1. PROBLEMATIQUE
Le défi actuel pour la plupart des acteurs (programmeurs, graphistes et ergonomes) de cette évolution des mondes virtuels, c'est d'offrir une interface intuitive, utile et utilisable pour le plus grand nombre. D'ailleurs, comme le précise Nielsen dans un entretien au site web SilliconValley.com :
"[...] the first generation of Net-native designers [...]. They're not very empowering and they're not oriented toward solving people's problems [...]. I think that what we need is to reverse the perspective and think about how to empower users."Ces contraintes axées utilisateur s'appliquent aussi bien à Internet, qu'aux environnements hardware ou software. Il est donc naturel de voir ces disciplines se rejoindre dans leur souci d'offrir à l'utilisateur une interface et un environnement virtuel de qualité. Cependant, dans le cas de notre étude, si l'on devait lister les contraintes associées au Web avec celles des jeux vidéo, on constaterait une différence importante sur le plan du cahier des charges (guidlines) :
- La qualité de l'accès au Web dépend du type de connexion (modems, ADSL, TP, satellite, etc.) et de la puissance de l'ordinateur ;
- La qualité de l'environnement de jeu dépend soit des caractéristiques de l'ordinateur (pour les jeux en CDRom : cartes son, graphique, etc.) soit du type de poste de télévision (pour les jeux en console).
Même si il existe beaucoup de sites Web qui ressemble à des mondes virtuels (VRML), le standard actuel du Web irait plutôt vers un style d'interface ergonomique et facile d'utilisation. Alors que dans les environnements de jeux, les créateurs poussent l'imaginaire toujours plus loin, pour autant que la technologie suive. De ce fait, le monde du jeu vidéo, c'est le lieu par excellence des avancées technologiques en informatique (en excluant le domaine spécifique de l'animation par ordinateur). D'ailleurs, Mastrogiacomo (1998) confirme ce qui vient d'être dit:
"New ideas are popping up from an unexpected and underestimated area: video games. Interesting visual patterns are being adopted in these particular applications, which are considered as having the most advanced visual interfaces."Dans le cas des jeux vidéo, la question qui se pose est alors de savoir si la technique (programmation) et la ligne graphique (design) évoluent autant que l'interface (HCI), dont l'unique intérêt repose sur le confort de l'utilisateur. Car si l'on arrive à déterminer certaines évolutions novatrices au sein des interfaces de jeux, on pourrait envisager par la suite les conditions d'un transfert vers les sites Web HTML ou XML, voire vers les sites en Flash ou vers les mondes virtuels (VRML, etc.).
Pour ce qui est de notre étude, on se centrera essentiellement sur les conditions d'un transfert vers les sites Web HTML, puisque c'est dans ce format que se concentre la plus grande quantité de l'information actuellement disponible sur Internet. Il est donc envisagé d'aller puiser dans le meilleur de ce qui se fait dans les jeux (au point de vue de l'interface), pour ensuite le transférer là où l'on en a vraiment besoin: Internet. Cette question de recherche pose d'emblée la question des conditions d'une interface intuitive, utile et utilisable pour l'utilisateur. Or, dans la littérature spécialisée dans le GUI (Graphical User Interface) et le HCI (Human Computer Interaction), et malgré le nombre impressionant d'articles, on peut constater que le domaine de l'interface des jeux vidéo reste un domaine finalement assez peu considéré par les spécialistes. Les thèmes abordés sont bien souvent récurrents: le game design, la programmation, etc. Alors que l'importance de la psychologie cognitive (perception de l'environnement, IA, théories behavioristes, etc.) commence à peine à être reconnue. Paradoxal lorsqu'on sait l'importance de ce domaine de recherche dans la compréhension des mécanismes psychologiques impliquées dans la vision de la profondeur ou encore dans le sentiment d'immersion vécue face à une interface informatique. Pendant longtemps, l'environnement des jeux vidéo était la chasse gardée des programmeurs et des designers de génie, amateurs de jeux de rôle et de mangas japonais. La réalisation d'un jeu vidéo était devenu alors l'occasion d'un déferlement d'idées, d'animations, de modélisations et de design sans aucune limite, si ce n'est technique puisque la créativité est toujours plus en avance sur son temps que les contraintes liées à l'implémentation. Aujourd'hui, force est de constater qu'en plus des contraintes techniques, on se doit de prendre en compte les besoins spécifiques du principal acteur du jeu vidéo: le joueur. De ce fait, si l'on considère le joueur, on considère l'utilisateur en général. Et c'est là qu'interviennent les spécialistes de l'ergonomie des interfaces centrées "utilisateur".
