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Modelisation du decideur

Résumé des sections principales

chapitre 1
Introduction
1-1 Projet et guide de lecture (p.

La modélisation de la conduite du décideur gagne en puissance si on traite celui-ci en tant qu'acteur qui perçoit et traite de l'information à travers son savoir et son savoir-faire. La démarche scientifique s'enrichit grâce à la modélisation. Notre projet est de voir comment, à partir de ces deux prémisses, on doit développer l'analyse du décideu.

1-2 Vers une synthèse de "compréhension" et d' "explication" (p.

L'explication passe par la modélisation de la compréhension, du sens (all. "Sinn", angl. "meaning") subjectivement attribué à une action par l'acteur et les autres. En modélisation ce sens par des constructions symboliques, on l'explicite et on l'explique.

chapitre 2
Modèles de l'individu et
de l'acteur social

Ce chapitre a pour objectif de clarifier notre image de l'acteur et de la cognition. Cette image inspirera notre modèle général du décideur. Nous allons tout d'abord discuter le concept de la cognition qui a été développé dans une longue tradition psychologique. Ensuite, nous changerons de perspective pour définir notre image de l'acteur social. Finalement, nous ferons la synthèse de ces deux perspectives individuelles et sociales.

L'acteur humain est volontariste, mais guidé par des normes sociales et bureaucratiques. Il est rationnel, mais de façon limitée. Il est réflexif si la situation l'exige, mais ses capacités cognitives sont limitées en fonction de ses capacités de traitement de l'information, de ses connaissances et de ses états affectifs. Un acteur est un système de connaissances. Il interprète des situations et il réfléchit avant d'agir. Pour opérationaliser cette image dans des modélisations, nous proposons d'avoir recours aux langages de l'intelligence artificielle qui permettent de modéliser des structures de connaissances et leur manipulation.

2-1 Le paradigme émergent des sciences cognitives (p.

Les sciences cognitives sont un ensemble de disciplines concernées par la recherche sur la pensée humaine et le cerveau humain. Etant donné que le décideur politique pense, ces nouvelles disciplines peuvent nous fournir un nombre important de théories, de connaissances plus spécifiques, et de techniques de modélisation.

L'idée centrale que nous retenons est que la pensée peut être modélisée comme "computation" qui opère avec et sur des structures symboliques. L'équation "cognition égale computation" est une construction analytique qui permet de décrire ce que l'on atrribue à un acteur quasi-rationnel.

2-2 La modélisation de l'action sociale (p.

Distinguer entre les images de l'Homme qui se dégagent des approches psychologiques et celles que l'on retrouve dans des modèles de l'acteur social est assez artificiel. Schématiquement, les premières sont centrées sur l'individu et son fonctionnement par rapport à des "variables" psychologiques internes, alors que les modèles de l'action sociale s'intéressent à l'homme en tant qu'acteur qui prend des décisions en fonction de son environnement et de quelques principes (économiques, sociaux ou interactifs) de "pilotage".

L'acteur politique est un amalgame de plusieurs "rationalités" car la politique est au carrefour de plusieurs ordres sociaux.

2-3 Vers un modèle unifié de l'Homme (p.

L'acteur qui est à la fois "cognitif" et "social", "intentionnel" et "quasi-rationnel", existe peu dans la littérature. Cela est en train de changer.Du côté des sciences cognitives, la dimension sociale gagne en importance et du côté des sciences politiques, sociologiques et économiques on commence à se rendre compte que l'acteur perçoit et traite de l'information avant d'agir. La difficulté est de trouver un "langage" interdisciplinaire qui satisfasse les exigences des disciplines concernées.

Nous remplaçons les raisons idéal-typiques Weberiennes de l'action sociale par les suivantes:l'action "téléologique" poursuit des buts de façon rationnelle;l'action "sociologique" suit les normes aveuglément, sans réflexion;l'action "normative" suit des normes en les interprétant et en tenant compte des motivations de l'acteur;l'action "bureaucratique" suit des recettes;l'action "dramaturgique" suit les besoins de la "maintenace" de l'acteur;l'action "interactive" possède la capacité de réfléchir sur les principes qui guident l'action, de les communiquer et de les négocier.Notre idéal-type de l'acteur politique est au croisement de ces idéal-types. Un langage computationnel permet, en principe, d'intégrer toutes sortes de logiques de l'action et de les intégrer dans un système s'adaptant à la nécessité et à la logique du type de la situation d'action.

