Effet du format et du caractère séquentiel de la présentation de systèmes "texte-figure" sur l'apprentissage de procédures dans un environnement hypertextuel.

Requète soumise au FNRS en octobre 1998


2. Partie scientifique

2.1. Résumé

Le développement spectaculaire des technologies de l’information et de la communication a ouvert de nouvelles possibilités concernant les formats de présentation des manuels d’instruction. Il est maintenant facile d’intégrer des informations textuelles dans les figures par le biais de boutons hypertexte ou encore de proposer une animation continue ou séquentielle de procédures dont on souhaite faire la démonstration. Cependant, les effets de telles techniques de présentation sur l’apprenant restent peu connus.

Les recherches projetées ont un double objectif théorique et pratique. L’objectif théorique est de mieux connaître les caractéristiques de la représentation que le sujet confronté à un système « texte-figure » élabore , et l’effet des facteurs de présentation qui peuvent influencer ces caractéristiques. En corollaire, l’objectif pratique est de tirer parti des résultats obtenus pour proposer des formats de présentation adaptés à la situation d’apprentissage et exploitant au mieux les possibilités offertes par les techniques de l’information, en particulier les hyperdocuments.

Dans les recherches antérieures deux axes ont été explorés : l’intégration des informations textuelles et graphiques en une source d’information unifiée, et la présentation séquentielle des systèmes texte-figure. Dans le présent projet ces deux problématiques seront réunies pour d’une part, contribuer à une meilleure appréhension des interactions entre ces deux sources de variation et, d’autre part, conduire à des résultats directement exploitables dans les systèmes d’aide à l’apprentissage en ligne.

Ce programme contribuera au renforcement d’une collaboration entre l’équipe du Professeur A. Bisseret de l’Université de Grenoble (INRIA) et TECFA. Plusieures recherches coordonnées ont déjà été réalisées ensemble. Ces travaux ont donné lieu à des travaux de doctorat soutenus en 1996 et qui font actuellement l’objet de publications. Le programme prévoit deux expériences qui se dérouleront sur deux années (avril 98 -mars 2000).

Dans une première étude expérimentale, nous mesurons la performance des apprenants lors de l’acquisition d’une procédure, à travers différents formats de présentation dans des situations qui combinent présentation animée et contrôle du degré d’intégration du texte aux manuels d’instruction.

La seconde étape constituera l’apport original de ce programme en testant différentes variantes de présentations séquentielles à partir d’un dispositif bien contrôlé. Ces variantes permettront de tester la variable « contrôle » du sujet dans le déroulement de l’animation. Les recherches sur les hypertextes laissent prévoir que cette variable joue un rôle déterminant dans l’apprentissage. Les systèmes d’aide en ligne ont d’ailleurs pour vocation de répondre aux sollicitations de l’utilisateur en contexte et en référence à la tâche dans laquelle il est impliquée. Les résultats d’une telle expérience seront donc directement utilisables dans la conception des systèmes d’aide à l’apprentissage.

 

 

2.2.1. Etat de la recherche

Au niveau théorique, les recherches sur les formats de présentation postulent que l’apprentissage d’une notion à partir de systèmes texte-figure (informations textuelles et graphiques en référence mutuelle) nécessite de la part de l’apprenant la construction d’une représentation de la situation, aussi appelée modèle mental. Ce type de représentation posséderait deux caractéristiques principales : d’une part elle présente un caractère analogique à la situation décrite et respecte la structure de la situation décrite (Johnson-Laird, 1983; Kintsch & van Dijk, 1983); d’autre part, elle représente dans une structure unitaire les éléments d’information et leurs interrelations.

Deux axes sont explorés dans ces recherches : l’intégration des informations textuelles et graphiques en une source d’information unifiée, et la présentation séquentielle des systèmes texte-figure. Nous ferons le point successivement sur chacun de ces problèmes avant d’envisager la convergence de leurs problématiques dans les expériences du présent projet.

2.2.1.1. L’intégration des informations textuelles et graphiques

Dans les documents techniques comportant textes et figures, ces deux médias sont le plus souvent complémentaires au sens où « les deux sources d'information doivent être étudiées pour révéler l'entière signification de la combinaison texte-figure » (Molitor et al., 1989). Une conséquence immédiate de la notion de complémentarité est la nécessité pour le lecteur d'intégrer les deux sources d'information en une représentation unifiée prenant en compte les différentes sources d’information pour appréhender la totalité du contenu véhiculé. Or cette activité d'intégration cognitive s'avère complexe et coûteuse pour le lecteur, qui doit régulièrement passer du canal verbal au canal graphique (Hegarty Carpenter & Just, 1990 ; Hegarty & Just, 1989, 1993).

La plupart des manuels techniques ou didactiques, que ce soit sur papier ou sur écran, présentent textes et figures sur des portions de l'espace séparées (par exemple sur deux pages ou sur deux portions de la page). Selon Sweller et ses collaborateurs [Sweller, Chandler, tierney & cooper, 1990; Chandler & Sweller, 1991, Purnell, Solman & Sweller, 1991], cette présentation est cognitivement coûteuse pour deux raisons : d'abord elle crée un partage de l'attention sur chaque source ; d'autre part elle ne facilite pas le processus d'intégration, qui nécessite justement la mise en relation de chaque partie de la figure avec les énoncés correspondants [Vezin & Vezin, 1988]. C'est pourquoi Sweller suggère d'utiliser un format où texte et figure sont intégrés en une seule source d'information. D’un point de vue opérationnel, l’intégration spatiale des deux médias peut se définir par le fait que le texte se référant à une partie du schéma est présenté à côté de cette partie (Hegarty & just, 1993).

Dans une première série d'expériences, Sweller et al. (1990) comparent l'efficacité d’instructions où textes et figures sont intégrés par rapport à une présentation de ces instructions dite conventionnelle (textes et figures présentés dans des portions séparées de l’espace). La tâche consiste à apprendre une procédure mathématique (calcul du coefficient directeur d'une droite). Les résultats révèlent un avantage pour le groupe bénéficiant d'un format intégré. Cet avantage se traduit par des temps d'apprentissage et de résolution plus faibles, mais aussi par de meilleures performances pour le problème de transfert, ce qui atteste de la construction d'une représentation correcte du concept.

