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Interdiction par l'OFEFP de la mise en
champ d'OGM à Changins notamment

par Romain Jordan, Bénédict de Moerloose et Antonin Reymond, classe 2Ca. Projet YRE
 

Introduction

Dans la continuation du projet Jeunes Reporters pour l'Environnement, nous avons tous choisi de traîter des sujets qui s'encraient encore plus dans le génie génétique. Pour notre part, nous avons opté pour le sujet suivant : l'interdiction par l'OFEFP (Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage) de la mise en champ d'OGM (Organismes génétiquement modifiés). En effet, plusieurs stations fédérales de recherches en produ-ction végétale, comme par exemple celle de Changins (VD), avaient fait la de-mande pour obtenir l'auto-risation d'effectuer une dissémination expérimentale de pomme de terre et de maïs génétiquement modifiés. Réponse de l'OFEFP : " Tant qu'aucune décision et qu'aucun seuil de tolérance n'existent, un risque unilatéral subsiste pour les paysans qui produisent biolo-giquement ou traditionnelle-ment. ".

Nous avons décidé de nous intéresser aux raisons d'une telle décision, et des conséquences qu'elle pourrait avoir soit sur l'environnement, soit sur  l'économie et sur la recherche. D'une part nous traiterons des problèmes (scientifiquement prouvés) que la culture transgénique aurait pu engendrer. Ensuite nous avons demandé leur avis aux principaux intéressés (à savoir l'institut de recherche à Changins (VD), l'économie (Novartis ou Nestlé), et enfin les écologistes, représentés en la personne d'Alain Vaissade, conseiller administratif de la Ville de Genève depuis 8 ans, chargé des affaires culturelles (cf. fig. 7) afin d'essayer de comprendre quelles seront les conséquences de cette interdiction.

Dans ce rapport de 25 pages, nous avons tenté de comprendre les raisons pour lesquelles l'OFEFP a pris une telle décision et aussi de mesurer et de cibler les risques qu'auraient pu être engendrés par cette mise en champ.

Matériel et méthodes

Nous avons utilisé un matériel on ne peut plus classique. Bien sûr, pour la conception de ce présent rapport, nous avons servi un ordinateur ainsi qu'une imprimante - nous tenons d'ailleurs à remercier à cet effet le CPTIC et le Collège Calvin (cf. fig. 7), qui nous ont offert l'usage de leurs installations informatiques. Lorsque nous avons réalisé nos interviews, nous avons servi une caméra VHS pour filmer nos interlocuteurs et aussi obtenir une meilleure qualité de son, à l'instar de notre ancien système datant de l'homo sapiens, ainsi que de micros modernes.

 Quant aux méthodes, dans un premier temps, nous nous sommes rencontrés à la bibliothèque de la Cité et celle du Collège Calvin pour rechercher de la documen-tation (cf. fig. 6) sur l'in-terdiction de la mise en champ d'OGM...  malheureusement, comme nous pouvions nous y attendre, il s'est avéré que les disponibilités de la bibliothèque concernant cet événement, visiblement trop récent, étaient quasi nulles. Toutefois, après moultes recherches dans les articles des journaux, eux, disponibles auprès de la Tribune de Genève notamment, nous avons trouvé des informations que nous pourrions qualifier de solides.

Deuxièmement, nous avons effectué des recherches générales sur Internet, au moyen des divers moteurs de recherche (Yahoo!, AltaVista, ...). Et, avec une grande surprise, nous sommes tombés presque à chaque fois sur le site de l'Administration fédérale ! En effet, ce site nous proposait une docu-mentation très riche, avec la possibilité de consulter la totalité de leur com-muniqués et décisions con-cernant la mise en champ d'OGM. Notre travail d'ail-leurs est surtout basé sur ces informations.
 
Puis, pour la rédaction, nous nous sommes vus tous les trois pour réaliser une mise en commun, chacun ayant préparé une partie.
Egalement pour le chapitre Analyses et Conclusions, nous l'avons rédigé ensemble.

Enfin, en dernier lieu, nous avons relu et faire relire notre rapport par nos parents, afin de repérer les dernières erreurs.

Pour finir, il convient de rappeler que le scientifique que nous avons interviewé à la station fédérale de Changins (VD) nous a montré de nombreuses choses très intéressantes, dont notamment les plans transgéniques de pommes de terre en serres (cf. fig. 41) ainsi que les cultures in vitro de ces mêmes pommes de terre. De plus, Monsieur Alain Vaissade, lors également de son interview, nous a donné une liste de plusieurs articles con-cernant ce problème notam-ment (cf. biliographie, p. 12). En effet, ces deux interview nous ont beaucoup aidés.
 

Pas de disséminations expérimentales de maïs et de pommes de terre transgéniques

L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a  rendu pour la première fois une décision sur la dissémination d'organismes génétiquement modifiés. Il a refusé aussi bien la demande de la société Plüss-Staufer AG pour un essai avec du maïs T25 à Oftringen (AG) que la demande de la Station fédé-rale de recherches en pro-duction végétale de Changins (VD) pour des pommes de terre trans-géniques. Selon l'OFEFP, la sécurité de l'homme et de l'environnement n'est pas suffisamment assurée.

Les essais à Duillier et Bullet

La Station fédérale de recherches en production végétale de Changins voulait cultiver en plein champ des pommes de terre transgéniques, à titre expérimental, à Duillieret Bullet. Objectif de l'essai : évaluer la résistance des pommes de terre transgéniques au mildiou.

Deux aspects ont été déterminants pour rendre une décision négative pour les pommes de terre transgéniques:

1. Le matériel géné-tique inséré dans les pommes de terre contient un gène résistant aux antibiotiques, utilisés en partie en médecine. Les antibiotiques sont des instruments très précieux de lutte contre les maladies. Chaque mesure qui pourrait contribuer au développement d'une résistance contre les antibiotiques comme dans le cas présent doit être stri-ctement refusée.

2. La connaissance et la caractérisation des cons-tructions génétiques effe-ctuées sont insuffisantes. Pour pouvoir évaluer les conséquences d'une dissémination de pommes de terre transgé-niques, des informations très précises sur les manipulations réalisées sont nécessaires.

L'essai à Oftringen

La société Plüss-Staufer AG prévoyait de cultiver en plein champ du maïs transgénique, à titre expérimental, sur deux parcelles dans la commune d'Oftringen.

Objectif de l'essai: évaluer l'action de l'herbicide glu-fosinate d'ammonium sur le maïs T25. L'essai a été exigé par l'Office fédéral de l'agriculture comme condition d'homologation de cet herbicide. Pour l'appréciation du maïs transgénique de Plüss-Staufer AG, le problème principal réside la dispersion du pollen, qui peut certes être réduite par des mesures techniques, mais qui ne peut pas être exclue. Si le pollen des plants de maïs T25 se dépose sur un champ de maïs traditionnel, les grains issus de cette fécondation seront aussi génétiquement modi-fiés.

Conséquences pour l'image de l'agriculture

La question de la contamination des parcelles voisines par le pollen est un problème fondamental. Les conséquences de la propa-gation de pollen provenant de plantes transgéniques touchent aussi les agricu-lteurs qui veulent expressé-ment produire sans organi-smes génétiquement modi-fiés. Si leurs champs sont contaminés par du pollen de plantes transgéniques, non seulement ils induisent en erreur leur clientèle mais ils se rendent même punis-sables, car ils vendent sans autorisation des produits alimentaires ou des produits d'affouragement génétique-ment modifiés. L'agriculture suisse vit grâce à ses produits considérés comme purs et naturels. Les essais de plantes transgéniques portent atteinte à cette image, ce qui peut avoir des conséquences importantes pour l'agricul-ture. Le monde politique doit décider dans ce domaine s'il approuve une telle situation. Tant qu'aucune décision et qu'aucun seuil de tolérance n'existent, un risque uni-latéral subsiste pour les paysans qui produisent bio-logiquement ou traditionel-lement.(
 

* Pouvoir des firmes agrochimiques :
Faut-il avoir peur des aliments transgéniques ?
[Publié par le Monde Diplomatique sur Internet en mai 985]
  Par Dorothee Benoit Browaeys et Pierre-Henri Gouyon
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Si les plantes génétiquement modifiées couvrent d'ores et déjà 32 millions d'hectares aux Etats-Unis, les Européens, pour leur part, rechignent à "cultiver et manger transgénique ". Pourtant, pour la première fois en Europe, le gouvernement français a autorisé, le 27 novembre 1997, la mise en culture d'une variété de maïs manipulé, et ce sans le moindre débat sur les dimensions politiques et éthiques de ce " remodelage du vivant ". En particulier, est-il admissible que les ressources végétales soient monopolisées par des dépôts de brevets et exploitées par quelques-uns ? Rejetant le productivisme agricole, la standardisation des aliments et l'asservissement aux agrofournisseurs, les citoyens sont en droit d'exiger que les bio-industries servent prioritairement les besoins des producteurs et des consommateurs.
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Maudits par les uns, sollicités par les autres, les aliments transgéniques, tels que les tomates, le maïs et le soja génétiquement modifiés, dé-clenchent, depuis leur auto-risation à la consommation en Europe (février 1996 pour le soja de la firme américaine Mon-santo, et décembre 1996 pour le maïs de Novartis), une rébellion multiforme. Il semble, en particulier, inacce-ptable que les intérêts finan-ciers de quelques géants indu-striels privent les citoyens du droit de décider non seulement des pré-cautions à prendre en matière de manipulations génétiques, mais aussi du con-tenu de leur alimentation et des formes de leur agriculture (1).
Dès 1980, MM. François Gros, professeur au Collège de France, et François Jacob, Prix Nobel, lançaient une mise en garde : " D'ici à l'an 2000, il ne restera vraisemblablement que certaines nations  pour contrôler l'ensemble des ressources génétiques et as-surer leur valorisation et leur exploitation commer-ciale à travers un petit nombre de variétés améliorées (2). "