chapitre 3
Modèles du décideur politique

Le décideur politique est un cas spécial de l'acteur social. Par conséquent, les théories du décideur politique s'insèrent dans les grandes lignes théoriques décrites au chapitre précédent. Etant donné que le domaine politique possède ses caractéristiques particulières, il est utile de discuter quelques modèles spécifiques à la science politique. Nous discuterons les théories rationnelles de la décision, les théories sur la décision quasi-rationnelle, et les méthodes du "cognitive mapping" et des "codes opérationnels". La majorité des modèles et théories émane des relations internationales et de la science administrative qui s'intéressent en effet beaucoup à la prise de décision de décideurs individuels ou collectifs. Toutefois, ces modèles ne s'intéressent qu'à des aspects particuliers du décideur politique. Nous complétons donc le panorama par des recherches cliniques en psychologie et nous finissons par un résumé sur les propriétés structurelles de la décision.

L'image de l'acteur social dégagée dans les chapitres précédents en tant que "naive problem solver" est confirmée par de nombreux auteurs en science politique. Les analyses empiriques en science politique de la perception des problèmes, des choix multi-critères, des processus bureaucratiques ainsi que toutes les études cliniques montrent que les théories de choix rationnel ont leurs utilités, mais elles n'ont pas beaucoup de pertinence empirique. La décision est un processus souvent long et de nature presque continue. Elle se fait dans un réseau logique d'anticipation, de rétroaction et de correction. Les capacités cognitives du décideur et l'ouverture de la décision elle-même imposent une limite à la rationalité et favorisent des stratégies heuristiques et approximatives pendant la démarche du décideur.

3-1 La notion de la décision (p.

Ce qu'on l'entend par "décision" en sciences politiques (et dans les autres disciplines) concerne des phénomènes très distincts. Pour la plupart des écoles rationalistes-analytiques, la décision est définie comme un choix entre plusieurs alternatives. Pour d'autres, la décision concerne aussi le processus de sélection de buts et d'alternatives. Les approches cognitives finalement traitent la décision comme le résultat d'un processus global de résolution de problèmes.

La modélisation qui désire savoir comment un décideur (individuel et collectif) prend une décision doit s'intéresser à la façon dont le décideur modélise le monde et au savoir-faire subjectif et intersubjectif qui permet de traiter cette information

3-2 Les modèles rationnels de décision (p.

Le but de cette section est de discuter quelques approches en science politique pour modéliser le décideur rationnel ou quasi-rationnel. Nous examinons deux traditions issues de la "théorie de la décision": la théorie des jeux et la modélisation du choix quasi-rationnel. Nous abordons ensuite un modèle du décideur "administratif" qui suit des règles bureaucratiques incrémentales.

Les théories rationnelles du choix ont un intérêt philosophique et normatif, tout à fait approprié aux "first principle sciences". Par contre, les travaux portant sur les méthodes quasi-rationnelles du choix ou encore sur l'application de règles bureaucratiques sont appropriés pour décrire et modéliser le déroulement de choix politiques empiriques.

3-3 'Cognitive maps' et 'operational code' (p.

La discussion des travaux de Saris et Gallhofer sur l'acteur quasi-rationnel a montré l'importance de la perception du monde dans le processus de décision. En effet, les choix sont formulés et même faits selon la façon de percevoir un problème. Dans cette section, nous allons nous pencher sur les deux approches "cognitivistes" les plus populaires en science politique qui permettent une analyse des représentations internes du monde du décideur.

Les nombreuses études effectuées à l'aide du "cognitive mapping" et de l' "operational coding" ont montré l'importance de l'étude de la représentation symbolique des problèmes de décision et la modélisation des croyances philosophiques et instrumentales du décideur.

3-4 La modélisation des expériences du décideur (p.

Dans cette section très courte nous introduisons une proposition de Alker pour modéliser l'effet des expériences du passé. Cette approche qui vise à faire le pont entre l'histoire et les modèles statiques du décideur mériterait une plus grande attention de la part des chercheurs.

Les décideurs ont une mémoire des événements. Elle peut et doit être modélisée car le passé joue un rôle important.

3-5 Le modèle "Lohhausen" (p.

Les modèles, théories et méthodes d'analyses du décideur et de la décision qui ont été examinés jusqu'ici sont plutôt optimistes en ce qui concerne les capacités du décideur. Les expériences cliniques sont moins optimistes. Les travaux de Dörner en psychologie cognitive que nous allons discuter à plusieurs reprises dans ce travail mériteraient une reconnaissance beaucoup plus large en science politique, malgré la nature clinique de ses expériences.

