CHAPITRE 5: Les collecticiels

 

 
 
 
 
 

5.1 Exemple de collecticiel


Un problème de mathématique plutôt complexe pourrait être mieux résolu si deux ou plusieurs personnes y travaillaient ensemble.
Pour notre classe de 17 élèves, nous pouvons imaginer le cas suivant :

Pendant une semaine, les élèves se chargeront d'administrer le budget à disposition de la classe pour les différentes activités. Il faut :

- organiser une excursion à l’ONU (acheter de la nourriture pour tous les élèves, louer un car, acheter les tickets),
- élaborer une expérience sur la germination des plantes (acheter les graines, la terre, de la ouate, des récipients en verre, un thermomètre),
- changer le matériel de papeterie qu’on utilise en classe (crayons, craies, éponges pour le tableau noir, pastels, feuilles, cahiers),
- acheter des petits cadeaux pour les anniversaires de quatre camarades.
Le budget à disposition pour la semaine est de 2000 francs.
Ce problème sera résolu par un groupe de 6 personnes. Deux d’entre elles devront se charger de l’organisation de l’excursion, une de l’expérience, une du matériel de papeterie, une des cadeaux et, enfin, une aura la responsabilité de distribuer l’argent aux camarades selon leurs demandes. Cette dernière personne, le « trésorier », devra contrôler qu’on ne dépasse pas le budget à disposition.
Pour chaque tâche, les collaborateurs devront se rendre dans des endroits différents: une agence qui organise des excursions pour la location du car et pour acheter les tickets, un supermarché, un magasin d’articles pour le jardinage, une papeterie, un magasin d’articles pour cadeaux. Là, ils auront la possibilité de choisir entre différentes offres. Chacun d’entre eux devra aller dans l’endroit spécifique, s’informer sur les prix des différentes options, choisir, calculer combien d’argent il leur faut et le demander au trésorier en lui envoyant une liste complète des articles, avec les prix et le coût total. Toutes les personnes savent que les ressources économiques sont limitées et devront faire leurs achats sans l’oublier. Si les demandes ne dépassent pas le budget, l’argent restant sera distribué selon le besoin. Si les demandes dépassent le budget, le trésorier devra interpeller les personnes qui, selon lui, ont dépensé plus que nécessaire et celles qui ont un besoin d’argent plus urgent : il informera les personnes concernées de la situation et ceux-ci devront communiquer entre eux pour mieux partager l’argent.
La tâche la plus difficile sera celle du groupe qui organise l’excursion : ils devront s’organiser entre eux et, en plus, avec les autres.
L’enseignant choisira, selon les capacités des élèves, les rôles que chacun occupera.
On devra travailler avec 5 ordinateurs (les deux personnes du groupe «excursion» utilisent le même ordinateur). Le logiciel aura un espace (ou deux, dans le cas de l’organisation de l’excursion) pour rechercher les articles/offres, un pour communiquer avec les autres (5 fenêtres pour communiquer avec chaque personne, une pour les communications à tout le groupe), un espace pour faire des calculs et un pour prendre des notes.

Il s’agit, donc, d’effectuer son propre travail en n’oubliant pas les exigences des autres et le but commun au groupe de collaborateurs.
 

5.2 Arguments pour et contre l’utilisation de ce logiciel

 

Arguments ‘pour’


L’apprentissage collaboratif est de plus en plus demandé, aussi bien par les entreprises que dans l’enseignement. Les avantages d’un collecticiel sont nombreux ; un de ces avantages est que l’apprentissage collaboratif structure et renforce les relations entre les personnes et avec un collecticiel, c’est encore plus facile: dans notre cas, puisque beaucoup d’enfants ont un ordinateur à la maison, ils pourraient effectuer leur tâche à distance; de cette manière, même s’ils sont seuls dans leurs chambres, ils peuvent profiter de la collaboration. Cela peut aussi résoudre le manque de temps pour faire ce type de travail à l’école: l’enseignant peut expliquer le fonctionnement du logiciel et les buts de la tâche, le faire essayer une ou deux fois par tous les élèves, et après, donner la résolution du problème en groupe comme devoir (l’enseignant désignera les personnes faisant partie de chaque groupe). En plus, avec un logiciel c’est plus facile de gérer la tâche qu’avec les moyens traditionnels.
Un autre avantage est que les élèves apprennent à argumenter, puisqu’il faut qu’ils donnent des motivations à leurs demandes: pour obtenir de l’argent de la part du trésorier ou des collaborateurs qui en ont assez, un élève devra les convaincre de la réelle nécessité d’argent qu’il a.
Pour profiter des avantages de l’apprentissage collaboratif, la recherche a essayé de déterminer les conditions dans les quelles ce type d’apprentissage est efficient. On a étudié beaucoup de variables: le contexte de la collaboration, le moyen disponible pour la communication et, ce qui est encore plus intéressant dans notre cas, la composition du groupe (pas de groupes trop larges, paires symétriques mais avec différents points de vue, membres des groupes du même sexe si on travaille avec des enfants…) et les caractéristiques de la tâche (elle devrait favoriser les différences dans les perspectives ou les solutions, impliquer beaucoup de compréhension et de planification,…).  (Dillembourg 1996)
En outre, on sait que l’apprentissage collaboratif n’est pas un mécanisme unique: «…les pairs n’apprennent pas parce qu’ils sont par deux, mais parce qu’ils exécutent quelques activités qui déclenchent des mécanismes d'apprentissage spécifiques. Cela inclut les activités/mécanismes exécutés individuellement […] Mais, en plus, l'interaction parmi des sujets produit des activités supplémentaires (explication, désaccord, régulation mutuelle,…) qui déclenchent des mécanismes cognitifs supplémentaires ( knowledge elicitation)  ou tiré de la connaissance en français, internalisation, chargement cognitif réduit,…).» (Dillenbourg P., 1999). Le problème est que les interactions qu’il serait souhaitable d’obtenir dans un contexte de collaboration ne se réalisent pas toujours; il faut, donc incrémenter la probabilité d’obtenir certains types d’interaction. Dillenbourg nous offre 4 types de solutions: concevoir soigneusement la situation; donner un scénario basé sur des rôles (demander aux sujets de jouer un rôle spécifique dans une argumentation, donner différents points de vue aux sujets, contrôler l’accès aux données de telle manière que les membres de groupe accèdent à différentes données); structurer l’interface du logiciel (avec des boutons prédéfinis qui peuvent former une phrase complète ou commencer une phrase à compléter par le sujet); surveiller et régler les interactions.
 

Arguments ‘contre’


Le dernier point, la régulation des interactions, constitue un des problèmes de notre utilisation du collecticiel: la présence de l’enseignant est très importante et, même si on peut fournir aux élèves des outils pour l'autorégulation de leurs interactions (par exemple, afficher le degré d’asymétrie des interactions), c’est probable que les élèves trouvent cette tâche difficile, quand même, et que la régulation peut avoir lieu seulement grâce à l’intervention de l’enseignant.
Un autre problème, lié à la nature du Computer-Supported Collaborative Learning, est qu’on perd les facteurs de communication que l’on a avec une relation face à face.