Seules les plantes obtenues par transgenèse permettent la chosification d'un vivant dépecé. Elles constituent donc un formidable moyen pour s'emparer du patrimoine végétal. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) ne sont guère plébiscités en Europe, bien que l'on consomme sans le savoir, et depuis plus de quinze ans, des substances qui en sont issues. De nombreux industriels recou-rent aux micro-organismes transgéniques (bactéries, le-vures...) pour fournir des enzymes (aux boulangers, brasseurs, viticulteurs, froma-gers) ou des acides aminés utiles comme compléments nutritifs. L'essentiel de l'amidon que nous consom-mons provient d'amylases (enzymes) issues d'OGM. De même, ces produits transgéniques sont acceptés dans le domaine médical : une centaine de protéines recombinantes, comme l'insuline ou l'hormone de crois-sance, servent de médica-ments, et de nombreux vac-cins (hépatite B) sont obtenus par génie génétique.

Ces molécules nouvelles, issues du " microscopique ", n'ont pas ému le public jusqu'à ce que cette transformation du vivant atteigne une autre échelle, et métamorphose le plus banal et le plus familier : les plantes et la nourriture qui en dérive. Inexorablement, l'agriculture s'arrime au génie génétique : les  semences transgéniques emb-lavent cette année 34 millions d'hectares dans le monde. Dans la course à la productivité agricole, il était logique, après le "dopage" par les engrais et la protection par les produits phytosanitaires, d'en venir à modifier les commandes mêmes du vivant. La greffe de gènes, rendue possible en 1983, permit de doter les végétaux d'ap-titudes nouvelles, telle l'auto-défense. Ont ainsi été fabri-quées des variétés de tomates, colza, soja, maïs, pommes de terre, courges, betteraves, coton, résistants aux herbicides totaux, aux insectes, aux maladies virales...

Les semenciers concentrent désormais l'essentiel de leurs efforts de développement sur ces plantes transgéniques. Avec deux familles vedettes : les variétés rendues insensibles aux herbicides totaux et celles résistantes aux insectes. Ces dernières constituent 90 % des variétés commerciales ou en attente de mise sur le marché. Estimés - il y a dix ans - comme les plus rentables à greffer, ces atouts agronomiques ne sont pas forcément avantageux pour tous les acteurs de la production alimentaire. Les intérêts sont, en effet, divergents : quand les semenciers cherchent des situations de monopole et une rentabilité à court terme, les agriculteurs craignent les dé-pendances ou la dégradation de leurs outils agronomiques ; quand les importateurs prônent la souplesse des échanges et de moindres coûts ou contraintes, les consommateurs revendiquent la qualité et la traçabilité.

Le rapport de forces se radicalise entre industriels de l'agroalimentaire et distributeurs autour de la question de l'étiquetage. Les consom-mateurs européens réclament de savoir et de choisir ce qu'ils mangent. Une  revendication que légitime le règlementc ommunautaire "Nou-veaux aliments", du 27 janvier 1997, exigeant la mention de l'origine transgénique dès lors que l'aliment diffère de son " équivalent " traditionnel. En prenant la nature chimique comme critère de l'étiquetage, ce règlement est un gouffre sans fond! Ses modalités d'application " flottent " au gré des interprétations. Depuis plus d'un an, les décideurs tergiversent sur les ingrédients qui "font la différence" : protéines modifiées (position de l'Association nationale des industries agro-alimentaires - ANIA - en France) ou gènes greffés (position de la Commission européenne). Ces ergotages sont le reflet de refus radicaux : l'Autriche, l'Italie, le Danemark continuent de vouloir bannir les OGM sur leur territoire.

Un casse-tête : la détection

Alors que, depuis le 1er novembre 1997, les dérivés de soja et maïs importés des Etats-Unis - provenant pour 5 à 15 % de plantes transgéniques - ont obligation d'étiquetage (du fait du règlement de la Commission européenne du 19 septembre 1997), les produits restent vierges de toute mention  transgénique (3) ! L'ANIA a toutefois émis une liste d'ingrédients protéiques à étiqueter (farines, protéines de soja et leurs dérivés, extraits de fèves de soja, farine ou semoule de maïs et son gluten). Cette solution exclut le repérage de l'origine transgénique pour les huiles ou la lécithine de soja (émulsifiant), alors même que l'Institut national de la consommation (INC) prône un étiquetage de tous les OGM, additifs compris...

Enfin, l'application du règlement " nouveaux ali-ments " bute sur un autre casse-tête : la détection. Car les étiquettes n'ont de valeur que si leur contenu est vérifiable. Or les techniques de sondage développées impliquent des coûts importants, l'accès à la construction génétique (tou-jours confidentielle) et des  ingrédients encore identi-fiables après transformation industrielle. L'analyse géné-tique apparaît comme le procédé le plus fiable. Elle consiste à aller à la " pêche au gène " greffé par une réaction appelée PCR (pour polymerase chain reaction). Mais s'il faut payer 2 000 francs pour un seul sondage, on imagine que la prolifération des constru-ctions génétiques va rendre prohibitif le coût de la détection, car on n'a pas prévu de le faire acquitter par les semenciers. De plus, les services de la répre ssion des fraudes, responsables des contrôles, vont dépendre du bon vouloir des semenciers (dépo-sitaires des variétés  trans-géniques) pour accéder aux amorces - fragments du gène greffé - indispensables à la détection.

L'idée de recourir à une portion dite promoteur (sorte d'interrupteur moléculaire), accompagnant systématiquement la greffe, est intéressante, mais sans avenir. Le promoteur cou-ramment utilisé, détenu par la firme Monsanto, coûte trop cher et va peu à peu être remplacé. Il n'est donc pas question de miser sur cette " signature transgénique " non durable.

La mise en place de filières séparées, avec traçabilité, offrirait l'alternative requise. Elle relève cependant de la gageure, dans la mesure où les importateurs imposent les mélanges pour éviter tout boycottage. De plus,  les dépendances alimentaires eu-ropéennes, notamment pour la nourriture animale, em-pêchent toute éviction com-plète du soja ou du maïs venus des Etats-Unis, d'autant que le volet agricole des accords du GATT de 1993, verrouillé par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), offre des débouchés garantis à ces exportations américaines. Ain-si, les incohérences réglemen-taires, les vides juridiques et les inerties concernant l'éti-quetage aboutissent à berner les consommateurs.
  Beaucoup d'agriculteurs du Vieux Continent se sentent aussi leurrés, notamment, en France, ceux qui se retrouvent au sein de la Confédération paysanne. Ils ne voient guère les avantages qu'offrent les semences  transgéniques, même si Novartis annonce une augmentation de 6 % du revenu brut tiré de son maïsn antipyrale. Cette semence coûte, en France, 25 % de plus que la semence conven-tionnelle, soit un surcoût quasi équivalent au traitement contre la pyrale. Bien sûr, le besoin de main-d'oeuvre est joindre..., mais est-ce un bon argument alors que le chômage augmente et que les campagnes se désertifient ? D'autant qu'à la récolte les moissons devront être séparées et risquent d'être difficiles à vendre.

En utilisant des plantes rendues résistantes aux herbicides, nombre d'agriculteurs craignent que les croisements avec des mauvaises herbes ne transfèrent le caractère aux plantes sauvages. Il serait alors impossible de se débarrasser des repousses, et les herbicides totaux actuels auraient perdu toute efficacité... Certains soupçonnent la firme Monsanto de faire peu de cas de l'avenir de son herbicide, le Round Up. Cette multinationale vient en effet de perdre son monopole sur ce produit, qui appartient désormais au domaine public. Ces " fuites de gènes " vers les herbes sauvages, mises en évidence dans le colza et la betterave, ont conduit l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) à s'interdire, en tant qu'obtenteur, tout dépôt de variété de colza résistante aux herbicides.

Un même sabordage est à craindre pour les insecticides issus de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt), qui constituent les seuls recours pour l'agriculture biologique et qui, s'ils sont produits au sein même des tissus végétaux d'une plante transgénique, peuvent o-pérer une pression de sélection susceptible de rendre insensibles les po-pulations d'insectes-cibles. La menace est sérieuse, au point que l'Agence améri-caine de protection de l'environnement (EPA) pré-conise de ménager des " zones refuges ", c'est-à-dire des secteurs de semis con-venionnels représentant 15 % à 30 % des surfaces trans-géniques.

