La démarche de la psychologie expérimentale:

l'expérimentation

Dossier comprenant une analyse de la démarche expériementale en psychologie cognitive.


La psychologie cognitive est une science expérimentale qui privilégie l'observation contrôlée du comportement humain dans le but de construire des modèles du fonctionnement cognitif. Elle procède donc, comme toute discipline expérimentale, par un cycle récurrent "Modèle -> Hypothèses -> Expérimentation...". Le psychologue construit d'abord un modèle du fonctionnement cognitif (en général, il part de modèles existants). Par exemple, il a de bonnes raisons de penser que les informations sont maintenues en mémoire par plusieurs processus de nature différente (mémoire à court terme et mémoire à long terme). L'objet de ce modèle est d'établir les relations de dépendance ou d'indépendance entre composantes du système nerveux humain en fonction des conditions dans lesquelles un sujet donné est amené à fonctionner. Le psychologue cherche ensuite à valider son modèle en proposant une ou des hypothèses qui, une fois validées, ne contrediraient pas ses présuppositions. Pour l'exemple proposé, une bonne méthode consiste à faire l'hypothèse que certaines variables d'environnement affectent différentiellement les performances d'un sujet dans une épreuve de mémorisation. Le chercheur montrera, par exemple, que le fait d'intercaler une tâche de répétition de chiffres entre la phase d'encodage d'une liste de mots et la phase de rappel fait baisser sensiblement la performance du sujet sur les cinq derniers items sans modifier les résultats sur le reste de la liste. Il réalise enfin son expérience en respectant scrupuleusement la logique du raisonnement expérimental afin de ne pas attribuer la source de variation systématique étudiée à des variables cachées. Les modèles de la psychologie cognitive ont donc comme principal fondement l'expérimentation et sont essentiellement des modèles de dépendance entre variables expérimentales. Nous appelerons par la suite ces modèles des "modèles pour comprendre".

Malgré cette approche unitaire, il existe au sein même de la psychologie cognitive, différentes approches des processus d'acquisition des connaissances. Chacune de ces approches met l'accent sur une simplification "exemplaire" des processus d'apprentissage dans le seul but de mieux faire ressortir l'effet de certains goupes de paramètres. On peut toutefois noter que la tentation de réaliser des synthèses est toujours présente en psychologie mais ces tentatives sont généralement vouées à l'échec car cette discipline manque cruellement d'un langage de description unificateur qui permettrait de prendre en compte à la fois les actions élémentaires de pensée, la façon dont elles sont associées au fonctionnement du cerveau et leur mode de régulation.

L'approche "structuraliste" privilégie l'étude synchronique du mode d'organisation des connaissances en mémoire. Que l'on s'intéresse aux "concepts" et à leur organisation en réseaux sémantiques, aux connaissances plus complexes comme les "schémas" ou les "scripts", ou aux aspects développementaux avec les "schèmes" et les "structure de contrôle", le but est toujours de proposer un modèle pour comprendre comment les connaissances sont organisées en unités élémentaires fonctionnelles. De tels modèles ont permis d'interpréter efficacement les mécanismes de compréhension dans la lecture, les processus d'association libre, la construction des connaissance au cours de la genèse. Ce domaine de recherche est une source d’inspiration importante pour les informaticiens qui cherchent à rendre plus performant le mode de représentation des connaissances en machine.

L'approche "fonctionnaliste", inspirée par les théories du traitement de l'information, privilégie quant à elle l'étude des modes de contrôle de l'information dans le système nerveux. Appartiennent à cette approche les travaux sur la mémoire de travail, l'apprentissage implicite ou encore sur le caractère automatique ou contrôlé de certains processus mentaux. Ces modèles du fonctionnement cognitif sont efficaces pour comprendre l'économie générale du système de traitement de l'information humain et le comportement du sujet en situation d'apprentissage par l'action. On comprend aisément pourquoi ces travaux fournissent une assise théorique aux recherches sur l’ergonomie des logiciels (charge mentale, attention, structures de contrôle).

L'approche "différentielle" est une approche orientée-problème. Le psychologue différentialiste découpe dans l'univers des connaissances des "fractions élémentaires" de savoirs qu'il soumet, sous la forme de tests, à un grand nombre de sujets. A l'aide d'outils statistiques puissants (analyse des correspondances, analyse factorielle), il cherche ensuite à faire ressortir comment les performances d'un groupe de sujet s'organisent les unes par rapport aux autres en patterns corrélationnels (items verbaux, numériques, spatiaux...). Bien que porteuse d'une image négative, la psychologie des tests a permis cependant de réaliser des avancées décisives. Ce sont les différentialistes qui les premiers ont proposé un découpage des activités mentales en actions élémentaires de pensées, ce sont aussi des différentialistes qui ont contribué aux recherches sur les styles cognitifs (modèles souvent utilisés dans les sciences de l'éducation). Comme nous le verrons par la suite, la méthodologie utilisée ici a quelques similitudes avec les recherches sur l’évaluation des logiciels.

L'approche "culturaliste" en psychologie cognitive privilégie le rôle des outils transmis par la société, en particulier le langage. Il existe en effet de nombreux psychologues qui défendent l'idée que les processus d'acquisition des connaissances ne peuvent se comprendre sans faire référence au sens que les symboles véhiculent et à leur valeur sociale comme moyen de communication. Cette approche semble retrouver actuellement un regain de vitalité, grâce en particulier aux travaux des "contextualistes" qui s'intéressent au fonctionnement cognitif dans les situations de la vie quotidienne. Cette orientation est concernée au premier plan par l’étude psycho-sociologique de l’intégration des NTI à l’éducation.