Ces résultats ont été répliqués par Sweller et ses collaborateurs dans plusieurs domaines, géométrie (Sweller & al., 1990) ; électricité ou biologie (Chandler & Sweller, 1991), informatique (Chandler et Sweller, 1996) et ce en laboratoire comme en situation d’apprentissage réelle (Sweller & Chandler, 1994). En outre, cette supériorité est valable quel que soit l’objectif de l’apprentissage : résolution de problème (Sweller & al., 1990), rappel du matériel (Chandler & Sweller, 1991), ou réponse à des questions factuelles ou inférentielles concernant un schéma légendé [Purnell et al., 1991]. Enfin, l'intégration concerne le plus souvent texte et figure, mais les mêmes résultats sont obtenus pour deux sources d'information textuelles, comme un langage de commande et ses commentaires (Sweller et al., 1990). Néanmoins, l’effet bénéfique de l’intégration disparaît si les différents éléments d'information sont redondants (Chandler & Sweller, 1991), ou si leur niveau d’interaction est faible (Chandler & Sweller, 1996). D’autres résultats expérimentaux [Kieras, 1992, Mayer & Gallini, 1990], sans citer le mot d’intégration, aboutissent aux mêmes conclusions dans le cas d'un document présentant le fonctionnement d'un système complexe.

Ainsi, les résultats précédents confortent l'hypothèse de la supériorité d'un matériel intégrant les différents éléments d'information, même lorsqu’ils utilisent le même média (texte ou figure), lorsque ces éléments doivent être traités de manière complémentaire. Néanmoins, sur un schéma complexe, la présence de toute l'information sur le graphique est susceptible de créer une surcharge perceptive du document, qui alourdirait alors son traitement. Sur le support informatique, il est possible d’éviter cette surcharge en intégrant l’une des sources d’information dans un "champ" escamotable ou escamot. Ce néologisme réfère à un champ de texte qui ne s’affiche que sous démarche active du sujet (un clic souris sur un point sensible de l’écran). Ce dispositif, qui tire avantage de l’aspect dynamique et interactif des options de présentation sur ordinateur, permettrait de conserver l'avantage de l'intégration spatiale sans en avoir les inconvénients.

2.2.1.2. Présentation séquentielle de systèmes texte-figure

Dans un texte, l’ordre des informations est choisi par l’auteur parmi de nombreux possibles, en fonction de l’interprétation que celui-ci veut susciter chez les lecteurs. De fait, il a été montré que l’ordre dans lequel les informations étaient mentionnées dans un texte avait un effet important sur la compréhension du lecteur (Denis & Cocude, 1992; Denis & Denhière, 1990).

A l'inverse, une figure se présente généralement de façon "globale" et la linéarité temporelle ne peut être réintroduite qu'au moyen d’artifices graphiques tels que des flèches, ou une série d'images. Un texte est donc souvent nécessaire pour guider l'exploration de la figure (segmentation en éléments, ordre ou hiérarchie entre éléments, etc.).

Les techniques d’animation et de présentation actuellement disponibles, même sur plateforme standard, offrent la possibilité de présenter l’information graphique de manière dynamique, selon une partition et un ordre déterminés. Nous faisons l’hypothèse très générale que la présentation séquentielle d’une figure ou d’un système texte-figure influencerait la représentation que l’apprenant se construit, et par conséquent affecterait ses performances dans des tâches ultérieures.

Compte tenu de son caractère temporel, la présentation séquentielle est probablement un outil d’aide à l’apprentissage efficace dans le cas de l’apprentissage de procédure. En effet, l’une des difficultés dans l’exécution des procédures est l’orientation de l’action (Stone & Glock, 1981;). Quelques recherches ont examiné l’utilisation d’une instruction animée pour apprendre à des sujets à utiliser un logiciel (Palmitter, Elkerton & Baggett, 1991, Palmitter & Elkerton, 1993; Harrison, 1995). Plus précisément, les sujets observaient une démonstration de la procédure qui se déroulait automatiquement sur l’écran, et devaient ensuite réaliser des tâches identiques ou des tâches similaires (qui nécessitaient une activité d’inférence de la part des sujets). De manière surprenante, les sujets bénéficiant de l’animation n’obtiennent pas de meilleures performances que les sujets bénéficiant d’instructions textuelles seules. Palmitter et al. (1991) proposent deux explications. D’une part les sujets du groupe avec animation aurait tendance à reproduire "mécaniquement" ce qu’ils ont vu, alors que les sujets avec texte doivent avoir recours à un traitement beaucoup plus profond des instructions pour les traduire en actes concrets. Ceci expliquerait le fait que le groupe animé apprenne plus rapidement que les sujets du groupe texte les procédures identiques, mais ait plus de difficulté pour des taches similaires. Une seconde explication est que les sujets bénéficiant de l’animation ait du mal à segmenter l’animation en événements unitaires, ou en d’autres termes à déterminer les étapes de la procédures (Palmitter et al, 1991). En outre, l’ajout de texte à l’animation n’améliore pas les performances par rapport à l’animation seule (Palmitter & Elkerton, 1993). Les auteurs suggèrent que la condition groupe texte + animation a entraîné une surcharge d’information, les conduisant à abandonner l’une des sources d’information, en l’occurrence le texte. D’autre part, si les sujets décidaient de traiter les deux sources d’information, l’apprentissage était alors gêné par le phénomène de partage de l’attention souligné par Sweller (Sweller et al., 1990; Chandler & Sweller, 1996) et dont il était question dans la partie précédente.

2.2.2.Etat des recherches effectuées par le requérant

2.2.2.1. L’intégration des informations textuelles et graphiques

Deux séries d’expériences ont été menées pour étudier l’effet de trois formats de présentation (cf. figure 1) : format conventionnel (textes et figures présentés dans des portions de l’espace séparées; intégration spatiale (textes présentés à coté de l’élément correspondant de la figure) et intégration en escamot (textes intégrés à la figure mais n’apparaissant que sous démarche active de l’utilisateur). Deux types d'apprentissage très différents sont mis en jeu dans chaque expérience : la mémorisation d'un schéma légendé ou la compréhension d'une procédure.