Le décideur humain (et politique) opère dans des coupes de réalité (all. Realitätsausschnitten) complexes, partiellement inconnues, formant un réseau et possédant une auto-dynamique. De plus, il est guidé par plusieurs buts en même temps et l'objectif principal d'un processus de résolution de problème n'est souvent que partiellement défini voire complètement ouvert. La situation typique du décideur n'est pas celle d'un joueur faisant un choix isolé dans un jeu avec des règles bien définies, mais celle d'un acteur qui agit comme un élément dans un réseau complexe d'éléments actifs et passifs.

3-6 Les propriétés du décideur et de la décision (p.

Dans les premiers deux chapitres, nous avons présenté notre paradigme quasi-rationnel de l'acteur social et dans les sections précédentes nous avons décortiqué quelques archétypes du décideur politique que l'on retrouve dans la littérature. Le but de cette petite section est de prendre ces caractéristiques et de formuler plus précisément ce que nous entendons par "décision" et par "décideur", en faisant références à quelques travaux récents en science politique et en sciences cognitives.

La décision est un processus souvent long et de nature presque continue. Elle se fait dans un réseau logique d'anticipation, de rétroaction et de correction. Il existe un processus de structuration progressive du champ du possible vers une fermeture des possibilités

chapitre 4
La modélisation des processus cognitifs

Le but de ce chapitre est de présenter un paradigme du décideur selon les principes de la psychologie de l'information et d'introduire les concepts de la modélisation en IA nécessaires à notre entreprise. Nous commencerons par discuter la notion du processus de décision dans une vision cognitiviste. Ensuite nous introduirons les notions d'heuristique et de système à bases de connaissances. Nous conclurons le chapitre en discutant quelques travaux intéressants en "relations internationales et intelligence artificielle".

Il est possible et utile d'utiliser des techniques IA pour construire des modèles du décideur politique. Les modélisations qui existent déjà, montrent qu'il faut choisir un niveau d'abstraction juste (la profondeur et la "granularité" de modélisation) et qu'il convient d'utiliser des techniques IA adaptées aux types de décisions étudiées et aux buts de recherche.

4-1 Modèles du décideur et du processus de la décision (p.

Dans cette brève section, nous tentons d'abord de résumer l'image du décideur qui se dégage de la discussion dans les chapitres précédents pour ensuite discuter des propriétés structurelles de la décision. Nous dégagerons quatre définitions du concept de "décision" ayant une portée très différente. Nous voulons savoir comment une personne arrive à une décision et non pas pourquoi, car on peut toujours justifier rationnellement une décision en inventant un problème de choix a posteriori. Le "pourquoi" est une conséquence du "comment" et non inversement.

Nous distinguons entre (1) la décision-processus, (2) la décision complexe, (3) la décision simple (4) la décision-choix. En ce qui concerne le décideur lui-même, nous esquissons un modèle cognitiviste du décideur qui agit dans un environnement complexe.

4-2 Les heuristiques de résolution de problème (p.

"Notre" décideur est avant un acteur intelligent qui doit résoudre des problèmes. Dans cette section nous introduisons quelques concepts du paradigme "classique" du "problem solver" de la psychologie de l'information

Le concept le plus important est celui de l'heuristique, une méthode pour résoudre un problème pour lequel il n'existe pas de simple solution préprogrammée.

4-3 Intelligence artificielle et résolution de problèmes (p.

Après avoir discuté (1) la notion d'heuristique, (2) certaines opérations cognitives sur des réseaux cognitifs, et (3) l'insertion du décideur et de ses décisions dans l'environnement, il est temps de voir comment modéliser la résolution proprement dite de problèmes. Cette section donne une introduction conceptuelle aux techniques de base de l'intelligence artificielle (IA) concernant la résolution de problèmes.

Ce que nous présentons ici (notamment les systèmes de production) sont des techniques de base de l'intelligence artificielle. Elles sont attrayantes pour modéliser certains aspects du décideur.

4-4 Un modèle d' "information" du décideur (p.

Le modèle général du décideur que nous allons présenter est inspiré à la fois par le modèle "Lohhausen" de Dörner sur la décision dans l'environnement complexe et par les travaux de l'intelligence artificielle dans le domaine de la planification.

