Le réseau d'états affectifs généré à ce point nous permettrait déjà une analyse du texte, ou encore la modélisation d'une lecture par un récepteur-type. Un tel graphe est facile à lire, même pour quelqu'un qui n'est pas très familier avec cette methode. Il permet de voir le flux de l'intrigue ainsi que quelques connections intéressantes entre ses éléments. L'étude de chaines de "M" imbriquées (par des relations "m") ou itératives (par des relations "e") permettrait p.ex. l'étude des mécansimes de résolution de problème. Nous n'allons pas nous arrêter à ce niveau d'analyse, mais celle que nous ferons du résumé exigera qu'on y revienne plus tard. Examinons les résultats de l'analyse formelle du graphe c'est à dire les unités de l'intrigue qu'on peut y décourvrir. Dans la fig.19 ("Les unités plot du récit I") j'ai retenu toutes les unités simples et le unités supérieures. J'ai indiqué les unités complexes inférieures (englobées dans d'autres unités) les plus importantes entres parenthèses. Il convient de rappeler qu'une unité complexe n'est pas seulement définie par le fait qu'elle recouvre un certain nombre d'états affectifs, mais aussi par le nombre et le type de connecteurs qui les relients. Ces connecteurs ne sont pas rapportés dans cette figure. Ainsi comme le on voit ci-dessous, "killing two birds" contient les mêmes états affectifs au même endroit que "nested sub-goals", sauf que le premier contient aussi une unité "complex positive". Voici l'exemple de ces deux unités complexes:
.row "killing@two@birds" "nested@sub-goals" .row .row M3 M3 .row M4 M4 .row +8 +8 .row +10 +10Passons à l'explication de la fig.19. Les nombres entre parenthèses réctangulaires comme "[11]" indiquent le numéro de séquence des unités supérieures, un "#" signifie qu'une unité simple est inférieure, c'est-à-dire absorbée par une ou plusieures unités complexes. Dans la deuxième colonne on trouve les états affectifs qui définissent les unités simples. dans la troisième colonne ceux des unités complexes supérieures, et dans la dernière colonne le nom de ces dernières. A ce niveau on pourrait de nouveau s'arrêter pour étudier cette nouvelle information. Toutefois pour le moment cela n'a d'intérêt que si on veut tester la validité des unités trouvées, s'assurer qu'elles représentent bien les éléments de l'intrigue et la détourne pas. En effet dans une première version je n'avais pas trouvé d'unités supérieures complexes pour le début du récit (jusqu'à M0, moment où les gens de villes décident de faire quelque chose.
Figure: Le graphe de connectivité du récit I
Ce petit problème n'est pas une faillite du
système en lui-même, mais reflète l'état actuel de la
recherche. Comme
Lehnert vient du paradigme AI de Yale elle s'est surtout
concentrée sur la représentation des situations, où un
acteur volontaire fait quelquechose.
En accord avec le principe très inductif de ce modèle j'ai pris
la liberté de définir deux nouvelles unités, "complex negative
reaction" et "complex positive reaction" qui peuvent prendre des
formes multiples chaque fois que des états affectifs
provoquent des états contraires chez un autre acteur.
J'ai également introduit une autre unité qui est une combinaison
d'unités existantes: L'unité "starting over differently" reflète une
situation où le même but est initialisé de nouveau après
un echec tout en étant modifié par un autre but.
Procedons maintenant à l'élaboration du résumé.
Tout d'abord il nous faut de nouveau introduire quelques
concepts techniques:
La structure du résumé depend principalement du degré de
la "connectivité" entre les unités supérieures.
Deux unités sont connectées si elles ont au moins un état
affectif en commun.
Dans notre récit l'unité 1 (mixed blessing) et l'unité 4
(resolution) sont connectés parcequ'elles ont l'état -0 en commun.
Cette notion de connectivité mathématique a son fondement
à un
niveau plus thématique. Si deux unités de l'intrigue ont un même
élément à bâtir elles doivent en effet avoir quelquechose en
commun. En pratique il s'est avéré que les éléments
communs contiennent au
moins un lien temporel au niveau du texte surface.
Les connections forment ainsi une configuration d'unités affectives
supérieures de l'intrigue d'où l'on va extraire le résumé.
Dans la fig.20 ("le graphe de connectivité du récit I") j'ai présenté
cette configuration. Le tableau en haut de la figure
contient d'abord une
définition des voisins pour chaque unité, le nom de l'unité et
finalement les acteurs à qui l'unité est asssociée.