Expérience 1 : Influence de deux modes d'intégration des informations texte-figure sur la mémorisation d'un schéma légendé

Méthodologie

Le document présentait un schéma en coupe de conduit de fumée comportant 15 textes (labels et commentaires) pour 15 éléments de la figure (cf. Figure 1), issu de l'encyclopédie des techniques du bâtiment (REEF) éditée sur compact disque par le C.S.T.B. (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment).

a. 1.1. Format conventionnel

b. 1.2. Format intégré

c. 1.3. Format escamot

Figure 1. – Les trois formats de présentation utilisés pour les deux expériences : à gauche, mémorisation d'un schéma légendé et à droite, résolution de problème

 

La procédure comportait deux phases : phase d'acquisition et phase de test.

Durant la phase d'acquisition, les sujets observaient le document pendant une session de trois minutes. Ils pouvaient interrompre la session s'ils pensaient connaître le document. Après chaque session, les sujets devaient dessiner le document sur une feuille blanche (figure et noms des éléments, les commentaires n'étant pas à mémoriser). Tant que le dessin n'était pas complet, les sujets se voyaient proposer une nouvelle session de trois minutes. Après l'acquisition, une tâche distractive de 5 mn était proposée. La phase de test comprenait deux tâches, pour lesquelles le schéma était fourni : une tâche de rappel indicé, où les sujets devaient indiquer sur le schéma le nom des différents éléments ; une tâche de reconnaissance où les sujets devaient reconnaître les 15 termes dans une liste de 30 mots et les placer correctement sur le schéma.

Résultats

1. Efficacité de l'apprentissage

Les groupes Intégré et Escamot rappellent plus de termes et d'éléments graphiques que le groupe Conventionnel, mais les différences sont beaucoup plus nettes en ce qui concerne l’association correcte d’un texte et de l’élément graphique correspondant (paires). L'analyse de variance montre que l'effet du type de groupe n'est pas significatif sur l'ensemble des trois indicateurs. En revanche, une analyse de contraste montre que les sujets du groupe Escamot rappellent significativement plus de paires texte-figure que les sujets du groupe Conventionnel (F(2,24) = 5.5 ; p < .05).

2. Phase de test : rappel indicé et reconnaissance

Que ce soit pour le test de rappel ou de reconnaissance, les performances avoisinent le maximum dans les trois groupes et sont de ce fait très proches. Le groupe Escamot obtient de meilleures performances que les deux autres, mais les différences ne sont pas statistiquement significatives.

Cependant, pour exécuter la tâche de reconnaissance, les trois groupes requièrent des temps équivalents, alors que pour le test de rappel, les groupes Escamot et Intégré sont plus rapides que le groupe Conventionnel. En ce qui concerne le rappel, l’effet du facteur format de présentation est significatif (F(3,24) = 4.1 ; p < .05) et plus précisément, les différences entre d'une part le groupe Conventionnel et d'autre part les groupes Intégré (F(3,24) = 5 ; p < .05) et Escamot (F(3,24) = 7 ; p < .05).

Expérience 2 - Influence de deux modes d'intégration des informations texte-figure sur l'acquisition d'une procédure

Dans l’expérience précédente, il est demandé à l’utilisateur de mémoriser le document « par coeur ». Cette deuxième série d’expériences compare les trois mêmes formats de présentation mais pour un type d’apprentissage radicalement différent, puisqu’il s’agit de comprendre une procédure de calcul de façon à pouvoir l’appliquer dans d’autres situations. Cette expérience a été réalisée par M. Bétrancourt à Grenoble en coordination avec celle de S. Martin-Michiellot à Genève de son doctorat.

Les sujets étaient 30 étudiants engagés dans un des DEUG de Sciences Humaines de l'Université de Grenoble. Adapté d'un document du REEF, le matériel a pour objectif d'apprendre aux sujets à lire un graphique de type « abaque ». Le document comportait 8 écrans. Pour les trois écrans d'explication, trois formats de présentation étaient réalisés (conventionnel, intégré ou escamot). Les autres écrans étaient similaires pour les trois conditions.

Les sujets étaient aléatoirement affectés à l'un des trois groupes correspondant chacun à une condition (groupe Conventionnel, groupe Intégré et groupe Escamot). Durant la première phase d'acquisition, l'explication consistait en deux graphiques commentés, suivis d'un exercice corrigé. Suivaient trois exercices appelés « réactifs » au sens où le programme indiquait au sujet si ses réponses (tapées au clavier) étaient justes ou fausses. Durant cette phase d'exercice, le sujet pouvait revenir aux écrans d'explications le nombre de fois qu'il désirait. En phase test, deux problèmes étaient proposés : le premier problème peut être assimilé au « problème inverse » de celui de l'apprentissage, au sens où il demande de définir ce qui est habituellement donné dans l'énoncé. Le deuxième problème est dit « problème de transfert », au sens où sa résolution demande de transférer la procédure acquise à un autre problème.

Résultats

Phase d'acquisition

En phase d’acquisition, le groupe Escamot passe moins de temps sur les explications que les deux autres groupes et résout les exercices plus rapidement pour des performances sensiblement équivalentes. Cependant, les différences entre groupes ne sont pas statistiquement significatives.

Application de la procédure

En ce qui concerne le problème inverse, le score moyen reflète le fait que peu de sujets ont su résoudre ce problème, et ce quel que soit le groupe considéré. Quant au problème de transfert, les groupes Intégré et Escamot réussissent bien mieux que les sujets du groupe Conventionnel, les différences entre groupes étant statistiquement significatives (X2(2) = 9,3 ; p < .01, analyse réalisée sur le nombre de sujets).

Quel effet de l'intégration des informations d'un document multimédia ?

