Préface

Pr. P. Mendelsohn, Directeur de TECFA

Les études comparatives dans le domaine des pratiques éducatives sont toujours instructives. De manière concrète, elles mettent en évidence la naissance de nouveaux concepts bien avant que les spécialistes du domaine ne les enferment sous des dénominations qui pourraient figer leur évolution. C'est à cet exercice salutaire de clarification que nous convient D. Peraya et Cl. Hässig en comparant les méthodes et les productions en matière d'enseignement à distance de deux universités spécialisées, en Allemagne (FernUni- versität) et aux Pays-Bas (Open universiteit). Un des mérites de cette étude est d'analyser deux sites aux pratiques contrastées, faisant ainsi apparaître clairement les points de convergence et les différences entre les deux institutions. Ce qui rassemble ces entreprises c'est qu'elles ont toutes les deux le même objectif de réforme des études universitaire: démocratisation de l'accès aux études supérieures et formation en cours d'emploi. Les moyens mis en uvre pour répondre à ces nouveaux défis que les sociétés occidentales attendent de leurs formations universitaires vont par contre être sensiblement différentes dans les deux cas présentés. La première institution dispense un enseignement universitaire conforme au modèle classique: accès limité aux étudiants porteurs d'un diplôme de fin d'étude du secondaire et insertion du personnel enseignant dans la recherchel; la seconde est, quant à elle, conçue sur un modèle ouvert: inscriptions indépendantes des qualifications et priorité à la diffusion des connaissances sur la recherche.

L'originalité de cette étude est d'avoir analysé en détail les conséquences de ces choix sur la méthodologie et la production de matériel d'enseignement (écrit, audiovisuel, électronique et interactif). On découvrira ainsi, par exemple, que ce n'est pas le choix du support d'enseignement qui distingue ces deux universités (80 à 90 % du matériel est diffusé par écrit) mais plutôt la manière d'organiser les contenus. La FernUniversität conçoit ses cours suivant un modèle unitaire du champ scientifique et disciplinaire; l'Open universiteit opte, quant à elle, pour une conception plus modulaire des contenus. En tant que responsable d'une unité (TECFA) dont l'objet scientifique est d'étudier l'impact des nouvelles technologies sur les processus d'enseignement, je pourrais être quelque peu déçu par un tel résultatl! Mais à y regarder de plus près ce résultat n'est pas aussi surprenant qu'il n'apparaît de prime abord. Les innovations pédagogiques sont avant tout modelées, comme le rappellent les auteurs de cet ouvrage, par des contraintes institutionnelles fortes qui neutralisent bien souvent les avancées conceptuelles de leurs auteurs. A ces contraintes institutionnelles s'ajoutent des habitudes de travail qui sont parfois longues à transformer et les nouvelles technologies font partie intégrante de cet ensemble de contraintes. J'espère et je souhaite que cet ouvrage puisse contribuer à cette prise de conscience.

J'aimerais aussi lier cette réflexion à propos de l'impact des nouvelles technologies sur les modèles de formation à une autre particularité intéressante de ce travail. Dans leur introduction, les auteurs nous expliquent, que cette recherche s'est déroulée dans le cadre du programme Tempus mis en uvre pour contribuer au renouveau de l'enseignement universitaire dans les pays de l'ancien bloc de l'Est. Peut-on souhaiter meilleur modèle pour nos collègues des pays de l'Est qui ont tout à construire que d'être confrontés à la problématique du choix d'une stratégie de développement qui soit compatible avec leurs objectifs de formationl! D. Peraya et Cl. Hässig les entraînent ainsi par leur minutieux travail d'analyse à rester vigilants et attentifs au fait que les technologies éducatives ne sont pas neutres même si, par les formidables moyens de communication qu'elles impliquent, elles permettent d'imaginer des scénarios pédagogiques inédits. Que les auteurs soient ici remerciés pour ce travail.


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