Par conséquent, on voit ici apparaître la nécessité d'une approche méthodologique et scientifique des interfaces de l'univers du jeu, qui permettra ensuite de poser les bases théoriques d'une typologie fonctionnelle des interfaces de jeux, tout en ouvrant la voie pour de futures recherches dans un domaine qui reste encore mal connu. Précisons encore qu'en parlant de typologie, on entend l'élaboration d'une classification des différents types d'interface de jeux et des éléments qui les composent. L'objectif est donc d'analyser une réalité complexe, afin de faciliter ensuite le transfert de connaissances entre l'univers des jeux et celui de l'Internet.
Selon Shubber (1998), étant donné le fait que les jeux vidéo sont pratiquement tous des mondes "virtuels" que l'on perçoit comme étant vrai et dans lesquels on peut interagir en temps réel, on pourra alors parler de "réalités virtuelles". Précisons tout d'abord que le terme de "réalité" associé à celui de "virtuel" est controversé, la réalité étant par définition à l'opposé du virtuel; les mettre ensemble est donc une forme de paradoxe (nous préférerons alors parler d'environnements virtuels). De fait, même si l'on a souvent tendance à imaginer que les environnements virtuels correspondent à de la pure 3D immersive (type HMD), on constate que ce terme s'applique également à d'autre forme de dispositif technologique de type Desktop Display (écran plat tel que le moniteur ou la télévision). Il s'agit donc de préciser que le cadre de notre typologie des interfaces de jeux se limite au dispositif technique de type Desktop Display. Le transfert vers les sites Web HTML se justifie d'autant plus que la technologie de type Desktop Display s'apparente bien plus à l'environnement habituel d'un internaute.
A notre connaissance, il n'existe pas encore dans la littérature spécialisée de typologie sérieuse des interfaces de jeux. Coomans et Timmermans (1997) ont tout de même posé les bases d'un modèle descriptif des interfaces de "réalités virtuelles". Cependant, et ils le disent eux-mêmes, il reste encore à définir une taxonomie plus détaillée:
Pour ces auteurs, les 2 facteurs constitutifs d'un environnement virtuel sont la visualisation (qui définit la présentation de l'information de manière perceptible et contextualisée) et l'interaction naturelle (qui définit les interactions avec l'environnement virtuel dans les mêmes termes que dans la réalité). L'article présente également les bases d'un modèle de l'Interaction Homme-Machine (HCI), dont voici la figure:
Dans ce modèle, on constate simplement que l'utilisateur et la machine possèdent des informations qui peuvent être échangées. Pour que cela puisse se faire, il est nécessaire d'avoir du matériel permettant de transmettre les données de la machine vers l'utilisateur (les "Output Devices" comprennent donc le moniteur et les haut-parleurs). Inversément lorsque les données vont de l'utilisateur vers la machine, il est nécessaire d'avoir un clavier et une souris ("Input Devices"). En plus de ce matériel, il s'agit d'avoir le même type de connaissances permettant une meilleure compréhension entre les deux systèmes de représentation. Pour la machine, ces connaissances sont stockées dans une mémoire interne de type digital, alors que chez l'homme on parle de représentations mentales. On comprends alors mieux l'importance d'une interface correctement implémentée ayant comme unique objectif que l'information soit comprise par l'utilisateur. Ainsi, ce dernier n'aura plus à se demander si sa compréhension de l'information transmise par la machine est la bonne, mais plutôt qu'en faire. Et la différence est de taille lorsqu'on considère le confort de l'utilisateur.
Par la suite, les auteurs définissent les grandes lignes d'une taxonomie générale des interfaces centrées "utilisateur" (GUI), en reprenant les travaux de Bernsen (1995). Sans vouloir entrer dans les détails, on y apprend que l'information est transmise à travers un média "physique" (graphique, acoustique et haptique pour la machine; kinésthésique, acoustique et graphique pour l'homme). D'autres facteurs sont définis pour les différentes modalités de représentation, dans le domaine de la sémantique de dialogue, ainsi qu'au niveau du traitement et du rendu de l'information.
