Examinons encore une fois le principe théorique du
traitement de récit,
établi par le groupe de psychologues dont ont présenté
deux grammaires.
Une notion techniques principale associée à ces théories et
celle du traitement de haut en bas, du "top-down processing".
Surtout en ce qui concerne les histoires
traditionelles transmises oralement,
(cf.Johnson 80:52) on fait l'assomption que
lorsqu'un individu "rencontre", mémorise ou reproduit une
histoire, il active des schémas qui a leur tour génèrent
des prédictions ou des attentes.
Le travail cognitif
consiste donc en une grande partie à chercher des
correspondances entre des entités symboliques et une structure
plus abstraite qui leur donnerait du sens.
Ce modèle s'inspire des modèles d'analyse de la phrase ("parsing")
en linguistique et en psycholinguistique génératrice.
Il existe en effet
des points communs entre ces deux objets de recherche, et
par conséquent des similarités entre leur techniques et méthodes
d'analyse
(cf.Johnson 80:45ff.)
C'est similarité est aussi une des majeurs angles d'attaques contre
l'approche discutée.
En effet certain chercheurs comme De Beaugrande (80)
ou encore Black (77) lui reprochent qu'il n'y a justement pas de
similarité entre ces deux domaines.
Le transfer d'un langage formel pose bien sûr toujours des problèmes.
Mais comme l'ambition de ces recherches est bien limitée, je ne vois
pas pourquoi un mécanisme aussi élégant ne pourrait pas être
utilisé comme langage déscriptif de structures de récit. Il est une
autre question, si ces grammaires représent en effet une structure
cognitive.
La phrase et le récit ont tous les deux des structures
séquentielles. La
production de ces structures est soumise aux contraintes de la
capacité cognitive humaine.
En outre le récit, plus que la phrase, est soumise aux
contraintes sociales.
Une des contraintes le plus souvent citée
réside dans la difficulté de mémoriser même une phrase de
durée moyenne.
Beaucoup d'hypothèses stipulent qu'une phrase est
comprise par morceaux et qu'elle est traduite dans d'autres structures de sens
dès qu'une parcelle a été positivement identifiée.
Autrement dit: il n'y a pas seulement traduction dans des choses plus
abstraites, mais il y a aussi insertion au moins partielle de ces
derniers dans
des schémas à l'aide d'un schéma général décrit par une
grammaire.
Une histoire est comprise et surtout mémorisée comme un
objet structuré qui donne du sens à un élément par rapport à la
place qu'il occupe dans la structure totale.
Pour éviter une circularité de signification, il en effet nécessaire
de connaître en avance des structures prototypes, des
shémas de récit.
Un autre argument favorable à cette hypthèse est le fait
qu'isolés, les éléments d'un texte peuvent avoir une grand
multitude de fonctions desquelles il faut retirer l'ambiguité.
L'avantage d'un tel schéma est qu'il permet de
faire disparaitre l'ambiguité (dans un langage technique: effectuer la
disambiguisation) d'une manière très rapide.
On pourra dire plus méchament que la
nature et la société nous permettent de
ne pas réfléchir lorsque nous devons comprendre ou produire
un texte.
Ces contraintes sur nos capacité cognitives ont probablement contribué à l'existence empirique de structures standardisées dans les récits. Une autre cause de régularités est bien sur l'environnement culturel. Un récit qui suit bien un tel schéma idéalisé - schéma innée comme le prétendent certains linguistes en ce qui concerne nos capacités syntaxiques, ou schéma acquis, une vue plus génétique - est en conséquence mieux compris et mieux mémorisé que d'autres. Johnson et Mandler (80:55) avancent l'hypothèse que les grammaires génératrices pour les récits sont plus simples que les grammaires syntaxiques pour les phrases. Les récits seraient plus longues que les phrases, il nécessiteront donc une sorte de compensation pour cet incrémentation de complexité: Il existe plus de possibilités combinatoires pour un texte au niveau des mots. Ainsi un schéma de récit est plus sommaire est moins précis pour pouvoir permettre son utilisation. Une question souvent évoquée concerne le statut d'une grammaire génératrice par rapport aux "trois dimensions linguistiques" du langage. Il est très difficile de savoir s'il s'agit de grammaires syntaxiques ou sémantiques. Ces catégories sont tellement interdépendantes (comme l'est le processus de sémiose selon Morris (38) de toute faccon) qu'a mon avis une grammaire génératrice est un sorte de syntaxe de la sématique, la forme du sens de son contenu. Un schéma de récit au sens psychologique est donc un mécanisme de structuration de sens qui va au-delà de la fonction d'un schéma syntaxique simple. Il assigne des fonctions sémantiques à des éléments.
En resumé, une grammaire génératrice décrit partiellement
des mécanismes pour réduire du sens, mais aussi pour attribuer du
sens "fonctionel" aux éléments d'une histoire.
Chaque élément peut en
principe avoir des signification multiples, mais la grammaire décrit
un mécansime qui crée un contexte de sens pour un ensemble
d'éléments narratifs,
en organisant les liens entre eux, et en les
insérant dans une structure plus globale, plus hiérarchique.
Une des questions qu'il faut se poser en science
politique est donc celle de savoir s'il existent des
circonstances pour lesquelles des
"histoires" politiques sont produites et traitées à l'aide de
tels schémas.
Comme ce genre de grammaire est d'abord concu
pour des textes qui viennent plutôt de la tradition
orale, il faut se demander s'il est intéressant de faire l'hypothèse
que les acteurs politiques utilisent de tels schémas.
Personellement je vois
plusieurs intérêts à intégrer ce type de recherche à
la science politique.
Voici trois hypothèses intéressantes: (1)
La production et la compréhension d'histoires politiques sont
déterminées partiellement par des schémas de la nature qu'on vient
de discuter.
Si cela est vérifié il se peut qu'il faille envisager l'utilisation de
plusieurs grammaires, appropriées pour différent types de texte.
(2) Une hypothèse plus forte
propose de tester empiriquement que la perception de l'enchainement
des événement historiques et de leur reproduction en général est
partiellement organisé par de tels schémas.
(3) Une troisième hypothèse est de savoir s'il y a transfert du
contenu, des stéréotypes du domaine folklorique dans le domaine
politique.