Les deux expériences rapportées précédemment comparent trois formats de présentation d'un document comprenant textes et figures pour deux types d’apprentissage très différents. En ce qui concerne la mémorisation d'un schéma légendé, les résultats révèlent un avantage des présentations Intégré et Escamot qui s'observe non pas sur la mémorisation de chaque source d'information mais plutôt sur leur intégration en mémoire. Quant à l'acquisition d'une procédure, les formats de présentation Intégré et Escamot induisent de meilleures performances lors du problème de transfert, pour un temps d'acquisition équivalent (voire plus rapide en ce qui concerne le format Escamot). Ces résultats confortent l'hypothèse selon laquelle l'intégration des deux sources d'information faciliterait le processus d'intégration cognitive, que l'intégration soit spatiale ou de forme « hyperlien ». Néanmoins, un avantage systématique est observé en faveur de l'intégration en escamot par rapport à l’intégration spatiale, ce qui conforte l'hypothèse d'une mise en relief visuelle et comportementale de l'élément escamoté.

Ainsi, les expériences précédentes montrent que, d’un point de vue cognitif, la mise en escamot ne perturbe pas, voire améliore, la mémorisation d’information, qu’elles soient textuelles ou multimédias. D’un point de vue plus pragmatique, trois arguments peuvent être avancés en faveur de l'utilisation des escamots. Tout d’abord, le format escamot permet d'améliorer la lisibilité du document en évitant une surcharge de l’écran, et permet parallèlement de gagner de la place. En second lieu, le format escamot permet de mettre au premier plan l’une des sources d'information et donc de donner une hiérarchie d'étude au document. Enfin, les escamots rendent le document interactif, ce qui semble améliorer les performances et la motivation des utilisateurs (Gonzales, 1996). Le présent projet vis à explorer ces hypothèses explicatives de manière plus approfondies.

2.2.2.2. Présentation séquentielle de systèmes texte-figure

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, l’ordre des informations d’un texte est choisi par l’auteur parmi de nombreux possibles, en fonction de l’interprétation que celui-ci veut susciter chez les lecteurs. Plusieurs recherches ont montré que l’ordre dans lequel les informations étaient mentionnées dans un texte avait un effet important sur la compréhension du lecteur (Denis & Cocude, 1992; Denis & Denhière, 1990). Pour approfondir notre connaissance de ce phénomène, six expériences ont été menées sur ce thème, dont une première expérience exploratoire, dans l’objectif de tester deux hypothèses principales.

La première hypothèse postule qu’une segmentation et un ordonnancement pertinent de l’information faciliteraient son traitement et sa mémorisation dans la mesure où ces deux opérations supportent deux processus : le regroupement des éléments d’information en ensembles cohérents (chunking process, Miller, 56) et le choix d’un parcours de lecture, qui n’est habituellement pas indiqué dans une figure.

La deuxième hypothèse est inspirée du postulat cognitiviste selon lequel l’information en mémoire garde une trace de leur traitement. Elle postule que l’organisation de la représentation en mémoire du contenu à apprendre dépend de la séquence utilisée pour la présenter, notamment en terme de regroupement des informations.

Pour des raisons de concision et de clarté, les expériences seront présentées conjointement. Le tableau 1 récapitule les différentes conditions, la méthodologie utilisée et les principaux résultats.

Matériels

Les six expériences ont examiné successivement la présentation séquentielle de différents types de matériels : une figure sans signification (expérience 1), un plan de bibliothèque (expériences 2, 4 et 5), un plan de ville (expérience 2), un système biologique (expérience 3) et la carte d’une île fictive (expérience 6).

Conditions

Dans chaque expérience, plusieurs conditions de présentation séquentielle étaient comparées à une présentation statique (groupe contrôle).

Dans les expériences 1 et 2, les conditions séquentielles étaient inspirées de la littérature concernant les stratégies de description utilisées spontanément. Certaines conditions étaient hiérarchiques, au sens où les éléments apparaissaient séquentiellement par groupe de 4 à 6 éléments, et d’autres étaient linéaires, au sens où les éléments apparaissaient les uns après les autres sans regroupement induit.

Les expériences 4 et 5 comparent une condition séquentielle qui utilise le critère du regroupement fonctionnel (en l’occurrence le regroupement des thèmes dans une bibliothèque selon leur discipline d’appartenance) et une condition séquentielle aléatoire, où les éléments sont regroupés aléatoirement.

Enfin, les expériences 3 et 6 comparent deux types de présentations séquentielles selon deux critères d’organisation différent : les éléments du système biologique était regroupés soit par voies de circulations de l’information (présentation processus), soit par fonction similaire (présentation fonction); les éléments de la carte (des villes) étaient regroupés soit par date de fondation (présentation ère), soit par taille (présentation taille).

Les conditions de présentation correspondaient pour chaque expérience, à des groupes de sujets différents.

Procédure

Trois types de tâches étaient demandées aux sujets:

- Une tâche de reproduction pendant la phase d’acquisition : les sujets devaient reproduire le matériel jusqu’à que leur reproduction soit complète, ou un nombre limité de fois (expériences 4, 5 et 6); les indicateurs de performances ainsi que l’ordre de rappel étaient analysés.

- Une tâche nécessitant le traitement de la représentation en mémoire et attestant de la qualité de l’apprentissage, comme la reconnaissance de parties de la figure (expériences 1 et 2), la résolution de paraphrases (contenu explicite) et d’inférences (expérience 3), et le jugement d’appartenance de deux éléments à l’une des catégories mise en avant par la présentation séquentielle (expérience 6).

- Une tâche de description (expériences 1, 2, 3 et 6), où l’ordre de rappel était analysé.

Le tableau 1 récapitule pour chaque expérience le matériel utilisé, les conditions de présentation, les variables dépendantes et les résultats obtenus concernant la phase de mémorisation ou la structure de la représentation.

Synthèse et discussion des résultats

Efficacité de l’apprentissage

Aucune des expériences réalisées n’a pu valider l’hypothèse d’un avantage d’une présentation séquentielle par rapport à une présentation statique en terme de rapidité d’apprentissage. Dans les expériences 2, 4 et 5, la présentation fonctionnelle induit un avantage systématique sur les résultats observés par rapport à une présentation statique, mais la différence n’atteint pas le seuil de signification statistique.