En fin de compte, le plus préoccupant réside dans l'appropriation, par les firmes agrochimiques, d'a-touts stratégiques jusqu'alors partagés par tous. "L'histoire de la génétique agricole consiste à déposséder l'humanité des facultés de reproduction et de multiplication du vivant, pour la conférer aux  investisseurs (4)", affirme M. Jean-Pierre Berlan, chercheur à l'INRA. Désormais, seules quelques multinationales, qui ont breveté certaines capacités naturelles des plantes, décident souverainement de leur usage. Elles détiennent tous les savoir- faire, " de la fourche à la fourchette ".

Les firmes Pioneer, Novartis, Monsanto, Hoechst Schering-AgrEvo, Rhône-Poulenc-Rorer, se livrent en effet, depuis deux ans, à des jeux d'alliances et de rachats, tant du côté des sociétés de biotechnologies que sur le versant agroalimentaire. En cadenassant aussi bien les gènes-clés et les variétés performantes que les débouchés alimentaires, elles sont devenues maîtresses des champs... et des assiettes. Leurs efforts s'orientent d'ailleurs vers des plantes aux produits aptes à améliorer la santé : leur objectif est de pénétrer le marché des aliments, qui représente 750 milliards de francs, soit cinquante fois plus que celui des produits phytosanitaires.

Course au rendement

Les grands arguments invoqués publiquement - réduction de la famine dans le monde, suppression des produits phystosanitaires polluants - sont autant de mystifications. Si le président de Monsanto, M. Bob Shapiro, est dans son rôle lorsqu'il les met en avant (5), on est en droit de s'indigner qu'elles soient  également reprises par les dirigeants d'organismes internationaux comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou la Banque mondiale. Graves aussi sont les abus de pouvoir des " experts ", qui, au nom d'une impartialité mythique, multiplient les affirmations péremptoires hors de leur domaine de compétence. Aussi devient-il urgent de séparer les rôles : on ne saurait être à la fois expert et décideur comme l'ont été,dans le passé, des membres de la Commission du génie biomoléculaire (CGB).

En France, la pression du public, hostile à la mise en culture du maïs de Novartis, avait obligé le gouvernement de M. Juppé à battre en retraite. Et si, en novembre 1997, celui de M. Jospin a finalement donné son autorisation, il s'est agi, a-t-il été proclamé, d'un " oui mais ". Seul, le maïs de Novartis a reçu le feu vert, le colza et la betterave étant loin de recevoir un aval identique. Il n'empêche que l'acceptation française constitue un tournant majeur, et un précédent.... Le débat public, également appelé " conférence  de consensus ", qui se déroulera en juin prochain à Paris, n'aura d'impact que s'il transforme les modes de décision. Le député Jean-Yves Le Déaut, président de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, qui a la charge de l'organisation de ce débat, avoue " craindre que les OGM dans  l'agriculture s'appuient sur une hypothétique course au rendement et à la productivité. Ils remettent en cause le modèle américain, qui s'oppose à nos priorités agricoles françaises. "

Alors que les conflits s'attisent, un comité d'éthique de l'environne-ment, jumeau du Comité consultatif national d'é-thique (CCNE), pourrait constituer un élément de réponse utile. Pour M. Michel Tibon-Cornillot, "la reconstruction du vivant crée une interface entre l'ordre du vivant et l'ordre humain. Cet événement engendre des effets sociaux bouleversants qu'il faudra savoir accompagner (6)". Pour leur part, le sociologue Philippe Roqueplo (7) et la juriste Marie-Angèle Hermitte (8), préconisent des confrontations d'experts, sur le mode contradictoire d'un procès, ce qui permettrait d'aboutir à des  arbitrages publics, et donc à des décisions s'imposant à tous, et en particulier, on l'espère, aux géants de la bio-industrie.

Interview de M. Alain Vaissade, conseiller administratif

Alain Vaissade s'informe d'abord de nos orientations scolaires.

Pouvez-vous vous présenter svp ?
Je suis membre du parti des Verts depuis 1986. Auparavant, j'ai fait des études de physique suivies d'un doctorat. J'ai ensuite enseigné aux Collège de Genève (Sismondi et au Cycle d'Orientation notamment). Puis, naturalisé en 86, j'ai pu m'engager en politique. Conseiller Municipal puis Conseiller Administatif dès 1991, je suis arrivé au 2/3 de mon mandat de 12 ans. Je suis au Département des Affaires Culturelles, le plus prestigieux du canton.
 

" J'ai plusieurs possibiltés de répondre à vos questions. D'abord je pense que vous vous adressez aussi à un magistrat, car je suis magistrat en Ville de Genève. Bon, je suis des Verts, mais je suis magistrat chargé de la Culture. Dans mon département, il y a trois instituts scientifiques qui sont des instituts extrêmement importants pour le développement durable de Genève, de la Suisse et du monde d'ailleurs. Le museum d'histoire naturelle par rapport à la faune, le jardin botanique par rapport à la flore et le musée d'éthnographie par rapport à l'histoire des civilisations. Dans ce cadre-là je peux vous répondre dans un point-de-vue scientifique : cela concerne surtout le jardin botanique et le museum d'histoires naturelles. Moi-même je peux vous répondre d'un point de vue politique, parce que au niveau scientifique moi-même je suis physicien, je suis docteur en physique, mais bon enfin je ne veux pas vous faire une démonstration et vous donner une expertise scientifique sur le problème des OGM. J'ai un point-de-vue scientifique qui est une approche évidemment par rapport au savoir et aux connaissances que j'ai, mais je ne suis pas un expert dans ce domaine. Vous répondre scientifiquement ne serait pas dans le cadre de mes compétences. Par contre dans le cadre d'homme politique, je peux vous répondre et principalement par rapport à mes responsabilités.
Dans " Le Monde " de ce week-end, il y avait justement un petit article dont le titre est le suivant " Bruxelles s'inquiète des effets du maïs transgénique sur des papillons ". Or, quelles sont mes compétences dans mon service, c'est justement le museum des histoires naturelles. Un petit article comme celui-ci répond à une partie de vos questions. On s'aperçoit que le maïs transgénique tue des espèces de papillons qui sont à proximité ou en tout cas les rend stériles et diminue leur propabilité de vie. Vous avez des articles également dans le Courrier, qui montrent qu'il y a une résistance qui est en train de s'organiser au niveau mondial face aux autorisations de planter des OGM. Alors quel est le risque, qui montrent qu'il y a une résistance qui est en train de s'organiser au niveau mondial face aux autorisations de planter des OGM. Alors quel est le risque ? Parce que quand on plante des OGM, ils ne vont pas rester sages comme ça. C'est pas comme ça : on les a planté, on va les manger et puis c'est terminé. Ce sont des organismes qui vivent. Quelle est la probabilité qu'ils se mélangent avec des espèces qui pourraient se reproduire ? Le problème est là. Donc sur votre question concernant l'interdiction par l'OFEFP je réponds que bien sûr l'Office fédérale a cette compétence de statuer sur de tels cas, et pouvoir ordonner à un moment donné de supprimer des plantations qui peuvent avoir des risques non négligeables sur l'environnement mais surtout pour les humains qui vont manger après ces OGM. Et ces organismes vont changer la biodiversité du coin. Alors maintenant je vais vous répondre en tant que politique, après avoir traité d'une manière scientifique le problème. Alors si vous regardez encore dans ce journal le Monde, de quoi est-ce que l'on parle ?

Monsieur Vaissade nous présente plusieurs exemples d'articles tirés du Monde, " J'ai trouvé que le Monde était fantastique pour répondre à votre interview " dit-il, tels que l'affaire du sang contaminé, la vache folle, les déchets nucléaires risquant d'êtres enfuits dans le sol suisse et les bombes de Belgrade et nous explique que tous ces catastrophes sont parties à la base de progrès destinés à aider l'être humain, mais sans mesurer les risques.

Donc le maïs, par exemple, dans un premier temps, était pour le bien de l'humanité et on oublie toujours de parler du profit économique. Si vous avez bien fait votre enquête, vous verrez que dans des certains pays du Sud, on est en train de leur imposer des graines pour les mettre sous le joug d'entreprises qui vendent des semences pour les aliéner et les rendre dépendants de ces productions. Un autre exemple, le smog électrique : on est en train d'installer un peu partout des antennes destinées aux liaisons de téléphonie mobile et on ne mesure peut-être pas les conséquences, c'est pour ça que l'on ne sait pas trop s'il y a des conséquences sur l'homme. Donc il y a en ce moment une ordonnance fédérale en préparation qui est basée sur ce doute. Votre question concerne donc le progrès en général. Le système économique ne s'occupait pas de l'environnement il y a une vingtaine d'année, c'est pourquoi Verts sont arrivés au pouvoir. Je suis donc pour un contrôle étatique, il n'y a que les Etats qui peuvent faire des contrôles, l'Office fédérale, il n'y a que lui, qui à un moment donné, malgré une autorisiation qui a été donnée, s'aperçevant des effets des plantations transgéniques sur l'envrionnement et sur le biotope local, avec des modifications génétiques de peut-être d'autres espèces végétales ou animales qui sont là. Donc il y a effectivement des grands dangers et je crois qu'il faut voir le mouvement qui s'organise actuellement ; le CM a voté une motion visant à interdire l'utilisation d'OGM dans nos cuisines scolaires. Peut-on appliquer ça ? C'est pas facile, à partir du moment où l'étiquetage est mauvais.