Finalement, Coomans et Timmermans (1997) posent les bases d'une taxonomie des interfaces d'environnements virtuels, dont les familles génériques ont pu être récoltés à partir des multiples définitions de la VR (Virtual Reality) trouvées dans la littérature spécialisée:
- Interaction - Natural user interaction;
- Immersion - Sensory immersion in a virtual environment, full body immersion or partial immersion. Also tele-presence;
- Simulation - Visual, acoustic, and haptic simulation, also scientific simulations and virtual prototyping;
- Visualization - Making native non-visual information visual;
- Real space - On-line communication and information retrieval from anywhere, without time delay;
- Autonomous agents - The computer starts behaving autonomously, takes own initiative.
Dans un souci de simplification, nous n'avons finalement retenu que les 4 premières familles pour notre typologie. Les 2 dernières de la liste ayant été inclues dans la typologie sous la rubrique Interaction ("Real space" sous "Feedbacks > temps réel"; "Autonomous agents" sous "IA"). Afin de pouvoir adapter cette taxonomie générale des VRUI à l'univers spécifique des jeux, nous nous sommes permis d'élargir la définition de chacune des 4 familles retenues, en allant consulter en détail la littérature spécialisée dans les jeux vidéo (cf. gamasutra.com).
Pour finir, l'article de Mastrogiacomo (1998) nous a particulièrement inspiré pour la catégorisation des différents types de jeux. Il s'est lui-même appuyé sur le livre de A. et F. Le Diberder (1998) qui traite de l'univers des jeux vidéo. Voici donc les 3 grandes familles de jeux vidéo:
- Stratégie - cette catégorie de jeux, fertile à la recherche en IA, existait déjà avant l'avénement des jeux vidéo, puisqu'elle se compose de plusieurs sous-catégories: réflexion (échecs, solitaire, etc.), classique (Monopoly, etc.), aventure (jeux basés sur un scénario de type enquête, espionnage, commerce, etc.) et RPG (Role Playing Game de type Zelda, Ultima On-Line, etc.); commerce, etc));
- Action - cette catégorie, qu'on appelle aussi les jeux d'arcade, stimule plutôt les réflexes et l'habileté du joueur. elle se compose de plusieurs sous-catégories: réflexes (Tetris, etc.), plateforme (Super Mario, etc.), shooting (Doom, Quake Arcade, etc.), combat (Mortal Kombat, Tekken, Virtua Fighter, etc.) et sports (FIFA 98, Virtua Tennis, etc.);
- Simulation - cette catégorie regroupe les jeux de simulation de la réalité, même si certains paramètres peuvent être modifiés par le joueur. Selon Le Diberder (1998), c'est la catégorie la plus active de l'univers des jeux vidéo. Elle se subdivise en plusieurs sous-catégories: systèmes complexes (Civilisation, Sim City, Age of Empire, etc.), aviation (Fight Simulator, Fly!, etc.), conduite (Gran Turismo, Sega Rally, etc.) et guerre (Red Alert, etc.).
Les objectifs de cette recherche exploratoire se résument donc en 4 points:
- élaborer les bases d'une typologie des interfaces de jeux, sur la base de la littérature spécialisée et de l'obseravtion de jeux vidéo;
- créer une grille descriptive et évaluative des interfaces de jeux;
- utiliser la grille pour évaluer un jeu vidéo par catégorie générique ("Ultima On-Line" pour les jeux de stratégie; "Quake Arcade" pour les jeux d'actions; "Colin Mac Rae Rally" pour les jeux de simulation);
- déterminer les conditions d'un transfert de connaissances en GUI entre l'univers des jeux vidéo et et celui de l'Internet (spécialement pour les sites Web HTML).
2. METHODOLOGIE
2.1 TYPOLOGIE DES INTERFACES DE JEUX
Comme précisé dans la Problématique, afin de pouvoir faire une classification des différentes familles d'interfaces de jeux vidéo, nous nous sommes inspirés de l'article de Coomans et Timmermans (1997). Pour la suite, nous avons élargi le champ d'application de chaque famille afin d'y inclure le maximum de catégories qui ont pu être découvertes à la fois dans la littérature spécialisée et dans l'observation libre de plusieurs jeux vidéo (Baldur's Gate II, Age of Empire, Ultima On-Line, Colin Mac Rae Rally, Quake Arcade, Black and White):
- INTERACTION : cette fonctionnalité définit le cadre pour un échange quasi naturel des informations entre le joueur et la machine (Input/Output Devices). Ceci inclus donc l'ensemble des conditions et des actions constitutives de l'interactivité entre le joueur et la machine.
