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chapitre 6
Le décideur, son organisation
et son environnement
6-5 Vers un nouveau paradigme de simulation et de modélisation
La simulation au sens large veut utiliser un objet "artificiel" à la place d'un autre en vue d'un gain de connaissances. La notion de simulation implique une certaine analogie du comportement du modélisé avec le modèle. Pour nous, il s'agit notamment de modéliser un comportement dans le temps avec certaines conditions de départ.
Nous argumentons ici que le choix d'une méthode de simulation doit se faire en fonction de l'objet de recherche et non pas en fonction des outils que l'on maîrise. L'avenir appartient sans doute aux simulations multi-modales qui permettent de choisir les techniques appropriées pour chaque type de composante d'un système.
Le choix d'un type de modèles de simulation devrait dépendre du type de connaissances qu'on veut acquérir. Traditionnellement on utilise la simulation pour répondre à des questions du type "What if ... ?" (Que ....si ?). Rothenberg (89:2) utilise la notion de "toy duck view of simulation"*1 pour caractériser cette approche. En effet, le but de la simulation est de voir où est amené un système étant donné certaines conditions initiales. La structure du système n'a de l'importance que dans la mesure où elle permet de calculer avec une certaine précision certaines variables qui permettent de décrire le système. La simulation de ce type est donc un modèle très minimaliste. Elle a son utilité mais possède ses limites, par exemple elle ne peut pas fournir une explication des résultats en termes de la "mécanique" des objets et des interactions qui constituent le système. On pourrait presque faire l'analogie entre une vision du monde "Durkheimienne" (règles au niveau du système) et "Weberienne" (règles interprétables par les acteurs).
Contrairement à cette approche traditionnelle (que l'on retrouve surtout dans les modèles mathématiques continus), la simulation à bases de connaissances cherche à augmenter à la fois la compréhension et la puissance analytique des modèles en modélisant plus en profondeur les connaissances que l'on possède sur le monde à simuler. Il s'agit donc de modéliser les objets de simulation d'une façon qui est relativement proche des objets, relations et interactions du monde simulé. La simulation à bases de connaissances affirme donc également qu'il faut utiliser un maximum d'informations que l'on possède sur l'objet. En conséquence, la modélisation devient un processus très intensif d'analyse, de structuration et de formalisation de connaissances. Dans un tel modèle, il s'agit aussi de donner à l'utilisateur plus de possibilités d'interaction avec le système. Comme l'indique Rothenberg (89:4):
"One of the central tenets of knowledge-based simulation is that the knowledge required in building a simulation should be represented explicitly when possible, in such a way that the resulting model will be amendable to automated inferencing and querying by the user, in addition to simulation per se".
Au plan très pratique, voici une liste de type de questions (cf. Rothenberg 89:31-32) avec exemples que les utilisateurs et modéliseurs aimeraient poser à leurs modèles:
- "Why" questions: Why did an event X happen?
- "Why not questions": Why didn't X not occur?
- "When questions": Under what conditions will event X happen?
- "How questions": How can result R be achieved?
- "Ever/Never questions": Can X ever loose Y?
- "Optimization or goal directed questions": What conditions will produce the highest value of Z?"
- "Simulation state questions": At what point in time did condition X hold?
- "Simulation objects questions": What is this thing X likes most?
- "Simulation history questions:" How many times has X happened?
- "Explicit causality questions": What events could cause event X ? What events are caused by event Y ?
- "Questions about the model": Under what constraints can plan X fail to achieve its purpose?
Cette liste de questions qui n'est ni exhaustive ni systématique montre bien les progrès à faire. Avec l'avènement des modèles orientés objets et certains travaux dans le domaine de la planification en intelligence artificielle, on a déjà fait certains progrès au niveau de la méthodologie de simulation. Toutefois, il reste beaucoup à faire, notamment à développer des outils qui permettent de maîtriser la complexité croissante de ces modèles. Il faudra également porter une attention au développement de normes de modélisation et d'échange.
Pour leur projet KBSim, Rothenberg et al. (1989) définissent 4 buts de recherche qu'ils désirent poursuivre dans les années à venir. Naturellement d'autres devraient également s'y intéresser de très près:
- Amélioration de la compréhension et la confiance à apporter au modèle. Il s'agit donc de rendre les modèles plus réalistes, à ne pas confondre avec les notions de validité et de fiabilité qui sont importantes pour tout type de recherche scientifique.
- Extension de la puissance de modélisation. Il s'agit ici de faire des modèles avec lesquels on peut répondre aux types de questions citées ci-dessus.
- Amélioration de l'"exploration intelligente" et des capacités d'explication du modèle. Un modèle de simulation à bases de connaissances est très complexe. Il devient donc impératif de donner des outils très puissants qui permettent son observation et des manipulations à tous les niveaux.
- Amélioration des outils de développement et des langages de simulation qui permettront d'automatiser (et de cacher) les opérations qui ne sont pas intéressantes au plan conceptuel.
Etant donné que ces postulats sont de nature assez générale, il faut se demander comment les rendre opérationnels à l'aide de buts plus techniques. Rothenberg (89:30) définit six tâches de recherche qui contribuent chacune à certains de ces postulats:
- Le raisonnement dans la simulation
- Les relations multiples entre objets
- Les interfaces hautement interactives
- L'analyse de sensitivité
- La variation des niveaux d'agrégation du modèle
- La modélisation de concepts flous ("soft")
Ces six tâches sont déjà assez ambitieuses, toutefois avec les moyens que l'on a à disposition, on peut déjà en réaliser une partie. Actuellement, il existe un certain nombre de techniques déjà disponibles:
- Il est relativement facile de coupler une simulation numérique avec des programmes de type "systèmes expert". Ceci permet la modélisation de décideurs, par exemple, si on arrive à "capturer" leur raisonnement en forme de règles.
- On dispose également de très bons outils d'interface sur certaines stations de travail, y compris des systèmes d'assistance pour la simulation numérique.
- Les systèmes de simulation objets permettent une modélisation très souple des attributs (variables) d'objets dans un monde à modéliser, ainsi que l'interaction entre objets.
THESE présentée par Daniel Schneider - 19 OCT 94
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