Alors la décision de l'OFEFP n'a pas été prise en fonction de ce " trend " de l'opinion publique ?

Il est évident qu'il faut tenir compte de l'opinion publique et toutes les ten-dances y sont représentées. L'opinion publique s'exprime en choisissant ses représentants. Il faut un juste milieu tenant compte des industries comme de l'environnement. D'ailleurs, ceux qui ont fait la promotion du transgénique, c'était pour des intérêts économiques, ce n'était pas pour le bien d'humanité. Ils disaient, il y aura plus de production, donc tout le monde aura plus de biens. On avait à faire à des baratineurs.
Les scientifiques sont les seuls à pouvoir calculer les risques, mais il y a aussi le bon sens qui doit jouer un rôle ici. L'assentiment populaire aussi doit jouer un rôle, quoique qu'il est difficile d'informer convenablement tout le monde. C'est ça le problème : la morale. La morale, elle gère le bien et le mal. La science gère le vrai et le faux. Le politique gère le juste ou l'injuste, et derrière c'est la morale qui juge le politique. Mais qu'est-ce qui gère la morale, c'est l'éthique.
La question, c'est de savoir ce qui est juste ou injuste, est-ce que c'est bien ou mal. Dans le cas de Changins, ce qu'il faudrait faire, c'est attendre plus longtemps, car une expérimentation sur 5-10 ans ne permet de voir les risques à long terme. Il faudrait attendre 50 ans et faire des mesures à long terme. On va me traiter d'utopiste, mais à mon avis cela représenterait une bonne solution. Comme le dit un diction indien, il faudrait être sur que la septième génération ne souffre pas des actions présentes. C'est ça le problème : nous sommes dans le monde de la rapidité, où tout doit être fait vite ; les moyens de transport se développent, maintenant on est à travers le monde en 12 heures. Tout va vite. Si l'on fait une trouvaille, l'on veut qu'elle soit tout de suite appliquée.

Donc vous ne faîtes pas confiance aux scientifiques de Changins ?

S'ils avaient fait la mesure sur 50 ans, je leur aurais fait confiance. Mais s'ils le font sur 1 ou 2 ans, moi je leur dit, êtes-vous sûr que sur 50 ans il n'y aura aucuns risques ? Ils extrapolent : ils font des tests sur 6 mois, puis en concluent que ce sera la même chose pour toujours. Il faudrait également tester cela sur toutes les cultures du monde, car il se peut très bien qu'un aliment ne cause rien chez nous, européens, mais par contre affecte d'autres populations. Mais on va sûrement me dire que je suis un utopiste (rires).

Comment voyez-vous l'avenir des OGM ?

Ecoutez moi je n'ai pas demandé à en consommer. Je préfère consommer les mêmes pommes de terre bonnes au niveau du goût que je mangeais dans ma jeunessse. C'est une référence culturelle.

Mais plus précisément quel est l'avenir concret des OGM ?

Avec les mouvements d'oppositions qui sont en train de se lever, cela va être freiné considérablement. J'ai lu d'ailleurs ce matin que des firmes agro-alimentaires avaient décidé d'arrêter leur production d'OGM en Angleterre, étant donné les forts mouvements d'oppositon.

Si l'initiative du 7 juin se représentait, selon notre professeur de biologie, Monsieur Lombard, le résultat serait bien autre...

C'est fort possible, car l'opinion publique a changé. D'ailleurs, comme nous avons pu le constater à ce débat à la Salle commune des Eaux-Vives, les scientifiques ressentent qu'ils n'ont pas l'appui de la base. De plus, avec les récents problèmes des agriculteurs qui ont perdu leur récolte, car ils contenaient des maïs transgéniques. Ils ont perdu leur blé, le blé, c'est de l'argent.
 

Interview de M. Serge Overney, chercheur à Changins (VD)

Pouvez-vous vous présenter svp ?

Je m'appelle Serge Overney, je suis chercheur, donc cela veut dire que j'ai fait des études de biologie, ensuite j'ai fait un doc. Puis j'ai été à l'étranger pour faire de la recherche post-doctorales et puis je suis revenu en Suisse. Et puis là je suis engagé sur des projets fond national.

Alors nous allons traiter le refus par l'OFEFP de votre demande de mise en culture d'OGM à titre d'essai. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistait cette demande ?

Alors en fait ce qu'il faut savoir, c'est que le programme de recherche, c'est un programme prioritaire du fond national qui a été mis en place en 1994, donc cela fait maintenant cinq ans, qui est en collaboration avec les écoles polytechniques de Zürich, avec des universités suisses. Donc chacun avait en charge une partie de ce programme prioritaire, qui consistait à chercher, à mettre en place, à comprendre les nouveaux moyens de lutte contre le phystophora, qui est un champignon qui fait des ravages assez importants sur la pomme de terre, et donc de prendre le modèle pomme de terre/mildiou et puis d'essayer de nouvelles manières pour combattre le champignon. Alors évidemment actuellement nos moyens de lutte c'est les pesticides, dans certains pays le champignon est tellement présent que dès qu'il est installé, on ne peut rien faire. On traite préventivement jusqu'à une fois par semaine ; on peut imaginer les dégâts que cela occasione sur la nature, étant donné les quantités de pesticide qu'il faut. Il y a plein de problèmes de ce côté-là. Donc l'idée c'était d'arriver à faire des plantes qui se défendent mieux. Il y a plusieurs moyens de le faire : on peut soit augmenter les défenses de la plante, soit trouver quelque chose qui est toxique pour le champignon que l'on fait produire par la plante, soit encore prendre des moyens de défense que l'on a trouvé dans d'autres plantes, et l'ammener dans la pomme de terre. Alors ce qu'il faut savoir c'est que les variétés ancestrales de pomme de terre qui n'étaient pas cultivées étaient des variétés beaucoup plus résistantes, des variétés rustiques, mais à force de croisements et de " breading " normal, les gens ont croisé pour certains caractères, donc on sélectionne surtout des caractères agronomiques. On veut qu'il y ait un bon rendement, qu'une pomme de terre soit utile, soit pour la consommation normale, ce sera pas la même que celles qui sont sélectionnées pour faire des frites ou des chips, parce que l'on demande pas la même qualité de pomme de terre, vous avez déjà vu suivant quelle variété vous achetez dans le magasin, vous essayez de faire des pommes de terre poulisse, des frites ou des röstis, on a pas le même résultat. En faisant la sélection, les caractères agronomiques on tété favorisés donc on a perdu souvent les caractères de résistance, et évidemment cela devient des variétés qui sont moins résistantes.

Vous avez en fait essayé de retrouver les caractères de résistance...

Alors on pourrait aller voir dans les pommes de terre rustiques qu'est-ce qui lui conferrait la résistance et puis de les réimporter dans la pomme de terre d'intérêt. Donc il y a un gros problème avec la pomme de terre par exemple, c'est que c'est tetraploïde, donc c'est très difficile de faire des croisements puis d'optenir après des variétés qui soient stables. La pomme de terre se multiplie par bouturage, par tubercule et des choses comme ça. La tubercule, c'est des tiges souterraines, donc il n'y a aucune reproduction sexuelle pour faire ce genre de chose, donc... Si on doit commencer à faire des croisements, et puis toujours chercher pour faire des croisements, c'est très long, donc l'avantage de la plante transgénique, c'est qu'on peut apporter, je ne dirai pas plus rapidement, mais plus facilement les caractères qu'on cherche, parce que l'on cible sur le caractère que l'on veut, et puis on peut l'amener directement. Globalement, entre le moment où une pomme de terre est modifiée génétiquement, d'ici qu'elle soit mise sur le commerce, on s'aperçoit maintenant, par rapport à ce que les gens disaient il y a 10 ans, qu'il faut à peu près le même temps qu'il faut pour les croisements normaux il faut encore aller chercher le caractère, donc cela prend encore plus de temps. On est quand même un peu plus court, mais surtout on cible mieux ce que l'on veut faire.

Mais il y a plus de risques, enfin...