- Style - En référence à l'article de Coram et Lee, il existe plusieurs sous-catégories spécifiques au style d'interaction Homme-Machine dans une interface centrée "utilisateur" (GUI) :
- Formulaire (entrée de données);
- Menu déroulant (structuration de la navigation);
- Texte (type programmation);
- Interface d'exploration (interactivité).
- Navigation - Dans l'article de Johnson (1998), on découvre que le système de contrôle d'un jeu dépend en partie du mode navigation. Nous avons donc intuitivement élaboré plusieurs sous-catégories spécifiques associées à la navigation possible dans un jeu :
- Hypertexte (liens sensibles, type Full Motion Video), on distinguera le type d'"Input Devices" (clavier, souris et/ou mannette/joypad);
- Libre (type 3D multi-directionnel), on distinguera aussi le type d'"Input Devices" (clavier, souris et/ou mannette/joypad);
- Forme du curseur, il s'agit là de savoir si le curseur change d'apparence lorsqu'il passe sur une zone sensible.
- Exploration - Il s'agit là de définir le type d'exploration du jeu. On se pose la question de savoir comment le joueur agit sur son environnement et quelles sont les spécificités de l'interface qui lui permettent de le faire. Nous avons donc intuitivement élaboré 2 sous-catégories spécifiques associées à la navigation possible dans un jeu :
- OS (type système d'exploitation classique), on distinguera le type d'exploration (drag and drop, clic, commandes clavier, menu déroulant, fenêtres);
- Hypertexte (type liens sensibles).
- IA - Comme dans l'article de Howland (1998), l'intelligence artificielle intégrée au jeu est partagée en 2 sous-catégories :
- Interface, ce type d'IA permet à la machine de contrôler et de garder en mémoire les actions du joueur, dans l'optique de répondre à ses attentes ("easy to start, but hard to master");
- Jeu, ce type d'IA permet à la machine de contrôler la manière qu'ont les PNJ de jouer avec/contre le joueur.
- Courbe d'apprentissage - Dans les articles de Clarke-Willson (1998), d'Hopson (2001), de Adams (1998) et de Holmquist, on constate l'importance de l'apprentissage dans les environnements ludiques. Pour le joueur, il s'agit de comprendre quelle est l'information pertinente et comment on la trouve (souvent grâce à l'apprentissage de type "essai-erreur"). Le jeu peut être complexe, tant qu'on a l'impression d'avancer et de recevoir en retour. Pour cette catégorie, on désire donc évaluer la courbe d'apprentissage associée à l'acquisition des manipulations de base.
- Congruence - Dans les articles de Adams (1998), de Kremecek I et II (2000), de Holmquist et de Howland (1998), on aborde le thème de la crédibilité du jeu en général, aussi bien au niveau des actions du joueur que du scénario. Comme le souligne Kremecek, et pour donner plus de consistance au jeu, il est nécessaire d'envisager l'environnement ludique comme un reflet du monde réel, ayant les mêmes propriétés physiques ("Real life as a basic model"). On peut donc distinguer 2 types de congruence :
- Action/Réalité, même si la réalité du jeu n'est pas celle du monde réel, il est essentiel que les actions du joueur soit intuitives et naturelles (par exemple, dans un RPG de type "heroic fantasy", si il faut devoir jouer une partie de Mastermind avec un Dragon, plutôt que de se battre, pour avoir accès à un donjon. On peut dire que la cohérence est nulle);
- Scénario/Réalité, à nouveau il ne s'agit pas de proscrire le surréalisme mais il est difficile de le faire correctement (par exemple, dans un doom-like, si on tombe nez à nez avec un Clown plutôt que d'affronter un Boss futuriste, la cohérence du scénario est nulle également). Comme le rappelle du reste Adams (1998): "Surrealism is like prose poetry: easy to do, but extremely hard to do well.".