Ainsi la présentation séquentielle ne semble pas faciliter la mémorisation des configurations présentées. Deux types d’explication peuvent rendre compte de ce résultat. D’une part, il est possible que les sujets des groupes statiques aient organisé par eux-mêmes les informations, les temps de présentation étant suffisamment long. D’autre part, la tâche utilisée, une tâche de reproduction de mémoire, a probablement été perturbée dans les conditions séquentielles par l’impossibilité de gérer soi-même le temps d’étude pour chaque élément. Notamment, les sujets ne pouvaient pas décider d’étudier en premier les éléments apparaissant en dernier.

 

Ordre et regroupement des éléments lors du rappel

Cinq parmi les six expériences menées supportent l’hypothèse selon laquelle les sujets utilisent l’ordre, ou du moins le regroupement induit par la présentation séquentielle, pour rappeler les éléments du document, à la condition que ces ordres et regroupements soient perçus comme pertinent par les sujets. Ainsi, dans l’expérience 2, le regroupement spatial est très peu utilisé par les sujets du groupe spatial pour décrire la bibliothèque, et inversement, le regroupement fonctionnel est peu choisi par les sujets du groupe fonction pour décrire la ville. Dans l’expérience 3, les sujets du groupe fonction n’utilise pas l’ordre de présentation pour reproduire le document, mais en revanche utilise le regroupement induit.

Organisation des éléments dans la représentation

Les expériences 1, 2, 3 et 6 renforcent l’hypothèse selon laquelle la représentation que les sujets construisent en mémoire reproduit l’organisation des éléments induit par la présentation séquentielle. L’expérience 6 fournit l’évidence la plus solide pour cette hypothèse, puisque l’effet est observable de la même façon dans les deux conditions séquentielles.

Pour conclure sur ce point, les expériences précédentes renforce l’idée de départ selon laquelle la représentation que l’apprenant se construit en mémoire reflète l’organisation communiquée par la présentation séquentielle. En outre, si la présentation séquentielle n’améliore pas significativement l’apprentissage, une présentation séquentielle pertinente par rapport au contenu présenté ne le perturbe pas non plus. Ainsi, la présentation séquentielle peut être un outil d’aide à l’apprentissage puissant, pour une utilisation ultérieure. mais ses conditions d’utilisation nécessitent d’être précisées plus avant.

2.2.3. Plan de recherche

Le projet de recherche prolongera l’étude des deux séries d’expériences détaillées dans la partie précédente et nous permettra ainsi de renforcer la collaboration entre nos deux laboratoires. L’originalité de cette nouvelle approche tient au fait que nous poursuivons maintenant cet approfondissement en étudiant conjointement les effets de l’intégration et de la présentation séquentielle. Compte tenu des limites imposées par les moyens demandés et par les thématiques appliquées développées par TECFA, les recherches envisagées se focaliseront sur l’apprentissage de procédures. Le fait de s’intéresser aux procédures plutôt qu’à l’acquisition de schémas comme dans l’expérience 1 se justifie aussi par la problématique du développement des systèmes d’aide à l’apprentissage dans laquelle s’investit TECFA actuellement. Il est utile aussi de rappeler la forte demande sociale liée à ces questions (conception des dispositif d’apprentissage des applications standard, nouvelles possibilités offertes par les techniques multimédias et les animations dans les systèmes d’aide).

Diminuant la charge cognitive nécessaire au traitement des différentes sources d’information, l’intégration des informations en interaction laisse plus de capacité cognitive disponible pour l’apprentissage. De ce fait, les sujets apprennent plus vite et bénéficie, au terme de l’apprentissage, d’un schéma plus efficace en situation de transfert de connaissances. D’autre part, la présentation séquentielle influencerait l’organisation de la représentation en mémoire. En conséquence, en phase d’utilisation des connaissances, elle faciliterait l’exécution de tâches cohérentes avec la présentation, mais ne faciliterait pas, voire nuirait à, l’exécution d’autres types de tâches. En d’autres termes, l’intégration des informations jouerait plus sur le processus d’apprentissage, et la présentation séquentielle sur la mise en oeuvre des notions apprises dans des situations ultérieures.

Notre objectif est de contribuer à une meilleure connaissance des conditions dans lesquelles de tels systèmes d’aides à l’apprentissage peuvent être efficaces. A ce titre, la phase de découverte d’un nouveau système logiciel nous semble critique dans la mesure où l’apprenant mobilise ses ressources attentionnelles pour acquérir de nouveaux schémas.

2.2.3.1 Première étape 

Nous proposons dans cette première étape une étude expérimentale dans laquelle nous mesurons la performance des apprenants lors de l’acquisition d’une procédure, à travers différents formats de présentation dans des situations qui combinent présentation animée et contrôle du degré d’intégration du texte aux manuels d’instruction. Sur cette base, une expérience sera menée pour éprouver les hypothèses générales suivantes :

1) l’ajout de texte dans une présentation séquentielle ne produit aucun avantage si les deux sources d’information ne sont pas intégrées. Comme le laissent supposer les travaux présentés ci-dessus et les résultats obtenus par Martin-Michiellot (1997), l’intégration des textes explicatifs aux figures est un facteur d’allégement de la charge cognitive déterminant pour l’apprentissage. L’intégration des textes en présentation séquentielle pose cependant des problèmes qui sont encore peu étudiés.

2) l’absence d’un effet facilitateur d’une démonstration animée pour l’apprentissage d’une procédure proviendrait du fait qu’une animation continue ne facilite pas le découpage en étapes distinctes. Pour valider cette hypothèse, un découpage de l’animation en séquence temporisée sera comparée à la situation classique (manuel conventionnel et ordinateur, manuel intégré).