Alors les risques... (rires) on va parler du projet et pourquoi on avait fait une demande d'abord. Donc on a mis au point un certain nombre de choses qui ont été faites, c'est évident que lorsque l'on veut produire quelque chose de nouveau dans la plante, on va se dire, bon, l'idéal va être de ne produire que ce que l'on veut, c'est-à-dire de ne pas amener des gènes supplémentaires qui ne seraient pas d'intérêt. C'est la première chose. Donc il faut bien cibler. Il faut que le gène que l'on met ne soit pas toxique pour l'environnement, pour la nutrition humaine et autre, bien qu'on puisse un peu détourner les choses, en disant que le gène, on ne veut qu'il soit produit, par exemple dans le cas de phytosphora, ou même que ce soit contre les insectes qui mangent les feuilles, donc on se dit, il faut que l'on produise dans le feuillage et non pas dans la tubercule. On peut jouer avec le promoteur. Il y a des groupes qui ont fait des recherches pour savoir quel promoteur on pouvait utiliser pour qu'il soit inductible, c'est-à-dire que la production de la nouvelle protéine que l'on demande et de nouvelles toxines ne se fassent pas tout le temps dans la plante, mais seulement lorsqu'il y a attaque par l'agent pathogène. Le promoteur, c'est la sécurité qui est juste devant le gène. Il y a un groupe qui a travaillé sur le promoteur, donc là on arrive à une construction avec un promoteur inductible et c'est la première chose. Ensuite ily a des gens qui ont travaillé pour savoir, à Lausanne entre autre, à Genève ils ont mis des gènes reconnus pour être toxiques: des tomatines, des osmotines, des gènes de glucanase, de quitinase, de tionines, ce sont tous des gènes qui sont reconnûs pour être toxiques contre le champignons ce sont des gênes dont le produit fait partie de ce que l'on appelle les " pathogenesis related proteins " en fait les protéines qui sont synthétisées au moment où il y a un choc ou un contactavec un pathogène donc ils font partie de classes qui déjà sont reconnues pour avoir probablement une fonction dans l'interaction entre la plante et le pathogène. Elles apparaissent à ce moment là mais cela ne veut pas forcément dire qu'elles ont une fonction à ce moment-la. Il faut être très méfiant avec cela. Lorsque l'on fait des tests avec ces proteines-là puis que l'on regarde diréctement sur le champignon cela inhibe sa croissance et il y a une mauvaise germination des spores de champignon. Donc ces gènes-là ont été mis , et puis ici on a privilégié une autre approche qui était de dire : on va aller, si vous prenez la voie de biosynthèse des chlorophiles, vous avez à un moment donné ou certains produits, sous l'effet de la lumière, donnent des composés qui sont toxiques et ces composés-là, métabolisés par la lumière, ont une production de groupes radicaux, type oxidatif, donc cela mime une réaction de défense, donc en fait on obtient une nécrose localisée à cet endroit-là, il n'y a plus de nourriture pour les champignons, et en plus cela attaque le champignon. Donc l'idée c'était de prendre la voie de biosynthèse de la chlorophylle et puis simplement soit de prendre la première enzyme de la voie de biosynthèse exprimée quand on a fait des plantes transgéniques qui ont ce gène-là en plus. On l'a pris chez la levure. Tout ça pour essayer d'avoir une surexpression. On est censé avoir plus de produits ici, une accumulation, donc un effet de toxicité accru. Et l'autre possibilité c'est de se placer à la fin de la voie de biosynthèse et puis cette fois on inhibe l'enzyme qui est ici. Donc on fait ce que l'on appelle un antisens. On le transforme avec le gène à l'envers. De cette manière là, quand il y a expression de ce gène à l'envers, il fait un ARN messager qui est à l'envers, qui peut se mettre sur l'ARN messager normal, donc le ribosome ne peut plus venir, il n'y a plus de translation de protéïne. Donc au fait on a enlevé l'expression. Depuis cinq ans, on a des plantes transgéniques de ces différentes choses, certains qui produisent des toxines, certains qui produisent des antisens, etc. Donc on a essayé de mettre au point maintenant, il faut valider la chose, il faut se dire, est-ce que ces plantes résistent mieux à phyto-phora ? Donc on a fait des tests avec phytosphora, on a fait des tests en serre. (cf. fig. 43). Et puis nous nous sommes rendus compte que les plantes poussaient différemment dans les serres ou dans les chambres de croissance. C'est-à-dire que malheureusement on a beau essayer de mimer les conditions, après quand elles sont dans un autre environnement elles se comportent différement. Comme on ne contrôle pas l'endroit où on insère le gène, nous devons chaque fois contrôler le phénotype. L'année passée, nous avons pu faire un essai en Bretagne - l'Europe ayant accepté notre projet, soit dit en passant. Et là nous nous sommes aperçu que les plantes qui donnaient la meilleure résistance dans les serres n'étaient pas celles qui donnaient la meilleure résistance en champ, car dans les champs il y a aura par exemple une nuit froide, et puis tout d'un coup une journée beaucoup plus chaude, tout d'un coup plus de lumière... tous les facteurs environnementaux sont complètement différents. Donc à partir de là si l'on veut valider le modèle, il faut l'expérimenter en champ. Nous travaillons in vitro, et la plante, nous devons la réaclimater, car la première année elles ont une très grande variabilité qui ne correspond pas à une tubercule née en champ. Donc on a récupéré ces tubercules pour les planter à nouveau en champ et là-bas et ici. Alors pourquoi aux deux endroits ? Parce que les conditions envrionnementales varient. Les gens rient, mais c'est un projet à but écologique, afin d'utiliser moins de pesticides. C'est pourquoi nous sommes fâchés, car on ne nous donne pas les moyens d'étudier.

Pourquoi ont-ils interdit cela ?

Dans le dossier ils nous ont reprochés deux choses. Premièrement d'avoir mal caractérisé les clones. Bon je ne veux pas entrer dans les détails. En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que le peuple a voté l'été dernier sur ces histoires de transgénique ou pas, et on a vu que les gens sont sensible au fait de manger des OGM. Il faut savoir que c'était un tout petit essai. Donc on ne peut pas actuellement faire plus de caractérisation ; au niveau du risque cela n'apporte rien. C'est un faux argument. La deuxième chose à nous avoir été reprochée, laisser à l'intérieur de ces plantes un gène résistant à la callamicine, qui est un antibiotique. Pourquoi la callamicine ? En fait, quand on fait une plante transformée, l'on doit prendre un tissu indifférencié que l'on met en contact avec l'agrobacterium et puis il va se former des nouvelles cellules. En jouant avec les balances hormonales, on arrive à un moment donné à dire que l'on met suffisamment d'hormones et puis cela pousse vers des tiges. Et maintenant il va falloir déterminer si on laissait le tissu comme ça sur un milieu sans sélection, cela formerait des tiges, mais comment savoir si ces tiges sont des tiges transgéniques ? Donc le moyen de faire c'est ce prendre que l'on appelle un gène rapporteur. En même temps que l'on fait la transformation avec le gène qui nous intéresse, à côté on a un gène de résistance, donc au fait de cette manière-là, seules les cellules qui ont le gène de résistance quand on est en présence de l'antibiotique, il y a que ces cellules qui ont un gène de résistance qui vont pouvoir pousser. Donc tout le système de transformation, toute la sélection in vitro et stérilement se fait en présence de l'antibiotique et de cette manière-là les autres cellules ne poussent jamais, donc on est certain que les seules tiges qui vont pouvoir sortir sont transgéniques. C'est un outil obligatoire . Alors là OÛ cela se corse, c'est qu'il n'y pas de moyens simples d'enlever ce gène. Deux problèmes : le choix du gène adéquat et comme on ne peut pas enlever le gène, alors à quoi faut-il faire attention au niveau du risque. Il n'y a pas de risque au niveau nutritionnel ; c'était un essai sur une toute petite parcelle, tout était récolté à la fin, tout était brûlé et puis l'année suivante et même sur trois ans la parcelle était encore contrôlée pour voir si des pousses en était sortie. Le risque principal donc vient d'une dissémination qui pourrait se faire d'une façon non contrôlée : il y a des maraudeurs, des voleurs..., on ne peut malheureusement rien y faire. Ceci est un risque que l'on peut admettre. Si quelqu'un la mange, la plante n'est pas toxique. Le principal risque est que le gène se transmette à d'autres espèces. En ce qui concerne la pomme de terre, il n'y a pas d'autres solanacées qui pourrait se croiser avec la pomme de terre. Le pollen de la pomme de terre est lourd, cela veut dire que la dispersion par le vent est très faible. En ce qui concerne les insectes, on ne peut pas les éviter.. alors nous avons pris une variété des pommes de terre dont le pollen était stérile. Il ne peut donc fertiliser aucune plante. La variété bintch est stérile, de plus à Bullet il n'y pas de champs de pomme de terre, car c'est trop haut. (...)

Donc la décision de l'OFEFP était erronée...

D'un point-de-vue scientifique, nous avons pris toutes les précautions. En ce qui concerne l'antibiotique, ce dernier n'est plus utilisé que dans de rares cas en médecine. C'est celui qui, selon toutes les études valables, est le plus conseillé pour de tels essais. (...) De plus, la gène comportant cet antibiotique est déjà bien présent dans la nature : s'il on prend un bout de terre, et bien nous trouverons dedans une bonne partie de bactéries avec de la callamicine. Le risque zéro n'existe pas ; il est très limité, et il n'augmente pas le risque naturel. Non, il faut être honnête, cette décision, scientifiquement, ne se tient pas.

