Le stade oral, dans la théorie psychanalytique
classique, s’étend de la naissance
jusqu'à la fin de la première
année. En satisfaisant le besoin physiologique de s’alimenter,
l’EnFaNt trouve un gain de plaisir outre
celui provoqué par l’absorption
de la nourriture: l’excitation de la zone
buccale.
Au début, les deux activités
sont intimement liées, la faim (besoin) et le plaisir (désir)
sont assimilés, du fait qu’ils procèdent
de la même activité. Puis, assez rapidement,
le désir se détache du besoin,
la recherche de plaisir devient indépendante de la nutrition.
La zone érogène est la région
buccale. La succion se détache donc de la tétée et
le bébé se livre
alors à ce que Freud nomme la succion
voluptueuse.
L’objet sexuel n’est autre que l’EnFaNt
lui-même, c’est à dire une partie de son corps propre.
C’est pourquoi la théorie psychanalytique
parle d’activité auto-érotique.
Complétant l’excitabilité
de la zone érogène et le plaisir qui en émane, les
mécanismes
d’absorption sont également investis
en ce qu’ils participent activement, et principalement,
à la relation avec l’extérieur.
Freud en vient donc tout naturellement à qualifier
le stade oral de cannibalique. L’observation
des bébés suffit à nous renseigner,
il n’est que de les voir systématiquement
porter les objets à leur bouche.
C’est pour eux une manière d’entrer
en contact, de reconnaître, de percevoir mais
c’est également et surtout une manière
de s’approprier l’objet.
L’adjectif cannibalique renvoie à
cette volonté d’appropriation.
Le nourrisson désire introjecter
le monde extérieur, à commencer par le sein maternel
jusqu’au jouet qu’il porte à ses
lèvres.
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Progressivement une nouvelle source pulsionnelle
se manifeste pour devenir
prédominante lors de la deuxième
et la troisième année.
L’activité sexuelle de l’EnFaNt
est alors liée au contrôle sphinctérien.
Le plaisir s’étaye une fois encore
sur une fonction physiologique : la fonction excrétoire.
Les sensations agréables sont en
partie liées à la défécation.
Si Freud parle d’érotisme anal,
c’est justement parce que dans l’historique de l’individu,
l’apprentissage de la propreté joue
un rôle beaucoup plus important
que la seule acquisition du contrôle
sphinctérien et urétral.
C’est lors de l’éducation à
la propreté que se constitue le primat de la fonction
excrétoire comme activité
génératrice de plaisir.
L’érogénéité
des sphincters est intimement liée à leur contrôle
et ce fait
est d’importance dans la compréhension
du stade.
Cette période s’articule sur l’ambivalence
des mécanismes de rétention et d’expulsion.
Le plaisir de la défécation
n’est pas l’unique gain retirable du contrôle des sphincters.
L’EnFaNt a également la possibilité
de retenir ses selles.
Cette maîtrise lui permet d’exercer
un pouvoir sur son environnement.
En disposant de son gré de ses matières
fécales l’EnFaNt dispose du monde.
L’analité comporte donc deux versants
: DONNER (expulser, faire sortir)
ou CONSERVER (retenir, garder).
C’est ici ce que Freud fait intervenir
l’ambivalence des pôles actifs (conserver)
et passifs (expulser).
L’ambivalence procède également
de l’objet sexuel qui est ici encore, d’une certaine manière,
une partie du corps propre. Les fèces
sont un produit de l’EnFaNt, c’est à dire un objet interne,
un objet-Moi, qui par l’expulsion, devient
un objet externe, un objet non-Moi.
Outre l’érotisation, il s’agit pour
l’EnFaNt d’une production, c’est à dire d’une création,
en quelque sorte sa première création,
quelque chose qui vienne réellement de lui.
Ce sentiment de produire peut expliquer
l’investissement libidinal.
La spécificité de cette période
et son importance tant pour les parents que pour l’EnFaNt
expliquent que ce dernier s’attache à
ses excréments. D’une part, comme on l’a montré,
parce-qu’il s’agit de sa création,
d’autre part, parce que vis à vis des adultes,
ils deviennent une monnaie d’échange,
une récompense: un cadeau.
C’est pourquoi l’EnFaNt peut mal
vivre la dépossession de ses matières fécales,
s’étonner que l’on jette son cadeau.
Le rôle des parents est ici fondamental pour assurer la cohérence.
D’autant plus que ses excréments
sont une partie de lui-même, la blessure alors éprouvée,
si sa production est insuffisamment considérée,
et tout de suite rejetée, peut être en partie narcissique.
Dans le caractère anal nous trouvons
cette peur d’être dépossédé ou volé de
son bien le plus précieux.
Un autre aspect fondamental et structurant
du stade anal réside dans sa corrélation
avec le pouvoir naissant de l’EnFaNt, sur
lui-même mais aussi sur le monde.
La souveraineté de l’EnFaNt est
associée à sa capacité -nouvelle- d’opposition.
La rétention volontaire peut alors
être interprétée comme le premier non de l’EnFaNt.
