ENT et innovation pédagogique

Du cartable électronique aux espaces numériques de travail
Une réflexion conduite par la Caisse des dépôts et la Fing
Sous la direction de Daniel Kaplan et Serge Pouts-Lajus

L'une des questions lancinantes auxquelles les TICE sont confrontées depuis leur naissance, et que les ENT ambitionnent de dépasser, est celle du rapport entre l'introduction de nouveaux instruments d'apprentissage dans le dispositif scolaire et l'innovation pédagogique. cette question peut être posée de la manière suivante : lorsqu'ils acceptent d'intégrer les ENT dans leurs pratiques, les enseignants sont-wils amenés, au départ ou en cours de route, à modifier en profondeur leur pédagogie ?

Cette question a fait et continue de faire l'objet de vifs débats au sein de la communauté éducative, en Europe aussi bien qu'aux États-Unis. Pour les plus ardents défenseurs des TICE, l'intégration d'instruments tels que les ENT dans les systèmes éducatifs ne se justifie que dans la mesure où elle entraîne des innovations pédagogiques profondes. les TICE sont pour eux, une sorte de « cheval de Troie » au service de l'innovation pédagogique : il s'agit de remplacer une pédagogie considérée comme traditionnelle, celle de l'enseignement magistral délivré par un enseignant expert de sa discipline, par une pédagogie plus active dans laquelle la priorité est donnée à l'initiative et à l'activité de l'élève, l'enseignant intervenant davantage comme un guide et un facilitateur que comme un transmetteur de savoirs constitués.

Les oppositions à ce point de vue se justifient de deux façons : soit par attachement aux pédagogies traditionnelles, soit par scepticisme quant à la capacité des technologies de réaliser la révolution annoncée.

Qu'ils soient favorables ou non aux TICE et à l'innovation pédagogique, les spécialistes s'accordent sur un point : l'introduction des technologies dans les pratiques scolaires n'entraîne pas, de façon automatique, l'innovation pédagogique. Constatant que l'introduction des ordinateurs dans les écoles américaines n'avait pas provoqué le renversement pédagogique annoncé, Larry Cuban, professeur à l'université de Stanford, eut ainsi cette formule lapidaire : « Computer Meets classroom; Classroom Wins» (« L'ordinateur rencontre la classe : c'est la classe qui gagne. »).

Il n'appartient pas aux auteurs de cet ouvrage de prendre parti dans ces débats. Tout au plus pouvons-nous nous tourner vers les pratiques réelles dans les établissements scolaires et observer de quelle façon l'introduction des TICE a ou n'a pas, jusqu'à aujourd'hui, été accompagnée d'innovations pédagogiques. Dans tous les pays, on observe une très grande diversité de situations et de pratiques, sans qu'il soit possible de repérer de façon indiscutable des formes d'évolution dominantes directement attribuables aux TICE :

Pour les enseignants soucieux de leur indépendance et de leur liberté pédagogique, il s'agit là d'un constat encourageant : l'ordinateur ne contraint pas de manière mécanique la pédagogie à évoluer dans un certain sens. Ce message s'adresse également aux porteurs des projets de « cartable électronique », qui doivent éviter d'imposer, directement ou indirectement, des choix pédagogiques particuliers aux enseignants et aux élèves.

À l'inverse, si les ENT ne doivent pas requérir comme préalable une transformation des pratiques pédagogiques, ils doivent veiller à ne pas renforcer des orientations pédagogiques qui sont découragées par les autorités institutionnelles : exercices à trous, recherches sur Internet sans lien avec le programme ni consigne précise, attention à la forme plutôt qu'au fond, etc.


Extrait de :
Du cartable électronique aux espaces numériques de travail
Une réflexion conduite par la Caisse des dépôts et la Fing
Sous la direction de Daniel Kaplan et Serge Pouts-Lajus
Collection "Les Cahiers pratiques du développement numérique des territoires", juin 2004, 200 pages,L’ouvrage est disponible à La documentation française :