Mais alors pourquoi ?

Il y a certainement un facteur de peur qui joue, toutefois, à mon avis, cette décision provient d'un choix personnel effectué à la tête de l'Office fédéral. Je ne veux pas entrer dans le débat politique à ce niveau-là. Le problème est double : il faut savoir ce qu'on peut faire ou ne peut pas faire, ce que l'on met dans la plante, quel type de plante transgénique l'on fait. On n'est pas capable d'évaluer tous les risques, comme tu disais si bien, parce que l'on connaît pas tout. Mais ne doit-on pas comprendre au moins comment cela se passe ? Il y a des solutions qui existent, mais pour cela il y a encore des recherches à faire pendant longtemps. Malheureusement, ce qui va nous arriver, c'est que l'industrie pousse derrère nous avec des produits qui leurs ont pris des années de recherche, eux ils aimeraient rentrer dans leurs frais. Donc nous, les chercheurs de Changins, nous sommes pris entre la recherche et l'industrie, qui elle essaye par la pression de faire passer des produits qui ne sont sans doute pas les meilleurs que l'on pourrait faire. Cela n'engage que moi, mais faire des plantes qui resistent mieux à des herbicides, c'est un non sens. Nous on en veut pas. Ce que l'on cherche, c'est utiliser moins d'herbicide. Il faut que l'on soit au courant en Suisse, autrement le jour où ces produits arriveront à notre frontière, nous ne saurons pas quelle décision prendre.

Comment voyez-vous l'avenir des organismes génétiquement modifiés ?

Au niveau nutrition en tant que tel, pour l'instant l'opinion publique n'en veut pas. Ce que je trouve désagréable pour ma part, et c'est un peu la faute des scientifiques, c'est qu'ils ont dit qu'il n'y avait pas de risque. Ils se sont cachés dans leur laboratoire derrière leurs connaissances scientifiques. C'est une attitude détestable et punissable, dont on paye le prix aujourd'hui. Le scientifique doit aussi arriver à mieux expliquer ce qui se passe. Vous savez, tout le monde parle de l'agriculture biologique, c'est le gros mot actuellement, l'agriculture " biologique ". Mais il y a deux choses, si tout le monde faisait de l'agriculture biologique, les rendements seraient très très bas, la qualité serait très basse, parce qu'en fait ils profitent du fait qu'il n'y pas besoin d'un très grand rendement puisqu'il y a d'autres systèmes de production à côté, et ils profitent du fait que la plupart des maladies et des insectes dans des champs autour sont quand même contenus par les méthodes traditionnelles. L'agriculture biologique ne fera pas tout, il faudra mettre toutes ces pratiques ensemble, faire des changements d'espèces réguliers dans les champs, on fait en sorte que certains insectes ne pourraont pas s'établir sur de longues années, et les maladies la même chose. Il y a plein de choses, en terme d'agriculture que l'on peut faire pour que cela se passe mieux, mais il faudra toujours utiliser un peu de pesticide pour contrôler les infections ou autres. Dans ce domaine, les plantes transgéniques peuvent servir à avoir des plantes ayant subies de modifications saines, ce qui permettra d'avopir une agriculture qui sera acceptable. Tout le problème est là : dans l'opinion publique, lorsque l'on dit naturel on sous entend sécurité, ce qui n'est pas vrai. C'est une image qui sera difficile à changer. Il va falloir mettre tous les moyens ensemble pour permettre à la recherche d'arriver à un environnement qui soit sain, pour que l'on puisse continuer à cohabiter avec la nature.

Ces techniques pourraient engendrer un progrès technique extraordinaire, or vous avez contre vous les principales organisations écologistes (Greenpeace, les Verts,...), tous devraient être réunis ?

Les problème est que nous chercheurs sommes assez confondu avec les entreprises à but commercial. Il faut que quelqu'un s'oppose à ses grandes entreprises. Les organisations écologistes ne veulent pas d'OGM, elles ont décidé NON. Tous ces facteurs là, pesticides et autres, en terme écologique, par rapport aux quelques Monarques qui auraient pu ingérer du pollen modifié, l'évaluation des risques est encore à l'aventage de la plante transgénique.

Je ne suis pas pour le " tout transgénique ", il faut avoir de multiples voies de recherche et qu'il faut essayer de tout mettre ensemble, c'est le plus important, c'est ce que l'on appelle la lutte intégrée.
 
 

Analyses et conclusions

Dans un premier temps nous allons analyser et présenter le problème de la pomme de terre de Changins, dans le canton de Vaud.

Les pommes de terre (cf. fig. 7) sont depuis longtemps un composant important de notre alimentation. Parmi les nombreuses variétés de pommes de terre, la bintje se distingue non seulement par son goût et parce qu'elle convient à merveille pour la préparation de frites, mais aussi par sa durée de conservation relativement longue. Mais cette variété, en particulier, est très sensible à un champignon, le mildiou, qui, par temps humide, attaque les feuilles des plantes de pomme de terre en les recouvrant d'un duvet gris formé de filaments et finit par les détruire. Au siècle dernier, le mildiou (Phytophtora infestans) a provoqué une famine qui a décimé l'Irlande.

Les pommes de terre ainsi que d'autres plantes sont capables de se défendre jusqu'à un certain point contre les champignons, comme le fait notre corps en cas de grippe ou de refroidissement. Toutefois, lorsque nos défenses ne sont pas suffisamment fortes, le médecin nous prescrit des médicaments. Lorsque les défenses des pommes de terre sont insuffisantes, le paysan les traite à l'aide d'un produit contre les champignons - un fongicide - afin d'éliminer le mildiou. Les fongicides sont des substances chimiques synthétiques pour la plupart. Ils n'agissent pas seulement sur les champignons qui s'attaquent aux végétaux tels que le mildiou; ils peuvent également être nocifs pour les champignons utiles et pour l'environnement. Plutôt que d'utiliser des fongicides, il serait donc, selon les chercheurs de Changins, plus judicieux de développer et de renforcer les défenses naturelles des plantes de pommes de terre.

C'est cette stratégie que poursuivent les chercheurs de la Station fédérale de recherches agronomiques de Changins (VD). Ils ont essayé de rendre la pomme de terre bintje résistante au mildiou en la modifiant génétiquement. A cet effet, ils ont inséré dans la plante de pomme de terre du matériel génétique tout à fait spécifique provenant du blé, du tabac et de la levure, mais que l'on trouve aussi dans de nombreuses autres espèces de plantes. Ce matériel génétique contenu dans les cellules végétales contrôle la synthèse de protéines qui agissent sur la production de substances actives contre les champignons. On a donc doté les pommes de terre de défenses supplémentaires leur permettant de lutter contre le mildiou. Lorsque les chercheurs ont exposé les pommes de terre génétiquement modifiées au mildiou dans des essais effectués en serre, celles-ci se sont révélées beaucoup plus résistantes. Toutefois, le climat d'une serre n'est pas comparable à celui de la nature; c'est pourquoi les propriétés des pommes de terre génétiquement modifiées doivent être contrôlées dans des essais en plein champ, comme l'a précisé Serge Overney lors de son interview. L'an dernier, elles ont été cultivées pour la première fois en pleine terre en Bretagne afin d'évaluer leur résistance au mildiou. Les chercheurs désirent maintenant répéter l'essai dans les conditions climatiques spécifiques à la Suisse.

Le projet de la Station fédérale de recherches de Changins

En Suisse, les pommes de terre sont particulièrement sensibles au mildiou à une altitude de 1000 m, qui se caractérise par un temps froid et humide. Ce type de temps convient parfaitement au développement du mildiou; il est en revanche particulièrement peu favorable pour la pomme de terre. C'est pourquoi les chercheurs de Changins avaient choisi une parcelle du domaine de la Frêtaz sur la commune de Bullet, située à une altitude de 1200 m, afin d'exposer les pommes de terre génétiquement modifiées au mildiou, dans un environnement naturel. Sur une parcelle de 360 m2, il était prévu de planter côte à côte des pommes de terre génétiquement modifiées et des pommes de terre traditionnelles déjà attaquées par le mildiou de sorte que celui-ci se propage sur les pommes de terre génétiquement modifiées. Si cette propagation n'a pas lieu, cela indique que, même dans ces conditions climatiques hostiles, les défenses des pommes de terre génétiquement modifiées sont suffisamment fortes. Formellement, l'état de santé des pommes de terre aurait été contrôlé chaque semaine. A la fin de l'essai, les plantes et les tubercules de pommes de terre génétiquement modifiées auraient été arrachés et brûlés après avoir été analysés en laboratoire.

Un essai unique effectué sur un site n'a pas valeur probante car le temps varie d'une année à l'autre, ce qui peut faciliter ou rendre plus difficile l'attaque de la pommes de terre par le mildiou. Aussi, l'essai aurait dû être répété une année encore. Afin de disposer de quantités suffisantes de pommes de terre pour ce second essai, des pommes de terre génétiquement modifiées auraient dû être cultivées cette année sur les terrains de la Station fédérale de recherches agronomiques de Changins. La multiplication des pommes de terre génétiquement modifiées réalisée à Changins faisait partie intégrante de la présente demande d'autorisation.