Le graphe du bas est une représentation de ces liens de voisinage qui
existent entres les différents unités.
Maintenant il nous est possible de découvrir les unités les plus
importantes, les unités-pivot (pivotal units).
Leur place dans le graphe est centrale. Toutefois jusqu'à présent on
n'a pas encore réussi à trouver une définition exacte de cette
centralité en ce qui
concerne les récits complexes et/ou irréguliers.
Provisoirement on suit la règle suivante: Une unité est un
pivot si sa suppression déconnecterait plus de 15
autres noeuds du graphe.
Toutefois si le graphe est circulaire comme le notre il existe une
autre méthode d'identification.
L'unité pivotale est alors celle qui a le plus grand nombre
de voisins.
Dans notre cas c'est l'unité 11.
Ensuite on recherche les noeuds qui déconnecteraient 15
ne sont pas voisins du premier noeud pivot.
Dans notre cas on
identifie d'abord les unités 12 et 6. On continue à suivre ce
principe jusqu'à ce qu'on ait traversé entièrement le
graph.
Nous pourrions alors
éventuellement rajouter l'unité 2 comme dernière unité pivotale.
Ces unités ont une fonction importante dans la structure du récit.
Elles organisent d'abord les principales unités thématiques et elles
indiquent les endroits où un récit prend un tournant.
Finalement pour trouver le résumé optimal, il nous suffit
de connecter par le chemin le plus direct ces unités
pivot.
Un résumé est bâti sur les unités de l'intrigue les
plus importantes et sur les unités qui les connectent.
Dans notre cas on trouve deux chemins: 2,6,8,11,12,14 et
2,6,8,11,12,10.
Le fait, que les unités pivot 11 et 12 puissent être connectées
par 10 ou par 14, signifie qu'on évalue différemment
l'importance des unités de la fin du récit.
Etudions le contenu de ces deux sommaires. En principe il faut reprojeter les unités d'intrigue qui font partie du "chemin résumeur" sur le contenu du récit et interpréter le graphe à l'aide de cette information. Dans un premier pas, on examine le contenu des unités d'intrigue isolées si on ne l'a pas déjà fait dans la dernière étape. Il suffit en fait de lire l'information qu'on a gardé entre parenthèses dans la fig.18 du réseau des états affectifs, et de la mettre en rapport avec la définition (au nom) de l'unité en question. Dans une deuxième étape les unités de l'intrigue enrichies par leur contenu seront arrangées dans un ordre cohérent pour l'interprète. En général cet ordre sera temporel ou encore celui du texte-surface. Voici le résultat de ces deux procédures:
L'étape finale avant l'interprétation consiste souvent à reécrire cette liste dans une forme plus naturelle, mais aussi plus causale. Cette dernière est implicite dans la structure de la configuration. Si deux unités sont causalement connectées elles ont un élément en commun et sont donc ou voisines, ou connectées par une autre unité.
Il était une fois des montagnards qui parvenaient à améliorer leur niveau de vie, grâce à des étrangers qui achétaient des immeubles et stimulaient le tourisme. Les gens des villes s'opposaient à ce développement et réagissaient en limitant les ventes. Les montagnards ont cru que leur niveau de vie était menacé par ces limitations. [Ils se plaignirent auprès des gens de villes]. Les gens des villes assouplissirent la limitation pour préserver la paix du pays. Ainsi les plaintes des montagnards aboutirent. [Tout ceci montre la volonté des gens des villes de coopérer dans la mesure de leurs possibilités]
Comme le récit I est originellement très condensé on n'a pas pu le résumer très efficacement. Toutefois il ne faut pas oublier que le texte qui correspondrait à l'ensemble des unités de l'intrigue qu'on y a trouvé, serait beaucoup plus long que le texte original. En outre, les deux résumés qu'on vient de trouver présentent assez bien l'essence de ce récit. Elle font même relever des choses qui n'étaient pas très apparents dans le texte surface. Ceci confirme mon opinion que l'élaboration d'un résumé ne consiste pas à détruire les éléments superflus, mais relève d'un véritable processus constructif. Comme pécédamment on ne s'attachera pas à faire une longue exégèse du texte. Je pense que l'exemple de Lehnert montre surtout que l'analyse d'un seul texte est beaucoup moins riche que l'analyse comparative de plusieurs textes. Toutefois cet exemple a de nouveau montré que le fait même d'effectuer un tel codage nous fait lire un texte d'une manière beaucoup plus claire.