Quelle a été la différence entre adopter des enfants et en avoir un biologiquement ? 

C : C’est moi qui ai porté V, donc c'était plutôt mon histoire, tandis que dans l'adoption on est au même niveau. La paperasse on l'a faite à deux, D on était deux pour le recevoir, ... Dans une grossesse c'est plus l'histoire de la femme.  

P : Pour moi aucune. Que j'aille à la maternité ou au Pérou c'est la même chose, le trajet est juste un peu plus court. Dans les deux cas on est partie prenante, mais l'homme ne vit pas la même chose que la femme. 

Comment ont réagit D et R ? 

C : J'ai cru qu'ils allaient faire toute une histoire, étant donné qu'eux je ne les avais pas portés. Mais en fait pas du tout. C'est un peu comme s'ils vivaient leur propre naissance. Surtout D, c'est comme si c'était lui qui était dans mon ventre  

P : En plus ils avaient l'âge où ils apprenaient ça à l'école. Ça les a plus intéressés qu'angoissés. 
D était fier d'avoir un petit frère "contre sa sœur" et R était contente parce qu' elle allait pouvoir le materner, un peu comme sa poupée.  Mais il n'y a jamais eu de jalousie, aussi parce qu'il y a un grand écart d'âge, c'est deux générations, deux vies différentes. 

C : Par contre entre les deux il y a de la jalousie, parce qu’ils sont très proches, comme des enfants normaux d’ailleurs et donc pas parce qu’ils sont adoptés. On dit souvent à tort « ils sont comme ça parce qu’ils sont adoptés » mais l’adoption c’est le début de la vie, c’est le début de notre rencontre avec eux. Et tout n’est pas lié à l’adoption.  

P : Une chose qui restera par contre est ce sentiment d’abandon, la peur d’être réabandonné. Ils vont toujours tester si on les aime, si on est disponible. Et ils paniquent si on est indifférent. Mais ce n’est pas parce que ce sont des enfants adoptés qu’on va les traiter en « petits chéris ».  

Maintenant que vous êtes parents naturels en plus d’être parents adoptifs est-ce que vous sentez une différence ? 

P : On ne s’y retrouve plus ! 

C : Pour moi au début ça me faisait tout drôle d’avoir un enfant blanc aux yeux bleus, je sentais que quelque chose ne jouait pas. Je n’avais pas l’habitude de rechercher des ressemblances.  

P : Ça aurait été peut-être un peu différent si on avait d’abord eu les nôtre propres et ensuite adopté. En tout cas ça serait passé autrement. Quand on n'en a pas et qu’on en aimerait puis qu’il arrive c’est extraordinaire. On fait une focalisation, on prend 15000 précautions, pour le deuxième on se dit qu’on connaît un peu donc on fait moins attention, et pour le troisième, on est trop naturel parce qu’on sait comment ça marche. Comme c’est le nôtre et qu’on fait moins attention ça le met à égalité. S’il avait été le premier qu’on aurait couvé, on n'aurait pas ressenti les choses aussi simplement.