- Systèmes d'aide - Beaucoup de spécialistes (Adams, 1998; Clarke-Willson, 1998; Coomans et Timmermans, 1997; Kremecek, 2000; Mastrogiacomo, 1998) abordent cet aspect essentiel d'un jeu vidéo, et par extension de tout système informatisé. La plupart insiste donc sur l'importance d'une aide "just-in-time" et "on-the-spot". Le jeu doit posséder un système performant d'assistance, aussi bien à l'entrée du jeu (didacticiel) que pendant (cartes, menu d'aide, feedbacks, etc.). Intuitivement on peut distinguer 3 sous-catégories :
- Assistance, on distinguera ici le didacticiel d'entrée (permettant au joueur d'acquérir les bases du jeu), le menu d'aide (permettant de répertorier la liste des problèmes habituels rencontrés par les joueurs, ainsi que les solutions) et les cartes de navigation (permettant de s'orienter dans l'espace, grâce à une vision plus globale de l'environnement de jeu);
- Feedbacks (toujours en fonction des actions du joueur, lui permettant ainsi d'augmenter son sentiment de contrôle sur le jeu), on distinguera ici les feedbacks positifs (le joueur peut donc comprendre que ses actions vont dans le sens des objectifs fixés), négatifs (le joueur peut donc comprendre que ses actions ne vont pas dans le sens des objectifs fixés), formatifs (le joueur reçoit des feedbacks pratiques lui permettant d'augmenter la somme de ses connaissances sur le jeu) et en temps réel (le joueur reçoit les feedbacks sans aucune attente, au moment où il en a besoin et là où il en a besoin);
- Informations supplémentaires, il s'agit là de savoir si le joueur peut bénéficier d'informations supplémentaires lorsqu'il passe sur des zones sensibles (type bulles d'informations en Javascript), que ce soit pour des options de la page d'entrée du jeu ou pour des objets compris dans l'environnement de jeu.
- Contingences - Dans l'article de Hopson (2001), on découvre que le terme de contingence est utilisé pour désigner les actions de l'utilisateur qui poussent le système à le récompenser (augmentation des points d'expérience, bonus, vies supplémentaires, etc.). Comme le soulignent également Holmquist et Moore (2001) dans leurs articles, cette caractéristique des environnements ludiques est très importante pour la courbe d'apprentissage et la motivation globale du joueur. Finalement, Hopson distingue 3 types de contingence :
- Ratios, qui offrent une récompense après un certain nombre d'actions. On doit ensuite pouvoir distinguer le nombre d'actions nécessaires pour recevoir la récompense ("fixed" - la récompense tombe après le même nombre d'actions; "variable" - la récompense tombe après un nombre aléatoire d'actions);
- Intervalles, qui offrent une récompense après un certain laps de temps. On doit ensuite pouvoir distinguer le laps de temps nécessaire pour recevoir la récompense ("fixed" - la récompense tombe après un laps de temps fixe; "variable" - la récompense tombe après un laps de temps variable);
- Evitement, ce type de contingence n'offre pas de récompense visible, si ce n'est qu'elle oblige le joueur à faire certaines actions de manière ponctuelle. Sous peine d'être pénalisé (par exemple, dans Ultima On-Line, si l'on ne fréquente pas régulièrement l'habitation que l'on a pu construire, elle se détruit progressivement). On s'assure ainsi de maintenir le joueur à un niveau suffisant de motivation.
- Personnalisation - Dans les articles de Larsen (1999), de Moore (2001) et de Kremecek (2000), on réalise mieux la nécessité d'une personnalisation de l'interface, selon le niveau du joueur. Car on constate que les contraintes d'utilisation à l'entrée du jeu diffère énormément selon la catégorie de jeu: les contraintes sont très élevées pour des jeux de simulation ou les RPG (pour lesquels on acquiert un niveau expert qu'après des heures de pratique et beaucoup de frustration!), alors qu'elles sont faibles dans les jeux d'actions et d'aventures (par exemple, pour les doom-like, on a vite compris le but du jeu: bouger sans cesse pour sauver sa peau et mitrailler!). Larsen insiste donc sur le fait qu'il faut créer les jeux en pensant aux novices, afin que chaque joueur puisse évoluer dans le jeu de manière progressive et adaptée ("[...] well designed games only give in a little at a time.", Holmquist). Finalement, nous nous sommes limité à définir qu'une seule catégorie permettant de savoir si l'interface de jeu s'adapte au niveau d'expertise du joueur.
- Style - En référence à l'article de Coram et Lee, il existe plusieurs sous-catégories spécifiques au style d'interaction Homme-Machine dans une interface centrée "utilisateur" (GUI) :
- IMMERSION : cette fonctionnalité définit l'ensemble du dispositif technique (Output Devices sous forme de stimulations sensorielles), psychologique (sentiment de présence) et social (possibilité de jouer à plusieurs ou non) permettant au joueur de se sentir immergé et engagé dans un environnement virtuel. Nous avons également ajouter une catégorie traitant de la forme du scénario, pensant que ce dernier pouvait avoir une forte influence sur l'impression d'immersion dans le jeu.