D’ailleurs, entre un et trois ans, c’est
à dire dans l’organisation anale,
l’EnFaNt va s’employer à s’opposer
par tous les moyens mis à sa disposition.
L’EnFaNt ne nourrit aucun dégoût,
aucune aversion ou répulsion.
Bien au contraire, il prend plaisir à
voir ses excréments, et à l’occasion ceux des autres.
Autant l’adulte se cache, autant l’EnFaNt
s’expose. C’est là encore une des conséquences
de l’apprentissage de la propreté.
Si l’adulte s’enferme dans les toilettes,
l’EnFaNt ne connaît pas la nécessité
de s’isoler. C’est même une expérience qu’il partage.
Il n’y a aucune perversion, puisque l’EnFaNt
n’a pas encore de pudeur,
de valeurs morales qui s’opposent à
la pulsion scopique et à l’exposition de sa nudité.
Si Freud qualifie le stade oral de cannibalique,
il qualifie le stade anal de sadique.
On parle alors du stade sadique-anal. C’est
en effet, lors de cette même époque
que l’on constate l’émergence des
pulsions sadiques.
Elles se manifestent visiblement dans les
tendances destructrices du jeune EnFaNt.
Nous avons souligné la volonté
d’opposition du petit homme, qui dit « non » symboliquement
dans l’apprentissage de la propreté, et qui dit « non
» en cassant, déchirant, jetant tous les objets
qui lui passent par les mains.
Dans la perspective psychanalytique, le
fait de déchiqueter, mettre en morceau, etc...
manifeste les pulsions sadiques de l’EnFaNt.
L’évolution libidinale voit, dans
une maturation affective de la personnalité,
les tendances sadiques se sublimer dans
diverses activités ou structures caractérielles.
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Le stade phallique succède au stade
anal. Marqué par le complexe de castration,
il s'achève avec la résolution
du complexe d'Oedipe.
La période de latence lui succède,
pour durer jusqu'à la puberté.
Le stade phallique commence dans la troisième
année de vie, pour se terminer
dans la cinquième ou la sixième
année. Il tire son nom de la suprématie du phallus.
Les organes génitaux deviennent
la zone sexuelle prédominante.
L'EnFaNt arrive progressivement vers la
sexualité adulte.
Selon la théorie, la première
caractéristique du stade consiste dans la curiosité sexuelle
manifestée par l'EnFaNt. Le stade
phallique correspond, en effet, à l'époque où l'EnFaNt
se pose
des questions qui portent principalement
sur l'origine de la vie et la différence des sexes.
L'EnFaNt se demande d'où il vient,
comment il a été fabriqué, comment il est né...
etc.
A défaut de réponses, l'EnFaNt
va élaborer un certain nombre de théories relatives
aux origines de la vie (naissance anale,
fécondation orale par le baiser...).
L'EnFaNt a donc nécessairement une
représentation imaginaire de l'origine de la vie en général,
et de sa vie en particulier.
Les conceptions infantiles relatives à
la naissance, à la fécondation et à la sexualité
constituent
une caractéristique majeure du stade
phallique.
La différence des sexes est un autre
élément clé de ce stade.
Selon Freud, jusque vers 3-4 ans, l'EnFaNt
ne réalise pas la différence des sexes.
Or selon la psychanalyse, la reconnaissance
des sexes constitue un passage éprouvant pour l'EnFaNt,
car c'est pour lui renoncer à la
toute-puissance: il ne peut être à la fois garçon et
fille.
En admettant la différence des sexes,
l'EnFaNt est obligé d'admettre:
-toutes les différences
-les limites de son propre pouvoir
-l'établissement et l'acceptation
de sa propre identité sexuelle.
Le petit garçon, à travers
la découverte de la différence des sexes, constate que la
fille est dépourvue de pénis. Faisant suite à cette
constatation, le complexe de castration repose sur deux présupposés:
- le petit garçon a subi antérieurement
des menaces de castration effective
-la survalorisation du pénis
Le petit garçon craint de perdre
son pénis et la fille souffre de ne pas en avoir un.
Pour la fille, en effet, le complexe de
castration ne s'élabore pas de la même manière.
Selon la psychanalyse, chez la petite fille,
l'angoisse est remplacée par l'envie du pénis.
Le complexe de castration peut donc s'entendre
comme le renoncement à la toute-puissance
chez le petit garçon comme chez
la petite fille. Il faut pour l'EnFaNt abandonner le ET
(`être à la fois garçon
ET fille) pour accepter le OU (n'être qu'un garçon
OU
une fille).
La différence des sexes et le complexe
de castration qui lui est relatif jouent
un rôle fondamental dans la construction
et l'acceptation de l'identité sexuelle
(renoncement à être du sexe
opposé). Ce passage est extrêmement important,
et dans les choix affectifs futurs, et
dans la gestion de sa sexualité d'adulte.
Le complexe d'Oedipe...
Dans le mythe, Oedipe est abandonné
par ses parents qui craignent de voir se réaliser
la terrible prophétie délivrée
par la Pythie. Selon la prédiction, Oedipe,
devenu adulte, tuera son père
et épousera sa mère.
Ses géniteurs jugent donc préférable
de l'abandonner, afin de se protéger.