Le but de la dissémination expérimentale de ces pommes de terre génétiquement modifiées aurait consisté à évaluer si la stratégie visant à renforcer les défenses de la pomme de terre s'avère efficace. Il n'était pas prévu de mettre les pommes de terre génétiquement modifiées utilisées pour cet essai sur le marché en tant que denrées alimentaires.

Mais la question principale est la suivante : " Le transgène peut-il "s'échapper" de la plante et s'introduire accidentellement au sein du patrimoine génétique d'une autre variété ou d'une autre espèce ? " Question essentielle, car un gène de résistance à un parasite pourrait procurer à une plante sauvage accidentellement modifiée un avantage sélectif par rapport aux individus restés sensibles et ainsi poser les problèmes d'invasion évoqués plus haut. Quant à la dissémination d'un gène de résistance à un herbicide, elle pourrait rendre l'herbicide totalement inefficace et plonger les agriculteurs dans une spirale infernale. Mais cette dissémination est-elle possible ? Pour cela, il faut d'abord qu'il y ait "évasion" de la plante cultivée transgénétique vers une population sauvage et qu'ensuite le transgène intègre cette dernière. Le risque, dans ce cas, est contingent de la probabilité" d'évasion", du devenir de "l'évadé" dans la nouvelle population, et de l'effet d'une éventuelle invasion sur l'écosystème. Il faut donc faire une évaluation à chacun des niveaux. Plusieurs vecteurs d'évasion sont possibles : les bactéries, les champignons ou les virus en contact avec la plante, mais surtout le pollen, considéré par les scientifiques comme le vecteur potentiel principal du transfert, car il renferme l'information génétique de la plante et est facilement transporté par le vent ou par les insectes. La possibilité de transfert d'un gène par le pollen est étudiée, depuis 1989, sur le colza et la betterave par plusieurs laboratoires européens dans le cadre des programmes BAP et BRIDGE. Alors qu'une étude britannique, menée en 1991 au John Innes Center de Cambridge, estimait que le pollen n'était pas efficacement transporté au-delà de 50 m environ, l'INRA de Rennes et celui de Dijon ont obtenu des résultats très différents. L'équipe de Michel Renard et Henri Darmency a  en effet observé "un transfert occasionnel de pollen transgénétique à 800 m de distance, sans doute effectué par les insectes pollinisateurs". Le risque de dissémination sur de grandes distances par le pollen est donc bien réel. En revanche, la dissémination pollinique peut-elle franchir la barrière des espèces, et s'introduire dans les espèces sauvages voisines du colza par exemple ? Pour réellement parler de flux de gènes entre une plante cultivée transgénétique et une population sauvage apparentée, il faut que la dispersion pollinique aboutisse à la formation d'hybrides inter-spécifiques fertiles et pérennes. D'où la nécessité d'avoir des résultats sur plusieurs générations.
 

L'équipe de l'INRA étudie donc au champ la possibilité de transfert vers des espèces sauvages comme les choux, la moutarde, la roquette bâtarde, la ravenelle et la moutarde des champs. Elle a ainsi montré que des fécondations inter-spécifiques se produisent, rarement, mais qu'elles peuvent malgré tout aboutir à la production de graines hybrides. Pour Antoine Messean, s'il y a un risque d'évasion de gènes et de création de nouvelles adventices (9), "nous connaissons le phénomène et nous n'avons pas de crainte particulière en ce qui concerne les disséminations". En revanche, il pense, comme beaucoup d'autres, que la résistance aux herbicides pose des problèmes particuliers : "Un suivi sérieux sera nécessaire car la gestion sera fortement complexifiée si l'herbicide devient inutilisable." Par contre, "le gène de résistance à un herbicide ne confère un avantage à la plante qu'en milieu traité avec cette substance, ce qui limite les risques aux agro-systèmes (champs et bordures)", explique Pierre-Henri Gouyon (CNRS, Orsay). Dans ce cas, il pourrait y avoir transfert du gène de résistance de la plante cultivée vers ses mauvaises herbes apparentées et donc apparition de mauvaises herbes résistantes à la génération suivante. Mais les hybrides n'ayant a priori aucun avantage sélectif dans les zones non traitées, ils ne pourront probablement pas envahir les écosystèmes au voisinage des zones cultivées. Cela est valable pour tous les gènes de résistance aux herbicides. En revanche, des gènes de résistance à des insectes ou à des maladies présentent un danger écologique plus probable, dans la mesure où ils confèrent aux plantes qui les possèdent un avantage sélectif sur les autres plantes, et ce quel que soit le milieu considéré. On peut s'attendre dès lors à voir apparaître des insectes, des bactéries ou des virus capables de surmonter la résistance. " Quoiqu'il arrive on ne pourra rien faire, souligne Yves Chuppeau (INRA, Versailles), contrairement au cas des herbicides où on peut arrêter d'utiliser le produit. Cette alternative aux insecticides risque de développer, successivement, des résistances à chaque toxine concernée, et la fréquence de mutation étant proportionnelle aux surfaces concernées, cela risque d'arriver rapidement ".
Gérard Devauchelle, spécialiste des baculovirus (10) à l'INRA de Saint-Christol-lès-Alès, met, quant à lui, en garde les "apprentis sorciers, car, si un baculovirus sauvage est très adapté à l'espèce qu'il parasite, il a évolué avec elle ; en revanche, un virus modifié génétiquement risque d'être instable, de se recombiner avec d'autres virus, et d'attaquer une espèce voisine hors de la cible "(11). Par conséquent, des recherches sont actuellement en cours pour tenter de faire produire la toxine uniquement lorsque la plante sera infectée (promoteur inductif), ce qui, selon les chercheurs, limiterait sensiblement l'apparition de résistance.
Enfin, concernant le risque de transfert d'un gène de la plante vers des micro-organismes du sol, A. Deshayes estime que cette question reste très théorique et qu'il est parfaitement possible par des expérimentations appropriées de lever la plupart des incertitudes.
Dans tous les cas, les expériences à long terme, permettant de prévoir le devenir du transgène dans une population sauvage où il aurait atterri par accident, ne peuvent être, pour des raisons de sécurité, réalisées en plein champ. Les prévisions à long terme sont donc très difficiles à effectuer, et c'est là qu'apparaît l'intérêt des modèles de génétique des populations, intégrant de nombreux paramètres biologiques et environnementaux (distance de dispersion pollinique, mode de reproduction, compétitivité, technique culturale, etc.). " Toutes les conséquences de la dissémination des OGM n'ayant pas encore été appréhendées, il convient donc de poursuivre les recherches dans ce domaine ", concluait Daniel Chevallier, dans son rapport de 1991, ajoutant qu'une des tâches prioritaires est de cerner aussi exactement que possible les éventuelles conséquences de cette dissémination sur l'écosystème global ". Il souhaitait donc que la construction d'un modèle de l'écosystème permette d'analyser des cas de situations accidentelles et d'y remédier. Mais, depuis 1991, trop peu de questions ont été élucidées, et de nombreuses études restent à faire dans un domaine de recherche où craintes et espoirs s'entremêlent trop intimement pour attendre les résultats des observations a posteriori.

(9). Se dit d'une plante qui colonise par accident un territoire qui lui est étranger sans y avoir été volontairement semée ; espèce végétale indésirable présente dans la culture d'une autre espèce ; mauvaises herbes.

(10). Baculovirus : groupe de virus pathogènes pour les insectes. L'un de leurs gènes peut être introduit dans des plantes pour leur conférer une protection "naturelle".

Passons maintenant à l'analyse de l'interview de M. Alain Vaissade. Comme nous lui avions envoyé les questions, il nous a directement répondu " en bloc ". Nous aurions peut-être du lui reformuler les questions une par une afin d'obtenir des réponses plus précises.

 On constate d'abord qu'il peut répondre de deux manières : premièrement d'un point de vue politique, il nous donne un avis personnel en tant que Vert, et deuxièmement d'un point de vue scientifique, ayant fait un doctorat en physique. D'un point de vue scientifique, il semble craindre le génie génétique : " Un petit article comme celui-ci répond à une partie de vos questions " dit-il en parlant du Monarque qui fait beaucoup parler de lui ces temps-ci. (x articles de Nature) Selon lui l'OFEFP semble avoir raison d'interdire les expérimentations en terre de Changin.