- Sentiment de présence - Dans le travail de mémoire de Shubber (1998), on comprend mieux l'importance du sentiment de présence vécu par le joueur dans un environnement virtuel. Quelque soit le dispositif technique, ce sont les composantes psychologique et affective dont on parle ici. De manière globale, est-ce qu'on a l'impression d'y être ou pas?
- Sensoriel - Shubber (1998) précise qu'il existe une composante technique à la fonction d'immersion de l'environnement virtuel. Elle concerne les stimulations sensorielles transmises de la machine vers le joueur. Nous nous sommes contenté de définir 2 sous-catégories (en laissant volontairement de côté la sous-catégorie tactilo-kinesthésique, puisque cette technologie n'est pas encore vraiment intégrée aux jeux actuels) :
- Visuel, comme le fait Clarke-Willson (1998) dans son article, on distinguera 2 types de vision de l'environnement de jeu: 1st POV (first Point of View - qui signifie que l'on voit comme si on était à la place du personnage principal) ou 3rd POV (third Point of View - qui signifie que l'on voit le personnage/voiture/avion depuis le haut, avec un certain recul);
- Auditif, d'après Shubber (1998), Kremecek (2000), Mastrogiacomo (1998) et Howland (1998), le son participe énormément à l'immersion dans un environnement virtuel. Il pourrait être même plus important encore que l'aspect visuel, car on collecte beaucoup d'informations auditives en stéréophonie pour se situer dans l'espace. En observant les jeux, on a pu distinguer 3 types d'informations auditives: narration (souvent en voix-off pour représenter le guide dans le didacticiel d'entrée ou encore le co-pilote dans une course de rallye), musique (elle est présente dans tous les jeux et elle permet d'habiller l'atmosphère selon la phase du jeu) et environnement (ce sont en général les bruits que l'on perçoit et qui permettent de donner du sens à son environnement direct: animaux, bruits de pas des PNJ, combat, crissement de pneus, etc.).
- Social - Ce sont Larsen (1999) et Moore (2001) qui insistent sur l'aspect social du jeu. Nous nous sommes contenté de vérifier si il était possible de jouer à plusieurs dans le même environnement de jeu. Sachant qu'il existe également une grande communauté de joueurs en dehors de la limite stricte du jeu (sites Web, forum, chat, etc.) et des services après-vente offerts par les créateurs du jeu (site Web officiel, hotline, etc.). Nous n'avons donc défini que 3 sous-catégories liées à l'environnement de jeu :
- Single-player, le joueur est le seul personnage humain du jeu;
- Multi-player, cette option permet de connecter plusieurs joueurs humains à distance dans la même partie (le nombre de joueur est toutefois limité, il n'excède en général pas 6-10 joueurs). Chaque joueur étant représenté par son avatar;
- Massive multi-player, cette option s'applique souvent à des mondes permanents comme Ultima On-Line. Le nombre de joueur étant presque illimité, on peut rencontrer des joueurs humains différents à chaque fois que l'on se connecte au jeu. Chaque joueur étant représenté par son avatar.
- Scénario - Adams (1998) et Howland (1998) abordent ce sujet de manière intéressante. Le premier des 2 insiste sur la nécessité d'un scénario cohérent et congruent avec la réalité. L'autre nous précise qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait un scénario pour que le jeu soit bon (exemple les Doom-like), tant que l'on puisse s'identifier au personnage principal d'une manière ou d'une autre. L'idée n'est donc pas de juger le jeu sur la qualité de son scénario, mais plutôt de savoir si il en existe un ou pas. Nous nous sommes donc contenté de définir 2 sous-catégories :
- Complet, le scénario est complet si il se base sur un objectif défini dès le début du jeu (sauver le monde, retrouver l'assassin de votre famille, délivrer la princesse, etc.);
- Episodes, le scénario n'existe pas vraiment puisqu'on pourrait se limiter à le décrire comme un épisode ou une suite d'épisodes, qui ne sont l iés à aucune trame particulière.