L'idée-force de ce modèle a déjà été bien souvent exposée dans ces pages: le décideur est une machine de traitement de l'information qui interagit avec un environnement actif. On postule en plus que le décideur peut être modélisé avantageusement comme processeur symbolique.

4-5 La modélisation IA de la décision en science politique (p.

Nous passons en revue dans cette section quelques modélisations utilisées dans la recherche en science politique qui elles aussi tentent de modéliser certains types de décision.

La complexité de la notion de la décision se reflète dans la variété des types de modélisation.

chapitre 5
La modélisation d'une décision administrative
par le génie cognitif

Dans ce chapitre, nous allons explorer la façon dont on peut modéliser une pratique juridico-politique d'une administration sous l'influence d'une politique cantonale. Par la suite, nous montrons l'utilité d'une modélisation des décideurs à l'aide d'un système expert.

Dans un premier temps, il apparaît que la construction d'un système IA force le chercheur à être systématique et complet. Dans un deuxième temps, un tel programme permet de mieux faire apparaître les aspects "intéressants" de la décision.

5-1 Les systèmes expert et un problème de modélisation (p.

Avant de tenter la modélisation d'un fonctionnaire qui doit appliquer une loi à des cas sous certaines contraintes économiques et politiques, nous allons brièvement présenter la notion de "système expert", la loi en question, ainsi que la modélisation du raisonnement juridique à l'aide de règles.

5-2 Les architectures "Mycin" (p.

La méthode "Mycin" a fait ses preuves dans de nombreux domaines d'application qui nécessitent un raisonnement de type diagnostic ou classification. Nous allons discuter cette méthode avec quelque détail afin de donner aux personnes non-familières avec l'IA une idée complète de ce qu'est un système expert sur le plan technique.

"Mycin" est aujourd'hui un vieux langage, mais il n'a pas perdu son utilité. Mycin est une méthode de spécification d'un arbre de classification. Classifier, c'est-à-dire identifier un cas en fonction de certaines règles restera toujours une activité de décision très importante.

5-3 L'encodage d'un texte de loi - M-Lex (p.

Une grande partie des décisions politiques sont fondées sur un texte codifié comme une loi, un règlement, etc. Pour le politologue, il peut s'avérer intéressant de pouvoir modéliser cet "arrière-plan" juridique couvrant une partie d'un "espace de décision".

On peut traduire un tel code en un système informatique.

5-4 La dimension politique dans l'application d'une loi (p.

A l'aide de l'exemple de la législation suisse sur l'acquisition d'immeubles par les étrangers (LAIE), nous allons arriver au coeur du débat de ce chapitre: la modélisation du facteur politique et économique dans la décision d'un fonctionnaire intégré à une administration cantonale.

Le modèle P-Lex représente quelques "snapshots" intéressants de la mise en oeuvre d'une loi. La modélisation d'une décision comprend d'abord la modélisation des règles juridiques, la jurisprudence infra-légale est modélisée comme fonction de l'environnement économique et politique.

chapitre 6
Le décideur, son organisation
et son environnement

Ce chapitre présente un projet: la modélisation du décideur et de son environnement (y compris les systèmes d'acteurs). En même temps, il milite pour un renouvellement de la modélisation des systèmes en sciences politiques. Il existe aujourd'hui un certain nombre de techniques de simulation multi-modales qui permettent la simulation de systèmes complexes à des degrés très variés d'abstraction et de détail .

La simulation de l'avenir sera "multi-modale" ou "multi-facettes". Elle permettra de modéliser le décideur dans son ensemble avec son environnement et les contraintes (connaissances, ressources) auxquelles il doit faire face.

6-1 Introduction (p.

Le décideur politique individuel fait partie d'un environnement que l'on peut différencier selon une perspective "système d'acteurs" et règles sociales, politiques, économiques, etc.

6-2 La modélisation de l'environnement (p.

L'action d'un décideur prend place dans un environnement complexe (cf. notre discussion dans la section 3-5 "Le modèle "Lohhausen"" [p. 91]). Un environnement dynamique "inanimé" peut être décrit par des langages de simulation numérique. Toutes ces techniques de simulation sont bien adaptées pour des problèmes qui peuvent être modélisés analytiquement et numériquement.

Les techniques basées sur la modélisation des connaissances sont en revanche adapteés pour les domaines où le raisonnement heuristique et analogique est prédominant. Nous suggérons ici comment intégrer ces deux type de techniques.

6-3 La modélisation d'objets et d'acteurs (p.

