basquiat a parfois été comparée à un solo de
Charlie Parker : les ruptures de rythme, les syncopes et les vides -ou
les plages de silence- participent, comme les temps forts, à la
même intensité ex-
pressive.
La dynamique de ces
compositions tissent un jeu de relations tendues entre images, mots,
chiffres et couleurs. Les divers éléments sont schématiques,
réduits à une gestuelle essentielle Le répertoire
des idées et des formes s'applique à tous les aspects
du travail et à toutes les surfaces que l'artiste choisit d'utili-
ser.
Cette esthétique
de fragmentation qui investit progressive-
ment la surface dispo-
nible s'organise sur
le mode d'un tempo où les images, les lignes, les mots et les couleurs
sont appliquées sans
aucune hiérarchie.
Chaque élément
coexiste simultanément. La syn-
thèse visuelle
qui dé-
coule de cette stratégie
offre au spectateur la liberté de passer d'un élément
à un autre, de laisser son regard
scruter un détail
pour ensuite revenir à l'en-
semble. Les relations
graphiques et chroma-
tiques permettent
cette circulation rapide et laissent ouvertes toutes sortes de clés
de lec-
ture, donc d'interpré-
tations. |