D’après la théorie de la charge cognitive, un test pour l’effet d’attention partagée peut être conduit en comparant un manuel conventionnel avec ordinateur avec un manuel intégré sans ordinateur. De plus, puisque le manuel intégré est complètement autosuffisant, ses contenus sont intelligibles sans référence au matériel informatique. En fait, lorsqu’on apprend sur un manuel intégré, le matériel informatique est initialement redondant. Un test pour la redondance peut être effectué en comparant un manuel intégré seul avec un manuel intégré avec ordinateur. Cette distinction est importante dans la mesure ou elle nous permettra dans un second temps d’intégrer à cette comparaison une présentation séquentielle sans et avec présentation séquentielle.

En regard avec les différents travaux de Sweller et Chandler, certaines questions restent soulevées. En particulier, si les auteurs ont démontré l’avantage d’un manuel d’instructions intégré seul (c’est-à-dire dans lequel les informations relatives à l’application sont incluses et mises en relation avec les instructions) sur un manuel classique utilisé avec l’ordinateur, il n’existe pas d’étude mettant en œuvre un manuel classique auquel on associerait une présentation séquentielle correspondant aux différentes situations suivant les instructions. Un tel format de présentation est intéressant à étudier car si la performance des apprenants sur ce type de matériel se rapprochait de la performance d’un manuel d’instructions intégré alors le travail d’intégration ne serait plus nécessaire et il serait très facile d’associer une telle présentation aux manuels existants.

Nous émettons donc les hypothèses suivantes pour un matériel à faible degré d’interactivité entre les éléments (c.a.d. pour des items ne nécessitant pas une mise en relation simultanée des informations lues) :

• La performance d’apprenants formés avec un manuel conventionnel associé à une présentation séquentielle devrait être égale à la performance d’apprenants formés avec un manuel intégré. En effet, selon la théorie de la charge cognitive, il n’y a pas d’effet du format de présentation sur la performance des apprenants pour un matériel à faible interactivité entre les éléments. Cette situation permet de tester la sensibilité du dispositif et la cohérence des résultats pour les items à forte interactivité.

Si une telle relation entre performances n’était pas observée, il serait nécessaire de reconsidérer certains résultats obtenus dans le cadre de la théorie de la charge cognitive .

Pour un matériel à grand degré d’interactivité entre les éléments, nous émettons les hypothèses suivantes 

• La performance d’apprenants formés avec un manuel conventionnel associé à une présentation séquentielle devrait être supérieure à la performance d’apprenants formés avec un manuel conventionnel et un ordinateur en accès libre. En effet, selon la théorie de la charge cognitive, il existe le même effet d’attention partagée dans les deux situations mais lorsque l’animation suit les consignes du manuel d’instructions l’intégration des informations entre le manuel et les effets obtenus à l’écran est plus poussée que dans le cas où le sujet manie librement l’application. Il n’existe pas non plus d’effet de redondance car l’animation remplace les manipulations à l’interface.

Si une telle relation entre performances n’était pas observée, il serait nécessaire de reconsidérer certains résultats obtenus dans le cadre de la théorie de la charge cognitive.

• La performance d’apprenants formés avec un manuel conventionnel associé à une présentation séquentielle devrait être égale à la performance d’apprenants formés avec un manuel intégré seul. En effet, selon la théorie de la charge cognitive, les apprenants devraient dans les deux situations diviser leur attention (au moins partiellement) pour mettre en relation les éléments perçus à l’écrans avec ceux correspondants dans les instructions juxtaposées.

Si les performances sont effectivement égales, alors il apparaîtrait que la phase d’intégration du matériel n’est pas nécessaire mais qu’une juxtaposition du contenu du manuel et de l’animation correspondant aux différentes situations suffit.

En revanche, si la performance est bien inférieure à la performance d’apprenants formés à l’aide du manuel intégré, seule une explication en terme d’effet négatif de la présentation séquentielle expliquerait ce gradient de performances. De plus, il faudrait conclure qu’il existe un continuum dans l’allocation des ressources cognitives de l’apprenant.

Dans le cas où la performance des apprenants avec un manuel conventionnel associé à une animation serait supérieure à celle obtenue avec un manuel intégré seul, il serait nécessaire de reconsidérer certains résultats obtenus dans le cadre de la théorie de la charge cognitive.

Nous pouvons donc résumer nos hypothèses dans un tableau :

 

 

Redondance

Attention partagÈe

Interactivité faible

N = J = I

N = J = I

Interactivité forte

N < J et N < I

N < J et J = I

Tableau 1 : Relations de performances attendues entre les groupes de sujets. Le groupe avec un manuel conventionnel est noté N, le groupe avec un manuel conventionnel associé à une animation est noté J et le groupe avec un manuel intégré est noté I.

Par la suite, nous appellerons manuel juxtaposé le manuel conventionnel associé à une animation.

Mesure de l’interactivité entre les éléments

Notre expérience répliquera partiellement les expériences de Sweller & al. (1994) et Chandler & al. (1996). Toutefois, contrairement à Chandler & al. (1996), nous avons choisi de ne pas mesurer expérimentalement la charge cognitive des sujets. Il y a plusieurs raisons à cela.

Tout d’abord, la mesure proposée par Chandler & al. (1996) met en jeu une tâche secondaire. Par principe, la performance des sujets à la tâche secondaire devrait refléter la charge cognitive imposée par la tâche primaire. Toutefois, cette tâche secondaire est effectuée sur un ordinateur spécifiquement prévu à cet effet. Il devrait donc y avoir un effet d’attention partagée suscité par la simple présence de cette tâche secondaire. Rien n’indique que la charge cognitive surajoutée par cette tâche est identique pour tous les groupes de sujets. En effet, les sujets du groupe conventionnel ont déjà leur attention partagée par la tâche primaire entre le manuel et l’ordinateur ce qui n’est pas le cas pour les deux autres groupes. En fait, la validité méthodologique d’une telle approche est discutable.

Ensuite, notre étude reprenant des conditions (groupe conventionnel et groupe intégré) et du matériel de Chandler & al. (1996), nous pouvons raisonnablement postuler que les résultats de leur mesure de la charge cognitive du matériel peuvent être réutilisés pour notre expérience. Ainsi, une analyse de nos résultats en regard avec ceux des auteurs nous évite d’avoir à mettre en place une mesure effective de la charge cognitive.