Dans cette section, nous allons nous poser la question de savoir comment modéliser les objets et les acteurs actifs dans un système. Nous passerons en revue deux approches, celle de la simulation orientée objets et celle de la modélisation d'acteurs en intelligence artificielle.

La simulation orientée objets est adaptée à la modélisation des systèmes d'acteurs (comme des organisations) à condition de pouvoir interfacer ses objets avec un système à bases de connaissances.

6-4 La mémoire du décideur et l'apprentissage (p.

Les expériences du passé ont une influence importante sur le décideur. Tout modèle statique diminue sa portée. Ainsi, il faut tenter de modéliser les phénomènes de raisonnement avec le passé, d'adaptation et d'apprentissage. Il s'agit ici d'un problème de recherche difficile, mais nécessaire à moyen terme.

Nous suggérons d'utiliser les méthodes développées dans le cadre des recherches sur l'analyse des événements historiques en relations internationales.

6-5 Vers un paradigme multi-modal de simulation et de modélisation (p.

La simulation au sens large veut utiliser un objet "artificiel" à la place d'un autre en vue d'un gain de connaissances. La notion de simulation implique une certaine analogie du comportement du modélisé avec le modèle. Pour nous, il s'agit notamment de modéliser un comportement dans le temps avec certaines conditions de départ.

Nous argumentons ici que le choix d'une méthode de simulation doit se faire en fonction de l'objet de recherche et non pas en fonction des outils que l'on maîtrise. L'avenir appartient sans doute aux simulations multi-modales qui permettent de choisir les techniques appropriées pour chaque type de composante d'un système.

chapitre 7 Epistémologie et
méthodes de la modélisation IA

Après avoir discuté la modélisation isolée du décideur et des approches de simulations multi-modales, nous faisons ici le point épistémologique et méthodologique de la "modélisation IA" au plan généra et de celle des sciences politiques et du décideur en particulier. Nous discutons d'abord les fondements épistémologiques de l'intelligence artificielle. Nous examinons notamment la question de savoir à quel point l'IA peut vraiment modéliser l'intelligence humaine. Ensuite, nous discuterons quelques aspects importants du génie cognitif, c'est-à-dire de la méthodologie pour construire un système à bases de connaissances. Nous concluons par une analyse de la notion de modèle en sciences sociales.

Un bon modèle de la démarche d'un décideur est un modèle exécutable par ordinateur. "Exécutable" ne signifie pas "imitation parfaite des processus cognitifs" du décideur. Un modèle du décideur sera nécessairement une construction analytique, mais une construction qui modélise les connaissances subjectives et intersubjectives potentiellement mises en jeu par l'individu.

7-1 Les bases épistémologiques de l'intelligence artificielle (p.

L'intelligence artificielle est devenue un des terrains de bataille favoris de la philosophie de l'esprit. Comme peu de disciplines des sciences humaines, elle est explicite et revendicatrice. Elle s'attire en conséquence les critiques venant de nombreux autres domaines, mais elle se met également elle-même en question par le simple fait que ses programmes doivent tourner de mieux en mieux. Nous montrons ici que la plupart des critiques sont justifiées, mais que les solutions proposées aux problèmes font défaut. Ces critiques ont un impact sur l'ancrage épistémologique des modélisations IA en science politique.

Nous proposons une interprétation originale du statut des modèles. Le modèle devient le lieu, où observations empiriques et questions théoriques se discutent et se construisent en collaboration entre les chercheurs impliqués dans le projet, d'autres chercheurs et, si possible, les sujets étudiés. Le sens des représentations d'un modèle symbolique doit être socialement ancré.

7-2 La modélisation IA et le génie cognitif (p.

Dans cette section, nous allons discuter la méthodologie et quelques techniques du génie cognitif (aussi appelé ingénierie de la connaissance, angl. "knowledge engineering"). Le génie cognitif fait référence à l'ensemble des méthodes utilisées pour les systèmes à bases de connaissances (angl. "knowledge based systems").

Il serait idéal, si en science politique, on pouvait mettre sur pied un groupe de travail chargé de développer des langages communs pour tout type de modélisation et si nécessaire des passerelles entre ces langages. Les systèmes de représentation constituent la pierre angulaire des systèmes à bases de connaissances et l'expressivité d'un dispositif de modélisation en dépend fortement. Des langages standardisés nous permettraient de créer des bases de données communes (comme c'est déjà le cas en relations internationales) et d'échanger des "briques" de modélisation entre chercheurs.

7-3 Pour une nouvelle modélisation systémique (p.