Elevé par les souverains de Corinthe,
et dans l'ignorance de son véritable état,
Oedipe, jeune homme, étant à
son tour informé de la terrible prophétie,
fuit ses parents adoptifs, qu'il pense
être ses géniteurs.
En chemin, une altercation l'oppose
à son véritable père.
Oedipe le tue, sans savoir naturellement
qu'il s'agit de son propre père
et il réalise ainsi, à
son insu, le premier terme de la sinistre prophétie.
Nullement affecté, il continue
sa route. Ses pas le guident vers
Thèbes,
où Jocaste (sa mère) devenue
veuve le prend pour époux.
Le deuxième terme de la prophétie
est ainsi validé puisque, sans le savoir,
Oedipe épouse sa mère.
Le mythe pose le conflit originel, qui oppose
l'EnFaNt à l'un de ses parents pour pouvoir mieux être aimé
de l'autre. Dans cette perspective, le complexe d'Oedipe peut se résumer
en deux points:
-Le désir de l'EnFaNt pour le
parent de sexe opposé
-conjugué à l'hostilité
de l'EnFaNt pour le parent du même sexe
L'Oedipe représente le conflit, basé
sur un désir interdit, qui oppose, à un moment donné,
EnFaNt et parents.
Les premiers objets d'amour de l'EnFaNt
sont évidemment ses parents.
Entre sa troisième et sa cinquième
année, l'EnFaNt désire aimer ses parents (et être aimé
d'eux)
comme ses parents s'aiment entre eux. D'autre
part, l'Oedipe est consécutif à l'établissement formel
de l'identité sexuelle. Il se situe
à la charnière du stade phallique. Ainsi l'EnFaNt,
dans un même temps où il revendique
son identité sexuelle, "sexualise" sa relation aux parents,
en désirant, dans l'Oedipe classique,
le parent du sexe opposé au sien.
L'autre parent devient l'élément
gênant et une rivalité avec le parent du même sexe s'instaure.
L'issue du conflit oedipien est capitale
pour la structure générale de la personnalité de l'EnFaNt.
Plus spécifiquement, de la résolution de la situation oedipienne
dépend la capacité
de construire des relations affectives,
une fois devenu adulte, affranchies de cette situation
conflictuelle originelle. Car l'Oedipe
met finalement en jeu un désir interdit,
auquel l'EnFaNt va devoir renoncer. L'EnFaNt
ne peut pas aimer ses parents
comme ses parents s'aiment entre eux. Ce
qui signifie, bien-sûr,
qu'il ne peut pas avoir de relations sexuelles
avec ses parents mais bien plus,
pour vivre la relation qui les réunit
l'un et l'autre, l'EnFaNt devra trouver d'autres objets d'amour.
Selon Freud, L'Oedipe élabore d'ailleurs
le Surmoi.
C'est, à travers l'intégration
de l'interdit de l'Inceste, que l'EnFaNt assimile tous les autres interdits.
Le conflit oedipien ne trouve pas un terme
brutal ou définitif à l'issue du stade phallique,
mais sa résolution partielle conduit
à la formation du Surmoi.
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La période de latence s’étend
de la cinquième ou sixième année de vie jusqu’à
la puberté.
Elle se caractérise par une rémission
des pulsions sexuelles.
La pudeur constitue un trait caractéristique
de cette période. Alors qu’auparavant,
l’EnFaNt ne ressentait aucune gêne
devant la nudité, voire était un peu voyeur et exhibitionniste,
il devient souvent très pudique.
Ce n’est qu’à partir de la période
de latence que les valeurs morales,
en usage dans son environnement, sont intériorisées
par l’EnFaNt.
Il devient raisonnable (au sens de l’adulte).
Ce retrait des désirs sexuels permet
à l’EnFaNt de se tourner vers d’autres centres d’intérêt.
Sa curiosité intellectuelle s’amplifie,
ses goûts et ses activités se diversifient.
Sur le plan affectif également un
changement s’opère. La résolution partielle du conflit
oedipien permet une ouverture du champ
relationnel. L’EnFaNt est apte à s’investir dans d’autres relations,
à se détacher partiellement
de ses parents, pour aimer d’autres personnes.
Les amitiés EnFaNtines et adolescentes
en constituent une bonne illustration.
Puberté et adolescence :(en
complément)
La pré adolescence
et l’adolescence constituent une étape cruciale.
Aux changements corporels
s’associent des transformations psychologiques.
La problématique
sexuelle est réactivée par les manifestations pubertaires.
Sur le plan théorique,
tous les stades précédents sont réactualisés,
et l’organisation prégénitale
est, d’une certaine manière, de nouveau traversée par l’adolescent.
L’adolescence constitue
une période élastique (la durée est variable d’un
sujet à l’autre),
à l’issue de
laquelle s’ouvre le stade génital proprement dit. Même si
les organisations
ne sont jamais complètement
abandonnées, chez l’adulte équilibré, les pulsions
génitales sont
prédominantes.
La relation objectale
accède à l’ambivalence et ne s’instaure ni sur un mode fusionnel,
ni sur un mode clivé.
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