 Ensuite, lorsqu'il parle d'un point de vue politique, une idée semble se dégager principalement : le génie génétique est un progrès, comme tant d'autres, dont les risques ne sont (et n'ont pas été) assez bien mesuré. Il pense que les expérimentations sont faites sur un laps de temps trop court, et qu'il faudrait les faire sur 50 à 100 ans. Mais là une question se pose, est-ce que, sur 50 ans, les risques seraient mieux évalués, car c'est peut-être après 2000 ans que l'on en ressentirait les effets...(cf. interview de Changins)

 D'un autre côté, il dit que les progrès semblent toujours partir d'un bon sentiment visant à améliorer l'humanité, mais qu'ils aboutissent souvent à des catastrophes. Et là peut-être que M. Vaissade se disperse quelque peu, lorsqu'il nous donne des comparaisons entre notre sujet et " la moitié des articles du Monde ", traitant aussi bien du sang contaminé, qui nous le croyons résulte plutôt d'un frein au progrès par des personnes cupides, que des bombardements au Kosovo, qui s'apparentent plutôt à une guerre, qu'à l'essai de nouvelles techniques, " pour le bien de l'humanité ". Il cite également le problème des firmes qui veulent " rendre dépendants de leurs productions ", les paysans. C'est en effet un gros problème du génie génétique, à savoir le profit de ces firmes qui mène à l'irresponsabilité.

 Pour lui, cette interdiction résulte de plusieurs facteurs, tenant compte de l'opinion publique comme des risques. Il estime que la science et le bon sens doivent être les juges d'un problème si complexe, ce qui nous semble juste.

 L'opinion publique a changé, et suite aux problèmes récents qu'on apportés les OGM, leur expansion risque bien d'être freinée par les nouveaux mouvements qui sont en train de s'organiser.
 Cet interview nous a beaucoup intéressé, bien qu'il ne nous ait pas apporté grand nombre de nouvelles connaissances, mais le pont de vue d'un vrai politicien...

Analyse des propos de M. Overney

Nous avons écouté cet interwiew avec plaisir, car les points étaient clairement énoncés et le raisonnement bien structuré. En premier lieu on constate que le but de ce projet est écologique ! Même si cela paraît assez paradoxal, les chercheurs tentent d'élaborer une plante qui nécessiterait moins de traitement par les pesticides (ceux-ci il est vrai provoquent des ravages dans la nature). Par ailleurs, contrairement à ce que l'on pourrait croire, le projet n'est pas financé par des grandes firmes. Souvent, on a tendance à amalgamer ces chercheurs qui semblent úuvrer pour le progrès et les immenses puissances financières qui sont plus proches d'une rentabilisation imméiate. Concernant les modifications à l'intérieur de la pomme de terre, ce n'est pas une nouveauté. En effet les chercheurs tentent de retrouver des caractéristiques de resistance au champignon qu'elle possédait déjà dans sa variété ancestrale. Comme il est trop compliqué de retrouver ces caractères par croisement, on le fait par génie génétique.

La décision a été prise par rapport à deux points : la caractérisation et la résistance à un antibiotique. Pour le premier point la décision ne semble pas justifiée. En effet il ne serait pas indispensable, pour une si petite parcelle, de caractériser d'une manière très approfondie. " C'est un faux argument " dit-il. En ce qui concerne le second point, il faudrait aller voir dans la pomme de terre rustiques ce qui lui conferrait la résistance et puis de le réimporter dans la pomme de terre expérimentale, mais le mode de reproduction de la pomme de terre ne se prête pas à ce genre de " transferts ", en effet cela deviendrait très vite fastidieu alors qu'il est plus aisé d'insérer le gène que l'on cherche dans une plante transgénique, parce que l'on se cible immédiatement sur le caractère voulu.

Lorsqu'il s'agit des risques, M. Overney, concède volontiers que le niveau zéro n'existe pas, toutefois il est évident, toujours selon le chercheur, qu'il n'existe aucun risque au niveau nutritionnel étant donné que " tout était récolté à la fin, tout était brûlé et puis l'année suivante et même sur trois ans la parcelle était encore contrôlée pour voir si des pousses en était sortie ". Selon lui, le risque principal pourrait venir " d'une dissémination qui pourrait se faire d'une façon non contrôlée " (pour le côté scientifique de ce problème, cf. ci-dessus). Or, chez la pomme de terre et plus précisemment chez la variété Bintch, celle-ci est stérile : " [le pollen] ne peut donc fertiliser aucune plante ". De plus, il précise qu'à Bullet, lieu où le champ aurait été ensemencé, culminant à plus de mille mètre,  " il n'y a pas de champs de pomme de terre, car c'est trop haut ". Il conclut ,sur les risques, qu'ils avaient pris toutes les précautions nécessaires. Pour lui, " cette décision, scientifiquement, ne se tient pas ".

Et M. Overney d'ajouter  que selon lui l'OFEFP a pris cette décision d'une part en tenant compte du facteur de peur qui règne sur la population et d'autre part en raison des nombreuses oppositions dans le monde politique, notamment chez les écologiste, comme nous avons pu le constater lors de l'interview d'Alain Vaissade. En outre, il soupçonne la direction de l'Office fédéral d'avoir fait preuve d'autoritarisme, en refusant cette demande, malgré tous les préavis positifs des autres Offices. " Philippe Roch est l'ancien patron du WWF, c'est une chose qu'il ne faut pas oublier ", déclare-t-il aec les précautions d'usage. Quant à leur perception auprès de l'opinions publique, il nous explique que le manque de compréhension et de dialogue évident entre les chercheurs et les simples citoyens se justifie essentiellement par l'amalgame fait entre les scientifiques de Changins et l'industrie, " nous sommes pris entre la recherche et l'industrie ".

Quant à sa vision de l'avenir des OGM, Serge Overney, affirme que l'opinion publique n'en veut pas pour l'instant. D'après lui, " c'est un peu de la faute des scientifiques  qui se sont isolés derrière leurs connaissances scientifiques en précisant qu'il n'y avait absolument aucun risque". Or, l'on voit aujourd'hui que les OGM ne sont pas aussi sûres qu'ils le prétendaient. Enfin il précise que l'agriculture biologique " ne fera pas tout ", et qu'il faudra mettre diverses pratiques ensemble pour combler notre besoin. En conclusion, il nous dit que cette pomme de terre transgéniqueavait et a toujours des buts écologiques. En effet, si la pomme de terre était capable de se défendre toute seule, c'est-à-dire sans que l'on soit forcé de déverser de grosses quantités d'herbicides qui nuisent sensiblement à l'échosystème, et plus précisémment aux nappes phréatiques qui détiennent des réserves d'eau indispensables.

Il faut dire enfin, que nous avons été très chaleureusement accueilli àa la station fédérale, et avons eu droit à une visite guidée des installations concernat la pomme de terre (cf.fig. 1, 2, 3, 4) Les réponses de M. Overney ont été bénéfiques à notre bonne compréhension du sujet et nous ont permis de faire la part des choses dans ce sujet plus que houleux ...
 

 En conclusion, nous dirons que cette interdiction a certes des bases légitimes, en raison du risque de dissémination qui existe, mais toutefois repose sur une seule personne, Philippe Roch. En effet, il est prouvé que chacun des Offices fédéraux consultés (de la Santé, etc.) a donné un préavis positif à la demande de mise en culture d'organismes génétiquement modifiés en plein air. Or, M. Roch a décidé à lui seul de refuser cette demande. Avait-il des raisons plausibles ?

 Comme nous l'avons dit ci-dessus, le refus s'appuyait essentiellement sur deux points :
* le premier, sur l'antibiotique, appelé callamicine, qui est déjà présent à forte dose dans la nature et qui n'est quasiment plus utilisé en médecine, sauf dans des cas très rares en France et en Belgique ;
* le second, sur la caractérisation : le communiqué de l'OFEFP dit notamment que " la connaissance et la caractérisation des constructions génétiques effectuées sont insuffisantes. Pour pouvoir évaluer les conséquences d'une dissémination de pommes de terre transgéniques, des informations très précises sur les manipulations réalisées sont nécessaires. " Or, Serge Overney précise bien, à l'aide d'arguments scientifiquement prouvés, que la caractérisation n'avait pas lieu d'être étant donné la taille modeste de cet essai.
Pour finir ce travail, nous allons prendre position dans cet épineux débat. Premièrement, nous devons dire que nous avons été impressionnés de part et d'autres de la qualité de l'accueil et de l'information dont nous avons fait l'objet ; chacun de nos interlocuteurs a pris le temps de bien nous expliquer sa position à l'aide d'arguments forts.
En ce qui concerne l'essai à Changins (VD), nous devons avouer qu'il est difficile de prendre une position, tant de facteurs rentrant en ligne de compte. Toutefois, étant donné la précision et la pertinence des arguments des chercheurs vaudois, nous aurions plutôt tendance à pencher de leur côté. De plus, nous pensons qu'il n'est pas normal qu'un seul homme puisse décider comme ça de refuser une demande, alors que la quasi totalité de ses collègues y ont donné un avis favorable. Ici demeure un point d'interrogation qui mériterait d'être traité par nos successeurs - car nous espérons bien qu'il y en aura ici à Genève ! - ...

Enfin, ce rapport est le dernier que nous faisons dans le cadre du projet Jeunes Reporters pour l'Environnement. Sens du débat - journalisme - biologie moléculaire - génie génétique - etc... voilà toutes les " branches " que nous avons pu traiter avec plaisir et sérieux, ce qui n'est pas toujours chose facile, du moins à l'école...