Dans cette section, nous discuterons la notion de "modélisation" d'abord au plan général et ensuite par rapport aux modélisations IA en sciences sociales et plus particulièrement celles du décideur.

Les différents paradigmes de modélisation mettent en évidence plusieurs aspects des processus modélisés. Notre position en faveur des modèles multi-paradigme ne découle pas d'une vision "oecuméniste". Tout le monde n'a pas toujours raison. Néanmoins, lorsqu'une approche permet de modéliser de façon plus adéquate un phénomène, il ne faut pas hésiter à l'utiliser dans une modélisation hybride.

chapitre 8 Applications pratiques

Toute recherche sur les méthodes doit aussi s'interroger sur l'utilité de ces méthodes pour la pratique politique. La tâche de la science politique n'est pas uniquement d'étudier des phénomènes politiques, mais également de proposer des améliorations. Nous nous interrogeons sur la possibilité de mieux former nos décideurs et nous discutons brièvement les outils d'aide à la décision.

Nous estimons que notre démarche est également utile sur le plan pratique.

8-1 Le problème: le déficit de décision (p.

Nos sociétés modernes semblent connaître un déficit de décision et certains décideurs politiques un certain déficit cognitif. Si c'est le cas il existe trois méthodes pour y rémédier: (1) améliorer les conditions de décision, (2) améliorer le décideur et (3) améliorer les outils de décision.

8-2 La formation des décideurs (p.

L'avenir de nos sociétés se jouera sans doute en bonne partie sur les efforts consentis à la formation. Le déficit de décision semble être en augmentation aujourd'hui. Ainsi faudra-t-il (entre autre) tenter d'améliorer la formation de nos futurs décideurs.

Nous présentons ici une voie possible qui repose sur les techniques de simulation et de l'IA. Il s'agit d'environnements d'apprentissage de la décision complexe, composés d'un "micro-monde", d'une interface structurée, et d'agents pédagogiques.

8-3 Systèmes d'aide à la décision (p.

Les systèmes d'aide à la décision font référence à un ensemble varié d'outils informatiques supportant directement ou indirectement la décision voire le travail général du gestionnaire. Nous nous y intéressons pour trois raisons (1) Ces systèmes vont modifier la décision. (2) Afin de produire des systèmes réellement utilisées, il est important d'avoir des modèles riches et justes du décideur et du fonctionnement de la décision. (3) On peut considérer qu'un modèle est un système d'aide au travail du chercheur.

chapitre 9 Conclusion

La conclusion se fera sur deux plans: celui de la démarche du décideur et celui de la modélisation.

Nous finirons par un plaidoyer en faveur du financement de grands projets, car sans équipe, tout travail de modélisation restera modeste.

9-1 La modélisation du décideur (p.

Une méthodologie de la modélisation du décideur se dégage (a) d'une conceptualisation générale du décideur, (b) d'un cadre méthodologique général pour modéliser le décideur, (c) de nos études de cas méthodologiques et techniques, (d) et de la littérature sur des modélisations similaires. Nous allons ici brièvement revoir la notion du décideur.

Compte tenu de la richesse du phénomène du décideur et de la variété des types de décisions, on ne peut pas préconiser tel ou tel type précis de modélisation . Mais nous postulons que la modélisation du décideur à l'aide d'un système à bases de connaissances portera ses fruits.

9-2 La méthode IA en science politique (p.

Les méthodes IA offrent un complément très intéressant aux techniques de modélisations actuellement utilisées en science politique et plus particulièrement celles pour modéliser un décideur. L'IA offre un ensemble de "langages" qui permettront d'augmenter la profondeur des modèles et d'améliorer la précision des théories "verbales". Nous présentons ici une réinterprétation du rôle du modèle dans le cadre de la communication scientifique.

Les données fondamentales sur lesquelles une décision individuelle est basée et auxquelles elle aboutit sont des informations qui peuvent être avantageusement modélisées par des constructions symboliques. Voici une première facette du "knowledge oriented modelling". L'autre facette concerne la construction et le partage des modèles. Là aussi, il s'agit de constructions symboliques qui peuvent être manipulées et transmises en tant qu'objets à étudier.

9-3 L'avenir de la modélisation en science politique (p.

Nous pensons qu'il est important d'augmenter les ressources pour la modélisation en science politique. Sans avoir de structures de recherches similaires à celles des sciences naturelles, le programme dont nous nous faisons l'avocat ne pourra sans doute jamais vraiment commencer.