- SIMULATION : cette fonctionnalité définit le niveau de réalisme du jeu. Commans et Timmermans (1997) nous rappelle la composante technique de la simulation d'un phénomène réel, à travers la programmation d'algorithmes mathématiques. Il s'agit donc de créer un environnement virtuel, selon les lois de la physique (son, lumière, gravitation, feedbacks sensoriels, etc.). Nous nous sommes donc limité à définir intuitivement qu'une seule catégorie.
- Congruence - On se limitera ici à évaluer la qualité de l'implémentation, d'un point de vue essentiellement graphique. Pour le faire, on pourra comparer le degré de congruence entre le design de l'environnement virtuel avec la réalité.
- VISUALISATION : cette fonctionnalité définit l'ensemble des facteurs permettant de représenter l'information de manière accessible et compréhensible. Il s'agit donc de faire un bilan sur les différents modes de perception et de présentation des données fournies par l'environnement virtuel.
- Présentation de l'information - De manière globale, on désire définir le type de présentation des données (Output), avant d'évaluer le mode d'organisation de l'information par rapport à l'espace disponible sur l'interface. Nous avons donc intuitivement élaboré 2 sous-catégories :
- Type, on distinguera une présentation de l'information sous les différentes formes suivantes: Texte, OS (Drag and Drop, clic, commandes clavier, menu déroulant et fenêtres), MUDs et/ou Icones (symboles statiques et/ou animés);
- Organisation, on se contentera ici d'évaluer l'organisation globale de l'information, spécialement en rapport avec l'espace disponible sur l'interface de jeu. On pourrait se poser la question de savoir si l'information est organisée de telle sorte qu'une bonne interprétation soit possible.
- Perception de l'information - C'est l'ensemble des caractéristiques visuelles permettant au joueur de percevoir l'environnmement virtuel, à la fois selon le système cartésien des axes XYZ et selon les bases de la vision binoculaire (Mastrogiacomo, 1998). Intuitivement, nous nous sommes également permis d'y ajouter la notion de "charge cognitive", en pensant que cette catégorie nous permettrait d'avoir une meilleure évaluation de la qualité de perception de l'information :
- Niveau, on distinguera ici les 3 types de perception d'un objet selon les axes XYZ (2D, 2D1/2 ou 3D);
- Effet de transparence, cette catégorie concerne essentiellement les boîtes de dialogue et les fenêtres d'informations supplémentaires. Cette caractéristique perceptive participe à la réduction de la charge cognitive par effet de regroupement. De plus, la surface de perception est augmentée, alors que la navigation devient plus intuitive et organisée;
- Relation Objet/Background, on peut définir la place d'un objet quel qu'il soit par rapport à son contexte. Le contexte pouvant informer le joueur sur le statut interne de l'objet, on peut distinguer 3 types de relation entre un objet et le contexte: Objet=Background (le contexte est ici considéré comme un attribut de l'objet. Le contexte dépend donc des changements de statut de l'objet - exemple: l'environnement des Doom-like), Objet>Background (l'objet est ici considéré en tant qu'attribut du contexte. L'objet fait partie du contexte, mais il est mis en valeur - exemple: les choix d'une voiture dans un jeu de conduite) et Objet=/=Background (l'objet et le contexte sont ici considérés en tant qu'éléments indépendants - exemple: le rétroviseur comme fenêtre active et indépendante dans un jeu de conduite);
- Profondeur, cette catégorie concerne les critères de la vision binoculaire permettant de percevoir le monde en profondeur (taille relative, occlusion, ombre portée, orientation, élévation, gradients de texture, perspective atmosphérique, couleur et perspective linéaire). L'idée est donc de savoir si la perception de l'environnement de jeu respecte ces différents critères;
- Design, on peut ici évaluer l'ensemble de la charte graphique, à la fois sur un plan esthétique et affectif. Le design demeure en effet l'une des grandes propriétés de l'impression d'immersion. On jugera également la simplicité de la touche artistique;
- Charge cognitive, en référence à l'article de Clarke-Willson (1998), on pourra évaluer la "charge cognitive" de l'information visible sur l'interface. L'ensemble des chunks (blocs) d'information ne devra pas dépasser 7.
- Présentation de l'information - De manière globale, on désire définir le type de présentation des données (Output), avant d'évaluer le mode d'organisation de l'information par rapport à l'espace disponible sur l'interface. Nous avons donc intuitivement élaboré 2 sous-catégories :
2.2 ELABORATION D'UNE GRILLE DESCRIPTIVE ET EVALUATIVE + outils