Enfin, dans l’expérience de S. Marin-Michiellot nous avons effectivement testé des sujets en mesurant la charge cognitive imposée par le matériel d’instruction, comme indiqué dans Chandler & al. (1996). A cette occasion, nous avons pu qualitativement observer que la volonté de bien faire des sujets était totalement mise en brèche par le protocole. Au bout de quelques minutes, il abandonnaient tout simplement la tâche secondaire en précisant qu’ils étaient incapables de retenir quoi que ce soit des instructions dans ces conditions de passation. En fait, la tension provoquée par l’expérience était à la limite de l’intolérable pour les cinq malheureux sujets que nous avons testé. Une telle situation était totalement imprévue (et non mentionnée dans Chandler & al., 1996) même si Paul Chandler nous avait personnellement conseillé au préalable d’augmenter l’intervalle entre l’apparition de deux lettres sur l’écran si nécessaire .Nous avons finalement décidé d’éviter de parasiter notre expérience en introduisant cette source de variation difficilement contrôlable.

Nous avons donc estimé et non mesuré l’interactivité entre les éléments à la manière de Sweller & al. (1994), cette expérience étant à la fois très proche de Chandler & al. (1996) et de notre expérience.

Dispositif prévu

Nous envisageons une procédure expérimentale analogue à celle utilisée par Chandler & al. (1996), Nous disposerons ainsi des trois groupes de sujets (N= 45) soumis aux conditions suivantes :

• manuel conventionnel et ordinateur

• manuel intégré seul

• manuel conventionnel associé à une animation

Le choix de ces trois groupes va nous permettre à la fois de :

• vérifier l’existence de l’effet d’attention partagée, de l’effet de redondance

• confronter nos résultats aux résultats établis par Chandler & al. (1996)

• valider ou d’infirmer nos hypothèses

Logiciel et matériel informatique

Nous avons choisi d’employer un logiciel de C.A.O. Notre choix s’est porté sur AutoCAD LT, Version 2 pour Windows. Nous utiliserons ce logiciel avec le système d’exploitation Windows 95.

Nous utiliserons pour l’expérience un ordinateur compatible IBM-PC, équipé d’un écran de 17 pouces de diagonale avec une résolution de 1024 par 768 points, d’un Pentium cadencé à 90 Mhz, d’une mémoire de 16 Méga octets.

Sujets

Tous les sujets auront une connaissance pratique des ordinateurs, sans avoir toutefois jamais manipulé de logiciel de C.A.O.

Manuels

Le matériel d’instruction pour l’expérience consiste en deux jeux de manuels d’instructions (conventionnel, intégré) et une animation. Les instructions seront conçues comme une introduction aux systèmes de C.A.O. Les trois jeux d’instructions seront divisés selon les huit sections suivantes :

• Introduction à la Conception Assistée par Ordinateur

• Principes de base

• Définition de la surface de travail

• Création d’une ligne à partir de l’origine

• Calcul des coordonnées, mesure d’une distance et d’un déplacement à partir de l’origine

• Définition de l’accrochage

• Calcul des coordonnées, mesure d’une distance et d’un déplacement

• Dessin d’une ligne quelconque entre deux points existants

Les trois premières sections mettent en œuvre des tâches à faible interactivité entre les éléments. Alors qu’il y a beaucoup d’éléments à assimiler, comme faire afficher la grille et déplacer le curseur par différentes méthodes, la plupart des éléments peuvent être appris de manière indépendante.

Exemples d’estimation du nombre d’éléments en interaction pour le matériel avec une faible interactivité entre les éléments (les éléments interagissent à l’intérieur d’une même section mais pas entre les sections) :

Problème x :

• Régler les options pour se déplacer pas à pas : sélectionner la commande appropriée dans le menu qui convient puis, dans la boîte de dialogue qui s’affiche et cocher l’élément qui convient.

• Afficher une grille : sélectionner la commande appropriée dans le menu qui convient puis, dans la boîte de dialogue qui s’affiche et cocher l’élément qui convient.

Exemples d’estimation du nombre d’éléments en interaction pour le matériel avec une grande interactivité entre les éléments (les éléments interagissent à l’intérieur d’une même section mais pas entre les sections) :

Problème y :

• Se déplacer entre deux positions au clavier : lire la valeur de l’axe horizontal pour la position courante, lire la valeur de l’axe vertical pour la position courante, trouver la position des coordonnées but sur l’axe horizontal, trouver la position des coordonnées but sur l’axe vertical, trouver le point d’intersection pour les positions but horizontales et verticales, calculer la différence entre les positions but et courante sur l’axe horizontal, presser la touche appropriée de déplacement horizontal le nombre de fois requis, calculer la différence entre les positions but et courante sur l’axe vertical et presser la touche appropriée de déplacement horizontal le nombre de fois requis.

Pour apprendre ce matériel un novice doit assimiler au moins neuf éléments et leurs relations simultanément (afin d’être capable de se déplacer entre deux positions définies). Bien sûr, un expert qui dispose d’un schéma du système de coordonnées approprié, les éléments pertinents sont incorporés dans ce schéma et par conséquent, seul un seul élément est alors à considérer.

Test écrit

Le matériel de test consistera en un équipement pour des tests écrits et pratiques. Le matériel de test écrit prend la forme d’un livret divisé en sept problèmes couvrant tout le matériel d’instruction. Un exemple de problème qui seront posés sera du type suivant :

Chaque partie demande aux apprenants de fournir les étapes impliquées dans le mouvement unidimensionnel du curseur sur une distance précise. Par exemple, l’une d’entre elles demande aux apprenants de déplacer le curseur de 11,2 m vers le haut. Pour déplacer le curseur sur cette distance, il suffit de presser le nombre de fois approprié sur une des touches du clavier. Par conséquent, ce problème teste un matériel avec une interactivité faible entre les éléments. Un point est donné pour chaque partie correcte donnant ainsi un score total possible de sept pour ce problème.

Test pratique

Le test pratique est conduit avec le logiciel de C.A.O. installé sur l’ordinateur. La première tâche pratique consistera, par exemple à demander aux apprenants de déplacer le curseur unidimensionnellement sur une distance précise. Cet exercice pratique est une tâche à faible interactivité impliquant les mêmes étapes que le premier problème du test écrit présenté ci-dessus. Un point est donné pour chaque sous-tâche complétée, donnant un score total possible de quatre. Une autre tâche pratique demandera aux apprenants de dessiner une ligne à partir de l’origine jusqu'à un point donné. Cette tâche implique est une tâche avec une grande interactivité entre les éléments.

Procédure

L’expérience sera conduite en deux phases. Tous les apprenants seront testés individuellement à travers les deux phases. La première phase était la phase d’instructions. Les apprenants ont été distribués au hasard, soit dans le groupe du manuel conventionnel avec ordinateur, soit dans le groupe du manuel intégré sans ordinateur, soit enfin dans le groupe du manuel avec animation.

Les apprenants du groupe du manuel intégré sans ordinateur se veront remettre les instructions et seront informés qu’ils auraient à effectuer des tests écrits et pratiques après l’étude des instructions. Les apprenants de ce groupe n’auront pas de contact avec le matériel informatique durant la phase d’instructions et l’expérimentateur leur demanda simplement d’étudier le manuel de C.A.O. Le temps de complétion de la tâche sera noté.

La phase de test, identique pour les trois groupes, sera conduite à la suite de la phase d’instruction. Le matériel d’instruction sera retiré aux apprenants avant le commencement de la phase de test. L’expérimentateur demandera d’abord aux apprenants de réaliser le test écrit. Aucune limite de temps ne sera imposée sur le test écrit, bien qu’aucune question ne puisse être tentée à nouveau après l’avoir été une fois. Le test pratique sera administré à la suite du test écrit. Une fois de plus, aucune limite de temps ne sera introduite pour ce test.

 

 

2.2.3.1 Deuxième étape 

Nous avons volontairement détaillé la première étape pour donner une idée précise des expériences qui seront réalisées. Dans cette section, nous ne ferons que mentionner le second plan d’expérience prévu. Le matériel sera préparé dans le même esprit et avec le même soin en intégrant les nouvelles variables qui seront étudiées à ce stade de la recherche.

La première étape nous permettra de tester l’hypothèse des effets potentiels de l’animation en référence aux situations connues : manuel avec ordinateur et manuel intégré qui sont celles habituellement utilisés pour de tels apprentissage. Cette seconde étape constituera l’apport original du programme de recherche en testant différentes variantes de présentation séquentielle à partir d’un dispositif bien contrôlé. Il est en effet fort probable que la variable « contrôle » du sujet du déroulement de l’animation soit un facteur déterminant (voir supra). Ce facteur a une forte validité écologique dans la mesure où les systèmes d’aide en ligne ont pour vocation de répondre aux sollicitations de l’utilisateur en contexte et en référence à la tâche dans laquelle il est impliquée. A la différence des démonstrations, ils ont vocation à être sous le contrôle de l’utilisateur. Les résultats d’une telle expérience seront donc directement utilisables dans la conception des systèmes d’aide à l’apprentissage.

Nous envisageons une procédure expérimentale analogue à celle décrite précédement. Nous disposerons cette fois de quatre groupes de sujets (N= 60) soumis aux conditions suivantes :

• Manuel d’instruction et animation temporisée

• Instruction en escamot et animation temporisée

• Instruction en escamot et animation interactive

• Manuel d’instruction et animation interactive

Le choix de ces quatre groupes va nous permettre à la fois de :

• vérifier l’existence de l’effet lié au contrôle par le sujet du défilement de l’animation

• confronter cet effet au facteur « intégration des instructions à l’animation »

• discuter ces résultats en les comparant à ceux de la première expérience

Le matériel d’instruction sera conçu dans le même esprit que pour l’expérience précédente. Nous nous réservons de changer d’application pour évaluer la généralisabilité de notre approche à des contenus différents et d’adapter la difficultés des problèmes au vu des résultats obtenus.

Les sujets étudient la procédure à apprendre suivant le mode prévu dans chaque groupe expérimental. Les problèmes seront conçus de manière à contrôler leur degré d’interactivité (faible ou fort) et les tests écrits et pratiques comprendront une série d’items permettant d’évaluer les effets de transferts des apprentissages à des tâches isomorphes sur des contenus différents.

2.2.4. Programme d’exécution du projet

 

Le programme de recherche est prévu sur deux ans. Pour chacune des deux expériences envisagées, il sera consacré un certain temps pour la valorisation des résultats. Cette valorisation se fera sous la forme de publications scientifiques, d’implémentation des principaux résultats à des protoypes d’aide en ligne et à l’organisation d’un séminaire entre les chercheurs de l’Université de Grenoble et de l’Université de Genève.

 

Avril 1998 - mars 1999 : premiére expérience

 

avril - juin 1998 : Réalisation du premier disposif expérimental :

manuels d’instruction, animation (Wysi-Help), tests.

juillet - septembre 1998: Tests de sensibilité du dispositif ;

ajustement des items du test écrit et pratique.

octobre - décembre 1998 : Passation de l’expérience (45 sujets) ;

dépouillement et analyse des résultats (SPSS).

janvier - mars 1999 : Rédaction d’un article expérimental intermédiaire ;

Valorisation des résultats dans un dispositif de

démonstration de type « Aide en ligne ».

 

Avril 1999 - mars 2000 : seconde expérience

 

avril - juin 1999 : - Réalisation du second disposif expérimental :

manuels d’instruction, animations interactives, tests.

juillet - septembre 1999: - Tests de sensibilité du dispositif ;

- Approfondissement de l’approche théorique ;

octobre - décembre 1999 : - Passation de l’expérience (60 sujets) ;

dépouillement et analyse des résultats (SPSS).

janvier - mars 2000 : - Rédaction d’un article expérimental de synthèse ;

- Organisation d’un séminaire INRIA / TECFA ;

- Valorisation des résultats dans un dispositif de

démonstration de type « système d’aide à

l’apprentissage ».

2.2.5. Bibliographie 

 

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